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Décisions | Chambre de surveillance

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C/13675/2015

DAS/308/2023 du 18.12.2023 sur DTAE/5681/2023 ( PAE ) , ADMIS

Normes : CC.306.al2
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13675/2015-CS DAS/308/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU LUNDI 18 DECEMBRE 2023

Recours (C/13675/2015-CS) formé en date du 2 août 2023 par Monsieur A______, domicilié ______ (Genève), comparant par en personne.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 19 décembre 2023 à :

- Monsieur A______
______, ______ [GE].

- Madame B______
______, ______ [GE].

- Monsieur C______
Monsieur D______
SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Route des Jeunes 1E, case postale 75,1211 Genève 8.

- Madame E______, Procureure,
MINISTERE PUBLIC (P/1______/2021)
Route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

Pour information, dispositif uniquement, à :

- Maître F______
______, ______ [GE].


EN FAIT

A. Par décision DTAE/5681/2023 rendue le 21 juillet 2023, déclarée immédiatement exécutoire, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection) a désigné F______, avocat, comme curateur de la mineure G______, née le ______ 2011, aux fins de la représenter dans le cadre de la procédure pénale P/1______/2021 pendante devant le Ministère public, au vu du conflit d'intérêts pouvant exister à l'égard de ses parents.

B. a) Par acte expédié le 2 août 2023, A______ recourt contre cette décision, qu'il a reçue le 24 juillet 2023 et dont il sollicite l'annulation, les frais devant être laissés à la charge de l'Etat.

b) Sa requête tendant à l'octroi de l'effet suspensif a été admise par la Chambre de surveillance de la Cour de justice le 18 août 2023.

c) B______ s'est également opposée à la désignation d'un curateur de représentation de sa fille dans la procédure pénale dirigée à son encontre.

d) Le Tribunal de protection n'a pas souhaité reconsidérer sa décision.

e) Par avis du greffe du 6 octobre 2023, les parties ont été informées que la cause serait gardée à juger à l'issue d'un délai de dix jours.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a) B______ et A______ sont les parents non mariés de G______, née le ______ 2011.

Ils exercent conjointement l'autorité parentale sur leur fille.

b) Les parents se sont opposés dans un important conflit familial, portant essentiellement sur les questions concernant la mineure.

Par arrêt de la Chambre civile du 19 janvier 2023, la garde de l'enfant a été attribuée à son père, un droit de visite a été octroyé à la mère et cette dernière a été dispensée de contribuer à l'entretien de la mineure.

Une avocate avait été désignée comme curatrice chargée de représenter la mineure dans cette procédure civile.

c) Le litige opposant les parties a donné lieu à diverses plaintes pénales déposées de part et d'autre pour divers griefs.

Le 11 septembre 2018, B______ a, entre autres, été reconnue coupable d'insoumission à une décision de l'autorité et de contrainte pour ne pas avoir présenté, à de multiples reprises, G______ au droit de visite de son père en 2017 ou d'avoir indûment conditionné l'exercice du droit de visite à des exigences non prévues dans les décisions judiciaires.

Elle a, le 10 mai 2017, été condamnée pour injures, calomnie et diffamation, notamment en raison des accusations portées contre les parents de A______.

La procédure pénale dirigée contre les parents de A______ a été classée le 11 avril 2018.

d) Par ordonnance rendue le 13 septembre 2022, le Tribunal de protection a fait interdiction à B______ de publier les noms, prénoms et photographies de sa fille G______ sur internet et les réseaux sociaux et lui a ordonné de supprimer sans délai ses anciennes publications comportant de telles données, sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CPS.

