Skip to main content

Décisions | Tribunal pénal

1 resultats
P/7702/2019

JTDP/935/2021 du 09.07.2021 sur OPMP/5605/2020 ( OPOP ) , JUGE

Normes : LArm.33
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

 

Chambre 18


9 juillet 2021

 

MINISTÈRE PUBLIC

contre

Madame A______, née le _____ 1986, domiciliée _____ prévenue, assistée de Me Jamil SOUSSI


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut à un verdict de culpabilité du chef d'infraction à la loi fédérale sur les armes, au prononcé d'une peine pécuniaire de 60 jours-amende assortie du sursis pendant 3 ans, au prononcé d'une amende de CHF 1'200.- avec une peine privative de liberté de substitution de 12 jours. Il conclut à la destruction de l'arme et à la condamnation de la prévenue aux frais de procédure.

A______ conclut à son acquittement et persiste dans ses conclusions en indemnisation, qui doivent être augmentées du temps consacré à l'audience.

*****

Vu l'opposition formée le 5 août 2020 par A______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 28 juillet 2020;

Vu la décision de maintien de l'ordonnance pénale du Ministère public du 4 septembre 2020;

Vu l'art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition;

Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP;

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant sur opposition :

Déclare valables l'ordonnance pénale du 28 juillet 2020 et l'opposition formée contre celle-ci par A_____ le 5 août 2020.

et statuant à nouveau :

EN FAIT

A. Par ordonnance pénale du 28 juillet 2020, valant acte d'accusation, il est reproché à A______ d'avoir, à Genève, entre le 5 mars 2019 et le 4 avril 2019, acquis et possédé une arme à feu LIBERATOR sans être titulaire des autorisations nécessaires, ainsi que d'avoir, le 1er avril 2019, effectué un aller-retour entre les locaux de la Radio Télévision Suisse (RTS) à Genève et l'Ecole des sciences criminelles de l'Université de Lausanne (ESC) en transportant, sans droit, un LIBERATOR dans ses effets personnels,

faits qualifiés d'infraction à l'art. 33 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions (LArm; RS 514.54).

B. Après appréciation des éléments figurant à la procédure, le Tribunal retient ce qui suit:

a. A______ travaille en qualité de journaliste auprès de la RTS.

b. En février 2019, A______ a visionné un reportage diffusé sur France Info au sujet de la commande sur Internet des pièces détachées – fabriquées au moyen d'une imprimante 3D – d'une arme à feu appelée LIBERATOR, du montage puis de l'essai de ladite arme.

Le LIBERATOR est un pistolet dont les pièces – en plastique et, de ce fait, indétectables par les systèmes de sécurité – sont imprimées au moyen d'une imprimante 3D et qui, une fois assemblé, permet le tir d'une cartouche de calibre .380 ACP.

c. A______ s'est proposée pour effectuer un reportage similaire à la RTS et le sujet a été accepté quelques jours plus tard lors d'une séance de rédaction.

d. Le 15 février 2019, A______ a demandé un avis de droit au service juridique de la RTS, notamment afin de savoir si la commande des pièces du LIBERATOR sur Internet était légale ou non.

e. Selon la prise de position juridique de ce service, transmise par courriel le 5 mars 2019 à A______, une arme imprimée en 3D relevait de la LArm; ainsi, une autorisation était nécessaire pour commander et se faire livrer une telle arme et il n'existait pas de motifs journalistiques permettant de passer outre cette règlementation. A défaut d'obtenir une autorisation d'acquisition d'arme, les journalistes concernés s'exposaient à une peine privative de liberté. Le service juridique précisait que la demande d'autorisation devait être déposée auprès de la Brigade des armes, de la sécurité privée et des explosifs (BASPE).

f. A une date indéterminée, A______ a téléchargé sur Internet les plans de construction du LIBERATOR.

g. Elle a ensuite contacté une vingtaine d'imprimeurs 3D établis en Suisse romande afin d'obtenir des devis pour l'impression de 18 pièces du LIBERATOR, soit toutes, sauf une, et en joignant les plans y relatifs, mais sans préciser qu'il s'agissait d'une arme. Seuls trois imprimeurs ont accepté cette commande. Les autres imprimeurs contactés ont reconnu qu'il s'agissait d'une arme et ont refusé de répondre à la demande, l'un d'eux ayant même menacé d'avertir la police.

Sur les trois imprimeurs ayant accepté la commande, A______ a choisi celui avec lequel il était possible de confirmer la commande en ligne et de payer au moyen d'une carte de crédit, et a formellement passé commande. Le délai de livraison indiqué était de six jours.

h. Le 19 mars 2019, A______ a reçu sur son lieu de travail les 18 pièces imprimées, livrées par la poste.

i. Le 21 mars 2019, sur demande de A______, B______, l'un de ses collègues ayant de bons contacts avec la police genevoise, a téléphoné au Service de presse de la police afin de demander la collaboration de la police dans le cadre du reportage prévu. Lors de cette conversation, le projet de A______ n'a pas été détaillé.

j. A un certain moment après cette date, A______ a assemblé les pièces et monté l'arme avec un collègue dans les locaux de la RTS. Lors du montage, elle a ajouté une pièce métallique permettant de rendre l'arme détectable. Elle n'a pas inséré le percuteur, notamment afin de ne pas rendre l'arme totalement fonctionnelle.

