Skip to main content

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/6973/2023

ACPR/702/2023 du 12.09.2023 sur OMP/7415/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : SÉQUESTRE(MESURE PROVISIONNELLE);SOUPÇON
Normes : CPP.197; CPP.263

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/6973/2023 ACPR/702/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 12 septembre 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, Belgique, représenté par Me Robert ASSAEL, avocat, Mentha Avocats, rue de l'Athénée 4, case postale 330, 1211 Genève 12,

recourant,

contre les ordonnances de séquestre et ordres de dépôt rendues le 20 avril 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par six ordonnances rendues simultanément le 20 avril 2023, notifiées le 16 mai suivant, le Ministère public a ordonné:

- le séquestre des avoirs en compte, placements et safes compris; des documents d'ouverture usuels; des relevés de compte et du dossier titres et d'un état des avoirs, pour toute relation dont A______ est ou aurait été titulaire, ayant droit ou fondé de procuration auprès des banques B______ SA et/ou B______ SWITZERLAND AG (ordonnance 1), C______ AG et/ou C______ (SUISSE) SA (ordonnance 2); D______ (ordonnance 3), E______ (ordonnance 4);

- le dépôt des documents d'ouverture usuels, des relevés de compte et du dossier titres et d'un état des avoirs dont A______ est ou aurait été titulaire, ayant droit ou fondé de procuration auprès de F______ GmbH (ordonnance 5); et

- le séquestre des avoirs en compte, placements et safes compris; des documents d'ouverture usuels; des relevés de compte et du dossier titres et d'un état des avoirs, pour toute relation dont la société G______ AG, EN LIQUIDATION, précédemment animée par A______, est ou aurait été titulaire, ayant droit ou fondé de procuration auprès de la banque C______ AG et/ou C______ (SUISSE) SA (ordonnance 6).

b. Par acte expédié le 26 mai 2023, A______ recourt contre ces ordonnances "de séquestre et ordre de dépôt [le] visant" et conclut, sous suite de frais et dépens, préalablement, à pouvoir compléter son acte et, principalement, à leur annulation.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 29 mars 2023, H______ a déposé plainte contre A______ pour abus de confiance et escroquerie.

En substance, usant de sa renommée et d'un lien d'amitié tissé sur plusieurs années, A______ l'avait convaincu d'effectuer, entre 2013 et 2017, divers versements en sa faveur, sous le prétexte d'investissements communs. Ces versements, qui s'élevaient à un montant de l'ordre de CHF 10 millions, avaient été opérés sur des comptes ouverts notamment auprès de B______ SA, C______ AG, E______, D______ et F______ AG, au nom de A______ ou de G______ SA, dont le précité était l'ayant droit économique. Au bout du compte, A______ s'était approprié les montants transférés, sans les investir comme initialement convenu. Enfin, il avait signé, le 12 juin 2020, un acte notarié par lequel il déclarait n'être ni créancier, ni débiteur, de quelque montant que ce soit, dans le cadre des investissements réalisés avec A______, alors que tel n'était pas le cas. Ce dernier l'avait convaincu que ce document servait uniquement à démontrer son indigence [à A______] face à son ex-épouse en cas de procédure judiciaire.

b. Le 20 avril 2023, le Ministère public a adressé les ordonnances de séquestre aux établissements concernés.

c. À la demande de A______, le Ministère public lui a adressé, le 12 mai 2023, un tirage desdites ordonnances.

d. Le 19 mai 2023, A______ a souligné l'absence de motivation des ordonnances concernées, rendant "tout recours difficile à rédiger". Les séquestres devaient, en outre, être levés, en raison d'un accord pour solde de tout compte signé avec H______ le 12 juin 2020.

e. Le 31 mai 2023, le Ministère public a transmis la motivation des ordonnances entretemps déférées par A______ à la Chambre de céans.

H______, qui avait produit la preuve d'une partie des versements litigieux, reprochait à A______ de l'avoir frauduleusement amené à signer l'acte notarié du 12 juin 2020. La documentation bancaire sollicitée allait ainsi permettre de déterminer l'utilisation faite des fonds versés par H______.

C. a. Dans son recours, A______ se plaint d'une violation de son droit d'être entendu, les ordonnances querellées n'étant pas motivées, et d'une violation de l'art. 263 CP, eu égard à l'accord pour solde de tout compte signé avec H______.

b. Dans ses observations, le Ministère public conteste toute atteinte au droit d'être entendu de A______.

c. Dans sa réplique, A______ retire son grief d'une violation du droit d'être entendu, ayant reçu la motivation des ordonnances querellées. En revanche, le Ministère public avait enfreint l'art. 263 CP. À teneur des explications et des pièces contenues dans la plainte de H______, les versements litigieux se chiffraient au total à CHF 7'849'598.10 alors que l'intéressé exagérait les faits en parlant d'investissements aux alentours de CHF 10 millions. H______ ne démontrait pas que les virements effectués proviendraient de sociétés lui appartenant. Avec le précité, ils avaient établi des décomptes visant à clarifier leurs affaires personnelles et privées. Selon ceux relatifs aux années 2018 et 2019, joints à la réplique, H______ lui était débiteur de plus de cent-mille francs suisses. En ce sens, l'accord pour solde de tout compte conclu le 20 juin 2020 était favorable au précité. Ledit accord avait été signé par H______ en toute connaissance de cause et ce dernier avait finalement attendu plus de trois ans avant de déposer plainte.

