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Décisions | Chambre de surveillance

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C/18178/2022

DAS/311/2023 du 20.12.2023 sur DTAE/8883/2022 ( PAE ) , REJETE

Normes : CC.390; CC.389
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18178/2022-CS DAS/311/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MERCREDI 20 DECEMBRE 2023

 

Recours (C/18178/2022-CS) formé en date du 27 décembre 2022 par Monsieur A______ et Madame B______, tous deux domiciliés ______ (Genève).

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 21 décembre 2023 à :

 

- Monsieur A______
______, ______ [GE].

- Madame B______
______, ______ [GE].

- Madame C______
Monsieur D______
SERVICE DE PROTECTION DE L'ADULTE
Route des Jeunes 1C, case postale 107, 1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.    a) Par courrier commun du 6 septembre 2022 adressé au Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après: le Tribunal de protection), la Dre E______, neurologue, et la Dre F______, médecin généraliste, ont procédé au signalement de A______, né le ______ 1965, lequel souffrait de maladies qui l’empêchaient de gérer ses affaires personnelles et de veiller à sa santé de manière autonome. Elles ont sollicité l’instauration d’une large mesure de protection en sa faveur, précisant que, malgré son jeune âge, une intégration en Etablissement médico-social (EMS) devait être envisagée et discutée avec ce dernier et sa famille.

b) Selon le certificat médical établi par la Dre F______ et le rapport de consultation médicale cognitive et neurocomportementale du 11 février 2022, A______ souffrait d’un trouble neuro-cognitif majeur de type Alzheimer en état d’aggravation, malgré un traitement conséquent, et de nombreuses comorbidités somatiques, soit notamment un diabète, une hypertension artérielle et une hypercholestérolémie. Il n’était plus capable de s’occuper de ses affaires courantes, ni de s’administrer son traitement à l’insuline journalier, étant relevé qu’il était retourné vivre chez son ex-épouse, ayant besoin d’aide au quotidien et ne pouvant plus vivre seul. Malgré tout l’encadrement socio-médical et les suivis mis en place, notamment l’Institution genevoise de maintien à domicile (IMAD) et divers médecins sur les plans somatique, neurologique et psychiatrique, sa situation se dégradait et il n'était plus possible qu'il cohabite avec son ex-épouse, d’une part, parce que cette dernière était épuisée et elle-même dépressive, et d’autre part, parce qu'il se montrait parfois agressif à son égard. Compte tenu de l’incapacité durable de l’intéressé et de sa situation psychosociale, l’exercice de ses droits civils devrait être restreint et son placement en EMS organisé. Son patient était conscient de sa problématique et de ses troubles cognitifs et favorable à son changement de lieu de vie.

c) A______ n’a enregistré aucun mandat pour cause d’inaptitude et est au bénéfice de prestations complémentaires et d’une rente entière d’invalidité depuis le 1er mai 2018, ainsi que d’une allocation pour impotent de degré faible depuis le 1er juin 2022. Il fait l’objet d’un acte de défaut de biens d’un montant de 3'419 fr. 40, selon l’extrait du registre des poursuites du 27 septembre 2022.

d) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 14 novembre 2022.

La Dre F______ a confirmé son signalement et son rapport médical. Son patient était atteint de la maladie d’Alzheimer à un stade avancé, chose rare à son âge, et avait en permanence besoin d’aide, notamment pour contrôler son dosage d’insuline, raison de l’introduction de l’IMAD à domicile. Il ne comprenait plus guère le français, ne pouvait plus sortir seul et son état nécessitait qu’il soit accueilli dans un lieu de vie rassurant et adapté à ses besoins, tel un EMS, les démarches pour ce faire n’ayant toutefois pas encore été effectuées. Aucun des enfants de A______ ne souhaitait assumer le rôle de curateur de leur père pour des raisons qui leur étaient propres.

B______, ex-épouse du concerné, a déclaré accueillir ce dernier chez elle depuis plusieurs mois et le soutenir dans tous les domaines de la vie, avec l’une de leur fille, qui s'occupait des aspects administratifs. Le passage de l’IMAD la soulageait un peu. Elle avait cependant des problèmes de santé somatiques et psychiques.

A______ a déclaré qu’il ne souhaitait pas entrer en EMS.

B.     Par ordonnance DTAE/8883/2022 du 14 novembre 2022, le Tribunal de protection a, statuant sur mesures provisionnelles, institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de A______ (ch. 1 du dispositif), désigné deux intervenants en protection de l’adulte auprès du Service de protection de l’adulte (SPAd), aux fonctions de curateurs, avec pouvoir de substitution (ch. 2), confié aux curateurs les tâches de représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques, gérer ses revenus et biens et administrer ses affaires courantes, veiller à son bien-être social et la représenter pour tous les actes nécessaires dans ce cadre, notamment en matière de recherche de nouveau lieu de vie (ch. 3), autorisé les curateurs à prendre connaissance de la correspondance de la personne concernée, dans les limites du mandat, et si nécessaire, à pénétrer dans son logement (ch. 4), déclaré la décision immédiatement exécutoire nonobstant recours (ch. 5) et réservé le sort des frais judiciaires avec la décision au fond (ch. 6).

