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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/25304/2022

ACPR/358/2023 du 15.05.2023 ( JMI ) , REJETE

Descripteurs : PROCÈS DEVENU SANS OBJET;DROIT PÉNAL DES MINEURS;OBSERVATION AMBULATOIRE OU INSTITUTIONNELLE;PROPORTIONNALITÉ;DÉTENTION ILLICITE
Normes : DPMin.9; DPMin.44.al1

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/25304/2022 ACPR/358/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 15 mai 2023

 

Entre

A______, actuellement placé au foyer B______, comparant par Me C______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance rendue le 30 mars 2023 par le Juge des mineurs,

et

LE JUGE DES MINEURS, rue des Chaudronniers 7, 1204 Genève, case postale 3686, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 13 avril 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 30 mars 2023, notifiée le 3 avril 2023, par laquelle le Juge des mineurs a refusé de lever son placement en milieu fermé aux fins d'observation.

Il conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance, à la levée dudit placement avec effet immédiat et au constat de son illicéité à compter de sa demande de levée.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, né le ______ 2007, fait l'objet de différentes mesures de protection instaurées par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: TPAE) – droit de regard et d'information, curatelle d'assistance éducative –, en raison de comportements violents et de la mise en danger de son développement.

b. Par ordonnance pénale du 29 mars 2022 (OJMI/183/2023), le Juge des mineurs l'a reconnu coupable de lésions corporelles simples de peu de gravité et menaces à l'égard d'un camarade après qu'il lui eut planté un stylo dans le bras, engendrant ainsi une ecchymose et lui eut dit, à plusieurs reprises, qu'il avait envie de le frapper et qu'il le tuait dans ses rêves.

c.a. Par ordonnance du 24 juin 2022 (DTAE/4564/2022), le TPAE a ordonné une expertise de A______ afin de déterminer son état de santé psychique, les traitements dont il avait éventuellement besoin, le lieu de vie qui lui serait approprié et sa capacité d'adhérer aux soins et aux prises en charge nécessaires, le cas échéant.

c.b. Selon le rapport d'expertise du 8 novembre 2022, l'intéressé présentait un trouble des conduites de type dyssocial. Les experts ont préconisé un traitement médical et psychothérapeutique, ainsi qu'un appui éducatif, sans placement dans un milieu fermé, dès lors qu'il pouvait représenter un danger pour autrui, mais que l'imminence et la survenue de ce risque n'étaient pas attestées.

d. Dans le cadre de la présente procédure, A______ est soupçonné de tentative de meurtre, voire d'agression, de lésions corporelles graves et de lésions corporelles simples, voire de vol et de brigandage pour avoir, le 15 novembre 2022, avec plusieurs autres individus, agressé D______, dont le pronostic vital avait été engagé.

Il lui est en particulier reproché d'avoir sauté sur le haut du corps de la victime, voire sur la tête, lorsqu'elle était à terre.

La sacoche de la victime et son natel ont en outre été emportés lors des faits.

e. Entendu par la police le 29 novembre 2022 et par le Juge des mineurs les 30 novembre, 6 et 7 décembre 2022, il a nié toute implication dans les faits et ce, bien qu'il fut mis en cause par d'autres protagonistes.

f. Par ordonnance du 7 décembre 2022 (OJMI/2123/022), le Juge des mineurs a ordonné la mise en observation en milieu fermé de A______ auprès du Centre pour mineurs E______. Il a invité le responsable pédagogique du lieu d'observation, ainsi que le médecin psychiatre rattaché à l'institution, à déposer leurs rapports "dès que possible".

g. En réponse à un courrier de A______ du 11 janvier 2023 l'interpellant sur une possible levée de son placement au profit d'éventuelles mesures de substitution, le Juge des mineurs a considéré qu'une telle levée était prématurée au vu de l'expertise qu'il envisageait d'ordonner.

h. Par ordonnance du 23 janvier 2023, le Juge des mineurs a ordonné une expertise médico-psychologique de A______.

