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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/12242/2018

ACPR/92/2023 du 07.02.2023 sur OCL/1079/2022 ( MP ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 13.03.2023, 7B_61/2023
Descripteurs : QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;ACTIONNAIRE;FAUX MATÉRIEL DANS LES TITRES;ESCROQUERIE;FAUX TÉMOIGNAGE
Normes : CPP.382; CP.251; CP.146; CP.307

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/12242/2018 ACPR/92/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 7 février 2023

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], comparant par Me Reza VAFADAR, avocat, VAFADAR SÀRL, rue François-Bellot 4, 1206 Genève,

recourant,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 18 août 2022 par le Ministère public,

 

et

B______, domiciliée ______, Grande-Bretagne, comparant par Me C______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 29 août 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 18 août 2022, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a rejeté ses réquisitions de preuves et ordonné le classement de la procédure à l'égard de B______.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, préalablement à ce qu'il soit enjoint à B______ de "produire l'original des promesses de vente et de deux procurations irrévocables données aux deux acquéreurs les 20 février et 29 avril 2010" et à ce qu'il soit ordonné au Ministère public de prévenir la précitée de blanchiment d'argent et "d'autres faux dans les titres commis dans le cadre de la procédure P/1______/2012"; principalement à l'annulation de l'ordonnance querellée et à la mise en prévention de B______ des chefs de faux dans les titres et complicité de blanchiment d'argent.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 2'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

I. La procédure P/1______/2012

a. Le 12 décembre 2012, A______, actionnaire et administrateur de la société D______ SA, disposant d'une signature collective à deux, a déposé plainte contre E______.

b. Dans le cadre de la procédure ouverte à cette suite, E______ a été poursuivi des chefs d'escroquerie (art. 146 CP), subsidiairement d'abus de confiance (art. 138) ou de gestion déloyale (art. 158); de blanchiment d'argent (art. 305bis CP), de faux dans les titres et de tentative d'extorsion (art. 22 cum art. 156 CP), subsidiairement de tentative de contrainte (art. 22 cum art. 181 CP).

En substance, il lui était reproché d'avoir:

- amené A______ à signer un document mentionnant faussement qu'il était, avec le précité, actionnaire à hauteur de 50% de D______ SA et de s'être, par la suite, présenté comme actionnaire unique de ladite société, dans le but de s'emparer des avoirs et de la totalité de l'actionnariat – y compris en s'appropriant les deux certificats au porteur dans lesquels était incorporée l'intégralité des actions – de celle-ci;

- déterminé astucieusement A______ à effectuer des paiements en faveur de D______ SA, en faisant par exemple croire à la nécessité d'une augmentation du capital, alors qu'ils étaient motivés par ses propres intérêts;

- détourné, à son profit, des fonds depuis le compte de D______ SA et de les avoir transférés sur son compte personnel;

- s'être faussement présenté comme actionnaire de D______ SA en apposant sa signature sur divers documents;

- cherché à faire expulser A______ du territoire suisse en le licenciant de la société D______ SA et en le dénonçant aux autorités par rapport à son titre de séjour.

c. Dans le cadre des débats de première instance, E______ a produit un affidavit établi à F______ [Grande-Bretagne], devant notaire le 14 mai 2018, par son épouse, B______.

Le document stipulait que cette dernière avait soutenu son mari dans ses investissements au sein de D______ SA à hauteur de GBP 500'000.-, provenant de la vente de deux appartements à G______ [Iran] entre 2009 et 2010 et d'une donation de ses parents.

d. Par jugement (JTCO/81/2018) du 22 juin 2018, le Tribunal correctionnel a déclaré E______ coupable d'escroquerie et tentative de contrainte au détriment de A______ (consid. 2.2.3.1 et 5.2), d'abus de confiance au préjudice de D______ SA (consid. 2.2.3.3), de blanchiment d'argent et de faux dans les titres (consid. 3.2 et 4.2).

