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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/14895/2020

ACPR/426/2023 du 06.06.2023 sur OCL/1694/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;ESCROQUERIE;FAUX MATÉRIEL DANS LES TITRES;SOUPÇON
Normes : CP.251; CP.146; CPP.310

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14895/2020 ACPR/426/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 6 juin 2023

 

Entre

 

A______, domicilié ______ [VD], comparant en personne,

recourant,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 20 décembre 2022 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 29 décembre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 20 décembre 2022, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a classé sa plainte contre B______.

Il déclare faire recours contre le classement.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. B______, mécanicien sur automobile, a exploité la société genevoise C______ Sàrl, déclarée en faillite le 22 septembre 2016 et radiée le ______ 2018.

b. Le 26 octobre 2020, puis les 20 janvier et 30 mars 2021, A______ a déposé plainte pénale contre B______, pour divers faits.

En substance, il lui reproche de vivre, avec sa compagne, en France voisine, dans la maison qu'il leur louait depuis le 1er novembre 2019 et dont ils ne payaient pas le loyer. Un litige était en cours devant les juridictions civiles françaises. Son préjudice s'élevait à CHF 100'000.-. B______ n'avait, de plus, pas déclaré son statut de frontalier, prétendant faussement habiter à Genève pour conserver indûment son permis C et frauder l'Administration fiscale cantonale genevoise.

En outre, B______ avait établi de fausses factures à hauteur de CHF 39'287,61, pour des réparations sur ses véhicules (ceux du plaignant), et les lui avait adressées dans le but d’obtenir le paiement de sommes indues.

Enfin, B______ avait bénéficié d'un prêt de la part de la Fédération d'aide aux entreprises à Genève (FAE) de l'ordre de CHF 100'000.- pour sa société C______ Sàrl, avant de mettre cette dernière en faillite et de partir avec l'argent.

c. Des plaintes ont également été déposées contre B______ par d'autres personnes ou entités, parmi lesquelles D______, pour abus de confiance.

d. Le Ministère public a ouvert une instruction contre B______, notamment, pour faux dans les titres (art. 251 CP), abus de confiance (art. 138 CP), escroquerie (art. 146 CP) et infraction à l'art. 118 al. 1 de la Loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI).

e. Lors de ses auditions par la police et le Ministère public, B______ a contesté les faits reprochés.

Il habitait à Genève et ne vivait pas sous le même toit que son amie intime, mais se rendait régulièrement chez elle.

Les factures pour un total de CHF 39'287,61, dues par A______, avaient été comptabilisées par la fiduciaire et figuraient officiellement dans les bilans déclarés. Il avait intenté des poursuites, toujours en cours, contre A______ et ses sociétés, en recouvrement du montant précité. En invoquant la prétendue fausseté des factures, le précité avait trouvé un prétexte pour refuser d'honorer les sommes qu'il lui devait.

Le prêt de la FAE pour C______ Sàrl avait été reçu environ deux ans avant la faillite de celle-ci. Il ne comptait pas s'approprier illégitimement cette somme, qu'il était tenu de rembourser car le crédit était en son nom propre.

Après que le produit de la vente du véhicule que D______ lui avait confié s'était retrouvé dans la masse en faillite de C______ Sàrl, il avait conclu une convention de remboursement, le 15 avril 2021, avec le précité, mais n'avait pas encore commencé les versements.

f. L'instruction a porté sur les divers actes reprochés au prévenu.

g. Par suite de l'avis de prochaine clôture de l'instruction, A______ a requis que l'instruction porte notamment sur un four à peinture qui aurait été installé dans les locaux de la société C______ Sàrl quelques temps après sa faillite.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a retenu [en lien avec les infractions encore litigieuses au stade du recours], que B______ avait produit de nombreuses factures détaillées justifiant la liste des postes ouverts pour CHF 39'287,61, ayant par ailleurs intenté à cet égard des poursuites toujours en cours contre A______. Il ne ressortait pas des éléments du dossier que ces factures seraient de faux documents, les pièces produites par B______ permettant au contraire de rendre vraisemblable qu'il avait une créance à l'encontre du précité. La question de savoir si les montants réclamés dans les factures litigieuses étaient dus relevait des juridictions civiles.

