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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1415/2023

JTAPI/262/2024 du 25.03.2024 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1415/2023 ICCIFD

JTAPI/262/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 25 mars 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par UNIFID CONSEILS SA, mandataire, avec élection de domicile

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

 

EN FAIT

1.             Jusqu’au 4 novembre 2020, Monsieur A______ a été inscrit au registre foncier de Genève comme propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de B______ (ci-après : l’immeuble).

2.             Le contribuable est actionnaire et administrateur unique (avec signature individuelle) de la société C______ SA. Inscrite au registre du commerce de Genève depuis le ______ 2020, cette société a pour but « achat, vente, administration, gestion, courtage, exploitation et gérance d'immeubles ». Ce registre indique que, selon un contrat du ______ 2020, elle a bénéficié d’un apport en nature, soit l’immeuble, valant CHF 8'830'000.-, en contrepartie duquel étaient remises 1'000 actions nominatives de CHF 100.- chacune, le solde de CHF 8'730'000.- constituant un agio. Ses statuts datent du ______ 2020.

3.             Dans sa déclaration fiscale 2020, déposée le 27 octobre 2021, le contribuable a indiqué que l’immeuble avait été vendu le 30 juin 2020, que les loyers en découlant totalisaient CHF 235'754.- et que les frais d’entretien effectifs s’élevaient à CHF 65'546.-. Il y a par ailleurs mentionné la valeur de sa participation dans C______ SA, pour CHF 8'730'000.-, et fait valoir en déduction des intérêts hypothécaires liés à l’immeuble (CHF 25'000.-), précisant que la dette y relative s’élevait à CHF 0.-. Il a joint un compte de gestion de l'immeuble pour la période du 1er janvier au 30 juin 2020.

4.             Dans sa déclaration fiscale 2021, déposée le 14 novembre 2022 et signée par le contribuable, C______ SA a indiqué que son premier exercice commercial s’était déroulé du 30 octobre 2020 au 31 décembre 2021, que la valeur de l’immeuble s’élevait à CHF 12'019'200.- (après un amortissement de CHF 221'850.-) et que celui-ci était grevé d’une dette hypothécaire de CHF 3'000'000.-. Dans ses comptes 2020 et leurs annexes, elle a notamment fait état d’une « réserve légale issue du capital » de CHF 8'730'000.-, des « loyers encaissés de l’immeuble » de CHF 649'768.- et du fait qu’elle n’employait pas de personnel.

5.             Par bordereaux du 27 janvier 2023, l'AFC-GE a taxé le contribuable pour l’année 2020. Retenant qu’il avait aliéné l’immeuble le ______ 2020, elle avait fixé les loyers en découlant à CHF 373'277.- (au lieu de CHF 235'754.- déclarés) et les frais d’entretien y relatifs à CHF 103'781.- (au lieu de CHF 65'546.- revendiqués par le contribuable), précisant que ces montants étaient calculés au prorata temporis sur 285 jours.

6.             Par réclamation du 10 février 2023, sous la plume de son mandataire, le contribuable a contesté ces bordereaux, faisant valoir, en substance, qu’C______ SA avait pris possession et la jouissance de l’immeuble en date du 1er juillet 2020 et que, par conséquent, l'AFC-GE devait établir de nouvelles taxations qui en tenaient compte. A cette occasion, il a fourni un « contrat d’apport en nature » conclu entre lui-même et C______ SA dont il était le représentant. Cet acte n’était pas daté et ne comportait aucune signature.

7.             Par décisions du 23 mars 2023, l'AFC-GE a rejeté cette réclamation.

Selon la loi, la personne inscrite au registre foncier comme propriétaire d’un immeuble était responsable des impôts y afférents. En l’occurrence, l’acte notarié relatif à l’apport en nature, soit l’immeuble, avait été inscrit dans ce registre le ______ 2020. En conséquence, le contribuable était responsable des impôts sur l’immeuble jusqu’à cette date, nonobstant la clause contractuelle régissant l’entrée en possession et la jouissance de l’immeuble par C______ SA.

8.             Par acte du 25 avril 2023, sous la plume de son mandataire, le contribuable a recouru contre ces décisions auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à leur annulation et à ce que l'AFC-GE émette de nouveaux bordereaux ICC et IFD 2020 « sur la base des conclusions du présents recours », le tout sous suite des frais et dépens.

Le contrat du ______ 2020 prévoyait que l’entrée en jouissance de l’immeuble par C______ SA était effective au 1er juillet 2020. L’inscription au registre foncier du transfert de la propriété avait été effectuée en date du ______ 2020. C______ SA avait comptabilisé les loyers et les charges de l’immeuble dès le 1er juillet 2020. De bonne foi, tant l’acquéreur que l’aliénateur de l’immeuble avaient considéré que le transfert et la jouissance étaient effectifs à cette dernière date.

Pour la période du 1er juillet et ______ 2020, l'AFC-GE avait taxé les produits et les charges de l’immeuble tant auprès d’C______ SA qu’auprès de lui-même, ce qui constituait une imposition des mêmes éléments chez deux contribuables distincts. Imposer ces éléments auprès de lui était contraire au principe de la capacité contributive, dès lors qu’il n’avait plus la jouissance « économique » de l’immeuble depuis le 1er juillet 2020.