À teneur de la procédure, le Tribunal correctionnel a estimé qu'il était impossible d'exclure que la moitié des actions de D______ SA ait été remise à E______ "pour l'encourager dans ses activités, voire à titre de rémunération" (consid. 2.2.1) et qu'un doute persistait sur le fait que A______ soit l'actionnaire unique de la société. En conséquence, seul un certificat d'action a été restitué à ce dernier, et un délai lui a été imparti pour intenter une action civile s'agissant de l'autre certificat, attribué à E______.

Les conclusions civiles formées par A______ au nom de D______ SA ont été déclarées irrecevables au motif que celui-ci n'avait pas "la légitimité de prendre des conclusions au nom de la société dès lors qu'il n'en [était] pas le seul représentant autorisé, D______ SA ne s'étant pas constituée partie plaignante conformément à la loi". En revanche, E______ devait verser à A______ CHF 389'406.- à titre de réparation du dommage matériel, correspondant "au dommage causé directement à la partie plaignante par la tromperie en vue de l'augmentation de capital de D______ SA".

e. Le 23 août 2018, dans sa déclaration d'appel contre ce jugement, E______ a produit de nouveaux documents relatifs à la vente des deux appartements à G______, parmi lesquels figuraient:

- deux promesses de vente ("Bill of sale") des 2 février et 6 avril 2010, à teneur desquels B______ aurait vendu deux appartements situés à G______, pour les sommes respectives de RIALS 2'870'000'000.- et RIALS 3'150'000'000.-;

- un document intitulé "accord sur la lettre de crédit du 7 avril 2010", précisant des modalités de paiement pour l'une des transactions;

- trois quittances de sommes reçues de l'un des acquéreurs par B______.

f. Le 1er juillet 2019, E______ a versé à la procédure deux "procurations irrévocables" données aux acquéreurs desdits appartements, dans le but de prouver la vente de ceux-ci.

g. Saisie de l'appel interjeté par E______, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice (ci-après: CPAR) a entendu, le 17 septembre 2019, B______ en qualité de témoin, laquelle a confirmé la teneur de l'affidavit du 14 mai 2018.

h. Dans un arrêt (AARP/59/2020) du 30 janvier 2020, la CPAR a confirmé les condamnations de E______ pour abus de confiance, tentative de contrainte et blanchiment d'argent, mais l'a acquitté des chefs d'escroquerie et de faux dans les titres.

E______ avait effectué des prélèvements de sommes sur les comptes de D______ SA, puis viré ou versé en espèce ces montants vers son propre compte ou celui de ses sociétés; en outre il avait fait usage à son profit du certificat d'action confié par A______, notamment pour évincer celui-ci de la société, étant retenu que l'actionnariat était vraisemblablement partagé entre les deux à hauteur de 50%. Pour ces faits, sa culpabilité pour abus de confiance était confirmée, à l'exclusion de l'escroquerie, l'élaboration d'une tromperie astucieuse n'étant pas suffisamment établie (consid. 4.6 et suivants).

La procédure et les circonstances n'avaient toutefois pas permis de révéler l'origine exacte de l'argent que E______ prétendait avoir injecté dans D______ SA et il ne pouvait être exclu que son épouse eût mis à sa disposition des fonds, portant ainsi les prélèvements du prévenu, sans justification ni fondement, à CHF 306'246.- au moins (consid. 4.6.3).

Dans ce contexte, la CPAR a retenu que A______ n'était "pas directement lésé par les agissements de E______. Le patrimoine touché était celui de la société D______ SA, elle seule étant habilitée à demander des dommages-et-intérêts" (consid. 9.2). L'ensemble des conclusions civiles formées par A______ ont ainsi été déclarées irrecevables.

i. E______ et A______ ont formé chacun recours au Tribunal fédéral, qui a statué dans un arrêt rendu le 17 janvier 2022 (6B_367/2020).

i.a. Le recours de E______ a été partiellement admis et la cause renvoyée à la CPAR, au motif que la dernière instance cantonale avait tenu compte de détournements ne figurant pas dans l'acte d'accusation, ni dans le complément opéré en appel. Le verdict de culpabilité des chefs d'abus de confiance et de blanchiment d'argent n'était toutefois pas remis en cause.

i.b. Le recours de A______ a uniquement été admis sous l'angle de l'indemnité allouée en application de l'art. 433 CPP.

