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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/5355/2023

ACPR/697/2023 du 11.09.2023 sur ONMMP/2588/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;INTÉRÊT JURIDIQUEMENT PROTÉGÉ;INFRACTIONS CONTRE L'HONNEUR;DIFFAMATION
Normes : CP.173; CP.174; CPP.310; CPP.382

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/5355/2023 ACPR/697/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 11 septembre 2023

 

Entre

A______, domicilié ______[VD], agissant en personne,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 27 juin 2023 par le Ministère public,

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

 

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 5 juillet 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 27 juin 2023, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte.

Le recourant, sans prendre de conclusions formelles, déclare faire recours contre cette décision.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'200.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 10 novembre 2022, A______ s'est présenté à la police pour déposer plainte pénale contre B______, collaboratrice à l'Office du Registre foncier, pour calomnie.

Il travaillait comme coursier et, à ce titre, était amené à transmettre régulièrement des actes notariés à l'Office du Registre foncier. Le 10 août 2022, C______, directeur auprès de l'office précité, avait adressé à son employeur un courrier contenant le passage suivant: "[L]es collaboratrices du Journal […] ont rapporté au soussigné qu'en date du 4 août 2022, M. A______, votre employé, a tenu à leur encontre et depuis un certain temps des propos vraiment très déplacés, voire d'ordre sexuel. Nous vous invitons ainsi de bien vouloir signifier à M. A______ qu'il doit immédiatement changer d'attitude. À défaut de quoi, nous inviterons nos collaboratrices susmentionnées à déposer plainte […]".

b. Entendue par la police en qualité de prévenue le 1er décembre 2022, B______ a contesté avoir calomnié A______. Le précité aurait dit à une collègue à elle – s'avérant être D______ –: "tu réalises mon fantasme" et "tu as l'air fatiguée, vient on va faire un tour au toilettes. Je t'en mets une dans le cul et ça ira mieux" (sic).

c. Le 13 janvier 2023, D______ s'est présentée à la police pour déposer plainte pénale contre A______ pour "propos inappropriés à caractère sexuel".

En 2019 ou 2020, alors qu'elle se trouvait au guichet de l'Office du Registre foncier, A______ avait tenu des propos déplacés sur ses habits, en lui disant "ah aujourd'hui c'est en petite étudiante", puis "tu ferais réaliser le fantasme de plus d'un". Elle s'était sentie mal à l'aise, vu leur différence d'âge. En juin 2022, elle lui avait fait part de sa fatigue à cause de ses examens, ce à quoi il lui avait répondu "une dans le cul et ça repart". Ses collègues, B______ et E______, étaient présentes et avaient entendu la conversation. La première nommée lui avait conseillé d'aller voir le directeur pour dénoncer ce genre de comportement, ce qu'elle avait fait.

d. Entendu par la police en qualité de prévenu le 24 janvier 2023, A______ a nié avoir tenu des propos inappropriés à l'endroit de D______. Ils avaient eu des relations courtoises et il lui était arrivé de lui faire parfois quelques compliments. Il n'y avait pas longtemps, D______ s'était énervée contre lui parce qu'il n'avait pas apprécié son compte Tiktok, ni sa manière de parler. Depuis ces épisodes, leur relation était tendue et elle avait été de connivence avec B______.

e. Par ordonnance du 26 juin 2023 (ONMMP/2575/2023), le Ministère public n'est pas entré en matière sur la plainte de D______, au motif que celle-ci était tardive.

La précitée n'a pas formé recours contre cette décision.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a considéré que les conditions de l'art. 173 ch. 2 CP étaient remplies, dès lors que les propos litigieux étaient conformes à la vérité.

