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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/277/2023

ACPR/698/2023 du 11.09.2023 sur SEQMP/1199/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : SÉQUESTRE(MESURE PROVISIONNELLE);SOUPÇON;MOYEN DE PREUVE;PROPORTIONNALITÉ
Normes : CPP.197; CPP.263

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/277/2023 ACPR/698/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 11 septembre 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, représenté par Me Hervé CRAUSAZ, avocat, Chabrier Avocats SA, rue du Rhône 40, case postale 1363, 1211 Genève 1,

recourant,

contre l'ordonnance de perquisition et de séquestre rendue le 11 mai 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 25 mai 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 11 mai 2023, notifiée le 15 suivant, par laquelle le Ministère public a ordonné la perquisition de son domicile et la mise sous séquestre de "tous objets pouvant être restitués à B______ et/ou utilisés comme moyens de preuve".

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, préalablement, à l'octroi de l'effet suspensif et, principalement, à l'annulation de l'ordonnance querellée, et à ce que le Ministère public soit invité à ordonner le "transport" des biens séquestrés à son domicile. Subsidiairement, il demande le remboursement des frais qu'engendrera ledit transport.

b. Par ordonnance du 26 mai 2023 (OCPR/32/2023), la Direction de la procédure de la Chambre de céans a rejeté la demande d'effet suspensif.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. B______ et A______ se sont rencontrés en 1998 et se sont mariés en 2008. De leur relation est issu un enfant, C______, né le ______ 2005.

b. Par jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale du 31 août 2022, le Tribunal de première instance de Genève (JTPI/10058/2022) a notamment autorisé les époux à vivre séparés, attribué à B______ la jouissance exclusive du domicile conjugal, sis route 1______ no. ______, à D______ [GE], et imparti un délai au 30 novembre 2022 à A______ pour quitter ledit domicile avec ses effets personnels, son épouse étant autorisée à faire appel à la force publique pour exécuter le jugement sur ce point.

c. Le 1er décembre 2022, vers 20h00, la centrale d'engagement, de coordination et d'alarme (CECAL) a demandé l'intervention de la police au domicile de B______. Sur place, les agents ont été mis en présence de cette dernière, qui leur a expliqué que son époux, dont elle était séparée, avait, quelques instants auparavant, escaladé le portail d'accès à sa propriété, puis forcé la porte d'entrée, avant de pénétrer sans droit dans sa villa pour récupérer un sac.

d. Le 14 décembre 2022, la prénommée a déposé plainte contre A______ des chefs de vol (art. 139 CP), dommage à la propriété (art. 144 CP) et violation de domicile (art. 186 CP).

En substance, elle a exposé que son époux n'avait pas respecté le délai fixé au
30 novembre 2022 par le Tribunal civil pour quitter le domicile conjugal, ce qui l'avait contrainte à recourir à l'intervention d'un huissier judiciaire, le 1er décembre suivant. Ce matin-là, A______ avait été prié de quitter les lieux avec ses effets personnels et avisé du fait que les serrures de la maison allaient être changées dans le courant de la journée, de sorte qu'il n'y aurait plus accès.

Vers 20h00, alors qu'elle travaillait dans sa salle à manger, son époux avait sonné à l'interphone. Elle ne lui avait pas répondu, mais avait tenté de le joindre sur son téléphone portable, sans succès. À cette suite, l'intéressé, qui avait vraisemblablement escaladé le portail d'accès à son jardin, avait frappé contre la porte d'entrée, puis tenté d'ouvrir toutes les autres en y assénant des coups et en hurlant. Parvenue à le joindre par téléphone, elle lui avait indiqué avoir reçu pour instruction de lui refuser l'accès à la maison et l'avait invité à contacter l'huissier pour récupérer d'éventuelles affaires. Après avoir raccroché et regagné sa salle à manger, elle avait entendu de forts battements sur la porte d'entrée, suivis d'un grand fracas. Son époux, qui était parvenu à forcer ladite porte, était monté à l'étage supérieur de la maison, avant de redescendre quelques secondes plus tard avec le sac à linge, dont elle ignorait le contenu. Elle avait essayé de le photographier – pour démontrer sa présence –, mais il s'était dirigé vers elle de manière agressive et lui avait arraché son téléphone portable des mains, le faisant tomber au sol. Elle l'avait ramassé pour tenter de filmer la scène, mais son époux s'était une nouvelle fois approché d'elle, avant de quitter les lieux.

