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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/13087/2023

ACPR/746/2023 du 27.09.2023 sur OTMC/2667/2023 ( TMC ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : RISQUE DE FUITE
Normes : CPP.221

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/13087/2023 ACPR/746/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 27 septembre 2023

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me C______, avocat,

recourant

contre l'ordonnance de mise en détention pour des motifs de sûreté rendue le 8 septembre 2023 par le Tribunal des mesures de contrainte

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés

 


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 13 septembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 8 précédent, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a ordonné sa mise en détention pour des motifs de sûreté jusqu'au 4 décembre 2023.

Le recourant conclut à l'annulation de cette décision et à sa mise en liberté immédiate, le cas échéant sous les mesures de substitution qu’il a proposées au TMC.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, ressortissant suisse né en 2002, en détention depuis le 27 juillet 2023, a été traduit par-devant le Tribunal de police, par acte d'accusation du 5 septembre 2023, pour avoir, à Genève, entre octobre 2022 et juin 2023, commis des escroqueries répétées, le cas échéant de concert avec une cousine arrivée clandestinement en Suisse en octobre 2021, en commandant frauduleusement – et à quarante reprises – des marchandises sur un site de commerce en ligne, usant de fausses identités et/ou de fausses adresses, et sans avoir l’intention d’acquitter le prix d’achat. Le préjudice se monterait à quelque CHF 18'000.-.

b. A______ admet partiellement les faits, que le Ministère public qualifie principalement d’escroqueries par métier. La comparse fait de lui l’initiateur des infractions mises à sa charge (à elle) ; il l’a traitée de menteuse.

L'audience de jugement est fixée au 4 octobre 2023.

Dans ses réquisitions écrites, le Ministère public demande une peine privative de liberté ferme d’une durée de huit mois, sans révocation du sursis accordé en 2020 (pour, notamment, vol et tentative de vol en concours réel).

c. Sans emploi, A______ vivait avec ses parents, à Genève. Pendant son appréhension policière, il a annoncé être sur le point de partir en vacances en Tunisie pour un mois « environ, cela dépend de si ça me plaît ou pas, je pourrais rester (…) peut-être deux mois ou plus ». Entendu le lendemain par le Ministère public en présence de son défenseur, il a confirmé l’intégralité de ses déclarations antérieures.

C.            Dans l'ordonnance querellée, le TMC s’est prévalu de la déposition précitée pour retenir un risque de fuite, concurremment aux risques de réitération (les infractions poursuivies ayant été commises pendant le délai d’épreuve du sursis) et de collusion (avec la cousine). Aucune mesure de substitution ne pallierait ces risques. Une prolongation d’une durée de trois mois restait proportionnée.

D.           a. À l'appui de son recours, A______ se plaint que le premier juge ne se soit pas prononcé sur son droit « manifeste » à un [nouveau] sursis. L’ordonnance attaquée ne faisait que reprendre verbatim la demande du Ministère public. Par ailleurs, ses déclarations à la police sur ses vacances en Tunisie étaient inexploitables, pour avoir été faites sans l’assistance, pourtant obligatoire, d’un avocat. Comme il n’encourait aucune peine de liberté ferme, sa libération immédiate s’imposait. Le cas échéant, il s’astreindrait aux mesures de substitution qu’il avait suggérées en première instance (ne pas contacter la co-accusée ; déposer ses pièces d’identité ; se présenter « régulièrement » à la police).

b. Le Ministère public objecte que le recourant avait parlé de ses vacances alors qu’il ne se trouvait pas encore en situation de défense obligatoire. Le TMC n’avait pas ignoré les moyens soulevés par le recourant dans sa prise de position écrite. Un maintien en détention « jusqu’au jugement » était justifié.