D. a. Dans son recours, A______, agissant en personne, considère que les accusations portées contre lui étaient mensongères et ne reposaient sur aucune preuve. Une collaboratrice avait d'ailleurs affirmé que les déclarations de D______ et de B______ n'étaient pas conformes à la vérité. En outre, à bien le comprendre, il sollicite un "programme de protection de témoins" pour pouvoir dénoncer "des évènements qui se déroulent actuellement au Registre foncier". Enfin, il se "voyait contraint" de former recours contre l'ONMMP/2575/2023, dans la mesure où les motifs retenus par le Ministère public ne permettaient pas de le disculper des faits qui lui étaient reprochés.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2.             2.1. En tant que le recourant entend se plaindre de manquements, voire dysfonctionnements, au sein de l'Office du Registre foncier, son recours est irrecevable, faute de compétence de la Chambre de céans pour en connaître. Son grief contre le refus du Ministère public d'entrer en matière concernant la plainte de D______ est également irrecevable, dès lors qu'il n'a pas d'intérêt juridiquement protégé à la modification d'une décision ayant mis un terme à la procédure pénale dirigée contre lui (art. 382 al. 1 CPP et ACPR/89/2023 du 7 février 2023). La voie du recours n'est en effet pas ouverte pour améliorer ou changer la motivation d'une décision (ACPR/547/2021 du 18 août 2021).

2.2. Pour le surplus, le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée refusant d'entrer en matière sur sa plainte pénale contre B______ (art. 382 al. 1 CPP).

3.             3.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore". Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et art. 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 al. 1 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies (ATF 146 IV 68 consid. 2.1). Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2).

3.2. Se rend coupable de diffamation au sens de l'art. 173 CP celui qui, en s'adressant à un tiers, aura accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération et celui qui aura propagé une telle accusation ou un tel soupçon (ch. 1).

La calomnie (art. 174 CP) est une forme qualifiée de diffamation, dont elle se distingue par le fait que les allégations propagées sont fausses (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1215/2020 du 22 avril 2021 consid. 3.1).

Ces dispositions protègent la réputation d'être une personne honorable, c'est-à-dire de se comporter comme une personne digne a coutume de le faire selon les conceptions généralement reçues. L'honneur protégé par le droit pénal est conçu de façon générale comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'être humain (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.1).

Pour qu'il y ait diffamation ou calomnie, il faut encore que l'auteur s'adresse à un tiers. Est en principe considérée comme telle toute personne autre que l'auteur et l'individu visé par les propos litigieux (ATF 145 IV 462 consid. 4.3.3).

Conformément à l'art. 173 ch. 2 CP, même si le caractère diffamatoire des propos ou des écrits litigieux est établi, l'inculpé n'encourra aucune peine s'il prouve que les allégations qu'il a articulées ou propagées sont conformes à la vérité ou qu'il avait des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies. Lorsque la preuve de la bonne foi est apportée, l'accusé doit être acquitté (ATF 119 IV 44 consid. 3 p. 48). L'admission de la preuve libératoire constitue la règle et elle ne peut être refusée que si l'auteur a agi principalement dans le but de dire du mal d'autrui et s'il s'est exprimé sans motif suffisant (ATF 132 IV 112 consid. 3.1 p. 116).

3.3. En l'espèce, le recourant estime que la mise en cause, en l'accusant faussement d'avoir tenu des propos déplacés de nature sexuelle à l'encontre de sa collègue, s'est rendue coupable d'infractions contre l'honneur.

Cela étant, il résulte des déclarations de D______ – dont rien ne permet de douter de leur crédibilité – que le recourant aurait effectivement tenu de tels propos à son endroit. En revanche, il ne ressort pas du dossier – et le recourant ne l'étaye nullement – qu'une autre collaboratrice aurait affirmé que les déclarations de la précitée et de la mise en cause n'étaient pas conformes à la vérité. En tout état de cause, l'on ne distingue pas dans les démarches de la mise en cause de volonté de porter atteinte à la considération du recourant, mais plutôt de porter à la connaissance de son supérieur hiérarchique – soit un tiers soumis à une obligation de secret de fonction – les propos inappropriés qu'elle avait entendus. Une intention de nuire fait dès lors manifestement défaut.

C'est donc à bon droit que le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur les faits dénoncés de diffamation et a fortiori de calomnie.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'200.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 1'200.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

 

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Oriana BRICENO LOPEZ, greffière.

 

La greffière :

Oriana BRICENO LOPEZ

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

P/5355/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'115.00

Total

CHF

1'200.00