De plus, le 29 octobre 2022, à son retour d'un voyage d'une semaine à l'étranger, elle avait constaté la disparition de divers objets de décoration et mobiliers garnissant son logement. Il en allait de même de tous les bijoux offerts par A______, qui étaient entreposés dans un coffre-fort à l'étage de la maison – avec ses bijoux de famille qui, eux, y figuraient toujours – et de deux sacs à main de marque E______, également reçus en cadeau de son époux. Questionné à ce sujet, ce dernier lui avait répondu : "tu me voles avec la justice, je te vole".

À l'appui de sa plainte, B______ a produit une liste comportant vingt-deux objets ayant disparu de son logement, soit trois montres de marques, dont une F______ "4______" [modèle] datant de 1972, divers bijoux de marques (G______, H______, E______, I______), ainsi que deux sacs à main de marque E______ (un "2______ [modèle]" de couleur noire et un "3______ [modèle]" ébène).

e. Entendu le même jour par la police en qualité de prévenu, A______ a expliqué être entré dans l'ancien domicile conjugal pour récupérer un sac comportant des clés. Il avait d'abord sonné à l'interphone, puis essayé de joindre son épouse par téléphone, mais sans succès. Il était donc entré dans le jardin en enjambant le grillage, puis avait tenté d'ouvrir les portes de la villa, dont les serrures avaient été changées. Il était effectivement en colère, mais n'avait asséné aucun coup sur lesdites portes.

Malgré le fait que les policiers intervenus sur place le jour des faits litigieux eurent constaté des signes d'effraction, il contestait avoir forcé la porte d'entrée, celle-ci s'étant ouverte après qu'il l'eut poussée fermement une seule fois. Lorsqu'il était entré dans la villa, il avait indiqué à son épouse qu'elle n'avait pas le droit de changer les serrures, puisque l'une de ses sociétés était domiciliée à la même adresse. Il était ensuite monté à l'étage pour récupérer son sac puis avait quitté les lieux. Pour le surplus, il ne s'était pas approprié les bijoux et sacs à mains listés par son épouse, expliquant ignorer où se trouvaient ces objets.

f. Par ordonnance pénale du 26 janvier 2023, le Ministère public a reconnu A______ coupable de dommage à la propriété (art. 144 CP) et de violation de domicile (art. 186 CP).

Ce dernier y a formé opposition, le 16 février 2023.

g.a. Le même jour, le Ministère public a rendu une ordonnance de non-entrée en matière s'agissant de la plainte déposée par B______ du chef de vol (art. 139 CP). Il a considéré qu'au vu des déclarations contradictoires des parties et en l'absence d'élément de preuve objectif, tel qu'un témoin, il n'était pas possible de privilégier une version plutôt qu'une autre et, partant, d'établir la culpabilité de A______.

g.b. Le 7 février 2023, B______ a formé recours contre cette décision. Elle a notamment produit une liste d'une soixantaine de bijoux, sacs à main, objets d'art et mobiliers dont son époux se serait emparé sans droit, ainsi que leurs photographies.