Le recours interjeté par sa mère contre cette décision a été rejeté par arrêt de la Chambre de céans du 13 mars 2023 (ACPR/178/2023).

i. Lors de l'audience du 28 février 2023, il a été discuté de placer A______ dans un foyer à l'extérieur de Genève, avant d'envisager un retour à son domicile. L'intéressé déclarait aller mieux mais ne supportait plus son séjour à E______. Il voulait rentrer chez lui et reprendre sa scolarité.

j. Le 23 mars 2023, A______ a demandé la levée de son placement à des fins d'observation. Dit placement n'était pas nécessaire, eu égard aux conclusions du rapport d'expertise du 8 novembre 2022. Lors de l'audience du 28 février 2023, il avait été discuté de le placer dans un foyer à l'extérieur de Genève, avant d'envisager un retour au domicile. Il estimait que les éléments nécessaires à la rédaction d'un rapport sur ses besoins éducatifs et thérapeutiques avaient certainement pu être rassemblés depuis lors. Les conditions d'un placement n'étaient pas réunies et la mesure était disproportionnée. À cela s'ajoutait une organisation déficiente à E______, de sorte que le principe de célérité était violé.

k. À l'audience d'instruction du 27 mars 2023, A______ a fait part de sa fatigue d'être à E______ et son incompréhension face à la durée de son observation.

l. Selon le bilan scolaire établi le 27 mars 2023 par E______, l'observation de A______ en classe avait fait en sorte "d'être au plus proche des notions travaillées en 11ème au cycle d'orientation (C.O.) afin d'éviter que A______ ne prenne trop de retard sur le planning de son lieu de scolarisation". Il avait acquis les compétences et connaissances attendues en fin de 10ème Harmos et continuait de développer ses compétences dans les notions de 11ème Harmos.

C. Dans son ordonnance de refus querellée, le Juge des mineurs indique que la reddition du rapport d'observation de E______ était imminente et que lors de la dernière réunion de réseau, un placement hors canton avait été préconisé. Des mesures d'instruction étaient actuellement en cours pour examiner l'opportunité d'un tel placement. Les faits reprochés à l'intéressé étaient graves. La mesure instaurée s'avérait toujours nécessaire et s'inscrivait dans un souci de protection du mineur afin de connaître la solution la plus adaptée à ses besoins. Partant, la demande de levée était prématurée. Elle se confondait en outre avec un recours contre l'ordonnance de mise en observation en milieu fermé du 7 décembre 2022, laquelle n'avait pas été contestée par le mineur.

D. Le 31 mars 2023, E______ a rendu son rapport d'observation, qui préconise un placement de l'intéressé hors canton, une démarche auprès du foyer B______ étant en cours.

E. a. À l'appui de son recours, A______ considère que le placement ordonné n'était pas justifié. Son expertise psychiatrique ne le justifiait pas non plus, ce d'autant qu'il avait déjà fait l'objet d'une telle expertise quelques mois plus tôt. Ensuite, l'ordonnance querellée violait le principe de la proportionnalité, le retard pris pour la rédaction du rapport d'observation en raison de problèmes organisationnels ne pouvant légitimer un placement en milieu fermé durant plus de quatre mois. Or, nonobstant la reddition dudit rapport, qui soulignait sa bonne évolution, y compris scolaire, le placement n'avait toujours pas été levé. L'évocation d'un placement hors canton pouvait donner lieu au prononcé d'un placement provisionnel dans un foyer à Genève, le cas échéant. Enfin, son placement à E______ mettait en péril sa scolarité.

b. Par courrier du 3 mai 2023, A______, anticipant son prochain placement dans un foyer, estime qu'il conserve néanmoins un intérêt à ce que la légalité de son séjour à E______ soit examinée. Le cas échéant, il conclut complémentairement à ce que l'État de Genève soit condamné à lui verser une indemnité de CHF 200.- par jour de placement illicite.

F. a. Lors de l'audience du 25 avril 2023, A______ a été informé qu'une démarche d'accueil était en cours au foyer B______, qui était prêt à le recevoir pour un séjour de trois jours dès le 3 mai 2023, avec une entrée prévue le 8 mai 2023. Il a indiqué ne pas avoir envie d'y aller et préférer rentrer chez lui.

b. Le séjour en question s'étant globalement bien déroulé, le Juge des mineurs a, par ordonnance provisionnelle du 8 mai 2023, mis fin à l'observation en milieu fermé de A______ à E______ avec effet rétroactif au 8 mai 2023 et ordonné, dès cette date, son placement au foyer B______.

 

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 3 al. 1 de la Loi fédérale sur la procédure pénale applicable aux mineurs du 20 mars 2009 [PPMin; RS 312.1]; art. 393 al. 1 let a. CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 30 al. 2 et 39 al. 2 PPMin cum art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane du prévenu qui a qualité pour agir (art. 38 al. 1 let. a et b PPMin cum art. 383 CPP).

2. En tant que le Juge des mineurs a prononcé, le 8 mai 2023, la levée de l'observation en milieu fermé, le recours est devenu sans objet sur ce point.

3. Le recours conserve néanmoins un objet en tant que A______ conclut au constat de l'illicéité de son placement à compter de sa demande de levée du 23 mars 2023.

Dans la mesure où l'intéressé admet que les conditions ayant présidé son placement aux fins d'observation à E______, ordonné le 7 décembre 2022, étaient remplies – il n'avait du reste pas contesté celui-ci –, ses développements en lien avec l'absence de pertinence dudit placement tombent à faux.

L'argument selon lequel l'expertise ordonnée par le Juge des mineurs le 23 janvier 2023 n'avait pas lieu d'être et ne justifiait pas son placement en milieu fermé, car il avait déjà fait l'objet d'une expertise ordonnée par le TPAE peu de temps auparavant, n'est par ailleurs pas pertinent, la Chambre de céans ayant statué que la nouvelle expertise – à la lumière des nouveaux faits survenus le 15 novembre 2022 – visait d'autres objectifs (cf. ACPR/178/2023 du 13 mars 2023 consid. 5.3).

Le recourant considère ensuite qu'une observation en milieu fermé de plus de quatre mois viole le principe de la proportionnalité.

3.1. L'observation, au sens de l'art. 9 DPMin, n'est pas une mesure de protection, mais une mesure d'instruction, qui vise à permettre à l'autorité compétente de connaître les besoins éducatifs et/ou thérapeutiques du mineur, afin qu'elle puisse prononcer la mesure de protection ou la peine adéquate.

Une enquête sur l'environnement social et éducatif du mineur est effectuée dans la mesure où elle est nécessaire pour statuer sur la mesure de protection ou la peine à prononcer. Elle a pour but d'aider l'autorité à prendre une décision qui réponde aux besoins éducatifs ou/et thérapeutiques du mineur.

Si cette observation est le plus souvent ambulatoire et est effectuée par le biais de consultations successives (par exemple dans un centre médico-psychiatrique pour enfants ou adolescents), elle peut également être institutionnelle, comme le prévoit expressément l'art. 9 al. 1 in fine DPMin. Dans ce cas, l'enquête se fera dans le cadre d'un séjour plus ou moins long dans un établissement approprié (par exemple dans une division spéciale d'un établissement fermé pour mineurs, tel que le Centre E______ à F______/Genève) et le mineur sera temporairement privé de sa liberté. Ce seront alors les éducateurs et autres collaborateurs (tels que des enseignants spécialisés, des maîtres socio-professionnels, des psychologues ou autres) de cet établissement qui feront rapport à l'autorité compétente de tous les aspects de la vie quotidienne du mineur (M. GEIGER / E. REDONDO / L. TIRELLI, Droit pénal des mineurs - Petit Commentaire, Bâle 2019, n. 18ss ad. 9).

3.2. Le principe de la proportionnalité exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité); en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts) (ATF 135 I 169 consid. 5.6 p. 174 ; 133 I 110 consid. 7.1; 132 I 49 consid. 7.2 et les arrêts cités).

3.3. La durée d'une observation est variable. Elle est généralement comprise entre un et trois mois et dépend des circonstances de chaque situation personnelle du mineur. Si l'observation ne doit pas être illimitée, sa durée ne doit pas nécessairement être fixée précisément dans la décision de l'autorité d'instruction. En pratique, les modalités d'exécution de l'observation, notamment la durée, dépendent également de la politique de chaque établissement; à E______, cette durée est de plus ou moins trois mois. Cette souplesse est nécessaire pour permettre au juge de mettre en place les solutions éducatives qui se dégagent au terme de l'observation. Une prolongation peut même concrètement se justifier pour déterminer un lieu de placement, mettre en œuvre un projet éducatif futur ou encore pour patienter en vue d'une place vacante au sein d'un foyer correspondant aux besoins du mineur (M. GEIGER / E. REDONDO / L. TIRELLI, op. cit., n. 24 ad. 9).

3.4. En l'espèce, il ressort de ce qui précède que si la durée d'une observation est généralement de plus ou moins trois mois, il ne s'agit pas d'une règle absolue. Telle durée peut même être prolongée. On ne saurait ainsi considérer, comme l'affirme le recourant, que le principe de la proportionnalité est ici violé au motif que la durée de trois mois est dépassée. La proportionnalité s'apprécie en fonction des circonstances de la situation et de la situation personnelle du mineur.

Le rapport d'observation de E______ a été rendu le 31 mars 2023 et détaille chronologiquement les différentes étapes et entretiens ayant eu lieu. Il ne mentionne aucune difficulté organisationnelle qui aurait pu retarder sa reddition, comme le prétend le recourant. On ne saurait en outre considérer que ce rapport a été rendu tardivement, en violation du principe de célérité, compte tenu des objectifs qu'il avait pour mission de remplir. Partant, une levée du placement avant la reddition dudit rapport n'était guère envisageable, ce que l'ordonnance querellée rappelle du reste au recourant.

À suivre ce dernier, le placement aurait dû être levé à tout le moins à la date de reddition du rapport.

Si le rapport préconisait certes un placement temporaire du recourant hors canton, au foyer B______, encore fallait-il que celui-ci puisse être concrétisé. Des démarches ont été entreprises à cette fin et, le 3 mai 2023, le recourant y a été accueilli pour trois jours d'abord avant d'y être placé le 8 mai suivant.

Dans la mesure où, aux termes de l'observation, il n'était question ni d'un retour du recourant chez sa mère ni du placement de l'intéressé dans un foyer genevois, on ne voit pas quelle autre alternative au maintien du placement en milieu fermé à E______ aurait dû être mise en œuvre dans l'intervalle.

Enfin, le recourant n'établit nullement que son placement en milieu fermé mettra sa scolarité en péril, des cours lui ayant été dispensés durant celui-ci. Son bilan scolaire au 27 mars 2023 non seulement en atteste et mais encore met en avant ses bonnes capacités scolaires.

Partant, on ne décèle aucune illicéité ni violation du principe de la proportionnalité dans la durée du placement entre le 23 mars et le 8 mai 2023.

Sous cet aspect, le recours doit ainsi être rejeté.

4. Il n'y a pas de raison de s'écarter de la règle selon laquelle les frais de procédure sont en principe supportés par le canton (art. 44 al. 1 PPMin).

5. À ce stade, il n'y a pas lieu d'indemniser le défenseur d'office (cf. art. 135 al. 2 cum 138 al. 1 CPP).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours, dans la mesure où il n'est pas devenu sans objet.

Laisse les frais de la procédure à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, soit pour lui son conseil, et au Juge des mineurs.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).