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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/21865/2017

ACPR/665/2023 du 22.08.2023 ( TCO ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : OBJET DU RECOURS;MOYEN DE PREUVE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;DOMMAGE IRRÉPARABLE;NULLITÉ
Normes : CPP.331; CPP.393

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21865/2017 ACPR/665/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 22 août 2023

Entre

A______, B______, C______ et D______, représentés par Mes Robert ASSAËL, E______, Yaël HAYAT et Romain JORDAN, avocats, et faisant élection de domicile chez ce dernier, Étude MERKT [&] associés, rue Général-Dufour 15, case postale 5556, 1211 Genève 11,

recourants

contre la décision rendue le 17 juillet 2023 par la Présidente du Tribunal correctionnel

et

LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés

 


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 27 juillet 2023, A______, B______, C______ et D______ (ci-après, ensemble : les consorts A______/B______/C______/D______) recourent contre la décision, communiquée sous pli simple, par laquelle la Présidente du Tribunal correctionnel a refusé de renvoyer au Ministère public la cause pendante contre eux.

Les recourants concluent, sous suite de frais et dépens, à ce que la Cour annule l'ordonnance entreprise (ou, subsidiairement, en constate la nullité) et renvoie la cause au Ministère public.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.             Des membres de la famille A______/B______/C______/D______, composée de B______ (père), A______ (mère), C______ (fils) et D______ (épouse de ce dernier) sont l'objet d'une procédure pénale pour traite d'êtres humains (art. 182 CP), usure par métier (art. 157 ch. 1 et 2 CP) et infractions aux lois fédérales sur les étrangers et l'intégration (art. 116 al. 1 et 3 et 117 al. 1 et 2 LÉI) et sur l'assurance vieillesse et survivants (art. 87 LAVS). Il leur est, notamment, reproché d'avoir exploité leur personnel de maison.

b.             Par acte d’accusation du 14 février 2023, ils ont été renvoyés par-devant le Tribunal correctionnel.

c.              Le 6 juin 2023, le Tribunal correctionnel a ordonné le renvoi de l’[acte d’] accusation au Ministère public, pour correction et complément, décidant pour le surplus que l’affaire restait pendante par-devant lui et que l’audience de jugement, prévue du 2 au 5 octobre 2023, était maintenue. Cette décision n’a pas été attaquée.

d.             Le 30 juin 2023, les consorts A______/B______/C______/D______ ont affirmé que la cause devait être « intégralement » renvoyée au Ministère public, car le renvoi porterait en réalité sur des points non traités dans la procédure préliminaire. Par ailleurs, ils entendaient se prévaloir de leur droit d’être confrontés à des personnes qui n’avaient jamais pu être auditionnées. L’audition d’un inspecteur de police, aussi, s’avérait nécessaire. En conclusion, l’instruction devait être complétée.

e.              Interpellé, le Ministère public a fait valoir le 10 juillet 2023 que les consorts A______/B______/C______/D______ n’apportaient aucun élément qui commanderait de revenir sur la décision prise par le Tribunal correctionnel le 6 juin 2023.

C. Dans sa lettre du 17 juillet 2023, la Présidente du Tribunal correctionnel déclare maintenir la décision du tribunal du 6 juin 2023, la cause n’étant pas renvoyée pour complément d’instruction.

D. a. Les recourants estiment que le refus de renvoyer la procédure au Ministère public pour complément d’instruction a été pris par une autorité incompétente, qui plus est en violation de leur droit de répliquer à la prise de position préalable du Ministère public sur les questions qu’ils soulevaient. S’en suivrait une violation irréparable de leur droit à un procès équitable, imposant à l’autorité de recours d’entrer en matière.

b. À réception, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT :

1.             Les recourants prétendent agir, « par souci de simplification de la procédure », par l’avocat formellement constitué pour un seul d’entre eux, sans fournir de preuve de cette délégation ou substitution. Au vu de l’issue du recours, et compte tenu du fait qu’ils semblent avoir été récemment en mesure de fournir les procurations idoines (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1B_282/2022 du 29 novembre 2022, faits, let. C.), la question n’a pas à être abordée plus avant.

2.             Les recourants excipent d’une violation de leur droit d’être entendu, pour n’avoir pas eu la possibilité de répliquer à la prise de position du Ministère public, du 10 juillet 2023.

2.1.       Le droit d'être entendu n'est pas une fin en soi. Il constitue un moyen d'éviter qu'une procédure judiciaire ne débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure, notamment à l'administration des preuves. Lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1). Il n’y a notamment pas de violation du droit à la réplique lorsque la partie recourante a reçu une copie des déterminations litigieuses préalablement au dépôt de son mémoire de recours (arrêt du Tribunal fédéral 1B_509/2018 du 6 mars 2019 consid. 2.1.).