Par complément à son recours, elle a exposé, photographies à l'appui, avoir découvert, durant le week-end du 18 au 19 février 2023, que certains objets (de décoration et mobiliers) subtilisés à son domicile se trouvaient désormais dans la résidence secondaire de la famille à J______, en France. Ces éléments "renforçaient" les soupçons à l'égard de son époux.

g.c. Nanti du recours, le Ministère public a, dans ses observations du 20 mars 2023, retiré son ordonnance de non-entrée en matière et décidé d'ouvrir une instruction pour ces faits, ce dont la Chambre de céans a pris acte par arrêt du 5 avril 2023 (ACPR/247/2023).

h. Le Ministère public a convoqué les parties à une audience sur opposition, le 11 mai 2023.

h.a. A______ ne s'y est pas présenté, en raison d'un voyage d'ordre professionnel à l'étranger. Son absence a été considérée par le Procureur comme non excusée.

h.b. B______ a confirmé sa plainte. Elle a expliqué qu'un certain nombre d'objets mobiliers garnissant son logement avait été acquis durant la vie commune par son époux, par le biais de la société K______ A______ HOLDING SÀRL (ci-après, K______ SÀRL), dont elle détenait 30% du capital social. Les bijoux et sacs à main évoqués dans sa plainte demeuraient introuvables. Parmi les objets ayant disparu figuraient notamment des cadeaux de son époux, tels qu'une sculpture de grande valeur. Ce dernier s'était également approprié sans droit les chaises du jardin ainsi que sa collection (à elle) de livres "L______", dont une partie lui avait été offerte par ses parents. Son époux avait profité de son absence pour "vider" son logement, ce dont son ancienne femme de ménage, qui avait constaté la présence de camions de déménagement devant sa maison durant la semaine du 24-28 octobre 2022, pourrait témoigner.

À l'issue de l'audience, la plaignante a notamment produit une copie du jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale du 31 août 2022, selon lequel A______ et elle-même sont respectivement associé-gérant et associée de K______ SÀRL, laquelle détient notamment les sociétés A______ M______ SA (ci-après, M______ SA) – dont le prénommé est l'administrateur unique – et N______ SÀRL, qui est propriétaire de l'ancien domicile conjugal.

C. Dans sa décision querellée, du même jour, le Ministère public rappelle que A______ était soupçonné d'avoir, au plus tard le 29 octobre 2022, dérobé des bijoux, montres et sacs à main de marques appartenant à B______, lesquels se trouvaient à l'ancien domicile conjugal; et d'avoir, dans les mêmes circonstances, soustrait de nombreux biens mobiliers garnissant ledit domicile, dont la jouissance avait été attribuée à la prénommée par jugement du Tribunal de première instance du 31 août 2022. Dans la mesure où il y avait lieu de présumer que le logement occupé par A______, sis rue 5______ no. ______, à Genève, abritait les biens mentionnés dans la plainte de son épouse, il se justifiait de procéder à la perquisition de celui-ci aux fins de mise sous séquestre de tous objets pouvant être restitués à cette dernière et utilisés comme moyens de preuve.

D. À teneur du rapport de renseignements du 12 mai 2023, la police a procédé, la veille, à la perquisition du domicile de A______, qui a permis la découverte de "divers objets" pouvant correspondre à ceux déclarés volés par B______. Par ailleurs, de nombreuses boîtes à bijoux et autres écrins de marques (H______, G______, O______, P______, F______, etc.), vides, avaient été trouvés dans un meuble du salon.

En annexe au rapport figure l'inventaire des biens saisis et mis sous séquestre, accompagnés de leurs photographies. Il comprend trente et un objets, dont une montre F______ "4______" [marque, modèle], deux sacs à main E______ (un "2______ [modèle] noir" et un "3______ [modèle]"), diverses œuvres d'art (sculptures, tableaux, etc.) ainsi que du mobilier.

E. a.a. Dans son recours, A______ conteste l'existence de soupçons suffisants à son encontre. La plainte déposée par son épouse pour vol avait fait l'objet d'une ordonnance de non-entrée en matière le 26 janvier 2023 et la "procédure rouverte" à la suite du recours de cette dernière ne "contenait pas plus de preuves et/ou d'indices" de la commission de cette infraction. Dans ce contexte, l'ordonnance querellée relevait d'une "fishing expedition", prohibée.

