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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/938/2022

ACPR/80/2023 du 01.02.2023 sur JTPM/760/2022 ( TPM ) , ADMIS

Descripteurs : QUALITÉ POUR RECOURIR;PEINE PRIVATIVE DE LIBERTÉ DE SUBSTITUTION;POUVOIR D'EXAMEN
Normes : DPA.80; CP.36; LaCP.50

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/938/2022 ACPR/80/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 1er février 2023

 

Entre

 

L’OFFICE FÉDÉRAL DE LA DOUANE ET DE LA SÉCURITÉ DES FRONTIÈRES, domicilié Taubenstrasse 16, 3003 Berne,

recourant,

 

contre l'ordonnance rendue le 2 novembre 2022 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,

 

et

 

A______, domicilié ______, Italie, comparant en personne,

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève, case postale 3715, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 14 novembre 2022, l’Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (ci-après: OFDF) recourt contre l'ordonnance du 2 novembre 2022, notifiée le 4 suivant, par laquelle le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après: TAPEM) a refusé de convertir le solde de l'amende – à laquelle A______ a été condamné le 19 avril 2022 par mandat de répression – en peine privative de liberté de substitution.

Le recourant conclut à l'admission de son recours et au prononcé de la conversion du solde de la peine d'amende en une peine privative de liberté de 59 jours, subsidiairement, au renvoi de la cause au TAPEM pour qu'il statue dans le sens des considérants.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par mandat de répression du 19 avril 2022, l'OFDF a déclaré A______, domicilié en Italie, coupable d'infractions à la loi sur les douanes, à la loi sur les épizooties et à la loi sur l'imposition du tabac, pour avoir :

- lors de son entrée en Suisse le 12 juin 2021, utilisé la voie verte "Rien à déclarer" au bureau de douane de Genève-Aéroport, réservée aux voyageurs n'ayant pas de marchandises à déclarer, alors qu'il transportait 6.5 kg de viande du groupe tarifaire 1 et 750 cigarettes du groupe tarifaire 5;

- lors de son entrée en Suisse le 3 juillet 2021, utilisé la voie verte "Rien à déclarer" au bureau de douane de Genève-Aéroport, réservée aux voyageurs n'ayant pas de marchandises à déclarer, alors qu'il transportait 4500 cigarettes du groupe tarifaire 5, 5.7 kg de viande du groupe tarifaire 1 et 1.5 kg de beurre du groupe tarifaire 2.

A______ a été condamné à une amende de CHF 2'000.-.

b. Le 12 juin 2021, A______ a versé, en main de l'Administration fédérales des douanes (ci-après: AFD, devenue l'OFDF), CHF 150.- en prévision d'une amende.

c. Par formulaires intitulés "Autorisation pour la notification", établis les 12 juin et 3 juillet 2021, A______ a désigné comme domicile élu en Suisse, à défaut d'un autre domicile de notification, "Douanes suisses – Centre de réexpédition postale – 1211 Genève". Selon ces formulaires, signés par A______, le Centre de réexpédition était chargé de lui adresser les notifications par simple lettre. Ils mentionnaient que "la personne, l'entreprise ou l'office de service désigné/e est autorisé/e à recevoir légalement, dans la/les présente/s procédure/s, les notifications qui me sont adressées.

Les notifications au domicile élu désigné déclenchent dans ces cas les délais de voies de droit ; cela signifie que les délais d'opposition, de recours, ou impartis par l'autorité commencent à courir le lendemain de la notification au domicile élu".

d. Le 13 juillet 2021, l'AFD a établi deux procès-verbaux finals récapitulant les faits reprochés à l'intéressé. Ces documents n'ont pas été signés par ce dernier. Ils mentionnent cependant chacun que "deux exemplaires du présent procès-verbal final ont été notifiés à Monsieur A______".

e. Le mandat de répression du 19 avril 2022 a été notifié le 22 suivant à la Centrale d'expédition des services douaniers, précitée, laquelle l'a transmis à A______ par simple lettre, du même jour, envoyée à son adresse en Italie. Cette décision était accompagnée d'un formulaire (form. 32.06) précisant que, si aucune opposition n'était formée dans les 30 jours, le mandat de répression serait assimilé à un jugement passé en force (art. 67 al. 2 DPA). Le délai d'opposition commençait à courir à compter de la date de la notification au domicile élu en Suisse.

f. Par lettre du 20 juin 2022, l'OFDF – n'ayant reçu aucun versement – a envoyé une première sommation à A______, à son adresse en Italie, l'informant des conséquences légales d'un non-paiement dans les délais.

g. Par pli du 10 juillet 2022, l'OFDF lui a envoyé une seconde et dernière sommation, à la même adresse, en le rendant notamment attentif au fait que, si l'amende restait impayée, celle-ci pourrait être convertie en peine privative de liberté.

h. Le 30 août 2022, l'OFDF a établi une attestation à teneur de laquelle A______ n'avait pas fait usage de la voie de droit ouverte contre le mandat de répression. Cette décision était par conséquent devenue définitive et exécutoire, au sens de l'art. 67 al. 2 DPA.

i. A______ n'ayant ni payé l'amende ni formé opposition, l'OFDF a requis le TAPEM, le 5 septembre 2022, de convertir le solde de l'amende, lequel s'élève à CHF 1'850.-, en peine privative de liberté de substitution « de 59 jours » (CHF 150.- x 66 jours / CHF 2'000.- = 4.95, arrondis à 5 jours; 66 – 5 = 59 [sic]).

j. Invité par le TAPEM à se déterminer sur cette requête, A______ n'a pas donné suite.

