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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/12824/2019

ACPR/745/2023 du 27.09.2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : RETARD INJUSTIFIÉ
Normes : CPP.396.al2; CST.29.al1; CPP.5

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/12824/2019 ACPR/745/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 27 septembre 2023

 

Entre

A______, représentée par Me B______, avocat,

recourante,

pour déni de justice et retard injustifié,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 1er juin 2023, A______ recourt pour déni de justice et violation du principe de la célérité, qu’elle reproche au Ministère public.

Elle conclut, sous suite de frais, au constat desdits déni et violation, le Procureur devant être invité, d’une part, à statuer sur les requêtes énumérées dans son acte et, d’autre part, à mener l’instruction "sans autre atermoiement".

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. Le ______ 2017, A______ a donné naissance, hors mariage, à une fille, E______.

a.b. Le 31 janvier 2019, C______, père de l’enfant, et A______ se sont présentés au Service de l’état civil de la Ville de Genève.

Le prénommé était accompagné de son épouse, D______. Cette dernière s’est chargée de traduire, en anglais, à l’intention de A______, plusieurs documents officiels, rédigés en français.

Quatre formulaires ont été remis audit Service, qui les a enregistrés : une déclaration en reconnaissance de paternité (signée par C______); une "déclaration concernant le [changement de] nom" de E______ [patronyme de A______] en E______ [patronyme de C______] (signée par le prénommé ainsi que A______); une "déclaration concernant l’autorité parentale conjointe" (signée par les père et mère du nouveau-né); "une convention sur l’attribution de la bonification pour tâches éducatives" (signée par ces derniers).

a.c. À cette même date, une "convention relative à la garde et à l’entretien financier de E______ (…)" a été établie.

Ce document, signé par C______, comporte une signature qui s’apparente à celle de A______.

b. Le 28 novembre 2019, cette dernière a porté plainte pénale contre :

·         C______, aux motifs qu’il : l’avait violée en 2017 – agissement ensuite duquel elle avait été enceinte de E______ –; l’avait menacée; l’avait amenée, le 31 janvier 2019, par le biais de fausses traductions effectuées par son épouse, à signer trois formulaires auprès du Service de l’état civil [soit ceux susmentionnés, à l’exception de la reconnaissance de paternité], documents dont elle n’avait jamais approuvé la teneur, et avait imité sa signature sur la convention du 31 janvier 2019;

·         D______, celle-ci l’ayant trompée de la manière sus-décrite;

·         des personnes inconnues d'elle, liées à C______, lesquelles l’avaient contrainte à se prostituer.

c. Entre le dépôt de cette plainte et l’été 2022, le Ministère public a accompli les actes d’instruction suivants, parfois après y avoir été invité par A______ et C______ : transmission du dossier à la police pour complément d’enquête (22 juin 2020); désignation d’un conseil juridique gratuit à la partie plaignante (9 décembre 2020); audition de cette dernière et envoi d’un courrier à une autorité judiciaire (18 mars 2021); prononcé de deux décisions, l’une de non-entrée en matière partielle, rendue en faveur des personnes liées à C______, et l’autre ordonnant la défense d’office du prévenu (8 juin 2021); ouverture d’une instruction contre C______ des chefs de viol, menaces et faux dans les certificats (pour avoir imité la signature de A______ sur la convention du 31 janvier 2019), puis audition du prévenu (22 septembre 2021); rédaction de courriers à l’intention d’autorités administrative (23 septembre 2021) et judiciaire (1er février 2022); audition de divers témoins, les 23 mars et 9 juin 2022.

d.a. Les 19 novembre 2021, 29 août et 15 novembre 2022, A______ a requis du Procureur qu’il entende d’autres personnes (F______ ainsi que deux témoins auditionnés par la police, G______ et H______), qu’il fasse expertiser la signature apposée sur la convention du 31 janvier 2019 et qu’il mette en prévention C______ ainsi que D______ du chef de faux dans les titres/certificats, pour l’avoir incitée à signer les trois formulaires litigieux.

