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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/21299/2022

ACPR/312/2023 du 04.05.2023 sur ONMMP/1062/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;LÉSION CORPORELLE;MENACE(DROIT PÉNAL);MÉNAGE COMMUN
Normes : CPP.310; CP.30; CP.31; CP.123; CP.180

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21299/2022 ACPR/312/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 4 mai 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______, comparant par Me Maëlle KOLLY, avocate, ZUTTER LOCCIOLA BUCHE & Ass., rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,

recourante,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière et l'ordonnance de refus d'octroi de l'assistance judiciaire rendues le 17 mars 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 31 mars 2023, A______ recourt contre les ordonnances du 17 mars 2023, communiquées par pli simple, à teneur desquelles le Ministère public a, d'une part, décidé de ne pas entrer en matière sur sa plainte et, d'autre part, refusé de lui octroyer le bénéfice de l'assistance juridique gratuite.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de ces ordonnances, au renvoi de la cause au Ministère public pour l'ouverture d'une instruction et à ce que l'assistance judiciaire lui soit accordée, tant pour l'instance précédente que pour la procédure de recours.

b. Selon le rapport du Greffe de l'assistance juridique du 14 avril 2023, A______ n'est pas en mesure de financer sa défense par ses propres deniers, son revenu mensuel disponible étant inférieur au minimum vital à Genève majoré de 25%.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ et B______ ont entretenu une relation entre janvier 2019 et janvier 2022, durant laquelle est né leur fils C______, le ______ 2021.

A______ est également la mère de D______, née d'un précédent mariage qui n'était pas encore dissout à la naissance de C______.

Dans le cadre d'une action en désaveu pour permettre à B______ de reconnaître C______ et vu les "conflits conjugaux récurrents" avec A______, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: TPAE) a invité le Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (ci-après: SEASP) à établir un rapport d'évaluation sociale.

b. Le 6 juillet 2022, le SEASP a adressé au Ministère public une dénonciation en lien avec la situation familiale de A______ et B______.

Lors d'un entretien visant à établir ledit rapport, A______ avait allégué avoir subi de la part de B______ des "violences physiques, verbales et psychologiques". En particulier, il lui aurait asséné un coup de poing dans le ventre alors qu'elle était enceinte de C______, menaçant de mort l'enfant si elle mettait fin à leur relation; il aurait, en outre, projeté D______ contre un mur lors d'une dispute en janvier 2022. Plus généralement, A______ s'était plainte notamment de coups, d'étranglements, d'arrachage de cheveux, d'insultes et de menaces de lui retirer l'enfant. Hormis un épisode impliquant D______, A______ n'avait jamais évoqué auparavant ces "violences conjugales" avec un professionnel, ni ne les avaient rapportées à la police.

Cette dénonciation a donné lieu à l'ouverture de la procédure P/1______/2022, dans le cadre de laquelle B______ a été entendu par la police.

c. Le 7 juillet 2022, le SEASP a rendu son rapport, duquel il ressort que A______ et B______ n'ont jamais emménagé ensemble durant leur relation, bien que celui-là passait "la plupart de son temps" chez celle-ci.

d. Le 5 octobre 2022, A______ a porté plainte contre B______, reprenant, en substance, ses explications au SEASP.

e. À la police, B______ s'est référé à ses déclarations tenues lors de son audition dans le cadre de la P/1______/2022, contestant pour le surplus les faits dénoncés par A______.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public estime que lesdits faits pouvaient être constitutifs de lésions corporelles simples (art. 123 CP) et menaces (art. 180 CP). Cela étant, il ne ressortait pas de la procédure que A______ et B______ vivaient en ménage commun, de sorte que ces infractions n'étaient pas poursuivies d'office. Il s'ensuivait que la plainte de A______ était tardive, ce qui constituait un empêchement de procéder.

D. a. Dans son recours, A______ conteste l'empêchement de procéder retenu par le Ministère public. Si B______ et elle avaient chacun leur appartement respectif, plusieurs éléments permettaient de conclure à l'existence d'un ménage commun. Durant le COVID, il était venu vivre chez elle, ainsi que lors de la naissance de leur fils. Le précité disposait des clés de son appartement à elle et leur relation, qui durait depuis trois ans, avait vocation à perdurer autour d'un projet d'avenir commun, ce que la conception de C______ avait concrétisé. L'idée du mariage avait également été évoquée par B______. Une communauté de vie se matérialisait aussi sur le plan financier, B______ prenant en charge la grande majorité des frais de C______. Pour le surplus, à défaut de pouvoir privilégier une version au détriment de l'autre, le Ministère public ne pouvait pas refuser d'entrer en matière sur sa plainte et devait procéder à son audition, ainsi qu'à celles de proches ou de membres de sa famille qui étaient susceptibles de confirmer ses dires.

En annexe du recours figurent notamment:

- un message WhatsApp envoyé par A______ à B______ le 12 février 2021, lui demandant de rendre les clés de son appartement;

- la plainte pénale déposée le 12 août 2022 par B______ contre A______. Il en ressort que le couple s'était séparé une première fois en février 2021 du fait que celui-ci ne "supportai[t] pas la vie" avec celle-là, laquelle aurait tu la continuation de son précédent mariage, ce qui avait entrainé les difficultés liées à la filiation de C______.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Les pièces nouvelles sont également recevables (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

2.             La recourante reproche également au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte.

2.1. Selon l'art. 310 al. 1 let. b CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière lorsqu'il s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police qu'il existe des empêchements de procéder.

