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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2459/2021

DCSO/413/2021 du 21.10.2021 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : contenu de la réquisition de poursuite; indication du domicile du créancier poursuivant
Normes : lp.67.al1.ch1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2459/2021-CS DCSO/413/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 21 OCTOBRE 2021

 

Plainte 17 LP (A/2459/2021-CS) formée en date du 19 juillet 2021 par A______, élisant domicile en l'étude de Me C______, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-       A______

c/o Me C______

Etude ______

______

______

______ [VD].

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Le 17 juin 2021, A______, représenté par son conseil, Me C______, a adressé à l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) une réquisition de poursuite dirigée contre B______, domicilié ______[GE], en recouvrement d'un montant de 7'093 fr. 60, intérêts en sus, réclamé à titre de note d'honoraires du 5 septembre 2019.

Par courrier accompagnateur du même jour, rédigé sur papier-entête de son étude d'avocats – sise ______[VD] –, A______ a précisé qu'il était contraint d'agir en exécution forcée contre B______, un ancien client, afin d'obtenir le paiement des honoraires qui lui étaient dus. Le Tribunal cantonal l'avait délié du secret professionnel à cet effet, ainsi qu'en attestait le courrier annexé à la réquisition de poursuite.

Dans la réquisition de poursuite, A______ a donné pour adresse celle de son étude d'avocats à la 2______[VD]. Son conseil, Me C______, associé au sein de la même étude, a également fourni cette adresse.

b. Par courrier du 21 juin 2021 adressé au conseil de A______, l'Office – se référant à l'art. 67 al. 1 ch. 1 LP – a refusé de donner suite à cette réquisition de poursuite, enregistrée sous le n° 1______, au motif que l'adresse privée du créancier poursuivant n'y figurait pas (nom de la rue, numéro de l'immeuble habité, localité). Un délai de dix jours lui était imparti pour transmettre l'adresse complète du créancier, à défaut de quoi la réquisition serait rejetée.

c. Par pli du 2 juillet 2021, Me C______ a répondu à l'Office en ces termes : "Il a sciemment été indiqué l'adresse professionnelle du créancier et non son adresse privée pour des raisons évidentes de protection des données et de la sphère privée du créancier, en raison des contraintes que peuvent engendrer le métier d'avocat. De plus, seule est nécessaire une adresse de notification valable. Il apparaît donc excessif de vouloir les coordonnées privées du créancier. Je vous remercie donc de bien vouloir utiliser l'adresse ci-après, 2______[VD], pour la réquisition de poursuite".

d. Par décision du 6 juillet 2021, l'Office a informé Me C______ qu'il ne pouvait pas donner suite à la réquisition de poursuite du 17 juin 2021, dans la mesure où l'adresse privée du créancier ne lui avait pas été communiquée dans le délai imparti. Il appartenait à A______ de déposer "une nouvelle réquisition de poursuite dûment complétée".

B.          a. Par acte expédié à la Chambre de surveillance le 19 juillet 2021, A______, représenté par son conseil, a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre la décision susmentionnée, reçue le 8 juillet 2021, concluant à son annulation et à ce que la procédure de poursuite n° 1______ dirigée contre B______ soit enregistrée par l'Office et suive son cours. Il a fait valoir que l'indication d'une adresse professionnelle était suffisante, ce d'autant que la poursuite visait à recouvrer une note d'honoraires d'avocat. L'adresse privée du créancier n'avait pas été indiquée, "pour des raisons évidentes de confidentialité et de respect de la vie privée, d'autant plus en raison de sa profession d'avocat".

 

b. Dans ses observations du 26 juillet 2021, l'Office a conclu au rejet de la plainte.

c. Le 27 juillet 2021, les parties ont été avisées que l'instruction de la plainte était close.

EN DROIT

1.             Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LaLP; 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une décision de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) – soit le rejet d'une réquisition de poursuite – et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. Le plaignant reproche à l'Office d'avoir refusé de donner suite à sa réquisition de poursuite au motif que son domicile privé n'y était pas indiqué.

2.1 L'art. 67 al. 1 ch. 1 LP a la teneur suivante : "La réquisition de poursuite est adressée à l'office [des poursuites] par écrit ou verbalement. Elle énonce : le nom et le domicile du créancier et, s'il y a lieu, de son mandataire; le domicile élu en Suisse s'il demeure à l'étranger. A défaut d'indication spéciale, l'office est réputé domicile élu".

Conformément à cette disposition, la réquisition de poursuite doit, parmi d'autres indications, comporter le nom ainsi que le domicile du créancier et, le cas échéant, de son représentant; ces mentions sont reprises dans le commandement de payer établi par l'office des poursuites (art. 69 al. 2 ch. 1 LP).

Il importe que la désignation du poursuivant – personne physique ou morale – soit claire et certaine, non équivoque et excluant tout doute sur son identité (GILLIERON, Commentaire LP, n. 18 ad art. 67; ATF 120 III 60 consid. 2; 114 III 62 consid. 1a; 98 III 24). La désignation inexacte, voire totalement fausse, ou incomplète d'une partie n'entraîne la nullité de la poursuite que lorsqu'elle était de nature à induire les intéressés en erreur et que tel a été effectivement le cas. Si la réquisition de poursuite est imprécise ou lacunaire, l'office doit donner l'occasion au poursuivant de la rectifier/compléter (cf. art. 32 al. 4 LP; GILLIERON, op. cit., n. 19 ad art. 67 LP et les références citées; DCSO/187/2012 du 14 mai 2012 consid. 2.1).