Elle priait, en outre, ce magistrat d’"accélérer le rythme de l’instruction".

d.b.a. Par pli du 5 décembre 2022, le Ministère public a informé la plaignante qu’il convoquerait prochainement F______. En revanche, il n’entendait, "à ce stade", ni auditionner G______ et H______, ni notifier de (nouvelles) charges à C______ et D______.

d.b.b. Le même jour, il a envoyé aux parties, pour détermination, un projet d’ordonnance et mandat d’expertise en écritures.

Les intéressés se sont prononcés sur celui-ci.

d.c.a. Les 13 mars et 18 avril 2023, A______ demandait au Ministère public de lui communiquer le résultat de l’expertise, si toutefois il l’avait mise en œuvre, de convoquer à brève échéance F______, G______ ainsi que H______ et de rendre une décision formelle de refus d’étendre l’instruction aux charges/personnes désignées dans ses précédentes missives. Un délai au 3 mai suivant lui était imparti pour ce faire.

d.c.b. Le 1er mai 2023, le Procureur ayant repris la Direction de la procédure a informé A______ qu’il traiterait prochainement ses demandes.

C. a. À l'appui de ses recours et réplique, la prénommée reproche au Ministère public un déni de justice, faute, pour cette autorité, d’avoir statué sur ses requêtes, formulées en dernier lieu le 18 avril 2023.

Le Procureur avait, depuis le dépôt de sa plainte, instruit la cause "avec une retenue et une lenteur déconcertantes". En effet, seules quatre audiences avaient été appointées en l’espace de trois ans et demi; la procédure avait, par ailleurs, subi de nombreux temps morts. Une telle inaction, qui violait "crassement" le principe de la célérité, était d’autant plus choquante que les infractions dénoncées étaient graves.

b. Invité à se déterminer, le Ministère public conclut au rejet du recours.

Les actes sollicités par la plaignante avaient, soit été exécutés (lui-même ayant, après le dépôt du recours, ordonné la mise en œuvre de l’expertise litigieuse, transmis le résultat de celle-ci aux parties ainsi que convoqué deux audiences, les 5 juillet et 31 août 2023, tendant à, respectivement, entendre F______ et confronter les parties [affirmations documentées]), soit fait l’objet, via la missive du 5 décembre 2022, d’une décision de refus.

La durée de l’enquête n’atteignait nullement le "seuil requis" pour admettre une violation de l’art. 5 CPP.

EN DROIT :

1. Le recours, formé pour déni de justice et retard injustifié à statuer, soit des griefs invocables en tout temps (art. 396 al. 2 CPP), a été déposé selon la forme prescrite (art. 393 et 396 al. 1 CPP), par la plaignante, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP) qui dispose d’un intérêt juridiquement protégé à ce qu’il soit statué sur ses requêtes, et ce dans un délai raisonnable (art. 382 CPP).

Certains des griefs qui y sont soulevés sont toutefois devenus sans objet, le Ministère public ayant, postérieurement au dépôt du recours, ordonné l’expertise litigieuse, puis communiqué son résultat aux parties, et convoqué l'un des témoins (ATF
142 I 135 consid. 1.3.1; ACPR/579/2022 du 23 août 2022, consid. 1.1; Y. JEANNERE/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 16 ad art. 396).

2. La recourante impute au Procureur un déni de justice.

2.1.1. Un tel déni, prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst féd., doit être admis lorsque l’autorité refuse d'accomplir un acte de procédure (Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 14 ad art. 396) ou de statuer, respectivement ne le fait que partiellement (ATF 144 II 184 consid 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1B_4/2023 du 27 février 2023 consid. 2.1).