2.2.       En l’occurrence, les recourants ont eu connaissance des déterminations du Ministère public sur leur demande du 30 juin 2023, puisqu’ils les produisent avec leur acte de recours. Ils ont eu l’occasion de s’exprimer sur elles librement et sans limitation à l’occasion de la présente instance, car l’autorité de recours jouit d’un plein pouvoir d’examen. Ils n’auraient pas qualité pour se plaindre que les autres parties n’auraient pas été consultées. En outre, comme on le verra ci-après, ils ne sont pas privés de la possibilité de renouveler leurs réquisitions de preuve nonobstant la position prise par le Ministère public à leur sujet dans ses déterminations.

3.             Le prononcé à l'origine du présent litige constitue une décision relative à l'avancement de la procédure et au déroulement de celle-ci, puisqu'elle refuse d’administrer des preuves, plus exactement : de faire administrer ces preuves à l’occasion du renvoi au Ministère public de son acte d’accusation pour complément et correction.

3.1.       Le recours au sens de l’art. 393 al. 1 let. b CPP n'est ouvert à l’encontre de telles décisions qu'en présence d'un préjudice irréparable (ATF 143 IV 175 consid. 2.4). Le refus d'entendre des témoins constitue une décision incidente (arrêt du Tribunal fédéral 1B_145/2020 du 26 mars 2020 consid. 2.2.). Les décisions relatives à l'administration des preuves ne sont en principe pas de nature à causer un dommage irréparable, puisqu'il est normalement possible, à l'occasion d'un recours contre la décision finale, d'obtenir que la preuve refusée à tort soit mise en œuvre si elle devait avoir été écartée pour des raisons non pertinentes ou en violation des droits fondamentaux du recourant (ATF 141 III 80 consid. 1.2). Cette règle comporte toutefois des exceptions. Il en va notamment ainsi lorsque le refus d'instruire porte sur des moyens de preuve qui risquent de disparaître et qui visent des faits décisifs non encore élucidés, ou encore quand la sauvegarde de secrets est en jeu (arrêt du Tribunal fédéral 1B_278/2021 du 28 mai 2021 consid. 2.).

3.2.       Le préjudice « irréparable » qui ouvrirait la voie du recours, en l’espèce, doit tenir, non pas à la procédure suivie par la Présidente du Tribunal correctionnel avant de statuer – grief liquidé au considérant précédent –, mais bien aux conséquences matérielles de sa décision, à savoir l’impossibilité, pour les recourants, de faire administrer ultérieurement les preuves qu’ils ont requises le 30 juin 2023.

Or, tel n’est pas le cas, puisque ces réquisitions pourront être renouvelées et traitées lors des prochains débats. Dans ce sens, la décision attaquée s'interprète comme un simple report. Sous cet angle non plus, il n'y a donc ni déni de justice ni préjudice irréparable (arrêt du Tribunal fédéral 1B_46/2023 du 7 mars 2023 consid. 2.2.). Même si, avec l'écoulement du temps, il se pourrait que les personnes éventuellement à entendre perdent le souvenir des évènements sur lesquels elles devraient être entendus, il s'agirait d'un dommage de fait, et non d'un préjudice juridique (arrêt du Tribunal fédéral 1B_145/2020 du 26 mars 2020 consid. 2.2.).

Par conséquent, le recours est irrecevable.

4.             Dès lors, il n’y a pas lieu d'examiner le grief de violation du droit d'être entendu soulevé en rapport avec la motivation de la décision attaquée (arrêt du Tribunal fédéral 1B_46/2023, précité, consid. 2.3.).

5.             Quant au grief de nullité absolue de la décision rendue, pour cause de prétendue incompétence fonctionnelle de l’autorité intimée (cf. ATF 145 IV 197 consid. 1.3.2), le vice allégué est d’autant moins manifeste que le rejet de réquisitions de preuve avant l’ouverture des débats incombe à la Direction de la procédure du tribunal saisi (art. 331 al. 3 CPP) – et que les recourants ne se hasardent pas à soutenir que cette attribution n’appartenait pas à la Présidente intimée –. Les recourants semblent raisonner comme si la décision attaquée était une (nouvelle) décision de suspension et de renvoi de l’accusation au Ministère public – ce qu’elle n’est précisément pas, puisqu’elle se borne à refuser de faire administrer (par le Ministère public) les preuves qu’ils ont requises –.

6.             Les recourants, qui succombent intégralement, assumeront, solidairement (art. 418 al. 2 CPP), les frais de la procédure (art. 428 al. 1 CPP), fixés en totalité à CHF 2'000.- (art. 13 al. 1 let. b du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare le recours irrecevable.

Condamne solidairement A______, B______, C______ et D______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 2'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux recourants, soit pour eux leur commun conseil, au Tribunal correctionnel et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/21865/2017

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'915.00

Total

CHF

2'000.00