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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/10971/2022

ACPR/78/2023 du 31.01.2023 sur OMP/19980/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : COMPLEXITÉ DE LA PROCÉDURE
Normes : CPP.132

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/10971/2022 ACPR/78/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 31 janvier 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______, France, comparant par Me Innocent SEMUHIRE, avocat, Étude ISE, rue du Conseil-Général 8, 1205 Genève,

recourante,

contre l'ordonnance de refus de nomination d'un avocat d'office rendue le 14 novembre 2022 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 28 novembre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 14 novembre 2022, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'ordonner sa défense d'office.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et à être mise au bénéfice de l'assistance judiciaire avec effet au 27 mai 2022, y compris pour la procédure de recours, et que Me Innocent SEMUHIRE soit nommé à ce titre.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Il est reproché à A______, née le ______ 1998, domiciliée en France, d'avoir, le 21 février 2022, dans le quartier de B______ [GE], conduit un véhicule automobile sans être titulaire du permis de conduire requis, d'avoir heurté une voiture lors d'une marche arrière et d'avoir quitté les lieux sans remplir ses obligations et en se dérobant, de la sorte, aux mesures permettant de déterminer son incapacité de conduire.

b. À la police, A______, qui a renoncé à la présence d'un avocat, a affirmé n'avoir roulé que sur "une cinquantaine de mètres" dans un parking, accompagnée d'une dénommée "C______", titulaire du permis de conduire, au volant d'un véhicule automobile emprunté à la mère de sa cousine, D______. Au moment d'effectuer une marche arrière, elle avait percuté une voiture stationnée. "C______" avait laissé un numéro de téléphone, qu'elle ignorait n'être pas valable, sur le pare-brise et elles avaient quitté les lieux.

c. Le 27 octobre 2022, A______ a transmis au Ministère public une demande d'assistance juridique.

d. Lors de l'audience du 2 novembre 2022, A______ a réitéré ses explications à la police, précisant en revanche que "C______" n'existait pas et que D______ l'accompagnait le jour en question.

e. Le 4 novembre 2022, sous la plume de son conseil, elle a admis les faits reprochés, à l'exception de l'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire.

f. Le 14 novembre 2022, concomitamment à l'ordonnance querellée, le Ministère public a rendu une ordonnance pénale contre A______, déclarant celle-ci coupable de violation aux art. 91a al. 1 LCR (entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire), 95 al. 1 let. a LCR (conduite sans autorisation), 90 al. 1 LCR (violation des règles de la circulation) et 92 al. 1 LCR (violation des obligations en cas d'accident) et la condamnant à une peine pécuniaire, avec sursis, de 110 jours-amende, à CHF 30.- l'unité, l'amende à titre de sanction immédiate étant fixée à CHF 660.-, et à une amende de CHF 2'140.-.

A______ y a formé opposition.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public souligne que la cause n'atteignait pas le seuil de cent-vingt jours-amende permettant de la considérer comme grave et qu'au demeurant, elle ne présentait pas de difficultés particulières en droit ou en fait.

D. a. Dans son recours, A______ soutient être passible – abstraitement – d'une peine privative de liberté de trois ans au plus pour les infractions aux art. 91a et 95 LCR, sanctions exigeant une "défense obligatoire" au sens de l'art. 130 CPP. Les peines concrètement prononcées dans l'ordonnance pénale entrainaient de graves conséquences financières pour elle, de même qu'une inscription au casier judiciaire et des obstacles pour ses démarches en vue de passer le permis de conduire. Sa situation personnelle – habitant hors de Suisse, sans formation juridique ni connaissance de la procédure pénale ou de la législation suisse en matière de circulation routière – ne lui permettait pas de se défendre seule. D'autant moins qu'elle était très affectée par les événements. Enfin, la nomination d'un avocat d'office lui permettrait "de disposer d'un domicile élu à Genève pour la notification des différentes décisions judiciaires".

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger, sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance de refus de défense d'office, décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP; Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand du Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 15 ad art. 393), et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à se voir désigner un avocat d'office (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La recourante reproche au Ministère public de ne pas lui avoir accordé une défense d'office.

2.1. En dehors des cas de défense obligatoire visés à l'art. 130 CPP – qui ne se confond pas avec la défense d'office (Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 7 ad art. 132) –, l'art. 132 al. 1 let. b CPP soumet le droit à l'assistance d'un défenseur d'office aux conditions que le prévenu soit indigent et que la sauvegarde de ses intérêts justifie une telle assistance.