2.1.2. Conformément à l'art. 311 al. 2 CPP, le ministère public peut étendre l'instruction à d'autres prévenus/infractions, l'art. 309 al. 3 CPP étant alors applicable. La partie plaignante est fondée à requérir une telle extension (cf. art. 109 al. 1 CPP); quand sa demande peut être assimilée à une plainte (art. 303 et 304 CPP), il appartient au procureur de rendre une ordonnance formelle, en procédant, mutatis mutandis, conformément à l’art. 309 ou 310 CPP; si ce magistrat refuse l’extension, sa décision s'apparente à une non-entrée en matière (arrêt du Tribunal fédéral 6B_666/2021 du 13 janvier 2023 consid. 2.1).

2.2.1. En l’espèce, le Ministère public a refusé, par missive du 5 décembre 2022, de donner suite à la requête de la recourante tendant à entendre G______ et H______.

La plaignante a donc reçu une réponse. Qu’elle n’y souscrive point (puisqu’elle persiste dans cette requête) n’est pas pertinent sous l’angle du déni de justice.

2.2.2. Le Ministère public a informé la recourante, dans cette même missive, qu’il refusait d’étendre l’instruction dirigée contre le prévenu à d’autres charges, respectivement à l’épouse de ce dernier.

Ce faisant, il a rendu une décision équivalant à une non-entrée en matière; qu'elle soit très sommairement motivée (cf. la mention "à ce stade") – grief qui peut être soulevé à l'occasion d'un recours – n'y change rien.

La demande de la plaignante de se voir notifier une telle décision (cf. lettre B.d.c.a) a donc bien été traitée.

Ces considérations scellent le sort du grief.

3. La recourante dénonce une violation du principe de la célérité.

3.1. Les art. 29 al. 1 Cst féd. et 5 CPP garantissent à toute personne le droit à ce que sa cause soit traitée dans un délai raisonnable. Le procureur viole cette garantie lorsqu'il ne rend pas une décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou celui que la nature de l'affaire et les circonstances font apparaître comme approprié. L’on ne saurait reprocher à ce magistrat quelques temps morts, qui sont inévitables dans une procédure; lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut (arrêt du Tribunal fédéral 6B_314/2023 du 10 juillet 2023 consid. 6.1).

Selon la jurisprudence, apparaissent comme des carences choquantes une inactivité de treize ou quatorze mois au stade de l'instruction, un délai de quatre ans pour qu'il soit statué sur un recours contre l'acte d'accusation ou encore un délai de dix ou onze mois pour que le dossier soit transmis à l'autorité de recours (ibidem).

3.2. In casu, entre le 28 novembre 2019 (jour du dépôt de la plainte) et le 1er juin 2023 (date de la saisine de la Chambre de céans), le Ministère public a accompli plusieurs actes d’instruction, énumérés aux lettres B.c et B.d.b.b ci-dessus. Bien qu’il les ait parfois ordonnés sur invite des parties, il est néanmoins resté actif.

Aucun des intervalles (oscillant entre trois et sept mois) séparant chacun desdits actes n’emporte, en lui-même, une violation du principe de la célérité, faute d'être d'une durée choquante.

La durée globale de l’enquête, initiée en 2019, ne dépasse pas (encore) les limites admissibles. Cela étant, le Procureur, qui a récemment intensifié son activité, continuera à faire diligence, de façon à agir sans retard dans la cause.

Partant, le grief est infondé.

4. À l’aune de ce qui précède, le recours doit être rejeté.

5. 5.1. La plaignante succombe (art. 428 al. 1 CPP). Elle sera toutefois exonérée des frais de la procédure, l'assistance judiciaire lui ayant été accordée (art. 136 al. 2 let. b CPP).

5.2. Il n'y a pas lieu d'indemniser, à ce stade (art. 135 al. 2 CPP cum art. 138 al. 2 CPP), son conseil juridique gratuit, qui ne l’a, du reste, pas demandé.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours, dans la mesure où il conserve encore un objet.

Laisse les frais de la procédure à la charge de l’État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Oriana BRICENO LOPEZ, greffière.

 

La greffière :

Oriana BRICENO LOPEZ

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).