S'agissant de la date exacte de ce montage, selon les premières déclarations de A______ à la police le 4 avril 2019, précises et proches de la date des faits, il s'agirait du vendredi 22 mars 2019. Lors de cette audition, A______ a livré un récit chronologique, détaillé et cohérent, précisant notamment que l'arme montée était restée sous clé le weekend après le montage et qu'elle avait ensuite eu un rendez-vous le 26 mars 2019 avec le Service de presse de la police, rendez-vous dont on comprend avec certitude qu'il a eu lieu après le montage. Or, par la suite, au Ministère public et lors de l'audience de jugement, A______ a affirmé qu'elle aurait monté l'arme le 29 mars 2019. Cela parait peu probable, mais n'est pas déterminant pour l'examen de la réalisation de l'infraction reprochée.

k. Le 26 mars 2019, A______, accompagnée de son collègue B______, s'est rendue à un entretien avec le Service de presse de la police. A cette occasion, elle a expliqué son projet de reportage et a demandé s'il était possible que la BASPE effectue un tir d'essai avec le LIBERATOR.

A cet égard, l'intéressée prétend que lors de cet entretien, elle aurait indiqué au Service de presse de la police avoir reçu le colis contenant les pièces du LIBERATOR, sans l'avoir ouvert. Quant à B______, entendu comme témoin lors de l'audience de jugement, il ne se souvient pas si A______ avait divulgué cette information.

Il semble étonnant qu'en apprenant cette information, le Service de presse de la police n'ait pas réagi d'une manière ou d'une autre. Toutefois, à défaut d'avoir entendu la version des faits des représentants du Service de presse de la police, et dans la mesure où on ne peut pas totalement exclure que ces derniers n'aient tout simplement pas réagi, il sera retenu, dans le doute, que A______ a à tout le moins indiqué au Service de presse de la police, en date du 26 mars 2019, avoir reçu les pièces du LIBERATOR.

l. Selon A______ et B______, les représentants du Service de presse de la police étaient intéressés à collaborer, car ils jugeaient le sujet d'intérêt public, et avaient même précisé qu'il était envisageable de procéder à un tir d'essai au stand de tir de Carouge.

m. A______ a été invitée à formuler une requête écrite auprès du Service de presse de la police, ce qu'elle a fait par courriel le 26 mars 2019, après ce rendez-vous, en les termes suivants: "( ) Comme convenu suite à notre rencontre de ce jour, je vous envoie toutes les informations concernant notre demande de collaboration avec la BASPE. Nous souhaiterions interviewer Madame C______ sur la question des armes imprimées en 3D (est-ce un défi pour la police cantonale? Rappel nécessaire sur la loi sur les armes et la nécessité de ne pas acheter n'importe quoi sur internet) avec si possible l'organisation de la manipulation en toute sécurité de cette arme imprimée en 3D dans un stand de tir ( )".

n. Le 27 mars 2019, le Service de presse de la police lui a répondu que la cheffe de la BASPE n'était pas intéressée par le reportage, au motif que la BASPE n'était pas confrontée à cette problématique. Il lui a été suggéré de s'adresser à l'ESC.

Cette réponse, le contenu du courriel du courriel du 26 mars 2019 de A______ au Service de presse de la police – lequel parle de collaboration, d'interview et d'un éventuel tir d'essai – ainsi que les déclarations de B______ démontrent qu'il était exclusivement question d'interviewer les services de police et de faire un essai de tir sécurisé avec l'arme, mais que le montage de l'arme en collaboration, sous la surveillance ou avec l'autorisation de la police, n'a jamais été évoqué. Ces différents éléments tendent à confirmer que le 26 mars 2019, A______ avait déjà procédé de son côté au montage du LIBERATOR (cf. point j. supra).

o. Par courriel du 28 mars 2019, A______ a demandé à D______, doctorant à l'ESC, si elle pouvait l'interviewer au sujet du résultat de ses recherches sur le LIBERATOR, et s'il pouvait éventuellement tester de manière sécurisée l'arme qu'elle avait fait imprimer et en expliquer les dangers.

