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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/8225/2019

ACPR/437/2023 du 09.06.2023 sur OPMP/2566/2023 ( MP ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : LÉSÉ;CRÉANCIER;ACTE DE DÉFAUT DE BIENS
Normes : CPP.382; CPP.385; CP.115; CP.163; CP.164; CP.167

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/8225/2019 ACPR/437/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 9 juin 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me François CANONICA, avocat, CANONICA & Associés, rue François-Bellot 2, 1206 Genève,

recourant,

contre l'ordonnance pénale et de classement partiel rendue le 22 mars 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 3 avril 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 22 mars 2023, notifiée le lendemain, en tant que le Ministère public a ordonné le classement de la procédure à l'égard de B______ s'agissant des infractions d'escroquerie.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de ce classement, avec renvoi de la cause au Ministère public pour complément d'instruction, et à l'ouverture d'une instruction contre B______ des chefs de banqueroute frauduleuse et fraude dans la saisie, diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers et avantages accordés à certains créanciers.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 15 avril 2019, A______ a déposé plainte contre B______ pour escroquerie notamment.

En substance, B______, qui était criblé de dettes, lui avait demandé de signer un contrat de bail commercial à sa place, tout en lui assurant qu'il s'acquitterait de tous les frais et charges afférents aux locaux concernés. Le précité avait cependant cessé de verser les loyers, ce qui avait entrainé sa condamnation [à A______], par le Tribunal des baux et loyers (ci-après: TBL), au paiement de plusieurs milliers de francs.

b. Le Ministère public a tenu une audience de confrontation le 8 octobre 2019.

B______ a expliqué que A______ avait accepté de signer le bail parce qu'il lui faisait confiance, tout en sachant qu'il était endetté. Il ne lui avait donné aucune garantie.

A______ a précisé avoir déjà collaboré avec B______ par le passé, sans problème notable, sauf pour un chantier de rénovation remontant à deux ans. Il avait signé le contrat de bail par amitié, pour rendre service, sans être rémunéré. B______ lui avait donné des garanties en lien avec des investissements en France où celui-ci avait touché CHF 2.5 millions.

c. Le 21 novembre 2019, l'Office des poursuites a adressé au Ministère public une dénonciation, en lien avec la vente, par la société débitrice C______ SA, de biens mobiliers utilisés pour le restaurant "D______" et faisant l'objet d'une saisie.

d. L'instruction de cette cause (P/1639/2021), avant d'être jointe à la présente procédure, a permis de mettre en évidence les éléments suivants:

- E______, inscrit au Registre du commerce comme administrateur de C______ SA, avait accepté, en 2006, de tenir ce rôle, comme simple "prête-nom", à la demande de B______, lequel ne pouvait pas le faire en raison de son insolvabilité;

- B______ avait signé, le 29 janvier 2018, un contrat de vente fictif, dans un élan de "panique", en réaction au fait qu'il savait que les biens mobiliers du restaurant allaient faire l'objet d'une saisie;

- E______ avait signé, le 16 janvier 2020, une convention pour céder à F______ l'ensemble de ses actions de C______ SA.

e. Par courrier du 27 février 2023, A______ a souligné, après avoir consulté le dossier, que B______ faisait l'objet d'une myriade de poursuites et d'actes de défaut de biens et que, en corolaire, il faisait "porter ses actifs par des tiers", notamment E______ et F______. À cet égard, la convention de cession d'actions signée par les deux précités était "suspecte" et le dossier C______ SA était "un cas d'illustration" du comportement de B______ visant à léser les intérêts de ses créanciers, en violation de l'art. 163 CP.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient qu'il appartenait à A______ de faire preuve d'un minimum de prudence au moment d'accepter de s'engager contractuellement à louer une arcade, par amitié pour B______, en connaissant la situation financière obérée de ce dernier.