C. Dans l'ordonnance querellée, le TAPEM retient que la décision de l'OFDF du 19 avril 2022 est entrée en force, faute d'opposition dans le délai légal. Cependant, il ne pouvait considérer que les faits reprochés étaient établis. En effet, aucune pièce du dossier ne permettait d'établir que A______ avait reconnu les faits reprochés – sa signature ne figurant pas sur les procès-verbaux finals – ni que ceux-ci lui avaient été notifiés, ni a fortiori que les formalités prévues par l'art. 61 al. 3 DPA avaient été observées. Il ne ressortait pas davantage du dossier qu'un procès-verbal, au sens de l'art. 38 DPA, eût été établi. Dans ce contexte, la conversion de l’amende prononcée en peine privative de liberté de substitution était exclue.

D. a. À l'appui de son recours, l'OFDF fait valoir que le TAPEM, à l'aune des art. 3 et 50 LACP, en relation avec l'art. 10 DPA et 36 al. 2 CP, n'était pas compétent pour revoir le contenu et la forme de sa décision du 19 avril 2022, ce d'autant qu'elle n'était plus attaquable – un mandat de répression non frappé d'opposition étant assimilé à un jugement passé en force – et qu'aucune voie de recours extraordinaire n'avait été empruntée. Un excès dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation devait donc être retenu.

Par surabondance, aucune violation procédurale n’avait été commise. En premier lieu, le formulaire (form. 32.06) "Notification du mandat de répression", lequel accompagnait dûment dite décision, expliquait clairement la procédure d'opposition. En second lieu, le mandat de répression avait été régulièrement notifié le 22 avril 2022 au domicile élu en Suisse par le condamné, soit celui désigné chaque fois avec le formulaire adéquat (form. 31.75). Que le condamné se fût, par la suite, révélé inconnu à l'adresse communiquée par ses soins, à B______, en Italie, ne saurait avoir d'incidence sur la validité de la notification du mandat de répression au domicile qu'il avait lui-même désigné en Suisse. Ainsi, à défaut d'opposition dans le délai légal, le mandat de répression était entré en force et devenu exécutoire.

Enfin, les procès-verbaux finals avaient valablement été notifiés au domicile élu par l'intéressé et semblaient lui être bien parvenus, puisqu'ils n'étaient pas revenus non distribués à l’expéditeur. A______ avait, de plus, été formellement informé de l'ouverture de la procédure lors de l'établissement des procès-verbaux de constat des infractions. L'art. 38 DPA avait, par conséquent, été respecté.

En conclusion, le refus du TAPEM de procéder à la conversion de l'amende en peine privative de liberté de substitution ne reposait sur aucune justification légale.

b. Invité à se déterminer, le TAPEM maintient les termes de son jugement et renonce à formuler des observations.

c. L'OFDF n'a pas répliqué.

d. La notification du pli de la Chambre de céans invitant A______ à présenter ses éventuelles observations s’est avérée infructueuse.

EN DROIT :

1.             En vertu de l'art. 50 LaCP, le TAPEM est compétent pour fixer la peine privative de liberté de substitution lorsque la peine pécuniaire ou l’amende ont été prononcées par l’administration (art. 10 DPA en relation avec les art. 36 al. 2, 106 al. 5 et 333 al. 2 à 5 CP), en l'occurrence pour statuer sur la demande de l'OFDF de convertir l’amende prononcée le 19 avril 2022 en peine privative de liberté de substitution.

En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1, art. 390 al. 1 et 396 al. 1 CPP) par l'OFDF, qui a qualité pour attaquer les prononcés cantonaux selon les voies prévues par le CPP (art. 80 DPA).

2.                  Le CPP s'applique à la procédure de conversion (art. 82 DPA).

3.                  Le recourant estime que l'autorité intimée a excédé son pouvoir d'appréciation.

3.1. Selon l'art. 36 al. 2 CP, applicable par analogie aux contraventions (cf. art. 106 al. 5 CP), un juge doit statuer sur la peine privative de liberté de substitution, si la peine pécuniaire est prononcée par une autorité administrative.