S'agissant de la seconde condition, elle s'interprète à l'aune des critères mentionnés à l'art. 132 al. 2 et 3 CPP. Ainsi, les intérêts du prévenu justifient une défense d'office notamment lorsque la cause n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP). En tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (art. 132 al. 3 CPP). 

Pour déterminer si l'infraction reprochée au prévenu est ou non de peu de gravité, ce n'est pas la peine-menace encourue abstraitement, au vu de l'infraction en cause, qui doit être prise en considération mais la peine raisonnablement envisageable, au vu des circonstances concrètes du cas d'espèce (ATF 143 I 164 consid. 2.4.3 et 3 p. 169 ss).

2.2. Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. La nécessité de l'intervention d'un conseil juridique doit ainsi reposer sur des éléments objectifs, tenant principalement à la nature de la cause, et sur des éléments subjectifs, fondés sur l'aptitude concrète du requérant à mener seul la procédure (arrêt 1B_494/2019 du 20 décembre 2019 consid. 3.1 et les arrêts cités).  

S'agissant de la difficulté objective de la cause, à l'instar de ce qu'elle a développé en rapport avec les chances de succès d'un recours (ATF 139 III 396 consid. 1.2 p. 397), la jurisprudence impose de se demander si une personne raisonnable et de bonne foi, qui présenterait les mêmes caractéristiques que le requérant mais disposerait de ressources suffisantes, ferait ou non appel à un avocat (ATF 140 V 521 consid. 9.1 p. 537). La difficulté objective d'une cause est admise sur le plan juridique lorsque la subsomption des faits donne lieu à des doutes, que ce soit de manière générale ou dans le cas particulier. Quant à la difficulté subjective d'une cause, il faut tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure, ainsi que des mesures qui paraissent nécessaires, dans le cas particulier, pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir (arrêt du Tribunal fédéral 1B 360/2020 du 4 septembre 2020 consid. 2.2). 

2.3. En l'espèce, la question de l'indigence peut souffrir de rester indécise, dès lors que la seconde condition de l'art. 132 al. 1 let. b CPP n'est pas remplie.

En l'état, la recourante fait l'objet d'une ordonnance pénale – frappée d'opposition – la condamnant à une peine pécuniaire de 110 jours-amende, avec sursis, ainsi qu'à une amende de CHF 2'140.-. Ces peines sont inférieures à celles prévues à l'art. 132 al. 3 CPP, de sorte que la cause ne présente pas, au sens de la loi, de gravité justifiant la nomination d'office d'un avocat. À toutes fins utiles, il est rappelé que les peines abstraitement encourues ne sont pas déterminantes dans l'examen de la gravité de la cause et que la défense obligatoire est mise en œuvre par la nomination d'un défenseur privé (art. 129 CPP) ou, à défaut, par la défense d'office (art. 132 CPP).

En sus d'une absence de gravité de la cause, celle-ci ne présente manifestement pas non plus de difficultés particulières. La recourante a pu, à la police et sans la présence de son avocat, fournir les explications utiles. Elle a du reste admis la plus grande partie des faits reprochés, lesquels sont au demeurant simples et circonscrits. En droit, les infractions retenues sont aisément compréhensibles, même pour une profane, et suffisamment universelles pour que la recourante, malgré son domicile en France, puisse appréhender le caractère répréhensible de ses actes.

Son désarroi en raison des événements ne constitue pas un motif suffisant pour considérer qu'elle ne peut pas se défendre seule. Que sa peine – non définitive en l'état – soit inscrite à son casier judiciaire et que ses démarches administratives en vue de passer le permis de conduire risquent d'être retardées ne sont pas non plus relevantes sous l'angle des conditions d'octroi de l'assistance juridique en matière pénale, tout comme les conséquences financières résultant de sa condamnation. À titre superfétatoire, la recourante reste libre d'élire domicile en l'étude de son conseil hors toute nomination d'office, pour se voir notifier les décisions judiciaires.

Dans ces circonstances, c'est à bon droit que le Ministère public a refusé la nomination d'un défenseur d'office.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée. Le recours, s'avérant manifestement mal fondé, pouvait être rejeté, sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4.             Vu l'issue du recours, qui était voué à l'échec, il n'y pas lieu d'entrer en matière sur la demande d'assistance juridique pour la procédure de recours.

5.             Il ne sera pas perçu de frais pour la procédure de recours (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance judiciaire pour l'instance de recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).