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance, sans formuler d'observations.

d. A______ a répliqué au Ministère public, maintenant ses conclusions.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant voit une violation de son droit d'être entendu dans le fait que le TMC n’aurait pas discuté tous ses arguments, notamment sur la perspective d’un sursis. Sa critique est sans portée. Il a pu s'exprimer sur cette question sans limitation dans ses écritures de recours. Comme, en outre, l’annulation d’une décision de première instance ne se conçoit pas pour en améliorer la motivation, il y a lieu d’entrer en matière sur les autres griefs soulevés, sans au préalable retenir ni constater de violation du droit d’être entendu. Au demeurant, le recourant exhorte la Chambre de céans – qui jouit d’un plein pouvoir d’examen (art. 393 al. 2 CPP), comme il le relève – à prononcer elle-même sa libération, sans renvoi au premier juge, alors qu’une violation du droit d’être entendu, si elle était retenue et considérée comme non réparable en instance de recours, provoquerait le renvoi de la cause au premier juge et, ainsi, un prolongement de la procédure qui ne servirait pas sa cause, sous l’angle du principe de célérité.

3.             Le recourant ne consacre pas une ligne aux charges énoncées dans l’acte d’accusation. Il n’y a pas à s’y attarder (art. 385 al. 1 let. a CPP).

4.             Le recourant estime qu’on ne pourrait valablement lui opposer ni risque de fuite, ni risque de réitération, ni risque de collusion.

4.1.       Conformément à l'art. 221 al. 1 let. a CPP, la détention provisoire peut être ordonnée s'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite. Le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'État qui le poursuit, ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître un tel risque non seulement possible, mais également probable. Le fait que le risque de fuite puisse se réaliser dans un pays qui pourrait donner suite à une requête d'extradition de la Suisse n'est pas déterminant pour nier le risque de fuite. La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (arrêt du Tribunal fédéral 1B_291/2023 du 13 juin 2023 consid. 5.1. et les réf.). Le juge de la détention n'a pas à se préoccuper du caractère exploitable d'une preuve (ATF 143 IV 330 consid. 2.1; A. KUHN / Y. JEANNERET / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 7 ad art. 221 et les références). Il faut, mais il suffit, qu’existent des raisons plausibles de soupçonner le prévenu d’avoir commis l’infraction reprochée et que l’utilisation des preuves recueillies à ce sujet n’apparaisse pas d’emblée exclue (cf., en matière de détention provisoire suite à une investigation secrète, les arrêts du Tribunal fédéral 1B_263/2010 du 31 août 2010 consid. 3.3 in fine, et 1B_123/2008 du 2 juin 2008 consid. 2.4).

4.2.       En l’occurrence, le recourant a soulevé le grief d’inexploitabilité de sa déclaration à la police du 24 juillet 2023 comme dernier argument à l’appui d’une violation de son droit d’être entendu – et sans autre développement –.

On relèvera que le passage prétendument inexploitable de ladite déclaration (pièce PP C-154) ne porte pas sur l’existence de charges suffisantes, mais sur l’imminence de vacances en Tunisie, soit sur un élément susceptible de fonder un risque de non-représentation au procès, ce qui est différent.

En outre, interrogé en présence de son avocat le 15 août 2023, le recourant a confirmé intégralement ses précédentes déclarations, sans souhaiter les modifier ni émettre aucune réserve sur les conditions dans lesquelles elles ont été recueillies (pièce PP C-168), étant rappelé que la défense obligatoire ne s’applique pas au stade considéré (ACPR/587/2023 du 27 juillet 2023 consid. 5.3. avec référence à l’arrêt du Tribunal fédéral 1B_464/2022 du 10 novembre 2022 consid. 1.3.2.). Partant, il n’y avait aucune raison pour le juge de la détention de ne pas retenir à charge du recourant son projet de quitter la Suisse pour une durée indéterminée, mais non inférieure à un mois. L’imminence même de ce projet à la date du 24 juillet 2023 montre, à l’évidence, que le nécessaire pour entreprendre pareil voyage avait été fait.

Or, ce jour-là, le recourant ne connaissait pas encore l’étendue définitive des soupçons retenus contre lui, alors que, à quelques jours désormais de l’ouverture de son procès, où pèse sur lui l’accusation d’escroquerie par métier, la tentation de s’éloigner durablement en Tunisie – et de ne pas affronter ses juges – pourrait reprendre de la consistance.

Aussi le risque de fuite doit-il être retenu.