De plus, la majorité des objets séquestrés (figurant sous chiffres 5 à 9, 12 à 16, et 20 à 24 de l'inventaire) n'était pas sa propriété, mais celle de M______ SA ou de K______ SÀRL, dont il était l'administrateur unique, respectivement l'associé-gérant. Les autres biens saisis (figurant sous chiffres 1 à 4, 10 à 11, 17 à 19, et 25 à 31 de l'inventaire), dont la montre F______, les deux sacs E______, la plaque en verre "Q______", les bougeoirs, le guéridon et le pare-feu, lui appartenaient et étaient destinés à son usage exclusif.

Pour le surplus, le séquestre était disproportionné, puisque le Ministère public disposait d'un inventaire des objets saisis et leurs photographies. De plus, dans la mesure où les sociétés précitées revendiquaient la propriété d'une grande partie des biens séquestrés, il n'y avait pas de risque qu'il "détruise les preuves" et empêche une éventuelle restitution des biens saisis "à la potentielle lésée". En tout état, il s'engageait à ne se défaire d'aucun de ces biens et de les conserver chez lui.

a.b. À l'appui, il produit un bordereau de pièces comportant notamment une attestation de son frère, établie le 25 mai 2023, dans laquelle ce dernier alléguait avoir "contribué à l'achat d'un sac à dépêche noir de marque E______", qui aurait été offert au recourant à l'occasion de son cinquantième anniversaire, le 6 décembre 2006.

Diverses factures ont également été versées à la procédure, dont :

- une au nom du recourant, émise par le magasin R______ le 24 janvier 2020, attestant de la vente d'une montre F______ "4______ 36 mm", datée de 1972, pour une somme de CHF 3'800.- ;

- une au nom du recourant, établie par S______ le 15 octobre 2020, attestant de la vente d'un sac d'occasion E______ "2______ [modèle] en cuir Swift gold", pour une somme de EUR 6'750.-, et un certificat d'authenticité dudit sac établi à la même date, mentionnant qu'il s'agit d'un modèle pour femme ; et

- d'autres relatives à l'acquisition d'une "plaque en verre Q______" par "Monsieur et Madame A______, no. ______ route 1______, [code postal] D______", d'une photographie, d'un pare-feu et d'un "guéridon pieds en verre" par le recourant, M______ SA ou K______ SÀRL.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger, sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2.             2.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance de perquisition et de séquestre sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane du prévenu, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP).

2.2.  Seul peut toutefois recourir celui qui a un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision concernée (art. 382 al. 1 CPP).

Le recourant, quel qu'il soit, doit être directement atteint dans ses droits et doit établir que la décision attaquée viole une règle de droit qui a pour but de protéger ses intérêts et qu'il peut, par conséquent, en déduire un droit subjectif. Le recourant doit en outre avoir un intérêt à l'élimination de cette atteinte, c'est-à-dire à l'annulation ou à la modification de la décision dont provient l'atteinte (A. KUHN / Y. JEANNERET / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 2 ad art. 382 CPP).

Cet intérêt doit être actuel et pratique. L'existence d'un intérêt de pur fait ou la simple perspective d'un intérêt juridique futur ne suffit pas (ATF 133 IV 121 consid. 1.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_458/2013 du 6 mars 2014 consid. 2.1).

De jurisprudence constante, un intérêt juridiquement protégé doit ainsi être reconnu à celui qui jouit sur les valeurs saisies ou confisquées d'un droit de propriété ou d'un droit réel limité (notamment un droit de gage). La qualité pour recourir est en revanche déniée au détenteur économique (actionnaire d'une société ou fiduciant) d'un compte, dans la mesure où il n'est qu'indirectement touché; la qualité d'ayant droit économique ne fonde donc pas un intérêt juridiquement protégé (arrêts du Tribunal fédéral 6S.365/2005 du 8 février 2006 consid. 4.2; 6S.325/2000 du 6 septembre 2000 consid. 4; 1B_21/2010 du 25 mars 2010 consid. 2 et les références; 1B_94/2012 du 2 avril 2012 consid. 2.1).