Par "domicile du créancier", on entend son adresse complète, ce qui inclut l'indication de la rue (Strasse), le numéro de l'immeuble (Hausnummer) et la localité ou commune (Wohngemeinde) (PENON/WOHLGEMUTH, in Kommentar SchKG, 4ème éd. 2017, [éd.] KREN KOSTKIEWICZ/VOCK, n. 14 ad art. 67 LP et la référence). Il doit s'agir du domicile réel du créancier, l'indication d'un domicile fictif ou d'un domicile élu n'étant pas suffisante. L'office doit refuser de donner suite à une réquisition de poursuite n'indiquant pas le domicile du créancier poursuivant ou s'il sait que le créancier n'a pas indiqué son véritable domicile (ATF 114 III 62 consid. 2a). L'indication du domicile est indispensable, même si l'identité du poursuivant n'est pas douteuse et qu'il est représenté par un mandataire dont l'adresse est correctement indiquée. Le débiteur peut avoir intérêt à ce que cet endroit soit mentionné : ainsi pour effectuer des paiements directement au créancier ou l'atteindre personnellement au sujet de l'affaire ou d'une affaire connexe, plus généralement pour sauvegarder ses droits (ATF 114 III 62 consid. 2a et les arrêts cités; PENON/WOHLGEMUTH, op. cit., n. 14 ad art. 67 LP; GILLIERON, op. cit.,
n. 23 ad art. 67 LP et les références citées).

Lorsque le poursuivant agit par représentant, ce dernier doit être désigné dans la réquisition de poursuite par son nom, son prénom et son adresse exacte. Contrairement aux exigences fixées pour le poursuivant, l'adresse exacte du représentant n'est pas nécessairement celle de son domicile réel, mais celle par exemple du lieu où un représentant professionnel exerce habituellement sa profession. L'adresse exacte du représentant peut être le domicile élu aux fins de communications du poursuivant, notamment de celui qui a son domicile à l'étranger et qui doit élire un domicile en Suisse (art. 67 al. 1 ch. 1, 2ème phr. LP), à défaut de quoi l'office des poursuites est réputé domicile élu (art. 67 al. 1. ch. 1, 3ème phr. LP) (GILLIERON, op. cit., n. 26 ad art. 67 LP; cf. ég. PENON/WOHLGEMUTH, op. cit., n. 15 ad art. 67 LP; GEHRI, in KUKO SchKG, 2ème éd. 2014, n. 3 ad art. 67 LP).

2.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que l'adresse du créancier figurant dans la réquisition de poursuite du 17 juin 2021 n'est pas celle de son domicile privé, mais celle de son étude d'avocats.

Ayant constaté que le plaignant n'avait pas indiqué son véritable de domicile, l'Office – conformément aux principes rappelés supra – était en droit de refuser de donner suite à cette réquisition de poursuite et d'impartir au poursuivant un délai raisonnable pour la compléter utilement, en lui fournissant l'adresse de son domicile réel, ainsi que le prévoit l'art. 67 al. 1 ch. 1 LP. Le fait que le plaignant exerce la profession d'avocat, que la créance déduite en poursuite est une note d'honoraires et que le plaignant a élu domicile en l'étude de son associé, qui le représente vis-à-vis des organes de la poursuite, n'y change rien. Comme relevé ci-avant, l'indication du domicile privé du créancier doit permettre au débiteur de s'adresser personnellement à celui-ci pour toute question liée à la poursuite concernée et, s'il y a lieu, de préserver ses droits vis-à-vis de lui – ce qui peut impliquer, par exemple, d'assigner le poursuivant devant les tribunaux compétents par une action en annulation de la poursuite (art. 85 et 85a LP), en libération de dette ou en constatation de l'inexistence de la créance. A cet égard, l'on ne discerne pas en quoi le fait d'exercer une profession libérale (avocat, médecin, architecte, etc.) devrait permettre à une certaine catégorie de créanciers de déroger au système légal pour les motifs évoqués (protection des données, respect de la vie privée, etc.). Au surplus, contrairement à ce que soutient le plaignant – qui n'allègue pas demeurer à l'étranger –, le créancier domicilié en Suisse qui n'indique pas son domicile sur la réquisition de poursuite n'est pas réputé avoir fait élection de domicile auprès de l'Office : en effet, ce n'est que lorsqu'un créancier domicilié à l'étranger n'a pas élu un domicile de notification en Suisse (alors qu'il y est tenu selon l'art. 67 al. 1 ch. 1, 2ème phr. LP) que "l'office est réputé domicile élu" au sens de l'art. 67 al. 1 ch. 1, 3ème phr. LP.

En définitive, l'Office a considéré avec raison que la réquisition de poursuite souffrait d'une insuffisance, en ce sens que le domicile réel du créancier n'y était pas indiqué, en violation de l'art. 67 al. 1 ch. 1 LP. C'est dès lors à juste titre que l'Office a imparti au plaignant un délai pour compléter sa réquisition, ce que ce dernier n'a pas fait. C'est, partant, également à juste titre que l'Office, à l'expiration du délai fixé, a rejeté la réquisition de poursuite. Les arguments invoqués par le plaignant ne modifient pas cette conclusion.

La plainte sera par conséquent rejetée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 lit. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 19 juillet 2021 par A______ contre la décision de l'Office cantonal des poursuites du 6 juillet 2021 refusant de donner suite à la réquisition de poursuite n° 1______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Ekaterine BLINOVA et
Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

La présidente :

Nathalie RAPP

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l'art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.