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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/4/2023

ACPR/361/2023 du 16.05.2023 ( RECUSE ) , REJETE

Descripteurs : RÉCUSATION
Normes : CPP.58; CPP.56

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/4/2023 ACPR/361/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 16 mai 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant en personne,

requérant,

et

B______, Procureure, Ministère public, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

citée.


EN FAIT :

A. Par courrier reçu par le Ministère public le 10 janvier 2023, A______ requiert la récusation de la Procureure B______, dans le cadre de la procédure P/1______/2019.

La Procureure a transmis cette requête à la Chambre de céans.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ est en litige contre son épouse, C______, avec qui il est en instance de séparation, et D______.

b. Dans ce contexte, de nombreuses plaintes ont été déposées, d'un côté comme de l'autre, dont l'instruction des causes a ultimement été jointe à la présente procédure, conduite par la Procureure B______.

En particulier, A______ reproche à D______, qu'il désigne comme "l'amant" de C______, une mauvaise gestion des affaires de E______ SÀRL, dont il était administrateur, d'avoir modifié ses accès informatiques en qualité de webmaster du site internet de cette société et de l'avoir "poussé" le 5 décembre 2019.

c. Le 23 avril 2021, B______ a tenu une audience en présence de A______, C______ et D______, lesquels ont été interrogés sur différents complexes de faits dénoncés dans les plaintes.

d. Le 26 avril 2021, A______ a écrit à la Procureure, expliquant avoir été "choqué" par le déroulement de l'audience, laquelle se révélait "lumineuse quant au grand n'importe quoi et à la confusion qui [prévalait] depuis maintenant presque deux ans". Il avait été surpris d'y voir D______, qu'il croyait expulsé de Suisse, et déplorait que celui-ci eût pu accéder à des informations d'ordre privé. L'intéressé avait fait "son habituel numéro de charme et d'esbroufe".

Pour le surplus, A______ a soutenu que les déclarations faites par C______ et D______ étaient incohérentes et "mensongères".

e. Par courrier du 18 mai 2022 adressé au Procureur général, A______ s'est plaint du traitement de la cause depuis juillet 2019, s'étonnant, à nouveau, du fait que D______ fût présent à l'audience du 23 avril 2021 et qu'il y avait "bénéficié d'un tel traitement de VIP". La lenteur de l'instruction avait des conséquences négatives sur ses enfants et la jonction des différentes procédures avait conforté son épouse "dans le fait qu'elle pouvait mentir (ou faire mentir via ses 6 avocats successifs) sans conséquences pour elle". Il réitérait ainsi sa plainte pour diffamation, ainsi que celle pour vol de certaines de ses affaires personnelles.

f. Le 22 décembre 2022, la Procureure a avisé les parties, par pli simple, que les faits reprochés à D______ allaient faire l'objet d'une ordonnance de classement, le reste de la procédure se poursuivant au surplus.

C. a. Dans sa requête en récusation, A______ explique avoir été "choqué" de prendre connaissance d'un mandat de comparution pour le 16 février 2023 mais, surtout, par l'avis de prochaine clôture concernant D______, "sans aucune explication et apparemment sans droit de recours". Vu l'attitude de B______ durant l'audience du 23 avril 2021, "de toute évidence sous [le] charme" de D______, le fait qu'il n'avait pas été averti de la présence de ce dernier à cette audience et l'absence de réaction de la Procureure face à son courrier du 26 avril 2021, la décision de classer les faits à l'égard de l'intéressé dénotait "un évident manque d'impartialité et une grave erreur de jugement". Si le dossier "avait été traité avec sérieux et impartialité, les conclusions auraient été naturellement différentes" et il fallait donc revenir "sur la décision de classer l'instruction vis-à-vis" de D______. Il se réservait le droit de contacter le Conseil supérieur de la magistrature pour signaler les "multiples défaillances – violation du principe de célérité, faits et preuves occultés, défaut d'information, confusion, partialité apparente, etc." – et les conséquences "dramatiques", notamment pour ses enfants. Il souhaitait enfin comprendre pourquoi sa plainte du 18 mai 2022 pour faux témoignage contre une collaboratrice du Service de protection des mineurs n'avait pas encore été traitée.

b. Dans sa détermination, B______ conclut à l'irrecevabilité de la requête, subsidiairement à son rejet. Les griefs de A______ relatifs à l'absence de voies de recours contre l'avis de prochaine clôture et à la présence de D______ à l'audience du 23 avril 2021 relevaient d'une méconnaissance de la procédure pénale. Aucun indice ne permettait de retenir une partialité de sa part au cours de ladite audience et ce motif était, en tout état, tardif. Pour le surplus, il appartenait à A______ de consulter la procédure pour en connaître son avancement.

c. Dans sa réplique, A______ estime que "l'appréciation d'un délai acceptable [était] compliqué" et qu'il avait d'abord essayé d'arranger les choses directement avec B______. Il n'avait, par ailleurs, pas tardé à agir puisque son courrier du 18 mai 2022 adressé au Procureur général était sans ambiguïté sur ses reproches à la précitée. Une précédente audience ayant été tenue en l'absence de D______, il n'avait aucune raison de penser qu'il en irait autrement lors de celle du 23 avril 2021. Ses propos avaient été déformés, tandis que D______, traité en "VIP", avait eu tout le loisir de s'exprimer. B______ avait même donné à ce dernier "l'occasion de [l]'attaquer via une bien curieuse question: « vous me demandez si j'ai assisté à des violences dans le cadre de la gestion de la société »". Il était également "curieux" de demander à son épouse, devant son "ancien amant charismatique", si elle avait été victime d'emprise. Après trois ans d'attente, il n'y avait pas d'urgence à classer les faits reprochés à D______ et cette décision, qui était la "goutte d'eau", coïncidait "comme par hasard" avec sa discussion téléphonique avec la greffière de la Procureure durant laquelle il s'était étonné que celle-ci soit toujours chargée du dossier en dépit de son courrier du 18 mai 2022.