2.3.  En l'espèce, le recourant allègue qu'une partie des objets séquestrés (figurant sous chiffres 5 à 9, 12 à 16, et 20 à 24 de l'inventaire) appartiennent à M______ SA ou K______ SÀRL, dont il est administrateur, respectivement associé-gérant. Il ne prétend toutefois pas agir au nom et pour le compte de ces sociétés, son acte ayant été déposé en son nom personnel uniquement. Dans ces circonstances, il ne saurait se prévaloir d'un intérêt juridique propre concernant le sort de ces biens, à défaut d'en être propriétaire, respectivement de disposer d'un droit, réel ou personnel, sur ceux-ci.

Dès lors qu'il n'est, tout au plus, lésé que de façon médiate, le recourant n'a pas d'intérêt juridiquement protégé à recourir sur ce point. Dans cette mesure, son recours s'avère irrecevable.

3.             Le recourant estime que les conditions du séquestre ne seraient pas réalisées, la mesure ne reposant pas sur des soupçons suffisants et étant disproportionnée.

3.1.  Comme toutes les mesures de contrainte, la perquisition et le séquestre ne peuvent être ordonnés, en vertu de l'art. 197 al. 1 let. b CPP, que s'il existe des soupçons suffisants laissant présumer une infraction.

3.1.1. La perquisition se définit comme la recherche, en tout lieu clos, de moyens de preuve pouvant aider à la manifestation de la vérité (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Code de procédure pénale – Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2016, n. 2 ad art. 244 et les références). Elle vise notamment à découvrir, dans le but de les mettre en sûreté (Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 1218), des objets susceptibles d'être séquestrés (cf. art. 244 al. 2 let. b CPP).

L'art. 197 CPP précité prohibe la recherche indéterminée de preuve ou "fishing expedition", qui serait sans rapport avec l'infraction commise dans le but de trouver des indices avec l'infraction. Si le mandat de perquisition doit par conséquent indiquer le but de la mesure, il n'est, en revanche, pas nécessaire, d'indiquer dans quelle mesure les actes ordonnés et les moyens de preuve recherchés sont en rapport avec l'infraction poursuivie et manifestement propres à faire progresser l'enquête (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, op. cit., N. 6 ad art. 241; contra, A. KUHN / Y. JEANNERET, op. cit., N 18 ad art. 241).

3.1.2. Les cas de séquestre sont ceux de l'art. 263 CPP (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER (éds), Strafprozessordnung / Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 2e éd., Bâle 2014, n. 7 ad art. 246).

Le séquestre selon cette disposition peut porter sur des objets et des valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers lorsqu'il est probable qu'ils seront utilisés comme moyens de preuves (let. a), pour garantir le paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités (let. b) ou qu'ils devront être confisqués (let. d).

En raison de l'atteinte portée aux droits fondamentaux des personnes concernées, la mesure de séquestre doit être prévue par la loi; des soupçons suffisants doivent laisser présumer la commission d'une infraction; le principe de la proportionnalité doit être respecté, et il doit exister un rapport de connexité entre l'objet saisi et l'infraction.