Examinant la qualité de lésé du précité, le Tribunal fédéral a réfuté son argument selon lequel le patrimoine de D______ SA se confondait avec le sien en application de la théorie de la transparence ("Durchgriff") et conclu comme suit:

"[A______]  perd de vue que l'indépendance juridique de la personne morale par rapport à la personne physique détenant celle-ci économiquement n'est qu'exceptionnellement rompue par ce biais et que cela suppose, notamment, que l'invocation de l'indépendance juridique de la personne morale serve à contourner des dispositions légales ou à violer les droits des tiers. Cette indépendance ne peut, en revanche, être invoquée par la personne physique qui se sert d'une personne morale, comme en l'espèce [ ]".

Le Tribunal fédéral a ainsi validé l'appréciation de la Cour cantonale selon laquelle A______ n'avait pas été lésé directement par les agissements de E______, à l'exception de l'appropriation d'un certificat d'actions, et que sa qualité de partie plaignante devait être niée pour le reste des infractions.

j. Le 1er mars 2022, A______ a adressé à la CPAR une demande de révision de l'arrêt du 30 janvier 2020, sur la base de la condamnation pour "falsification de promesses de vente, usage de faux et falsification de mandats de procuration" prononcée le 19 octobre 2021 en Iran, en procédure d'appel, contre B______

k. La procédure est actuellement pendante auprès de la CPAR, qui a décidé de traiter d'abord l'arrêt de renvoi de la cause par le Tribunal fédéral avant la demande de révision de A______.

II. La procédure P/12242/2018

a. Le 28 juin 2018, le Ministère public a ouvert une instruction pour faux dans les titres (art. 251 CP) contre B______, en lien avec l'affidavit du 14 mai 2018, produit devant le Tribunal correctionnel.

b. Le 12 septembre 2018, A______ a déposé plainte contre la précitée pour faux dans les titres et complicité de blanchiment d'argent.

Il l'accusait d'avoir "joué un rôle prépondérant dans la réalisation des infractions commises" par E______. Plus particulièrement, plusieurs documents, versés avec la déclaration d'appel du 23 août 2018 dans le cadre de la procédure P/1______/2012, étaient "vraisemblablement constitutifs de faux dans les titres". En outre, grâce à l'argent détourné par le précité, le couple avait acquis un appartement à F______ [Grande-Bretagne].

c. Le 18 décembre 2018, A______ a dénoncé une autre pièce – à savoir un "Title Deed" relative à la propriété de l'un des appartements à G______ – versée à la procédure P/1______/2012 en septembre 2018.

d. Le 3 mai 2019, le précité a produit des documents visant à établir "l'implication directe et la connaissance approfondie" de B______ "des activités illicites imputables à son mari", "les tentatives répétées d'induire la justice en erreur" et "la production de faux dans les titres" par lesquels E______ cherchait faussement à démontrer la vente des appartements à G______ ou sa capacité financière à investir dans D______ SA.

e. Le 19 septembre 2019, le Ministère public a avisé B______ qu'elle revêtait le statut de prévenue à la procédure pour avoir produit, par-devant le Tribunal correctionnel, l'affidavit du 14 mai 2018, lequel attestait faussement que le montant de GBP 500'000.- avait été mis à disposition de son mari, puis investi dans la société D______ SA.

f. Par courrier du 30 septembre 2019, l'intéressée a contesté les charges.

g. Le 16 septembre 2020, A______ a sollicité une extension de l'instruction contre B______ pour faux témoignage (art. 307 CP), en lien avec son audition survenue le 17 septembre 2019 dans le cadre de la P/1______/2012, et escroquerie "au procès" (art. 146 CP).

h. Par courrier du 2 mars 2022, B______ s'est référée à l'arrêt du Tribunal fédéral du 17 janvier 2022 et a notamment soutenu, sur cette base, que A______ ne pouvait plus se prévaloir du statut de lésé.