Cette règle résulte des exigences découlant de l'art. 5 § 1 (a) et (b) CEDH qui requièrent que toute privation de liberté soit ordonnée par un juge. Ce rôle du juge apparaît toutefois ici un peu comme un alibi, dans la mesure où il est lié par le quantum de la peine pécuniaire fixée dans la décision de condamnation et est tenu de respecter le taux de conversion légal d’un jour-amende pour un jour de privation de liberté, conformément à l'art. 36 al. 1 CP. Un contrôle de la peine fixée par l’autorité administrative ne paraît en principe plus possible, même dans la procédure judiciaire de conversion (L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2e éd., Bâle 2021, n. 4 ad art. 36)

3.2. La conversion découle directement de la loi et du jugement pénal pécuniaire. L’autorité d’exécution doit uniquement examiner si la peine pécuniaire est irrécouvrable. L’autorité d’exécution n’a aucun pouvoir d’appréciation. La fixation initiale de la peine pécuniaire ne peut plus être vérifiée dans la procédure de conversion. L’autorité d’exécution est liée par le prononcé pénal entré en force (BSK StGB-DOLGE, art. 36 n. 13).

3.3. En l'espèce, l'autorité intimée estime que les faits retenus dans le mandat de répression ne seraient pas établis à satisfaction de droit.

Ce raisonnement ne saurait être suivi.

En effet, il est établi – et non contesté par l'autorité intimée elle-même – que le mandat de répression du 19 avril 2022 est entré en force, faute d'opposition.

Ce constat ne laissait plus aucun pouvoir d'appréciation à l'autorité intimée : elle était liée par le prononcé pénal entré en force. La procédure de conversion menée par ses soins ne pouvait pas conduire au réexamen préjudiciel d’une décision définitive. Une telle possibilité heurterait au demeurant le principe de l’autorité de la chose jugée.

Il s'ensuit que le refus par le premier juge de convertir l’amende en peine privative de liberté de substitution, au motif que les faits retenus dans le mandat de répression ne seraient pas établis, est constitutif d'un excès du pouvoir d'appréciation (art. 393 al. 2 let. a CPP).

Partant, sa décision est injustifiée et constitue une violation de la loi.

4. Il convient dès lors d'examiner si les conditions de conversion du solde de l'amende en peine privative de liberté de substitution étaient réunies.

4.1. La peine privative de liberté de substitution est prononcée lorsque le condamné ne paie pas la peine pécuniaire ou l'amende et que celles-ci sont inexécutables par la voie de la poursuite pour dettes (art. 36 al. 1 et 106 al. 5 CP et 91 DPA).

En application des articles 11 al. 4 DPA et 333 al. 6 let. e CP, les peines en matière de contraventions se prescrivent par 7 ans et demi.

4.2. En l'occurrence, l'amende ayant été prononcée le 19 avril 2022, la peine n'est pas prescrite. Par ailleurs, sur les CHF 2'000.- de l'amende, A______ n’a payé qu'un montant de CHF 150.-, et c’est vainement que l'OFDF a tenté d’obtenir le recouvrement du solde, n'ayant pu intenter de poursuites pour dettes contre le prénommé, au vu de son domicile en Italie.

En outre, comme on l’a vu, la décision de l'OFDF du 19 avril 2022 est entrée en force, faute d'opposition (art. 67 DPA).

Par conséquent, les conditions posées au prononcé d'une peine privative de liberté de substitution étaient réalisées, et le recours doit être admis.

5. Par économie de procédure, et conformément à l'art. 397 al. 2 CPP, la Chambre de céans statuera elle-même sur la requête du recourant.

5.1. Selon l'art. 10 al. 1 DPA, dans la mesure où l'amende ne peut être recouvrée, le juge la convertit en arrêts. L'amende pour inobservation de prescriptions d'ordre ne peut être convertie. L'art. 39 aCP, qui définissait les arrêts, ainsi que l'art. 49 aCP, prévoyant les modalités de conversion des amendes en arrêts, ayant été abrogés, la matière est régie par les art. 36 et 106 CP.

Selon l'art. 10 al. 3 DPA, en cas de conversion, un jour d'arrêts sera compté pour 30 francs d'amende, mais la durée de la peine ne pourra dépasser trois mois. Lorsque des acomptes ont été versés, le juge réduit la peine proportionnellement.

Il y a lieu de convertir les amendes qui ne peuvent être recouvrées au taux de conversion de CHF 30.- par jour (ATF 141 IV 407).

5.2. En l'espèce, en appliquant le taux de conversion susmentionné au montant impayé de CHF 1'850.-, la Chambre de céans devrait prononcer une peine privative de liberté de substitution de 61 jours (qui correspond d’ailleurs, arrondi vers le bas, au résultat de 66-5, selon la formule appliquée dans la demande de conversion soumise au TAPEM). Ce quantum est cependant supérieur à celui (59 jours) auquel est parvenu le recourant dans sa requête en conversion – et auquel il renvoie encore expressément dans la conclusion n° 3 de son acte de recours – ; raison pour laquelle on s’en tiendra aux 59 jours demandés.

6. L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours et annule l'ordonnance attaquée.

Prononce à l'encontre de A______, en substitution du solde (CHF 1'850.-) de l'amende prononcée contre lui par mandat de répression de l'OFDF du 19 avril 2022, une peine privative de liberté de 59 jours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, à l'OFDF et au TAPEM.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).