D. a. Dans son recours, A______ admet que la condition d'astuce était "discutable". Toutefois, "par extension de la procédure ou par constatation des faits", il était clair que l'instruction avait mis en évidence la commission "très probable d'infractions réprimées par l'art. 164, possiblement 167 CP". Il était manifeste que B______ faisait l'objet de poursuites pour plusieurs millions de francs. Face à cette insolvabilité, l'intéressé avait mis en place des "stratagèmes" destinés "soit à faire porter certains de ses actifs, soit à les céder fictivement à des tiers". Cela ressortait de plusieurs éléments de la procédure, dont les déclarations de B______ et de "[l']étrange convention" signée entre F______ et E______, lesquels devaient être entendus à ce propos. Renoncer à poursuivre B______ pour les infractions aux art. 164 et 167 CP constituait un "classement implicite", susceptible de recours.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

 

EN DROIT :

1.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2.             2.1. Le recours a été déposé dans le délai prescrit (art. 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).

2.2. Seule la personne qui a un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée dispose de la qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP).

2.2.1. Selon l'art. 115 al. 1 CPP, il faut entendre par lésé toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction. Seul doit être considéré comme lésé celui qui est personnellement et immédiatement touché, c'est-à-dire celui qui est titulaire du bien juridique ou du droit protégé par la loi, contre lequel, par définition, se dirige l'infraction (ATF 119 Ia 342 consid. 2 p. 345 ; 119 IV 339 consid. 1d/aa p. 343). Il convient donc d'interpréter le texte de l'infraction pour en déterminer le titulaire et ainsi savoir qui a qualité de lésé (ATF 118 IV 209 consid. 2 p. 211).

2.2.2. Les art. 163, 164 et 167 CP s'inscrivent dans le sous-chapitre du Code pénal lié aux crimes ou délits dans la faillite et la poursuite pour dettes. Ces infractions partagent les mêmes conditions objectives de punissabilité, à savoir que le débiteur doit être déclaré en faillite ou qu'un acte de défaut de biens soit dressé contre lui. Pour cette raison, les comportements décrits ne deviennent illégaux que si un acte de défaut de biens est délivré à ses créanciers (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 2 ad Intro. aux art. 163-171bis).

Un acte de défaut de biens est délivré au créancier qui a participé à la saisie du débiteur et qui n'a pas été désintéressé intégralement pour le montant impayé (art. 149 al. 1 LP).

Les art. 163 et 164 CP protègent les prétentions des créanciers et plus précisément leurs droits, dans la procédure d'exécution forcée, de "se saisir" et de "se satisfaire" sur les biens du débiteur, tandis que l'art. 167 CP protège le patrimoine des créanciers et l'égalité de traitement dans l'exécution forcée (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 4 ad art. 163/164 et n. 2 ad art. 167).

2.3. En l'espèce, le recourant, qui est représenté par un avocat et doit, dès lors, connaître les exigences de forme de l'art. 385 al. 1 CPP, conclut à l'annulation du classement mais ne développe aucun argument en lien avec l'infraction d'escroquerie – soit celle pour laquelle il a porté plainte et aurait revêtu le statut de lésé – admettant même que la réalisation de l'astuce était "discutable". Ce défaut de motivation entraine ainsi l'irrecevabilité du recours.

Il requiert l'ouverture d'une instruction des chefs de diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers et d'avantages accordés à certains créanciers. Or, il invoque ces infractions dans son recours pour la première fois, son courrier du 27 février 2023 ne faisant mention que de banqueroute frauduleuse et fraude dans la saisie. Partant, le Ministère public n'a pas pu se prononcer sur lesdites infractions dans son ordonnance si bien que, faute de décision préalable (art. 393 al. 1 let. a CPP), la Chambre de céans ne saurait entrer en matière sur ces points.

En tout état, le recourant conteste le "classement implicite" des infractions aux art. 163 ss CP. Or, il n'a jamais allégué ni – a fortiori – démontré, avoir participé à la saisie des biens du prévenu et avoir été notifié, dans ce cadre et à titre personnel, un acte de défaut de biens.

Partant, même dans l'hypothèse où le prévenu lui doit une somme d'argent, cela ne lui confère pas encore le statut de lésé aux infractions susvisées. Il en résulte que l'intérêt juridique à recourir doit lui être nié et que là également, le recours est irrecevable.

3.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Déclare le recours irrecevable.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/8225/2019

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

-

CHF

Total

CHF

1'000.00