EN DROIT :

1.             Le recours a été interjeté selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 15 ad art. 393).

L'acte émane du prévenu (art. 104 al. 1 let. a CPP), qui a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation des décisions querellées, en tant qu'elles prononcent le séquestre d'avoirs bancaires lui appartenant ou le dépôt de documents le concernant, soit les ordonnances 1 à 5.

En revanche, la formulation – générale et imprécise – de ses conclusions ne permet pas de déterminer si le recourant conteste également l'ordonnance 6, relative à G______ AG, EN LIQUIDATION. Il n'apporte, de surcroît, aucun élément pour démontrer qu'il disposerait d'un intérêt à agir contre ladite ordonnance, ni qu'il est en mesure de représenter cette société.

Il s'ensuit que, pour autant que le recours porterait sur ce point – question qui peut souffrir de rester indécise, au vu de ce qui suit – il serait irrecevable.

2.             Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 263 CPP.

Il ne consacre néanmoins aucun développement pour s'opposer à l'ordre de dépôt (ordonnance 5), si bien que ce point ne sera pas examiné plus en avant.

2.1. Selon l'art. 197 al. 1 CPP, toute mesure de contrainte doit être prévue par la loi (let. a), répondre à l'existence de soupçons suffisants laissant présumer une infraction (let. b), respecter le principe de la proportionnalité (let. c) et apparaître justifiée au regard de la gravité de l'infraction (let. d).

2.2. Le séquestre d'objets et de valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers figure au nombre des mesures prévues par la loi. Il peut être ordonné, notamment, lorsqu'il est probable qu'ils seront utilisés comme moyens de preuve (art. 263 al. 1 let. a CPP).

Une telle mesure est fondée sur la vraisemblance (ATF 126 I 97 consid. 3d/aa). Comme cela ressort de l'art. 263 al. 1 CPP, une simple probabilité suffit car la saisie se rapporte à des faits non encore établis, respectivement à des prétentions encore incertaines. L'autorité doit pouvoir décider rapidement du séquestre provisoire (art. 263 al. 2 CPP), ce qui exclut qu'elle résolve des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 141 IV 360 consid. 3.2; ATF 140 IV 57 consid. 4.1.2 et les références citées).

Ainsi, au début de l'enquête, un soupçon crédible ou un début de preuve de l'existence de l'infraction reprochée suffit à permettre le séquestre, ce qui laisse une grande place à l'appréciation du juge. On exige toutefois que ce soupçon se renforce au cours de l'instruction pour justifier le maintien de la mesure (A. KUHN / Y. JEANNERET / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2019, n. 17/22 ad art. 263).

2.3. En l'espèce, une plainte a été déposée contre le recourant pour escroquerie et abus de confiance. Des pièces produites à l'appui, il ressort que le recourant a effectivement perçu des montants substantiels de la part du plaignant ou de sociétés, dont l'identité du ou des animateur(s) ou ayant(s) droit est sans pertinence en l'état.

Le Ministère public dispose ainsi d'une liste de versements, dénoncés comme litigieux, sur plusieurs comptes appartenant au recourant.

L'instruction n'étant qu'à ses balbutiements, ces premiers éléments permettaient au Ministère public d'ordonner le séquestre des comptes bancaires concernés et de la documentation contractuelle y relative.

Il appartient maintenant au Ministère public d'examiner dans les meilleurs délais la documentation bancaire afin de renforcer – ou infirmer – les soupçons pesant contre le recourant et, dans la seconde hypothèse, de lever les séquestres sur les avoirs de ce dernier, dans la mesure du nécessaire.

Quant aux arguments soulevés par le recourant par-devant l'instance précédente et la Chambre de céans, aucun n'a trait à l'usage effectif des montants reçus. Ils ne permettent donc pas d'exclure, en l'état, que ces sommes furent détournées de leur destination initiale. À cet égard, le recourant allègue en vain être le créancier du plaignant ou avoir signé avec celui-ci un acte notarié pour solde de tout compte, accord qui est, d'ailleurs, contesté.

3.             Justifiées, les ordonnances querellées seront donc confirmées.

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Oriana BRICENO LOPEZ, greffière.

 

 

La greffière :

Oriana BRICENO LOPEZ

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

 

P/6973/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- demande sur récusation (let. b)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00