4.3.       De jurisprudence constante, si l'un des motifs prévus aux lettres a à c de l'art. 221 al. 1 CPP est réalisé, il n'y a pas lieu d'examiner si un autre risque entre également en considération (arrêts du Tribunal fédéral 1B_34/2023 du 13 février 2023 consid. 3.3. ; 1B_51/2021 du 31 mars 2021 consid. 3.1.).

5.             Se fondant sur sa conviction qu’un sursis lui sera accordé, le 4 octobre prochain, le recourant estime devoir être libéré, quoi qu’il en soit du risque précédemment retenu.

5.1.       Afin cependant d'éviter d'empiéter sur les compétences du juge du fond, le juge de la détention ne tient en principe pas compte de l'éventuel octroi, par l'autorité de jugement, d'un sursis, d'un sursis partiel et/ou d'une possible libération conditionnelle (ATF 145 IV 179 consid. 3.4) ; pour éventuellement entrer en considération sur cette dernière hypothèse, son octroi doit être d'emblée évident. En outre, pour examiner si la durée de la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté s'approche de la peine à laquelle il faut s'attendre en cas de condamnation et ainsi respecter le principe de proportionnalité, il appartient au juge de la détention de tenir compte de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 1B_233/2023 du 5 juin 2023 consid. 4.1.).

5.2.       En l’occurrence, comme le fait remarquer le Ministère public, l’antécédent inscrit au casier judiciaire du recourant est, au moins partiellement, spécifique aux faits dont celui-ci devra répondre prochainement. Le vol comme l’escroquerie sont des infractions contre le patrimoine. En cas de verdict de culpabilité, le recourant s’expose au reproche supplémentaire (art. 46 al. 1 CP) d’avoir agi pendant le délai d’épreuve de la condamnation prononcée en 2020. Que la peine annoncée par le Ministère public dans l’acte d’accusation soit à la fois inférieure (en ce sens que la révocation du sursis n’est pas réclamée) et elle-même compatible avec un nouveau sursis (cf. art. 42 al. 1 CP) ne liera pas le Tribunal de police.

Compte tenu de son pouvoir d’examen limité, la Chambre de céans n’ira pas au-delà de la constatation qu’un (nouveau) sursis n’apparaît pas manifestement acquis au recourant.

6.             Le recourant renvoie sans plus ample argumentation aux mesures de substitution qu’il a proposées dans ses observations écrites à l’attention du premier juge. Or, en présence d’un risque de fuite accru par la proximité du jugement, déposer ses pièces d’identité ne suffirait pas empêcher un passage de la frontière, et se présenter ponctuellement à la police reviendrait à constater une fuite lorsqu’elle aurait eu lieu.

7.             En revanche, la date de l'audience de jugement étant désormais connue, et imminente, il n'y a pas lieu (art. 212 al. 3 CPP) de prolonger la détention du recourant au-delà des quelques jours qui pourraient, éventuellement, être nécessaires à une demande de prolongation, si la procédure devait connaître un retard imprévu (arrêt du Tribunal fédéral 1B_405/2013 du 3 décembre 2013 consid. 3.3 ; ACPR/941/2020 du 30 décembre 2020 consid. 6). Le recours doit, dès lors, être admis sur ce point, même s’il ne comporte aucune conclusion dans ce sens (art. 391 al. 1 let. b CPP).

L'ordonnance querellée sera annulée et l'échéance de la détention pour des motifs de sûreté, ramenée au 6 octobre 2023.

8.             Le recourant, qui n'obtient pas gain de cause, dès lors qu’il conclut à sa libération, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

9.             Le recourant bénéficie d'une défense d'office, dont il n’a pas demandé l’extension pour l’instance de recours. Ce nonobstant, on peut admettre qu'un (unique) recours aux frais de l'État, même mal fondé, lui donne droit à cette mesure. Son défenseur sera, toutefois, indemnisé à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Admet partiellement le recours, annule l'ordonnance querellée et fixe au 6 octobre 2023 l’échéance de la détention pour motifs de sûreté de A______.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Oriana BRICENO LOPEZ, greffière.

 

La greffière :

Oriana BRICENO LOPEZ

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/13087/2023

ÉTAT DE FRAIS

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00