En substance, le Tribunal de protection a retenu que l’intéressé, en raison des importants troubles neurocognitifs progressifs et des multiples comorbidités somatiques dont il souffrait n’était plus en mesure d’assurer la sauvegarde de ses intérêts au sens large et n’était en particulier plus capable de gérer ses affaires courantes ou de procéder aux démarches qui s’imposaient afin d’organiser son transfert en EMS, étant relevé qu’il avait déclaré en audience ne pas vouloir intégrer un tel lieu de vie. Il ne semblait en outre pas capable de prendre le traitement quotidien requis pour son diabète de manière autonome. S’il pouvait compter sur le soutien de son ex-épouse ou des intervenants de l’IMAD pour remédier à ses difficultés, ceux-ci semblaient atteindre les limites de leurs possibilités d’intervention, compte tenu des besoins spécifiques et de la situation psycho-sociale du concerné. Si l’examen de la cause de curatelle et l’étendue du besoin de protection nécessitaient davantage d’instruction, les circonstances précitées commandaient que soit instaurée, sur mesures provisionnelles déjà, une curatelle de représentation et de gestion dans les domaines administratif, juridique, financier et social au profit de l’intéressé, notamment pour lui garantir un lieu de vie adéquat. Sur le plan médical, le concerné semblait être régulièrement suivi par divers praticiens et être collaborant aux soins, de sorte qu’il n’apparaissait pas nécessaire à ce stade d’étendre la mesure de protection à ce domaine, étant précisé qu’il bénéficierait prochainement de l’encadrement approprié d’un EMS en la matière. Compte tenu des éléments dont il disposait, le Tribunal de protection ne pouvait pas prononcer de mesures plus incisives. La situation patrimoniale de l’intéressé et l’absence de proches pouvant fonctionner en qualité de mandataire privé, commandaient que deux collaborateurs du SPAd soient désignés aux fonctions de curateurs.

C.    a) Par acte daté du 27 décembre 2022, reçue le 4 janvier 2023 par la Chambre de surveillance, A______, en personne, a formé recours contre cette ordonnance. Le recours est semble-t-il signé par A______ et co-signé par B______, son ex-épouse.

En substance, A______ indiquait que sa situation actuelle était difficile et qu’il souffrait de problèmes de santé mais qu’elle n’était pas telle que décrite par le Tribunal de protection dans son ordonnance. Il exposait avoir eu une discussion avec "sa femme" et ses enfants, suite à laquelle une solution avait été trouvée. Il était en très bons termes avec ses enfants et sollicitait que sa fille G______, née le ______ 1992, domiciliée à H______ [GE], s’occupe de la gestion de ses affaires dans les domaines administratif, juridique, financier et social, comme elle le faisait déjà avec le soutien de "sa femme". Il souhaitait qu’elle soit nommée curatrice et qu’elle recherche un foyer de jour, dans lequel il pourrait avoir une vie sociale et d’autres activités qu’il n’avait pas actuellement. Avec l’accord de sa "femme" et de ses enfants, il continuerait à vivre chez la première à I______ [GE], lorsqu’il ne serait pas pris en charge en foyer de jour. Ses enfants, sa "femme" et lui-même ne souhaitaient pas qu’il intègre un EMS définitivement car ils estimaient que la situation ne l’exigeait pas et qu’elle serait préjudiciable à son bien-être.

b) Le Tribunal de protection n’a pas souhaité reconsidérer sa décision.

c) Les parties à la procédure ont été avisées de ce que la cause serait mise en délibérations dans un délai de dix jours, par courrier du 31 mars 2023.

d) Par courrier spontané du 25 avril 2023, G______, fille du recourant, non partie à la procédure, a déclaré à la Chambre de surveillance être d’accord de reprendre la curatelle de son père afin de s’occuper de la gestion de ses affaires dans tous les domaines administratif, juridique, financier et social. Avant que la décision ne soit rendue, et encore actuellement, elle s’occupait seule de tous ces aspects, avec l’aide de sa mère, qui vivait avec son père. Elle était également en contact avec son curateur auprès du SPAd, mais aussi avec son référent auprès de l’IMAD, avec lesquels elle essayait de trouver des solutions pour que son père puisse avoir des activités et une vie sociale plus riche, afin qu’il se sente mieux. Elle a joint au courrier une attestation de non-poursuite, un casier judiciaire vierge et un certificat médical la concernant.

EN DROIT

1.      1.1.1 Les décisions de l’autorité de protection prises sur mesures provisionnelles peuvent faire l’objet d’un recours dans les dix jours à compter de leur notification (art. 445 al. 3 CC), auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 53 al. 1 LaCC).

1.1.2 Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC). Disposent notamment de la qualité pour recourir les personnes parties à la procédure et les proches (art. 450 al. 2 ch. 1 et 2 CC).