Il sied de relever que, contrairement à ce qui a été soutenu par le conseil de A______, rien ne permet de retenir que le Service de presse de la police aurait conseillé à l'intéressée de transporter l'arme à Lausanne. De même, au vu des éléments précédemment retenus, il n'est pas établi que le Service de presse de la police aurait été informé que l'arme avait été montée.

p. Par courriel du 29 mars 2019, D______ a répondu qu'il était intéressé et disposé à donner suite à la demande de A______, s'agissant du résultat des recherches effectuées sur le sujet. S'agissant du tir avec le LIBERATOR, il souhaitait clarifier la légalité de la démarche avant d'entrer en matière, et demandait à A______ quelles dispositions elle avait prises pour s'assurer d'être en conformité avec la LArm et si elle était au bénéfice d'une autorisation d'acquisition exceptionnelle pour la fabrication et la possession de cette arme.

q. Par courriel du 29 mars 2019 toujours, A______ a sollicité auprès du Service de presse de la police l'octroi – par la BASPE – d'une autorisation exceptionnelle pour la fabrication et la possession d'un LIBERATOR, et ce pour le 1er avril 2019, jour du tournage du reportage, ceci afin d'être en conformité avec la loi. Elle précisait que le test sécurisé de l'arme par D______ était conditionné à la délivrance d'une telle autorisation. Il lui a été répondu que le délai était trop bref et que l'autorisation requise ne pouvait donc pas lui être délivrée.

r. Le 1er avril 2019, A______ a transporté le LIBERATOR depuis les locaux de la RTS à Genève jusqu'à l'ESC à Lausanne, en train, soit un trajet d'environ 65km et d'une durée minimale d'une heure. Pendant ce trajet, l'arme était dans son sac de caméra qu'elle a gardé sur elle, étant précisé que le percuteur n'avait toujours pas été inséré et qu'elle n'avait pas de munitions. Une fois à l'ESC, elle a procédé à l'interview de D______. Son arme n'a pas été testée. Elle a ensuite fait le trajet inverse, de l'ESC à Lausanne aux locaux de la RTS à Genève, toujours en train et en transportant le LIBERATOR dans son sac de caméra.

s. A______ a été convoquée oralement et entendue par la police le 4 avril 2019. A cette occasion, elle s'est présentée avec son LIBERATOR qu'elle a remis aux services de police. A la fin de son audition, elle a ajouté que pour prouver ce qu'elle voulait démontrer dans son reportage, il fallait à tout le moins commander les pièces du LIBERATOR. Elle se rendait compte qu'il aurait été préférable de contacter la police plus tôt, avant même de passer la commande, "afin de faire les choses complètement en règle", appréciation qu'elle a confirmée lors de son audition au Ministère public.

t. Entre la construction de l'arme – vraisemblablement intervenue le 22 mars 2019 – et le déplacement à Lausanne le 1er avril, ainsi qu'au retour de ce déplacement jusqu'à l'audition de A______ à la police le 4 avril 2019, le LIBERATOR est resté sous clé dans un tiroir du bureau de l'intéressée, dans le bâtiment de la RTS à Genève, lui-même sécurisé.

u. Le reportage de la RTS a été diffusé le 7 avril 2019 lors de l'émission "19h30". Le reportage contenait notamment des images du montage partiel de l'arme, des images montrant que l'arme explosait fréquemment lors de l'unique tir possible ainsi que l'interview de D______ et de l'un des professeurs de l'ESC.

v. A______ a confirmé sur le plateau du "19h30" que, selon les renseignements obtenus de la police fédérale, le LIBERATOR était une arme à feu et qu'il était interdit de l'imprimer, sauf pour un armurier disposant d'une patente ou un particulier bénéficiant d'une autorisation exceptionnelle. La fabrication et la détention d'un LIBERATOR étaient illégales et passibles d'une peine de privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire, avec inscription au casier judiciaire.

w. Tout au long de ces différentes étapes, A______ a agi avec l'accord de sa hiérarchie.

C.a. A______, de nationalité française, est née le ______ 1986. Elle vit avec son compagnon et leurs deux enfants mineurs. Elle a suivi une formation à Sciences Po Grenoble avant d'intégrer l'Ecole supérieure de journalisme à Montpellier. Elle exerce la profession de journaliste depuis janvier 2010. Elle travaille actuellement pour la RTS et perçoit un revenu annuel net de CHF 84'893.-. Ses charges mensuelles s'élèvent à CHF 400.- de primes d'assurance-maladie, CHF 1'060.- d'impôts et CHF 2'300.- au titre d'intérêts hypothécaires. Sa fortune s'élève à CHF 71'000.-.

b. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, A______ n'a aucun antécédent judiciaire.

D. Lors de l'audience de jugement, A______ a conclu à l'octroi d'une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure, à hauteur de CHF 8'738.61 TTC.

EN DROIT

Culpabilité

1. 1.1. A teneur de l'art. 33 al. 1 let. a LArm, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque, intentionnellement, sans droit, offre, aliène, acquiert, possède, fabrique, modifie, transforme, porte, exporte vers un État Schengen ou introduit sur le territoire suisse des armes, des éléments essentiels d'armes, des composants d'armes spécialement conçus, des accessoires d'armes, des munitions ou des éléments de munitions, ou en fait le courtage.