Aucun soupçon ne justifiait une mise en accusation de B______ par suite des faits reprochés par D______, le respect de l'engagement signé entre les parties relevant de la compétence des juridictions civiles.

Les accusations de A______ en raison du prêt d'un peu moins de CHF 100'000.- de la part de la FAE pour C______ Sàrl ne reposaient sur aucun élément objectif du dossier, étant relevé qu'à la suite de la faillite de cette dernière, B______ remboursait mensuellement le montant octroyé par le biais d'une saisie sur salaire.

S'agissant de l'infraction à l'article 118 LEI, les accusations de A______ n'étaient corroborées par aucun élément objectif du dossier, en particulier d'éventuels soupçons transmis au Ministère public de la part de l'Office cantonal de la population et des migrations.

D. a. Dans son recours, A______ persiste à reprocher à B______ d'avoir "mis en faillite" la société C______ Sàrl et créé immédiatement une nouvelle société à la même adresse, en investissant près de CHF 100'000.- pour l'équiper d'un four à peinture neuf et continuer l'activité. Le prévenu disposait donc des fonds nécessaires à éponger tout ou partie des dettes, mais avait préféré léser les créanciers en mettant la société en faillite. Une enquête approfondie aurait mis en évidence que le précité était coutumier du fait.

B______ lui avait adressé des factures tant à son nom (celui du recourant) qu'à celui de ses sociétés, alors que les véhicules sur lesquels des réparations auraient prétendument été réalisées ne pouvaient être enregistrés sous différentes entités en même temps. Aucun détail des factures n'avait pu être fourni par le prévenu car elles avaient été "fabriquées" au moment où lui-même lui réclamait les loyers dus.

Il déclare se constituer partie plaignante pour l'infraction "avérée" à l'art. 118 LEI, en sa qualité de propriétaire de la maison que le prévenu habitait bel et bien. Il produit à cet égard des rapports d'enquête établis par une détective privée. Le précité lui avait d'ailleurs envoyé un message – produit à l'appui du recours –, démontrant de manière irréfutable qu'il avait habité la maison et devait donc les loyers réclamés, à hauteur de CHF 100'800.-.

D______ avait également été floué par le prévenu, qui n'avait toujours pas réglé son dû.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

 

EN DROIT :

1.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2.             2.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir.

2.2. Seule la partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l’annulation d’un prononcé est habilitée à quereller celui-ci (art. 382 al. 1 CPP).

Selon l'art. 118 al. 1 CPP, on entend par partie plaignante le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure pénale. La notion de lésé est définie à l'art. 115 CPP; il s'agit de toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction, c’est-à-dire le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 147 IV 269 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1B_669/2021 du 8 mars 2022 consid. 3.1).

2.2.1. Les art. 163 ss CP protègent le patrimoine des créanciers et la poursuite pour dettes elle-même, en tant que moyen d'assurer le respect des droits de ces derniers. Dès lors, les créanciers individuels directement touchés sont légitimés à se constituer partie plaignante (ATF 140 IV 155 consid. 3.3.2 p. 58 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1279/2018 du 26 mars 2019 consid. 1.2.1).

2.2.2. Le faux dans les titres (art. 251 CP) peut porter atteinte à des intérêts individuels, en particulier s'il vise à nuire à une personne. Tel est le cas lorsqu’un document est présenté à un individu qui pourrait prendre des dispositions sur cette base (ATF 148 IV 170 précité, consid. 3.5.1), respectivement quand le faux constitue l'un des éléments d'une infraction contre le patrimoine (arrêt du Tribunal fédéral 6B_666/2021 du 13 janvier 2023 consid. 3.1.2).

2.2.3. La LEI règle le statut des étrangers en Suisse et tend à promouvoir leur intégration (Message concernant la loi sur les étrangers [ci-après : Message], FF 2002 3531 ad art. 1).

2.2.4. En l'espèce, le recourant, qui n'est pas créancier de la société faillie C______ Sàrl, ne peut faire valoir aucun intérêt juridiquement protégé à recourir contre le classement de la procédure en tant qu'elle porte sur d'éventuelles infractions commises dans la faillite et la poursuite pour dettes (art. 163ss CP). Il revêt, à cet égard, la qualité de dénonciateur, qui ne dispose d'aucun droit de recours (art. 301 al. 3 CPP).

Le recourant ne revêt pas non plus la qualité de lésé en tant qu'il dénonce une infraction à l'art. 118 LEI (comportement frauduleux à l'égard des autorités), cette loi protégeant l’intérêt collectif uniquement. Il ne peut donc pas revendiquer la qualité de partie plaignante. Que le prévenu ne paie – le cas échéant – pas les loyers de la maison du recourant, en France, n'est pas un dommage dont ce dernier peut se prévaloir sous l'angle d'une infraction à la LEI.

Enfin, le recourant ne peut pas non plus recourir contre le classement de faits ayant porté préjudice à un autre plaignant, en l'occurrence D______.

Le recours est donc irrecevable en tant qu'il vise ces infractions.

3.             Le recourant reproche à la décision querellée de ne pas avoir retenu que le prévenu lui avait adressé de "fausses factures".

3.1. Aux termes de l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a) ou lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b). La décision de classer la procédure doit être prise en application du principe "in dubio pro duriore". Celui-ci signifie qu'en règle générale, un classement ne peut être prononcé par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public dispose, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243 ; 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91).

3.2. Selon l'art. 251 CP, se rend coupable de faux dans les titres celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre.

Cette disposition vise non seulement un titre faux ou la falsification d'un titre (faux matériel), mais aussi un titre mensonger (faux intellectuel). Il y a faux matériel lorsque l'auteur réel du document ne correspond pas à l'auteur apparent, alors que le faux intellectuel vise un titre qui émane de son auteur apparent, mais dont le contenu ne correspond pas à la réalité. Un simple mensonge écrit ne constitue cependant pas un faux intellectuel. Le document doit revêtir une crédibilité accrue et son destinataire pouvoir s'y fier raisonnablement. Tel est le cas lorsque certaines assurances objectives garantissent aux tiers la véracité de la déclaration (ATF 144 IV 13 consid. 2.2.2).

Les documents tels que des factures, des contrats ou des quittances n'ont pas de valeur probante accrue en eux-mêmes, mais l'acquièrent lorsqu'ils sont destinés à servir de pièce comptable (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ, Commentaire romand : Code pénal II (art. 111 – 392 CP), Bâle 2017, n. 90 ad art. 251). Ainsi, ont été jugés ne pas constituer un titre à valeur probante accrue des contrats simulés utilisé par une partie pour justifier des transferts vis-à-vis du fisc (arrêt du Tribunal fédéral 6B_184/2013 du 1er octobre 2013 consid. 6.6; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ, op cit., n. 102 ad art. 251 et les autres exemples cites).

3.3. En l'espèce, le prévenu se prévaut, à l'égard du recourant, de factures d'un montant total de CHF 39'287,61 au titre de réparations sur des véhicules de ce dernier, qui en conteste le bien-fondé. Le recourant allègue que le prévenu aurait "fabriqué" ces factures, en réaction au fait que lui-même lui réclame des loyers pour la location de sa maison en France.

S'il paraît douteux que les factures litigieuses revêtent la qualité de titre au sens de l'art. 251 CP, le recourant ne mentionne aucun fait concret susceptible de mettre en doute leur authenticité. Que le prévenu ait adressé celles-ci tant au recourant qu'à ses sociétés n'établit pas l'existence d'une infraction pénale mais, tout au plus, un argument à opposer devant les juridictions civiles pour en contester le bien-fondé, en tout ou partie.

La décision querellée ne prête donc pas le flanc à la critique.

4.             Infondé, le recours sera dès lors rejeté.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/14895/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

 

 

 

Total

CHF

1'000.00