Dans le cadre de l'examen d'un séquestre conservatoire, l'autorité statue sous l'angle de la vraisemblance, examinant des prétentions encore incertaines. Le séquestre pénal est en effet une mesure conservatoire provisoire destinée à préserver les objets ou valeurs qui peuvent servir de moyens de preuve, que le juge du fond pourrait être amené à confisquer ou à restituer au lésé, ou qui pourraient servir à l'exécution d'une créance compensatrice (art. 263 al. 1 CPP et 71 al. 3 CP). Elle est proportionnée lorsqu'elle porte sur des avoirs dont on peut admettre en particulier qu'ils pourront être vraisemblablement confisqués ou restitués en application du droit pénal. Tant que l'instruction n'est pas achevée et que subsiste une possibilité de confiscation, de créance compensatrice ou d'une allocation au lésé, la mesure conservatoire doit être maintenue. L'autorité doit pouvoir statuer rapidement (cf. art. 263 al. 2 CPP), ce qui exclut qu'elle résolve des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 141 IV 360 consid. 3.2 p. 364 et les références citées).

Ainsi, au début de l'enquête, un soupçon crédible ou un début de preuve de l'existence de l'infraction reprochée suffit à permettre le séquestre, ce qui laisse une grande place à l'appréciation du juge. On exige toutefois que ce soupçon se renforce au cours de l'instruction pour justifier le maintien de la mesure (A. KUHN / Y. JEANNERET / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 17/22 ad art. 263).

3.1.3. La restitution au lésé (art. 263 al. 1 let. c CPP) vise, en première ligne, les objets provenant directement du patrimoine du lésé, qui doit être identifié, et tend au rétablissement de ses droits absolus (restitution de l'objet volé). La restitution doit porter sur des valeurs patrimoniales qui sont le produit d'une infraction dont le lésé a été lui-même victime. Il doit notamment exister entre l'infraction et l'obtention des valeurs patrimoniales un lien de causalité tel que la seconde apparaisse comme la conséquence directe et immédiate de la première (ATF 129 II 453 consid. 4.1; ATF 140 IV 57 consid. 4.1 et les nombreuses références citées). C'est, en particulier, le cas lorsque l'obtention des valeurs patrimoniales est l'un des éléments constitutifs de l'infraction ou constitue un avantage direct découlant de la commission de l'infraction (ATF 126 I 97 consid. 3c/cc). Lorsque ces conditions sont réunies, la restitution doit avoir lieu sans égard aux autres créanciers ou lésés (ATF 128 I 129 consid. 3.1.2). L'art. 267 al. 2 CPP instaure une exception au principe selon lequel le sort des séquestres pénaux se règle avec la décision sur le fond de l'action publique (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, op. cit., n. 29 ad art. 267 ; N. SCHMID, Schweizerische Strafprozessordnung: Praxiskommentar, 2e éd., Zurich 2013., n. 6 ad art. 267). En effet, s'il est incontesté que des valeurs patrimoniales ont été directement soustraites à une personne déterminée du fait de l'infraction, elles sont restituées à l'ayant droit avant la clôture de la procédure.

Si les droits sur l'objet sont contestés, la procédure de l'art. 267 al. 3 à 5 CPP entre en considération. L'application de l'art. 267 al. 3 et 4 CPP relève du juge du fond et non du Ministère public, ce dernier pouvant statuer, au titre d'"autorité pénale", au sens de l'art. 267 al. 5 CPP (Message du Conseil fédéral relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 1229), qui prévoit que l'autorité pénale peut attribuer les objets ou les valeurs patrimoniales à une personne et fixer aux autres réclamants un délai pour intenter une action civile. Cette disposition trouve donc application lorsque les droits de propriété sur un objet ne sont pas limpides. Il s'agit ainsi de maintenir l'objet sous-main de justice aussi longtemps que le délai imparti n'est pas échu ou que la cause civile n'a pas été jugée, puis de le remettre à l'ayant droit (arrêts du Tribunal fédéral 1B_298/2014 du 21 novembre 2014 consid. 3.2 in SJ 2015 I p. 277; 1B_270/2012 du 7 août 2012 consid. 2.2).

3.2.  En l'espèce, B______ soupçonne le recourant de s'être approprié des bijoux, montres et sacs à main de marques lui appartenant. Elle lui reproche également de s'être emparé sans droit de nombreux objets d'art et mobiliers garnissant l'ancien domicile conjugal, dont la jouissance exclusive lui a été attribuée sur mesures protectrices de l'union conjugale.