1.2. Sont considérées comme des armes les engins permettant de lancer des projectiles au moyen d'une charge propulsive et peuvent être portés et utilisés par une seule personne, ou les objets susceptibles d'être transformés en de tels engins (armes à feu) (art. 4 al. 1 let. a LArm).

1.3. L'art. 8 al. 1 LArm dispose que toute personne qui acquiert une arme ou un élément essentiel d'arme doit être titulaire d'un permis d'acquisition d'armes.

Par éléments essentiels d'armes, on entend, pour les pistolets, la carcasse, la culasse et le canon (art. 3 let. a ch. 1 à 3 de l'ordonnance sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions du 2 juillet 2008 [OArm; RS 514.541]).

1.4. D'après l'art. 12 LArm, toute personne ayant acquis légalement une arme, un élément essentiel d'arme, un composant d'arme spécialement conçu ou un accessoire d'arme est autorisée à posséder l'objet ainsi acquis.

1.5. Enfin, l'art. 27 al. 1, 1ère et 2ème phrases LArm dispose que toute personne qui porte une arme dans un lieu accessible au public ou qui transporte une arme doit être titulaire d'un permis de port d'armes. Le titulaire de ce permis doit le conserver sur lui et le présenter sur demande aux organes de la police ou des douanes.

1.6. Selon l'art. 10 al. 1 LArm, certaines armes à un coup peuvent s'acquérir sans permis (armes de chasse, copies d'armes se chargeant par la bouche, fusils à répétition manuelle et pistolets à lapins).

L'aliénation d'une arme ou d'un élément essentiel d'arme ne nécessitant pas de permis d'acquisition d'armes – au sens de l'art. 10 al. 1 LArm – doit être consignée dans un contrat écrit. Ce contrat doit être conservé par chaque partie pendant au moins dix ans (art. 11 al. 1 LArm).

2. 2.1.1. En l'espèce, il est établi et non contesté que le 19 mars 2019, la prévenue a reçu en pièces détachées les 18 éléments formant le LIBERATOR, éléments qu'elle a ensuite assemblés, probablement le 22 mars 2019, pour former ladite arme, et qu'elle a ensuite possédé cette arme jusqu'au 4 avril 2019, étant précisé qu'elle l'a transportée entre Genève et Lausanne le 1er avril 2019.

Le LIBERATOR étant un pistolet qui, une fois assemblé, permet le tir d'une cartouche de calibre .380 ACP, il s'agit d'une arme visée par la LArm. Par conséquent, un permis d'acquisition est nécessaire pour l'acquérir et la posséder, et un permis de port d'armes est nécessaire pour la transporter.

Cependant, la prévenue n'a jamais été au bénéfice d'aucune de ces autorisations.

2.1.2. Il sied de relever que, quand bien même le LIBERATOR devait être considéré comme une arme à un coup au sens de l'art. 10 al. 1 LArm, la prévenue devrait être au bénéfice d'un contrat écrit consignant l'aliénation des pièces détachées de ladite arme, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

2.1.3. Par conséquent, les actes commis par la prévenue remplissent les éléments constitutifs objectifs de l'infraction à l'art. 33 al. 1 let. a LArm.

2.2.1. Du point de vue subjectif, il ne fait aucun doute que c'est avec conscience et volonté que la prévenue a commandé, acquis, payé, assemblé, possédé et transporté le LIBERATOR. En outre, dès réception de la prise de position du Service juridique de la RTS le 5 mars 2019, elle savait que le LIBERATOR relevait de la LArm et qu'une autorisation était nécessaire pour commander et se faire livrer une telle arme, et qu'il fallait déposer une demande d'autorisation auprès de la BASPE. Elle a même confirmé par deux fois, à la police puis au Ministère public, qu'il aurait été préférable qu'elle contacte la police avant même de passer la commande, "afin de faire les choses complètement en règle".

Ainsi, la prévenue ayant agi intentionnellement, l'élément constitutif subjectif de l'infraction à l'art. 33 al. 1 let. a LArm est également réalisé.

2.2.2. Dans l'arrêt 6B_604/2017 du 18 avril 2018 portant sur un cas de fraude électorale et cité par le conseil de la prévenue, le Tribunal fédéral a retenu que le recourant n'avait pas eu l'intention de falsifier les résultats du vote. Ainsi, son intention ne portant pas sur l'un des éléments constitutifs objectifs de l'infraction, en l'occurence le résultat de l'acte, il avait été acquitté.

Ce raisonnement n'est pas applicable au cas d'espèce. Le but de la LArm est certes de lutter contre l'utilisation abusive d'armes, mais l'infraction reprochée à la prévenue ne prévoit pas de résultat concret sur lequel devrait porter son intention, laquelle ferait hypothétiquement défaut dans le cas d'espèce. L'intention de la prévenue porte donc bel et bien sur tous les éléments constitutifs objectifs.

2.2.3. Quant à l'argument du conseil de la prévenue selon lequel cette dernière n'a jamais eu l'intention d'utiliser le LIBERATOR, il s'examinera cas échéant sous l'angle du mobile.