9.             Le 1er septembre 2023, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

L’inscription au registre foncier était constitutive de l’acquisition de la propriété d’un immeuble par un acte juridique. Ainsi, pour déterminer la durée d’une propriété, les dates déterminantes étaient celles du registre foncier. En l’occurrence, selon ce registre, le recourant était propriétaire de l’immeuble jusqu'au ______ 2020. Or, il l’avait déclaré chez lui seulement jusqu’au 30 juin 2020. Il prétendait à tort qu’C______ SA l’avait déclaré auprès d’elle dès cette date, puisque le premier exercice de cette société avait commencé le ______ 2020 et s’était terminé le 31 décembre 2021. C______ SA avait par ailleurs été taxée sur la base des éléments qu’elle avait déclarés.

Comme elle avait taxé l’immeuble chez le recourant jusqu’au ______ 2020, alors qu’elle aurait dû le faire jusqu’au ______ 2020, la période entre ces deux dates n’était pas taxée. Néanmoins, elle renonçait à une reformatio in pejus pour cette période.

10.         Par réplique du 21 septembre 2023, respectivement duplique du 16 octobre suivant, les parties ont campé sur leurs positions respectives.

Le recourant a en particulier relevé, pièces à l’appui, qu’C______ SA avait effectivement comptabilisé les produits et les charges de l’immeuble dès le 1er juillet 2020 et que la taxation 2021 de cette dernière était entrée en force.

L'AFC-GE a, quant à elle, observé que cet argument n’était pas pertinent dans le cadre du présent litige, même si C______ SA avait comptabilisé - à tort et avant même sa création - des revenus ne lui revenant pas.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Le recourant conteste l’imposition de l’immeuble auprès de lui après le 30 juin 2020, au motif que tous les éléments y relatifs postérieurs à cette date auraient été déclarés et imposés chez sa société C______ SA.

4.             Aux termes des art. 21 al. 1 let. a LIFD et 24 al. 1 let. a de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), le rendement de la fortune immobilière est imposable, en particulier tous les revenus provenant de la location, de l'affermage, de l'usufruit ou d'autres droits de jouissance.

Selon l’art. 13 LIPP, intitulé « Présomption de propriété des immeubles », la personne inscrite comme propriétaire d'un immeuble au registre foncier est responsable des impôts afférents à l'immeuble. La LIFD ne contient pas de disposition équivalente.

5.             Selon l’art. 656 al. 1 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), l’inscription au registre foncier est nécessaire pour l’acquisition de la propriété foncière. Constitutive, l'inscription s'opère sur déclaration écrite du propriétaire de l'immeuble auquel se rapporte son objet (art. 963 al. 1 CC ; cf. ATF 141 III 13 consid. 4.1 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_838/2020 du 15 novembre 2021 consid. 5.1 ; 5A_516/2011 du 8 novembre 2011 consid. 4.3.1).

Il existe une présomption d'exactitude de faits se trouvant dans un registre public ; il est cependant possible de renverser cette présomption (art. 9 al. 1 CC ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_1/2015 du 10 août 2015 consid. 2.3). La preuve que ces faits sont inexacts n'est soumise à aucune forme particulière (art. 9 al. 2 CC).

6.             Le droit fiscal est dominé par le principe de la légalité (cf. not. ATA/259/2024 du 27 février 2024 consid. 5.1 et les arrêts cités).

7.             En l’espèce, à teneur de l’extrait du registre foncier versé au dossier, le recourant y a été inscrit jusqu’au ______ 2020 comme propriétaire de l’immeuble. Dès lors, en vertu de l’art. 656 al. 1 CC, C______ SA ne pouvait pas en devenir propriétaire avant cette date. Du reste, l’acte d’aliénation a été conclu le ______ 2020, et non le 1er juillet précédent. En conséquence, en application des art. 21 al. 1 let. a LIFD, 24 al. 1 let. a et 13 LIPP, le recourant est imposable jusqu’au ______ 2020 sur tous les éléments liés à l’immeuble. L’on ne voit pas comment la jouissance « économique » de ce bien par C______ SA pouvait être « effective au 1er juillet 2020 » alors que cette société n’a été constituée que le ______ 2020. Dans cette mesure, la déclaration fiscale 2020 du recourant était manifestement inexacte, de sorte que la question d’une éventuelle tentative de soustraction pourrait se poser. Le tribunal laissera néanmoins cette question ouverte, d’autant que l'autorité intimée ne l’a pas soulevée.

Pour le surplus, les conséquences fiscales du fait qu’C______ SA aurait comptabilisé et déclaré les produits et les charges de l’immeuble depuis le 1er juillet 2020, alors qu'elle n’a été constituée que le ______ suivant, ne pourraient être examinées que dans le cadre de sa propre taxation. Or, celle-ci ne fait pas l’objet du présent litige. Il lui appartenait de demander une rectification de sa taxation 2021, dans la mesure où celle-ci aurait été inexacte et/ou contraire au principe de la capacité contributive. Si elle ne l’a pas fait, ce n’est pas pour autant que ce principe serait violé dans le cadre de la taxation du recourant. Au contraire, celle-ci est manifestement à son avantage, dans la mesure où elle ne tient pas compte de l’immeuble pour la période du ______ au ______ 2020.

Au vu de ce qui précède, les décisions sur réclamation du 23 mars 2023 et les bordereaux ICC et IFD 2020 du 27 janvier 2023 doivent être confirmés.

8.             Partant, le recours sera rejeté.

9.             En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

10.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 25 avril 2023 par Monsieur A______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 23 mars 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Gwénaëlle GATTONI, présidente, Pascal DE LUCIA et Jean-Marc WASEM, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière