Skip to main content

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/9195/2023

ACPR/638/2023 du 15.08.2023 sur OTMC/1250/2023 ( TMC ) , REJETE

Descripteurs : SURVEILLANCE DES TÉLÉCOMMUNICATIONS;PROPORTIONNALITÉ
Normes : CPP.273; CPP.279

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9195/2023 ACPR/638/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 15 août 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______, représentée par Me K______, avocat,

recourante

contre l'ordonnance du Tribunal des mesures de contrainte autorisant la surveillance rétroactive ordonnée par le Ministère public le 2 mai 2023,

 

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés

.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 27 juillet 2023, A______ recourt contre la mesure de surveillance rétroactive de son raccordement téléphonique, ordonnée le 28 avril 2023 par le Ministère public et autorisée le 2 mai 2023 par le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après; TMC), dont elle a été informée par le Ministère public lors de l'audience du 17 juillet 2023.

La recourante conclut, sous suite de frais, à l'annulation de la mesure de surveillance et au retrait du dossier des éléments collectés.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 10 avril 2023, B______ a déposé plainte pour brigandage. Le soir même, trois hommes l'avaient encerclée dans le parking souterrain de son immeuble et l'un d'eux avait arraché la montre C______ [marque et modèle], d'une valeur de CHF 14'000.-, qu'elle portait au poignet. Elle n'avait pas vu leurs visages, mais l'un d'eux était porteur d'un couteau et un autre avait une arme de petite taille. En outre, elle avait constaté qu'une [voiture de marque] D______ l'avait suivie.

b. À teneur du rapport de renseignements du 27 avril 2023, les investigations de la police ont révélé qu'un AirTag [de marque] E______ avait été placé dans la voiture de la victime. Les images de vidéosurveillance ont permis d'identifier que la voiture qui avait suivi la victime appartenait à A______, domiciliée dans le même lotissement qu'elle et amie intime de H______. Il était en outre apparu que les deux prénommés s'étaient rendus le 13 avril 2023 à la station-service F______ du [quartier de] G______ et que H______ avait parlé avec I______ et J______. Le jour précédent ceux-ci avaient été contrôlés par les douaniers dans une voiture de location. H______ détenait CHF 18'000.-. Un révolver d'alarme chargé avait été retrouvé à ses pieds sous le siège passager et J______ était en possession d'un couteau Opinel.

c.a. Sur la base des éléments susmentionnés, le Ministère public a ordonné la surveillance rétroactive du raccordement utilisé par A______, pour la période du 29 octobre 2022 au 27 avril 2023. Le même jour, il a demandé au TMC d'autoriser ces mesures (art. 273 CPP). Sa demande mentionnait le nom et la date de naissance de l'intéressée en qualité de prévenue et se référait aux éléments de l'enquête de police. Il était précisé que les mesures étaient nécessaires pour "permettre de localiser les déplacements de la prévenue et déterminer son implication ainsi que ses contacts avec les autres prévenus".

Il en a fait de même s'agissant des raccordements utilisés par I______ et J______ ainsi que H______.

c.b. Par ordonnances du 2 mai 2023, le TMC a autorisé ces surveillances rétroactives ainsi que l'utilisation des résultats à l'encontre de chaque prévenu et de tout tiers susceptible d'acquérir cette qualité dans les différentes procédures liées à la présente enquête.

Le TMC s'est expressément référé à l'exposé des motifs et aux arguments du Ministère public ainsi qu'aux pièces du dossier.

d. Le 8 mai 2023, la surveillance rétroactive du raccordement utilisé par L______, a également été demandée – et autorisée par le TMC –, le précité étant le détenteur de l'AirTag qui avait été utilisé pour localiser la voiture de la victime.

e. Le 16 mai 2023, H______ a été interpellé dans le cadre d'une autre procédure et placé en détention provisoire.

f. Dans son rapport du 22 mai 2023, la police a analysé les données rétroactives récoltées.

g. Le 21 juin 2023, la police a procédé à l’arrestation des frères I______/J______, L______ et A______.

h. La perquisition du logement de A______ a permis la découverte de 16 flacons contenant de la cocaïne d'un poids total de 10.5 grammes nets ainsi que du matériel de conditionnement.

i. Entendus par la police, H______, I______, L______ et A______ ont contesté avoir participé au brigandage. Après en avoir fait de même, J______ a avoué avoir pris la montre de la victime.

A______ a expliqué qu'elle n'était pas sur les lieux et avait seulement prêté sa voiture à son ex-copain H______, comme elle avait l'habitude de le faire. Un à deux jours plus tard, elle avait vu une photo d'une C______ sur le compte Snapchat de celui-ci. Il lui avait alors expliqué qu'il l'avait volée. Il était seul et avait un couteau. S'agissant de la drogue retrouvée dans son appartement, H______ lui avait donné un petit sac en plastique qu'elle devait cacher chez elle. Elle ignorait ce que le sac contenait et ne l'avait découvert qu'après son arrestation (à lui).

j. Le 22 juin 2023, A______ a été prévenue de brigandage aggravé (art. 140 CP) et d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. d LStup.

Il lui est reproché d'avoir, de concert avec L______, H______, J______ et I______, participé au brigandage commis le 10 avril 2023 au préjudice de B______, dont la C______, d'une valeur de CHF 14'500.- avait été dérobée sous la menace d'une arme de poing et d'un couteau, ainsi que d'avoir détenu la cocaïne retrouvée dans son appartement.

A______ a confirmé en substance ses déclarations à la police.

k. À l'issue de l’audience, elle a été libérée, avec des mesures de substitution.

l. Le 17 juillet 2023, la Procureure a entendu les prévenus A______, L______, I______, H______ et J______.

Les trois premiers ont contesté toute implication dans le brigandage.

H______ est revenu sur ses déclarations à la police et a admis sa participation au brigandage. C'était lui qui en avait eu l’idée. Il avait tenu un pistolet factice devant la victime. A______ n'était pas impliquée dans les événements.

J______ a confirmé avoir participé aux faits reprochés. C'était lui qui tenait le couteau. En outre, il avait placé l'AirTag dans la voiture de la victime. A______ leur avait seulement prêté la voiture pour rendre service, sans savoir ce qu'ils allaient faire.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public informe A______ qu'elle a fait l'objet d'une mesure de surveillance secrète de son numéro de téléphone, lui remettant une copie de ladite ordonnance.

D. a. À l'appui de son recours, A______ reproche au Ministère public d'avoir insuffisamment motivé sa demande en se bornant à reprendre les termes légaux (art. 269 al. 1et. c CPP). Il ne démontrait pas que les mesures prises jusqu'alors dans le cadre de l'enquête n'auraient aucune chance d'aboutir ou seraient excessivement difficiles en l'absence de surveillance. Or, son audition préalable aurait permis d'expliquer "les raisons pour lesquelles son véhicule est apparu dans le cadre de l'enquête et d'établir qu'elle n'est aucunement impliquée dans l'infraction reprochée à ses co-prévenus".

b. À réception, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une mesure de surveillance secrète sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 279 al. 3 et 393 al. 1 let. a et c CPP) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             La recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue.

3.1. Le droit d'être entendu, garanti par l'art. 3 al. 2 let. c CPP et 29 al. 2 Cst., implique pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 139 IV 179 consid. 2.2;
138 I 232 consid. 5.1). Elle n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, peuvent être tenus pour pertinents (ATF 143 III 65 consid. 5.2; 142 III 433 consid. 4.3.2). La motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 1B_16/2020 du 24 juin 2020 consid. 2.1).

3.2. Le droit d'être entendu est un grief d'ordre formel, dont la violation entraîne l'annulation de la décision attaquée indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. La jurisprudence admet toutefois qu'une violation du droit d'être entendu peut être considérée comme réparée lorsque l'intéressé jouit de la possibilité de s'exprimer librement devant une autorité de recours disposant du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure et pouvant ainsi contrôler librement l'état de fait et les considérations juridiques de la décision attaquée (ATF 137 I 195 consid. 2.2 et 2.3.2), ce qui est le cas pour l'autorité de recours (art. 391 al. 1 CPP ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_574/2020 du 3 décembre 2020 consid. 4.1).

3.3. En l'espèce, le TMC s'est fondé sur la demande du Ministère public qui exposait les faits et les actes d'enquête entrepris, détaillés dans le rapport de renseignements du 27 avril 2023. Ce point n'est pas contesté par la recourante.

Dans son acte, elle reproche au Ministère public de n'avoir pas expliqué pour quels motifs il n'avait pas – au préalable – procédé à son audition, ce qui permet de conclure qu'elle a parfaitement compris la motivation, même succincte, de l'ordonnance querellée sur ce point.

Le grief lié à la motivation lacunaire de l'ordonnance querellée doit donc être rejeté.

4.             Selon la recourante, les conditions pour ordonner la mesure de surveillance rétroactive n'étaient pas réalisées.

4.1. Selon l'art. 273 CPP, lorsque de graves soupçons laissent présumer qu'un crime, un délit ou une contravention au sens de l'art. 179septies CP a été commis et que les conditions visées à l'art. 269 al. 1 let. b et c CPP sont remplies, le ministère public peut exiger que lui soient fournies les données secondaires de télécommunication au sens de l'art. 8 let. b de la loi fédérale du 18 mars 2016 sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (LSCPT ; RS 780.1) et les données secondaires postales au sens de l'art. 19 al. 1 let. b LSCPT de la personne surveillée (al. 1). L’ordre de surveillance est soumis à l’autorisation du tribunal des mesures de contrainte (al. 2 ; cf. aussi l'art. 274 CPP). Les données mentionnées à l’al. 1 peuvent être demandées avec effet rétroactif sur une période de six mois au plus, indépendamment de la durée de la surveillance (al. 3).

4.2. Selon l'art. 279 CPP, au plus tard lors de la clôture de la procédure préliminaire, le ministère public communique au prévenu ainsi qu’au tiers qui ont fait l’objet d’une surveillance les motifs, le mode et la durée de la surveillance (al. 1). Les personnes dont la correspondance par poste ou par télécommunication a été surveillée ou celles qui ont utilisé l’adresse postale ou le service de télécommunication surveillé peuvent interjeter recours conformément aux art. 393 à 397 (al. 3).

4.3. Le recours instauré à l'art. 279 al. 3 CPP permet de contester la légalité de la mesure, et non sa valeur probante, l'examen de cette dernière question appartenant au juge du fond. Lorsque la communication des mesures de surveillance a été valablement notifiée par le ministère public (art. 279 al. 1 CPP), la licéité de cette surveillance ne peut plus être examinée par le juge du fond (ATF 140 IV 40 consid. 1.1 p. 42 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_63/2016 du 8 juin 2016 consid. 1.2.2 non publié in ATF 142 IV 289). Le recours se dirige premièrement contre la décision d'autorisation du tribunal des mesures de contrainte, mais couvre également l'ordre de surveillance du ministère public. Dans ce cadre, le recourant pourra notamment se plaindre de ce que les conditions de l'ordre de surveillance ou de l'autorisation n'étaient pas remplies (T. HANSJAKOB / U. PAJAROLA, in A. DONATSCH et al. (éds), Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), 3e éd., Zurich 2020, n. 84 ad art. 279 ; N. SCHMID / D. JOSITSCH, StPO Praxiskommentar, 3e éd., Zurich 2018, n. 14 ad art. 279). Pour rendre sa décision, l'autorité de recours doit fonder son appréciation sur les circonstances qui prévalaient au moment où l'autorité d'autorisation a statué (arrêt du Tribunal fédéral 1B_450/2017 du 29 mars 2018 consid. 3.1). Lorsqu'elle constate qu'une mesure de surveillance n'aurait pas dû être ordonnée ou autorisée, elle doit appliquer l'art. 277 CPP et détruire immédiatement les documents et enregistrements collectés (T. HANSJAKOB / U. PAJAROLA, op. cit., n. 91 ad art. 379 ; M. JEAN-RICHARD-DIT-BRESSEL, in M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER (éds), Basler Kommentar StPO/JStPO, 2e éd., Bâle 2014, n. 13 ad art. 279).

4.4. En l'occurrence, il n'est pas contesté que la condition liée à l'existence d'une infraction grave (brigandage) est donnée. Les images de vidéosurveillance montrent que la voiture de la recourante a suivi celle de la victime lorsqu'elle rentrait chez elle. Par ailleurs, il ressort du rapport de police que H______ l'a accompagnée à plusieurs reprises, soit comme conducteur, soit comme passager, y compris lorsque celui-ci a rencontré les frères I______/J______ dans la station-service F______.

Ces éléments constituent des indices sérieux et concrets à l'encontre de la recourante. En l'état de l'instruction, qui n'en était qu'à ses débuts, son audition était à l'évidence prématurée, étant rappelé ses liens avec H______ et un risque de collusion évident avec les personnes impliquées. Le recours aux mesures de surveillance secrètes s'avérait ainsi être le seul moyen de les appréhender. Aucun autre acte d'instruction ne pouvait entrer en ligne de compte, la recourante n'en proposant au demeurant aucun.

Il s'ensuit que le prononcé de la mesure de surveillance rétroactive à l'endroit de la recourante était proportionné pour faire avancer l'enquête.

5.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

6. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 800.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, au Tribunal des mesures de contrainte et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/9195/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

800.00

Total

CHF

885.00