3. Il faut ensuite examiner si la prévenue peut être mise au bénéfice d'un fait justificatif – en particulier la sauvegarde d'intérêts légitimes ou le risque admissible – qui rendrait les infractions commises licites.

3.1.1. Le fait justificatif extralégal de la sauvegarde d'intérêts légitimes doit être interprété restrictivement et est soumis à des exigences particulièrement sévères dans l'appréciation de la subsidiarité et de la proportionnalité. Les conditions en sont réunies uniquement lorsque l'acte illicite ne constitue pas seulement un moyen nécessaire et approprié pour la défense d'intérêts légitimes d'une importance nettement supérieure à celle des biens protégés par la disposition violée, mais que cet acte constitue encore le seul moyen possible pour cette défense. Ces conditions sont cumulatives (ATF 127 IV 166 in SJ 2001 I p. 612, consid. 2b et les références citées).

3.1.2. Dans le cas d'espèce, afin que le fait justificatif de la sauvegarde d'intérêts légitimes soit réalisé, il faudrait que les actes commis par la prévenue – soit l'acquisition, la possession et le transport du LIBERATOR – représentent un moyen nécessaire et approprié pour la défense d'intérêts d'une importance nettement supérieure à ceux protégés par la LArm, et que cela constitue le seul moyen possible pour défendre lesdits intérêts.

La prévenue a agi aux fins d'alerter la population, les imprimeurs et les autorités sur la facilité d'obtention d'une arme imprimée en 3D et sur les dangers y relatifs. Il s'agit incontestablement d'un but d'information et de protection du public. Son action apparait nécessaire et appropriée pour atteindre ce but. Cependant, l'intérêt visé par la prévenue, soit l'information et la protection du public sur les dangers liés à cette arme, ne parait pas nettement supérieur à celui poursuivi par la LArm, soit la lutte contre l'utilisation abusive d'armes et, corollairement, la sécurité publique. Par conséquent, la première condition cumulative n'est pas réalisée et l'analyse du fait justificatif de la sauvegarde d'intérêts légitimes pourrait s'arrêter là.

En tant que de besoin, le Tribunal relève que la seconde condition cumulative de ce fait justificatif n'est pas non plus réalisée. En effet, la prévenue aurait parfaitement pu parvenir au but visé – soit informer et protéger le public, les imprimeurs et les autorités quant aux dangers liés au LIBERATOR – sans commettre tous les actes reprochés.

En premier lieu, avant de commander et d'acquérir les pièces du LIBERATOR, elle aurait pu et dû solliciter une autorisation auprès de la BASPE et attendre de l'obtenir, comme indiqué par le service juridique de la RTS. Or, elle n'a même pas tenté de demander une telle autorisation à ce stade, quand bien même le reportage projeté ne comportait aucun caractère d'urgence et n'était pas lié à un fait d'actualité.

En second lieu, s'il est vrai que la prévenue devait logiquement commander et réceptionner les éléments du LIBERATOR pour faire la démonstration recherchée dans son reportage, elle aurait pu et dû, pour la suite des démarches, se rendre à la police avec le colis contenant les éléments de l'arme et demander la collaboration et la supervision de la BASPE pour procéder au montage de l'arme, qu'elle aurait ensuite pu et dû laisser en mains de cette brigade.

Au vu de ce qui précède, le fait justificatif de la sauvegarde d'intérêts légitimes n'est pas réalisé en l'espèce.

3.2.1. D'après la théorie dite du "risque admissible", exposer les biens juridiques de tiers à des risques déterminés est en soi permis dans le domaine des infractions par négligence et il ne doit pas en aller différemment de celui qui agit intentionnellement. Pour que l'auteur d'un délit de mise en danger abstraite soit punissable, il faut donc qu'il ait franchi les limites d'un risque acceptable. Le devoir de diligence n'est pas réduit pour autant. Ce n'est pas le fait qu'une erreur humaine est toujours possible que l'on entend ici privilégier. Ce dont on veut tenir compte, c'est du fait que l'acceptation d'un certain risque est inhérente à toute entreprise. Plus celle-ci est utile et plus difficile est la mise en œuvre des moyens permettant de parer à tout danger entrant dans les prévisions de la norme, moins le risque assumé apparaîtra répréhensible. Cela suppose une appréciation de l'ensemble des circonstances dans le cadre d'une pesée concrète mettant en balance l'intérêt et le risque de l'action (ATF 117 IV 58 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1111/2016 du 9 mai 2018, consid. 3.1).

Dans l'arrêt précité 6B_1111/2016 du 9 mai 2018, il était question de deux membres d'une faction politique qui voulaient démontrer qu'il était facile d'obtenir de la drogue dans les rues de Genève. Ils avaient acquis auprès d'un dealer, puis détenu deux boulettes de cocaïne. Ils n'avaient pas l'intention de consommer cette drogue ou de la remettre à des tiers. Le Tribunal fédéral a considéré que, dans ce cas, le risque admissible n'avait pas été excédé dès lors que l'acheteur était immédiatement retourné auprès de son groupe de militants situé à quelques mètres de lui et que la police, presqu'immédiatement contactée après la transaction, était intervenue rapidement, avait pris possession de la quantité de drogue acquise et avait interpellé puis arrêté le dealer dénoncé.

3.2.2. En l'espèce, vu le but d'information et de protection du public que la prévenue cherchait à atteindre par le biais de son reportage, le Tribunal considère que le risque est resté admissible tant que le LIBERATOR était rangé sous clé dans un tiroir du bureau de l'intéressée, dans le bâtiment de la RTS à Genève, lui-même sécurisé.

Cependant, les limites d'un risque acceptable ont été franchies dès le moment où la prévenue a sorti le LIBERATOR du bâtiment de la RTS et l'a transporté avec elle en train jusqu'à l'ESC à Lausanne, où elle est restée un certain temps avant de faire le trajet dans l'autre sens, toujours avec le LIBERATOR.

En effet, durant ce transport qui a duré à tout le moins deux heures, la prévenue a notamment accepté le risque de se faire dérober – voire même de perdre ou d'oublier dans le train – le sac de caméra contenant le LIBERATOR. En cela, le cas d'espèce diffère de celui faisant l'objet de l'arrêt 6B_1111/2016 précité, dans lequel le risque – soit le fait pour l'acheteur d'avoir gardé sur lui de la drogue – a duré quelques minutes seulement.

Enfin, après avoir interviewé D______ à Lausanne, le reportage de la prévenue était terminé, de sorte qu'il n'y avait plus aucun intérêt public à ce qu'elle conserve le LIBERATOR. Ainsi, les actes commis par la prévenue après ce moment, à savoir la possession de l'arme entre son retour de Lausanne à Genève le 1er avril 2019 et son audition à la police le 4 avril 2019, ont outrepassé le risque admissible.

Au vu de ce qui précède, la prévenue sera acquittée des faits d'acquisition du LIBERATOR et de possession de cette arme jusqu'au 1er avril 2019, mais elle sera condamnée pour le transport de l'arme le 1er avril 2019 ainsi que pour la possession de l'arme entre le 1er et le 4 avril 2019.

4. Il reste à examiner si cette condamnation viole la liberté d'expression telle que garantie par l'art. 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, entrée en vigueur pour la Suisse le 28 novembre 1974 (CEDH; RS 0.101).

4.1.1. L'art. 10 § 1, 1ère phrase CEDH dispose que toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière.

L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire (art. 10 § 2 CEDH).

4.1.2. D'après le Tribunal fédéral (ATF 127 IV 166 in SJ 2001 I p. 612, consid. 2g et les références citées), l'interprétation des normes et des principes applicables en matière pénale doit, dans la mesure du possible, être conforme au droit constitutionnel et au droit conventionnel. Par ailleurs, la presse a sans aucun doute le devoir d'informer sur des thèmes d'intérêt général, tel devoir correspondant au droit du public à être informé. Toutefois, cette mission fondamentale ne dispense pas chaque journaliste du devoir de se conformer à l'ordre juridique en vigueur et notamment aux règles du droit pénal ordinaire. Le devoir d'investigation des médias, utile à remplir complètement leur fonction de "chiens de garde", ne suffit pas à justifier la commission de quelque acte illicite que ce soit. Un tel acte doit apparaître comme l'ultima ratio, le seul moyen disponible pour obtenir des informations "réellement de première importance" pour le public et impossibles à recueillir autrement.

4.1.3. Les arrêts suivants traitent de la question de la nécessité de l'ingérence dans une société démocratique:

Dans l'arrêt PENTIKÄINEN c. Finlande du 20 octobre 2015 (n° 11882/10), la Cour a validé la condamnation d'un journaliste qui avait participé à une manifestation devenue violente et n'avait pas obéi à des sommations de la police. La Cour a relevé que le journaliste n'avait pas été empêché de photographier la manifestation et que l'ingérence dans l'exercice de la liberté journalistique n'était que d'une portée limitée. Le comportement sanctionné n'était pas l'activité journalistique mais le refus du journaliste d'obéir à une sommation de la police en fin de manifestation. En outre, la Cour a souligné que le journaliste avait été exempté de peine et qu'aucune mention n'avait été inscrite dans son casier judiciaire.

Dans l'arrêt ERDTMANN c. Allemagne du 5 janvier 2016 (n° 56328/10) concernant la condamnation d'un journaliste ayant voulu tester la sécurité des aéroports allemands en montant dans des avions équipé d'un couteau papillon, la Cour a relevé qu'il fallait prendre en compte la nature et la sévérité de la peine au moment d'apprécier la proportionnalité de l'ingérence. Elle a souligné que dans ce cas, la dernière instance nationale avait pris en compte le fait que le reportage du requérant avait permis d'améliorer la sécurité de l'aéroport, qu'il était journaliste et que son enquête portait sur une question d'intérêt public, que le couteau avait été place en sécurité, hors de portée des autres passagers, et qu'il n'avait conduit à aucune menace concrète. Ainsi le requérant avait été condamné à la peine la plus faible, soit une simple amende, et une telle peine ne risquait pas de décourager la presse à investiguer certains sujets ou à s'exprimer dans le cadre de débats publics.

Dans l'arrêt MIKKELSEN et CHRISTENSEN c. Danemark du 24 mai 2011 (n° 22918/08), la Cour a été saisie du cas de deux journalistes condamnés pour avoir acheté des feux d'artifices illégaux, ceci afin de démontrer dans le cadre d'un reportage que les autorités échouaient à identifier les achats faits sur le marché noir. A cette occasion, la Cour a répété que l'art. 10 § 1 CEDH n'équivalait pas à une exemption générale, pour les journalistes, d'observer le droit pénal applicable.

Enfin, l'arrêt SALIHU et al. c. Suède du 10 mai 2016 (n° 33628/15) traitait, comme le cas d'espèce, d'un journaliste ayant acquis une arme sans autorisation, ceci dans le but de faire un reportage sur la façon d'acquérir une arme. Dans cet arrêt, la Cour a insisté sur le fait qu'un journaliste ne pouvait pas prétendre à l'immunité pour la seule raison qu'il avait commis l'infraction en question dans le cadre de sa fonction de journaliste. Elle a également relevé que dans le cas en question, la sanction ne portait pas sur le reportage lui-même et qu'il n'était pas question d'interdire ce dernier, mais que la condamnation portait sur la simple violation par le requérant de la règlementation nationale sur les armes.

4.2. En l'espèce, la condamnation de la prévenue constitue certes une ingérence dans la liberté de la presse protégée par l'art. 10 CEDH.

Cependant, conformément à la jurisprudence suisse et européenne citée ci-dessus, la mission d'investigation et d'information du journaliste ne saurait dispenser la prévenue de se conformer aux règles du droit pénal ordinaire, et ne justifie en toute hypothèse pas la commission d'un acte illicite, sauf si ledit acte constitue le seul et unique moyen d'obtenir des informations importantes pour le public.

Or, tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque, comme relevé au point 3.1.2. supra, la prévenue aurait pu et dû solliciter une autorisation auprès de la BASPE dès le début de ses démarches, ou, à tout le moins, elle aurait pu et dû se rendre à la police avec les pièces détachées du LIBERATOR afin de demander la collaboration de la BASPE. La prévenue ne peut donc pas invoquer son rôle de "chien de garde" pour justifier les actes illicites commis.

Pour le surplus, comme l'a relevé la Cour dans l'arrêt SALIHU et al. c. Suède, la condamnation de la prévenue ne porte pas sur le reportage en question et il ne s'agit pas d'une question de censure; dite condamnation porte uniquement sur la violation intentionnelle et non justifiée, par la prévenue, de la LArm.

Enfin, conformément à ce qu'a relevé la Cour dans l'arrêt ERDTMANN c. Allemagne, il conviendra de fixer en l'espèce une peine qui ne risque pas de décourager la presse à investiguer certains sujets ou à s'exprimer dans le cadre de débats publics.

Peine

5.1.1. L'art. 47 CP prévoit que le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravite de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerne, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

5.1.2. Si la culpabilité de l'auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine (art. 52 CP).

5.2. En l'espèce, la faute de la prévenue est légère.

Durant le transport du LIBERATOR à Lausanne, même si les limites du risque admissible ont été franchies – notamment en ce sens qu'un vol ou un oubli auraient été possibles –, la prévenue a pris la précaution de ne jamais laisser son sac sans surveillance. Elle a également pris toutes les précautions pour que l'arme ne puisse pas être fonctionnelle, en n'insérant pas la pièce devant servir de percuteur et en n'emportant pas de munitions.

Son mobile n'est pas égoïste. Elle a agi dans un but respectable. Même si elle a passé outre les dispositions légales sur les armes, elle a agi dans le but d'informer et d'alerter la population, les imprimeurs 3D et les autorités sur les risques pour la sécurité publique, et n'a jamais envisagé d'utiliser le LIBERATOR ou d'essayer de tirer seule avec.

En outre, il faut tenir compte du fait que la prévenue a été confortée dans la légitimité de sa démarche et de ses actes par sa hiérarchie.

Elle n'a certes pas apporté l'arme à la police immédiatement après l'interview de D______, mais il sera tout de même retenu qu'elle l'a spontanément remise aux policiers lors de son audition du 4 avril 2019.

Les qualités professionnelles de la prévenue sont unanimement reconnues et rien de permet de retenir qu'elle aurait agi avec légèreté lors de cette enquête.