L'intéressé a répondu à cette missive, sans prendre position sur sa qualité de partie plaignante.

i. Lors de l'audience du 18 mai 2022, le Ministère public a informé B______ qu'il lui était reproché d'avoir produit l'affidavit par-devant le Tribunal correctionnel et les deux "Bill of sale" des 2 février et 6 avril 2010 par-devant la CPAR, ainsi qu'un faux témoignage lors de l'audience tenue le 17 septembre 2019.

La précitée a déclaré avoir été condamnée en Iran pour faux dans les titres et usage de faux, en lien avec la documentation produite en Suisse dans le cadre de la P/1______/2012. Ni elle, ni son conseil, n'avaient toutefois été autorisés à participer à ce procès, pas plus qu'à l'administration des preuves. Les informations figurant dans l'affidavit étaient conformes à la réalité.

j. Avisé de la prochaine clôture de l'instruction, A______ a requis la production des originaux des "Bill of sale" des 2 février et 6 avril 2010, ainsi que les originaux des deux "procurations irrévocables".

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que l'affidavit n'était pas un titre au sens de l'art. 251 CP et que la procédure n'avait pas permis d'établir que les faits exposés dans ce document étaient faux. Le même constat s'imposait pour les deux "Bill of sale" et les autres documents accompagnant la déclaration d'appel dans la procédure P/1______/2012. L'instruction n'ayant pas non plus exclu la réalité de la vente des deux appartements à G______, le témoignage de B______ ne pouvait pas être considéré comme faux.

D. a. Dans son recours, A______ conteste, sur le fond, les développements contenus dans l'ordonnance querellée, estimant par ailleurs que celle-ci consacrait un classement implicite sur d'autres infractions dénoncées, telles la complicité pour blanchiment d'argent ou les faux dans les titres pour d'autres documents que ceux examinés par le Ministère public, et une violation de son droit d'être entendu.

Dans un chapitre clôturant son mémoire, intitulé "Qualité de partie plaignante de Monsieur A______ dans la procédure P/12242/2018", il soutient disposer de ce statut. Il avait introduit une demande de révision de l'arrêt AARP/59/2020 sur "la base des éléments nouveaux ayant trait aux documentations fausses que [E______] a[vait] introduit dans la procédure P/1______/2012 ainsi que le faux témoignage de son épouse du 17 septembre 2019". Sa qualité de lésé et, de ce fait, de partie plaignante, avait été admise par le Tribunal correctionnel et les faux documents produits par E______ visaient "à tromper la justice" et étaient destinés à "lui faire reconnaître ses investissements, respectivement reconnaitre sa qualité d'actionnaire à 50% pour la société D______ SA". Le Ministère public ne pouvait pas se baser sur l'arrêt du Tribunal fédéral du 17 janvier 2022, rendu "sous l'emprise de fausses déclarations et fausses attestations versées au dossier P/1______/2012 pour nier" sa qualité de partie plaignante, tout en occultant, en outre, sa demande de révision.

b. Par ses observations, le Ministère public conclut à l'irrecevabilité du recours. A______ n'était pas lésé par les agissements ayant fait l'objet du classement, lesquels auraient pu porter atteinte au patrimoine de D______ SA exclusivement. C'était d'ailleurs la conclusion à laquelle étaient parvenus la CPAR et le Tribunal fédéral. Pour le surplus, une éventuelle complicité de blanchiment d'argent par B______ aurait dû être analysée dans la procédure P/1______/2012. Or, tel n'avait pas été le cas.

c. Dans ses observations, B______ conclut également à l'irrecevabilité du recours.