1.2 Le recours a été interjeté en temps utile et selon la forme prescrite. Il est cependant douteux qu'il ait été rédigé, voire signé, par le recourant, compte tenu de son état de santé, sa neurologue ayant par ailleurs déclaré devant le Tribunal de protection qu'il perdait l'usage de la langue française. Qui plus est, le courrier adressé à la Chambre de surveillance le 19 janvier 2023 par le recourant afin de lui transmettre une communication de l'assistance juridique ne porte pas la même signature que l'acte de recours. La question de la recevabilité du recours formé par A______ peut cependant demeurer ouverte. En effet, l'acte de recours étant contresigné par un proche, soit son ancienne épouse avec laquelle il cohabite, laquelle a qualité pour recourir, le recours formé par cette dernière sera, quoi qu'il en soit, déclaré recevable.

La recevabilité du courrier de G______, laquelle n'est pas partie à la procédure, reçu plus de dix jours après que la cause ait été mise en délibération, est douteuse. Cette question peut cependant demeurer indécise, compte tenu de l'issue de la procédure.

1.3 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

2.      2.1.1 Selon l'art. 390 CC, l'autorité de protection de l'adulte institue une curatelle notamment lorsqu'une personne majeure est partiellement ou totalement empêchée d'assurer elle-même la sauvegarde de ses intérêts en raison d'une déficience mentale, de troubles psychiques ou d'un autre état de faiblesse qui affecte sa condition personnelle (ch. 1).

L'autorité de protection de l'adulte ordonne une mesure lorsque l'appui fourni à la personne ayant besoin d'aide par les membres de sa famille, par d'autres proches ou par les services privés ou publics ne suffit pas ou semble a priori insuffisant (art. 389 al. 1 ch. 1 CC).

Une mesure de protection de l'adulte n'est ordonnée par l'autorité que si elle est nécessaire et appropriée (art. 389 al. 2 CC).

2.1.2 L'autorité de protection de l'adulte prend, d'office ou à la demande d'une personne partie à la procédure, toutes les mesures provisionnelles nécessaires pendant la durée de la procédure. Elle peut notamment ordonner une mesure de protection de l'adulte à titre provisoire (art. 445 al. 1 CC).

2.2 En l’espèce, il n’est pas contesté que le recourant souffre de la maladie d’Alzheimer à un stade avancé, malgré son jeune âge, ce qui l’empêche d’assurer la gestion de ses affaires administratives et financières, ainsi que de prendre soin de son bien-être et de sa santé, laquelle nécessite des soins appropriés à son état et surtout un lieu de vie adapté. Il n'est plus possible, selon les avis médicaux émis, que le recourant demeure vivre à domicile, compte tenu de la difficulté de sa prise en charge au quotidien, y compris médicale, de la surveillance constante que nécessite son état et de l'attitude agressive qu'il peut adopter envers son entourage, ce d'autant plus que son ex-épouse, qui l'a accueilli chez elle, est elle-même atteinte dans sa santé. Compte tenu de la réticence de cette dernière, qui a co-signé l'acte de recours, et de celle de sa fille, G______, qui indique spontanément dans un courrier adressé à la Chambre de surveillance vouloir assumer la charge de curateur de son père, mais conteste, contre toute évidence, la nécessité qu'il intègre un EMS, position qui est manifestement contraire à l'intérêt du recourant, l'aide des proches de la personne concernée n'est manifestement plus suffisante, ni adaptée. C'est ainsi à juste titre que le Tribunal de protection a instauré une curatelle de représentation et de gestion dans le domaine social, confiée à des tiers, en vue de trouver un lieu de vie adapté aux besoins du recourant, mais également en matière d'affaires administratives et juridiques, ainsi que concernant ses revenus et biens, mesure également indispensable afin de pouvoir, notamment, effectuer les formalités nécessaires concernant le futur contrat d'hébergement du recourant et le financement de son lieu de placement, compte tenu de la position de son entourage. La mesure prise par le Tribunal de protection à titre provisionnel était donc nécessaire et appropriée. Celle-ci doit donc être confirmée.

Il appartiendra cependant au Tribunal de protection, dans le cadre de l'instruction au fond, d'examiner si, compte tenu de son placement, la curatelle ordonnée sur mesures provisionnelles est toujours nécessaire et, dans l'affirmative, d'examiner son étendue et si l'un des proches du recourant est apte à remplir la fonction de curateur de ce dernier.

 

Le recours sera rejeté et l'ordonnance entièrement confirmée.

3.      Les frais judiciaires arrêtés à 400 fr., seront mis à la charge des recourants qui succombent (art. 106 al. 1 CPC), et entièrement compensés avec l'avance de frais du même montant, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Il n'y a pas lieu à allocation de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par B______ contre l’ordonnance DTAE/8883/2022 rendue le 14 novembre 2022 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/18178/2022.

Au fond :

Le rejette.

Rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours formé par A______.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 400 fr., les met à la charge de A______ et B______ et les compense avec l'avance de frais effectuée, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'y a pas lieu à allocation de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.