Sous réserve de quelques variations dans ses déclarations, lesquelles peuvent s'expliquer par l'écoulement du temps qui entraine l'oubli de certains détails, sa collaboration a été bonne. Sa prise de conscience est à l'aune de sa conviction d'avoir agi de façon juste et nécessaire.

La période pénale est courte.

Elle n'a pas d'antécédent, facteur neutre sur la peine.

Son comportement apparait négligeable par rapports aux actes qui tombent habituellement sous le coup de la LArm.

Au vu de ce qui précède, notamment du but louable poursuivi par la prévenue, de l'absence de dommage et de conséquences sur les intérêts privés et publics concernés et eu égard à sa faute presque minime, elle sera exemptée de toute peine en application de l'art. 52 CP.

Inventaire

6. L'arme figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 2______ sera séquestrée, confisquée et détruite (art. 263 al. 1 CPP et art. 69 CP).

 

Frais et indemnités

7.1. Le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné (art. 426 al. 1 CPP).

A teneur de l'art. 426 al. 2 CPP, même lorsque le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile sa conduite.

Une condamnation aux frais n'est admissible que si le prévenu a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s'il en a entravé le cours. A cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, entre en ligne de compte. Une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du comportement illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en droit d'ouvrir une enquête (ATF 144 IV 202 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1268/2018 du 15 février 2019 consid. 4.1).

7.2. En l'espèce, le comportement de la prévenue consistant à acquérir, posséder et transporter une arme sans autorisation est objectivement et subjectivement constitutif d'une infraction pénale. Le Tribunal a certes retenu l'existence d'un fait justificatif pour une partie de ces infractions, ce qui conduit à l'acquittement partiel de la prévenue. Il n'en demeure pas moins que l'ouverture de la présente procédure et les frais y relatifs découlent du comportement de l'intéressée, en soi fautif et contraire aux dispositions de la LArm.

Par conséquent, les frais de la procédure, y compris un émolument de jugement de CHF 1'000.- seront entièrement mis a la charge de la prévenue (art. 9 al. 1 let. d du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP; E 4.10.03]).

8.1.1. Selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP, le prévenu qui est au bénéfice d'une ordonnance de classement ou qui est acquitté totalement ou en partie a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

L'autorité pénale peut réduire ou refuser l'indemnité lorsque le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure pénale ou a rendu plus difficile la conduite de celle-ci (art. 430 al. 1 let. a CPP).

8.1.2. L'art. 430 al. 1 let. a CPP est le pendant de l'art. 426 al. 2 CPP en matière de frais. La question de l'indemnisation doit être traitée après celle des frais. Dans cette mesure, la décision sur les frais préjuge de la question de l'indemnisation. Ainsi, si le prévenu supporte les frais en application de l'art. 426 al. 1 ou 2 CPP, une indemnité est en règle générale exclue (ATF 137 IV 352 consid. 2.4.2; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1258/2018 du 24 janvier 2019 consid. 3.1; 6B_474/2018 du 17 décembre 2018 consid. 2.2; 6B_472/2018 du 22 août 2018 consid. 1.1).

8.2. En l'espèce, la prévenue ayant été condamnée au paiement des frais de procédure, ses conclusions en indemnisation seront rejetées, en application de la jurisprudence susmentionnée.

 

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant contradictoirement :

Déclare A______ coupable d'infractions à la loi fédérale sur les armes s'agissant du transport du 1er avril 2019 et de la possession postérieure à cette date (art. 33 al. 1 let. a LArm).

Acquitte A______ d'infractions à la loi fédérale sur les armes pour le surplus (art. 33 al. 1 let. a LArm).

Exempte A______ de toute peine (art. 52 CP).

Ordonne le séquestre, la confiscation et la destruction de l'arme figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 2______ (art. 69 CP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'689.- (recte: 1'639.-), y compris un émolument de jugement de CHF 1'000.- (art. 426 al. 1 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Office fédéral de la police, Office cantonal de la population et des migrations, Service des contraventions, Brigade des armes, de la sécurité privée et des explosifs (art. 81 al. 4 let. f CPP).

Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).

 

La Greffière

Karin CURTIN

La Présidente

Sabina MASCOTTO

 


 

Vu les annonces d'appel formées par la prévenue et par le Ministère public, lesquelles entraînent la motivation écrite du jugement (art. 82 al. 2 let. b CPP).

LE TRIBUNAL DE POLICE

Condamne A______ à payer un émolument complémentaire de CHF 1'000.- à l'Etat de Genève.

 

La Greffière

Karin CURTIN

La Présidente

Sabina MASCOTTO

 

 

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

 


 

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

580.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

45.00

Frais postaux (convocation)

CHF

14.00

Emolument de jugement

CHF

1'000.00

Total

Emolument de jugement complémentaire

Total

CHF

CHF

CHF

1'689.00 recte: 1'639.00

1'000.00

2'639.00

==========

 

Notification à A______, soit pour elle à son conseil
Par voie postale

Notification au Ministère public
Par voie postale