D. a) Le 18 juillet 2023, le Ministère public a requis du Tribunal de protection qu'il désigne un curateur chargé de représenter la mineure dans le cadre de la procédure pénale P/1______/2021 au vu du conflit d'intérêts pouvant exister dans ce contexte vis-à-vis de ses parents. Une procédure pénale avait été ouverte à l'encontre de B______, soupçonnée de diffamation, de calomnie, d'injure, de menaces et de contrainte en lien principalement avec des plaintes pénales déposées par la famille paternelle de la mineure. De nombreuses publications sur les réseaux sociaux exposaient la mineure, son identité étant expressément mentionnée et des photographies d'elle et des informations de sa sphère intime y étant publiées. Il ressortait de ces publications que l'enfant pourrait avoir été victime d'abus et autres maltraitances de la part de sa famille paternelle. Si le père avait exprimé des inquiétudes quant à une telle exposition de l'enfant sur les réseaux sociaux, aucune plainte pénale n'avait en revanche été déposée. Compte tenu de l'âge de la mineure et du risque qu'elle soit confrontée à ces publications, le Ministère public considérait que son bon développement pourrait être mis en danger et sollicitait la nomination d'un curateur pour les besoins de la procédure pénale qui opposait ses parents.

b) Sur quoi, le Tribunal de protection a prononcé la décision entreprise le 21 juillet 2023.

c) Par courriel adressé au Tribunal de protection le 25 juillet 2023, B______ s'est opposée à la nomination d'un curateur de représentation de sa fille dans la procédure pénale, arguant de ce que les parents avaient toujours préservé leur fille de leurs conflits de nature civile et pénale.

d) Par courrier du 27 juillet 2023, A______ s'est également opposé à la désignation d'un curateur chargé de représenter la mineure dans la procédure pénale. Le Tribunal de protection avait déjà rendu une décision concernant les publications concernant l'enfant sur les réseaux sociaux, qu'il suffirait d'appliquer. Sa fille allait bien et était déjà entourée de nombreux curateurs, qui effectuaient leur mandat avec intelligence. Lui-même avait toujours effectué le nécessaire pour éviter d'impliquer directement sa fille dans les conflits en cours afin de la protéger. Son but était de faire en sorte de ce que le nom de sa fille ne soit pas publié sur les réseaux sociaux et de calmer le conflit. Il apparaissait ainsi inutile et contreproductif de nommer encore un curateur de représentation pour sa fille, puisque dans l'hypothèse où l'enfant serait partie à la procédure, des plaintes pénales supplémentaires seraient vraisemblablement déposées et largement diffusées sur les réseaux sociaux et sur internet, ce qui aurait des effets néfastes et dévastateurs pour sa fille. Il avait toujours agi afin que l'enfant garde les meilleures relations possibles avec sa mère en chargeant notamment un avocat de confiance de suivre les procédures, de surveiller que les intérêts de l'enfant soient sauvegardés tout en permettant le maintien des relations entre celle-ci et sa mère. Il a en outre relevé avoir des réticences à ce que cette curatelle soit confiée à F______ en raison d'un conflit d'intérêts.

EN DROIT

1. 1.1 Les dispositions de la procédure devant l'autorité de protection de l'adulte sont applicables par analogie pour les mesures de protection de l'enfant (art. 314 al. 1 CC).

Les décisions de l'autorité de protection peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 CC et 53 al. 1 LaCC).

Interjeté par le père de la mineure concernée par la mesure, dans le délai utile de trente jours et suivant la forme prescrite, le recours est recevable (art. 450 al. 2 et 3 et 450b CC).

2. La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

3. Le recourant conclut à l'annulation de la décision désignant un curateur de représentation en faveur de sa fille dans le cadre de la procédure pénale.

3.1 Si les père et mère sont empêchés d’agir ou si, dans une affaire, leurs intérêts entrent en conflit avec ceux de l’enfant, l’autorité de protection de l’enfant nomme un curateur ou prend elle-même les mesures nécessaires (art. 306 al. 2 CC).

En cas de conflit d'intérêts, l'art. 306 al. 2 CC impose qu'une curatelle soit instituée afin de garantir le respect de l'intérêt de l'enfant. Le conflit d'intérêts peut être qu'il soit concret ou abstrait, direct ou indirect (CR CC I chappuis (2023), n° 7 ad art. 306). Pour qu'il y ait conflit d'intérêts, il suffit que ceux-ci ne soient plus parallèles (arrêt du Tribunal fédéral 5C.84/2004 du 2 septembre 2004, consid. 2.1), lorsque les intérêts de l’enfant sont directement en conflit avec ceux des parents, ou lorsque les intérêts de l’enfant sont en conflit avec ceux d’un tiers particulièrement proche des parents (BSK ZGB I – schwenzer/cottier (2022) n. 5 ad art. 306).

3.2 En l'espèce, les parents, qui exercent conjointement l'autorité parentale sur leur fille, ont tous deux indiqué souhaiter préserver leur enfant de leurs conflits et éviter de l'impliquer dans les procédures judiciaires qui les opposent.

Dans sa requête tendant à la désignation d'un curateur de représentation pour l'enfant, le Ministère public a relevé que la mineure faisait l'objet de nombreuses publications sur les réseaux sociaux, exposant son identité, des photographies et des informations relevant de sa sphère intime, et que le père, qui exprimait son inquiétude s'agissant de cette exposition de sa fille sur les réseaux sociaux, n'avait pourtant pas déposé de plainte pénale. Craignant que le développement de l'enfant puisse être mis en danger au regard de ces publications et du risque qu'elle y soit confrontée, il a requis l'instauration d'une curatelle en vue de sa représentation dans la procédure pénale.

Il est vrai que les intérêts des parents s'opposent dans le cadre de la procédure pénale dirigée contre la mère et impliquant la famille du père de l'enfant. Cela étant, les parents parviennent à s'entendre pour éviter d'impliquer l'enfant dans cette procédure, ce qui apparaît louable. Les explications fournies par le recourant, qui a indiqué avoir entamé des démarches judiciaires civiles et obtenu du Tribunal de protection qu'il fasse interdiction à la mère de publier des informations sur sa fille sur les réseaux sociaux, vouloir défendre les intérêts de sa fille tout en lui permettant de maintenir des relations avec sa mère, vouloir éviter de multiplier les procédures afin d'apaiser la situation et limiter ainsi les publications sur les réseaux sociaux, apparaissent s'inscrire dans l'intérêt de la mineure.

Les craintes exprimées par le Ministère public en lien avec les risques que représentent les publications concernant l'enfant sur les réseaux sociaux sont certes fondées, et il est vrai que l'absence de toute plainte pénale déposée au nom de l'enfant contre sa mère peut paraître contraire aux intérêts de l'enfant. Cela étant, il s'avère qu'au regard de l'important conflit familial perdurant depuis de nombreuses années et de la propension de la mère à publier toutes les informations en lien avec ses procédures judiciaires, une intervention directe de la mineure dans la procédure pénale risquant d'amplifier les publications des actes procéduraux sur les réseaux sociaux, n'apparaît pas conforme au bien de l'enfant.

S'agissant plus particulièrement de l'intérêt de l'enfant à ne pas voir les informations la concernant publiées sur les réseaux sociaux, il est encore à relever que le père avait entrepris une procédure civile en vue d'interdire à la mère d'effectuer des publications concernant leur fille et que le Tribunal de protection avait fait droit à sa requête en septembre 2022. L'on ne saurait ainsi lui reprocher de n'avoir pas défendu les intérêts de sa fille dans ce contexte.

Compte tenu de ce qui précède, une intervention directe de l'enfant dans la procédure pénale dirigée contre sa mère n'apparaît, dans les circonstances très particulières du cas d'espèce, pas conforme aux intérêts de la mineure. Il se justifie en conséquence de renoncer à désigner un curateur d'office en vue de représenter la mineure dans la procédure pénale à l'encontre de sa mère.

Les griefs soulevés par le recourant étant fondés, la décision querellée sera annulée.

4. S'agissant d'une mesure de protection de l'enfant, la procédure en désignation d'un curateur de représentation au sens de l'art. 306 al. 2 CC est gratuite.

Il n'y a pas lieu à l'allocation de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 2 août 2023 par A______ contre la décision DTAE/5681/2023 rendue par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant le 21 juillet 2023 dans la cause C/13675/2015.

Au fond :

Annule la décision attaquée et, statuant à nouveau :

Renonce à désigner un curateur de représentation d'office en faveur de la mineure G______, née le ______ 2011, aux fins de la représenter dans la procédure pénale P/1______/2021 ouverte à l'encontre de sa mère B______.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Dit que la procédure est gratuite.

Dit qu'il ne sera pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile. 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.