Tel est le cas lorsque le délai pour déposer plainte prévu par l'art. 31 CP – trois mois dès le jour ou l'ayant droit a connu l'auteur de l'infraction – n'a pas été respecté (arrêt du Tribunal fédéral 6B_848/2018 du 4 décembre 2018 consid. 1.5).

2.2.1. Se rend coupable de lésions corporelles simples (art. 123 CP) celui qui, intentionnellement, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé.

2.2.2. Se rend coupable de menaces (art. 180 CP) celui qui, par une menace grave, alarme ou effraie une personne.

2.2.3. Les infractions aux art. 123 et 180 CP se poursuivent, soit sur plainte (al. 1), soit d'office si l'auteur est le partenaire de la victime, pour autant qu'ils fassent ménage commun pour une durée indéterminée et que l'atteinte ait été commise durant cette période ou dans l'année qui a suivi la séparation (al. 2).

Cette hypothèse vise une relation de concubinage stable (arrêts du Tribunal fédéral 6B_757/2020 du 4 novembre 2020 consid 2.2 et 6B_1057/2015 du 25 mai 2016 consid. 1.1), ce par quoi il faut entendre une communauté de vie d'une certaine durée, voire durable, entre deux personnes, qui présente une composante tant spirituelle que corporelle et économique, et qui est parfois désignée comme une communauté de toit, de table et de lit. Si plusieurs années de vie commune sont certes un élément parlant en faveur d’une telle relation, elles ne sont pas à elles seules décisives. Le juge doit procéder dans chaque cas à une appréciation de l'ensemble des circonstances de la vie commune (ATF 138 III 157 consid. 2.3.3; arrêts du Tribunal fédéral 6B_757/2020 et 6B_1057/2015 précités). L'union doit avoir acquis une certaine stabilité, plus ou moins comparable à un mariage ou à un partenariat enregistré (B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3ème éd., Berne 2010, n. 33 ad art. 123 CP).

2.3. En l'espèce, de l'aveu même de la recourante, elle n'a jamais formellement partagé de domicile commun avec le mis en cause, chacun ayant son propre appartement. Si ce critère n'est pas encore déterminant, il est renforcé par la teneur du rapport d'évaluation sociale du SEASP, selon lequel les précités n'ont jamais emménagé ensemble.

Partant, s'il n'est pas contesté qu'ils ont entretenu une relation, ils n'ont pas fait ménage commun au sens strict du terme. Le fait de détenir les clés du logement de l'autre ne saurait être un indice suffisant pour retenir l'inverse.

De surcroît, les éléments au dossier ne permettent pas de retenir que leur relation, qui a duré trois ans, présentait une certaine stabilité. Leur vie conjugale était visiblement ponctuée de "conflits récurrents", ce qui a d'ailleurs poussé le TPAE à procéder à une évaluation familiale. D'ailleurs, le mis en cause semble avoir voulu se séparer une première fois en février 2021. À cela s'ajoute encore que la recourante est restée mariée à son ancien conjoint durant sa relation avec le mis en cause. Le paiement, par ce dernier, d'une partie – même importante – des frais de leur enfant, ne suffit pas à contredire ce qui précède.

Dans ces circonstances, leur union ne présentait pas les caractéristiques permettant d'appliquer l'alinéa 2 des art. 126 et 180 CP.

Par conséquent, les faits dénoncés, antérieurs à janvier 2022, ne se poursuivent pas d'office et la plainte déposée le 5 octobre 2022 est, dès lors, tardive, ce que le Ministère public a constaté à juste titre.

3.             La recourante conteste également le refus du Ministère public de lui octroyer l'assistance judiciaire.

3.1. Conformément à l'art. 136 al. 1 CPP, l'assistance judiciaire est accordée à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles si elle est indigente (let. a) et si l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. b).

La cause du plaignant ne doit pas être dénuée de toute chance de succès. La demande d'assistance judiciaire gratuite doit être rejetée lorsqu'il apparaît d'emblée que la démarche est manifestement irrecevable, que la position du requérant est juridiquement infondée ou si la procédure pénale est vouée à l'échec, notamment lorsqu'une ordonnance de non-entrée en matière ou de classement doit être rendue (arrêt du Tribunal fédéral 1B_254/2013 du 27 septembre 2013 consid. 2.1.1).

3.2. En l'espèce, quand bien même la recourante est indigente, il a été jugé supra que ses griefs étaient juridiquement infondés. Il en découle que les conditions pour lui octroyer l'assistance judiciaire ne sont manifestement pas réalisées. Partant, c'est à bon droit que le Ministère public a rejeté sa demande de nomination de conseil juridique gratuit.

Au vu de l'issue du recours, la demande sera également rejetée pour cette instance.

4.             Justifiées, les ordonnances querellées seront donc confirmées. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait être traité sans échange d'écritures, ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

5.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 600.-, ceci au regard de sa situation financière (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), étant précisé que la décision sur le refus d'assistance juridique gratuite est, elle, rendue sans frais (art. 20 RAJ).

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance judiciaire.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

 

P/21299/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

-

CHF

Total

CHF

600.00