d. Dans sa réplique, A______ soutient que la fausseté des documents et des déclarations de B______ avait été reconnue en Iran, par une condamnation définitive et exécutoire, ce qui portait à conséquence sur sa demande de révision. En concluant à l'irrecevabilité du recours tout en étant informé de ces développements dans la P/1______/2012, le Ministère public avait "pris le parti de fermer les yeux sur les infractions commises par [la précitée]". En outre, tant qu'une décision sur sa qualité de partie plaignante n'était pas rendue dans cette procédure parallèle, le Ministère public ne pouvait pas prendre une décision y relative. Le rôle de B______ dans les agissements dénoncés de son mari devaient être examinés dans le cadre de cette procédure et en ne les traitant pas, l'ordonnance querellée consacrait un classement implicite.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP). Il concerne en outre une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).

Reste à examiner si le recourant dispose d'un intérêt juridique protégé à recourir selon l'art. 382 al. 1 CPP.

1.2. La qualité pour recourir de la partie plaignante, du lésé ou du dénonciateur est subordonnée à la condition qu'ils soient directement touchés par l'infraction et puissent faire valoir un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de la décision. En règle générale, seul peut se prévaloir d'une atteinte directe le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 129 IV 95 consid. 3.1 et les arrêts cités), ce qui exclut les personnes subissant un préjudice indirect ou par ricochet, tel le proche ou le créancier (ATF 92 IV 1 consid. 1 p. 2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_9/2015 du 23 juin 2015 consid. 2.3.1 et les références doctrinales citées; G. PIQUEREZ, Traité de procédure pénale suisse, 2006, p. 656 n. 1027).

Le patrimoine des sociétés anonymes est distinct de celui de son ou ses actionnaire(s); il n'est pas considéré comme confié à leurs organes dirigeants. Ce raisonnement est fondé sur la conception que les organes d'une société ne sont pas des tiers vis-à-vis de celle-ci, mais une composante d'elle-même; les organes ne reçoivent ainsi pas à proprement parler le patrimoine de la société aux fins de le gérer dans l'intérêt de celle-ci (arrêt du Tribunal fédéral 6B_326/2012 du 14 janvier 2013 consid. 2.5.3). Ainsi, les actes de disposition illicites opérés par l'auteur avec le patrimoine social, dans le cadre de son activité en tant qu'organe, remplissent les éléments constitutifs objectifs de la gestion déloyale, au sens de l'art. 158 CP, lorsque la société est, de la sorte, lésée. Il en résulte notamment que, lorsqu'une infraction est perpétrée au détriment du patrimoine d'une personne morale, seule celle-ci subit un dommage et peut donc prétendre à la qualité de lésé, à l'exclusion des actionnaires d'une société anonyme, des associés d'une société à responsabilité limitée, des ayants droit économiques et des créanciers desdites sociétés (ATF 141 IV 380 consid. 2.3.3 p. 386; 140 IV 155 consid. 3.3.1 p. 158).

1.3. L'art. 251 CP (faux dans les titres) protège, en tant que bien juridique, d'une part, la confiance particulière placée dans un titre ayant valeur probante dans les rapports juridiques et, d'autre part, la loyauté dans les relations commerciales (ATF
142 IV 119 consid. 2.2 p. 121ss et les références citées). Le faux dans les titres peut également porter atteinte à des intérêts individuels, en particulier lorsqu'il vise précisément à nuire à un particulier (ATF 140 IV 155 consid. 3.3.3 p. 159). Tel est le cas lorsque le faux est l'un des éléments d'une infraction contre le patrimoine, la personne dont le patrimoine est menacé ou atteint ayant alors la qualité de lésé (ATF 119 Ia 342 consid. 2b p. 346 ss; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1274/2018 du 22 janvier 2019 consid. 2.3.1 et les arrêts cités).

1.4. L'art. 307 CP (faux témoignage) protège en première ligne l'intérêt collectif, à savoir l'administration de la justice, et seulement de manière secondaire les intérêts de particuliers, lesquels doivent exposer en quoi leurs intérêts privés ont été effectivement touchés par le faux témoignage – leur préjudice devant apparaître comme étant la conséquence de cette infraction. À défaut, leur acte est irrecevable (arrêt du Tribunal fédéral 6B_92/2018 du 17 mai 2018 consid. 2.1 et 2.2 et les références citées).