EN DROIT :

1.             Partie à la procédure P/1______/2019, en tant que prévenu et partie plaignante (art. 104 al. 1 let. a et b CPP), le requérant a qualité pour agir (art. 58 al. 1 CPP), et la Chambre de céans, siégeant dans la composition de trois juges (art. 127 LOJ), est compétente pour connaître de sa requête, dirigée contre un membre du ministère public (art. 59 al. 1 let. b CPP et 128 al. 2 let. a LOJ).

2.             2.1. Conformément à l'art. 58 al. 1 CPP, la récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, sous peine de déchéance (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3 p. 275 et les arrêts cités). En matière pénale, est irrecevable pour cause de tardiveté la demande de récusation déposée trois mois, deux mois ou même vingt jours après avoir pris connaissance du motif de récusation (arrêt du Tribunal fédéral 1B_118/2020 du 27 juillet 2020 consid. 3.2 et les arrêts cités).

2.2. En l'espèce, la demande en récusation a succédé à l'avis de prochaine clôture, les deux actes étant séparés par une vingtaine de jours. Toutefois, la date exacte à laquelle le requérant a pris connaissance de l'avis en question ne peut pas être établie, faute d'accusé de réception du pli le contenant (art. 85 al. 2 CPP). On comprend, par ailleurs, des explications du requérant que la partialité de la Procureure se révélerait par l'accumulation de plusieurs facteurs, dont la décision de classer la procédure à l'égard du prévenu consacrerait l'ultime occurrence, mais les motifs principaux de sa demande en récusation se rapportent à l'audience tenue le 23 avril 2021.

La recevabilité de la requête paraît ainsi douteuse, mais elle souffre de rester indécise, compte tenu de ce qui suit.

3.             3.1. À teneur de l'art. 56 let. f CPP, toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est tenue de se récuser lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à la rendre suspecte de prévention.

La procédure de récusation a pour but d'écarter un magistrat partial, respectivement d'apparence partiale afin d'assurer un procès équitable à chaque partie (ATF 126 I 68 consid. 3a p. 73; arrêt du Tribunal fédéral 1B_430/2021 du 22 octobre 2021 consid. 2.3.2). Elle vise notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 144 I 159 consid. 4.3 p. 162; 143 IV 69 consid. 3.2 p. 74; arrêt 1B_25/2022 du 18 mai 2022 consid. 2.2). L'impartialité subjective d'un magistrat se présume jusqu'à preuve du contraire (ATF 136 III 605 consid. 3.2.1 p. 608; arrêt du Tribunal fédéral 6B_621/2011 du 19 décembre 2011).

3.2. Dans le cas d'espèce, de nombreux motifs invoqués par le requérant peuvent être d'emblée écartés, dès lors qu'ils sont en réalité la simple conséquence d'impératifs procéduraux.

D______, prévenu faisant l'objet de plusieurs plaintes déposées par le requérant, dispose, ès qualité, du droit de participer à l'administration des preuves (art. 147 CPP) et pouvait – voire, devait – être présent à l'audience du 23 avril 2021.

L'absence de voies de recours contre l'avis de prochaine clôture découle de sa nature puisque cet acte n'a qu'une portée déclarative (cf. Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 5 s. ad art. 318). Le cas échéant, les parties ont la possibilité d'agir contre le classement lui-même (art. 393 al. 1 let. a CPP).

Eu égard aux nombreuses ramifications composant la procédure et le contexte conflictuel qui l'entoure, on ne saurait reprocher à la Procureure de n'avoir pas pu donner immédiatement suite à la plainte déposée par le requérant le 18 mai 2021.

Pour le surplus, les éléments soulevés par le requérant ne sont étayés par aucun élément objectif.

Le déroulement de l'audience du 23 avril 2021 ne présente aucune singularité permettant de retenir une partialité de la Procureure. Les questions mises en lumière par le requérant n'apparaissent pas orientées et il ne ressort pas du procès-verbal que D______aurait tenté de "charmer" la magistrate, ni que celle-ci aurait été sensible à la manœuvre. Au demeurant, le requérant conservait la possibilité de faire protocoler toutes paroles ou tout comportement qu'il estimait inadéquats, de même que de faire corriger la teneur de ses propos si ceux-ci n'étaient pas retranscrits correctement. N'ayant fait ni l'un, ni l'autre, ses griefs se fondent uniquement sur ses propres convictions.

Enfin, comme mentionné plus haut, si le requérant souhaite contester le classement annoncé de la procédure, il lui appartiendra de recourir en temps utile contre l'ordonnance topique. Le choix de la Procureure de mettre un terme à l'instruction à l'égard de D______ ne fonde, en soi, aucun un motif de récusation.

4.             La requête sera ainsi rejetée.

5.             En tant qu'il succombe, le requérant supportera les frais de la procédure (art. 59 al. 4 CPP), fixés en totalité à CHF 1'000.-.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette la requête de récusation.

Condamne A______ aux frais de la procédure de récusation, arrêtés à CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au requérant et à B______.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/4/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

-

CHF

- demande sur récusation (let. b)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00