Ces faits ont certes fait l'objet d'une ordonnance de non-entrée en matière le 26 janvier 2023, le Ministère public ayant dans un premier temps considéré que les déclarations des parties étaient contradictoires et qu'il n'existait aucun élément permettant de corroborer l'une ou l'autre des versions. Cela étant, dans ses observations du 20 mars 2023, le Procureur a annoncé son intention d'ouvrir une instruction sur ces faits, après avoir pris connaissance du recours de la plaignante et des pièces produites à l'appui de celui-ci.

Il apparaît donc que, contrairement à ce que soutient le recourant, il existe des soupçons suffisants de commission d'une infraction de vol, lesquels ne se sont pas amoindris mais, au contraire, étendus.

Par ailleurs, dans la mesure où le recourant était susceptible de détenir, à son domicile, les bijoux et objets qu'il est suspecté d'avoir soustraits, il y avait lieu de les y rechercher et séquestrer. Les mesures ordonnées ne constituaient ainsi nullement une recherche indéterminée de preuve sans rapport avec l'infraction reprochée. La perquisition a d'ailleurs permis la découverte d'un certain nombre de biens listés par la plaignante, tels qu'une montre F______ et deux sacs à main E______, de même que plusieurs boîtes et écrins vides, dont certains correspondent aux marques de bijoux que cette dernière allègue lui avoir été soustraits par le recourant.

Ce dernier soutient que les objets séquestrés (figurant sous chiffres 1 à 4, 10 à 11, 17 à 19, et 25 à 31 de l'inventaire) lui appartiennent et seraient destinés à son usage personnel. Cela étant, les factures qu'il a produites ne suffisent pas, à elles seules, à prouver la propriété de ces biens, étant précisé que la plaignante affirme qu'une partie de ceux-ci lui aurait été offerte à titre de cadeaux. Au surplus, F______ "4______" est une montre "unisexe" et le sac E______ "2______ [modèle] en cuir swift gold" un modèle pour femme, selon le certificat d'authenticité produit par le recourant. Enfin, la plaignante a expliqué qu'un certain nombre d'objets emportés par son époux aurait été acquis durant leur vie commune, par le biais de la société K______ SÀRL, dont elle est elle-même associée à hauteur de 30%, de sorte qu'il n'est pas possible d'établir, en l'état, à qui doit revenir ces biens.

Dans ces circonstances, il est à ce stade plausible que les biens séquestrés soient le résultat d’une infraction. Ils sont donc à la fois susceptibles de constituer des moyens de preuve et d'être restitués à la lésée, ce qui justifiait de prononcer le séquestre litigieux, étant encore précisé que l'instruction n'en est qu'à ses débuts, le recourant n'ayant notamment pas encore été entendu par le Ministère public au sujet de ces faits. Pour le surplus, si le recourant devait réellement se révéler être le propriétaire des objets séquestrés, ceux-ci lui seraient restitués dans le cadre de la décision finale (art. 267 al. 3 CPP), sans préjudice pour lui, dès lors qu'on ne voit pas quelle urgence pourrait justifier la restitution immédiate des biens en question.

Enfin, le séquestre est conforme au principe de proportionnalité, le recourant ne pouvant pas établir un besoin urgent des biens et produits de luxe séquestrés et la mesure litigieuse étant la seule à garantir que ceux-ci restent à disposition de la justice. Le recourant ne prétend au demeurant pas vouloir vendre ou se défaire de ces biens, de sorte qu'à ce stade, il ne subit aucun inconvénient lié au séquestre.

En définitive, cette mesure apparaît nécessaire et utile à la manifestation de la vérité, tout en étant proportionnée.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Oriana BRICENO LOPEZ, greffière.

 

La greffière :

Oriana BRICENO LOPEZ

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

 

P/277/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00