1.5. L'art. 305bis ch. 1 CP (blanchiment d'argent) protège, outre l'administration de la justice, les intérêts patrimoniaux des personnes lésées par une infraction préalable (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 14 ad art. 160 et n. 4 ad art. 305bis).

1.6. En l'espèce, le recourant plaide que par l'intermédiaire de faux documents et de fausses déclarations aux autorités, la prévenue aurait indûment influencé l'issue de la P/1______/2012 en faveur de son époux, qui y revêt la qualité de prévenu. Sur la base de "nouveaux éléments" prétendument aptes à étayer sa position, il a demandé la révision de l'arrêt de la CPAR. Cette décision fait, en outre, l'objet d'un renvoi par le Tribunal fédéral, portant exclusivement sur l'ampleur des infractions d'abus de confiance et de blanchiment d'argent retenues contre E______ et sur l'indemnité due au recourant sur la base de l'art. 433 CPP.

Or, il ressort des arrêts de la CPAR et du Tribunal fédéral que les infractions contre le patrimoine admises (abus de confiance et blanchiment d'argent) ont été perpétrées au préjudice de la société D______ SA uniquement, une identité avec le patrimoine du recourant ayant été expressément exclue. En parallèle, tous les éléments factuels que celui-ci tente de démontrer comme étant faux – à savoir la vente des appartements à G______, la surface financière des époux B______/E______, les fonds investis dans D______ SA – ont trait à ces infractions.

Dans l'hypothèse où la demande de révision du recourant devait être admise, voire même à supposer que le classement ordonné dans la présente procédure soit annulé par la Chambre de céans et qu'une condamnation doive être prononcée contre la prévenue pour l'ensemble des faits dénoncés par celui-ci, cela n'enlèverait pas que le recourant n'est pas directement lésé par ces infractions, nonobstant sa qualité d'actionnaire.

Il en résulte qu'il ne dispose d'aucun intérêt juridique protégé à recourir contre le classement de la présente procédure.

2.             Partant, le recours est irrecevable.

3.             Le prétendu classement implicite dont le recourant se plaint, et la violation du droit d'être entendu qui en découlerait, porte également sur des infractions pour lesquelles il ne revêt pas la qualité de lésé.

Il n'y a donc pas lieu d'examiner ce grief, également irrecevable. Enfin, ses réquisitions de preuve peuvent être écartées, dans la mesure où elles portent sur des infractions pour lesquelles il n'est pas lésé.

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 2'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

5.             5.1. L'intimée, qui obtient gain de cause, a requis l'octroi d'une indemnité pour ses dépens, qu'elle a chiffrée à CHF 4'846.50, TVA comprise, correspondant à 10h d'activité de son avocat à un tarif horaire de CHF 450.-.

5.2. Eu égard à ses observations (dix-huit pages dont une page de garde et une consacrée aux conclusions, la moitié reprend ses conclusions et un résumé de faits), une indemnité de CHF 3'392.55 TTC lui sera allouée, correspondant à 7h d'activité d'avocat au tarif usuel de CHF 450.-/h, TVA en sus.

Cette indemnité sera mise à la charge de l'État, la partie plaignante qui succombe devant l'autorité de recours n'ayant pas à supporter l'indemnité des frais de défense du prévenu lorsque la décision attaquée est une ordonnance de classement ou de non-entrée en matière en cas d'infractions poursuivis d'office, comme c'est le cas en l'occurrence (ATF 147 IV 47 consid. 4.2.5 p. 53).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare le recours irrecevable.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 2'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Alloue à B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 3'392.55, TVA 7.7% incluse.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______ et B______, soit pour eux leur conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/12242/2018

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'905.00

-

CHF

Total

CHF

2'000.00