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Décisions | Chambre de surveillance

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C/23499/2022

DAS/284/2023 du 13.11.2023 sur DTAE/1936/2023 ( PAE ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/23499/2022-CS DAS/284/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU LUNDI 13 NOVEMBRE 2023

 

Recours (C/23499/2022-CS) formé en date du 27 mars 2023 par Madame A______, représentée par Me Virginie JAQUIERY, avocate.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 20 novembre 2023 à :

- Madame A______
c/o Me Virginie JAQUIERY, avocate.
Boulevard des Philosophes 15, 1205 Genève.

- Monsieur B______
c/o Me Vincent MAITRE, avocat.
Rue du Mont-Blanc 3, 1201 Genève.

- Maître C______
______, ______ [GE].

- Madame D______
Madame E______

SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Route des Jeunes 1E, case postale 75,1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.           a) F______, née le ______ 2008 en Guinée-Bissau, est issue de la relation hors mariage entre A______, ressortissante de Guinée-Bissau, pays où elle est actuellement domiciliée, et B______, ressortissant portugais, domicilié à Genève.

b) Le 24 novembre 2022, A______ a saisi le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : le Tribunal de protection) d’une requête urgente. Elle y exposait, en substance, que sa fille F______, qui avait toujours vécu auprès d’elle, en dernier lieu en Guinée-Bissau, avait été emmenée en septembre 2022 par son père, de ce pays en Suisse, sans son consentement, alors qu'elle-même était en déplacement pour son travail au Canada et qu'elle avait confié l'enfant à des membres de sa famille. Une plainte pénale avait été déposée par la tante de l’enfant le 9 septembre 2022 auprès des autorités de Guinée-Bissau. A______ était arrivée à Genève le 5 octobre 2022 et avait déposé une plainte pénale auprès du Ministère public genevois. Depuis son arrivée, le père de la mineure ne lui avait permis que quelques échanges téléphoniques avec sa fille, laquelle n’était pas scolarisée. Elle-même était hébergée au foyer G______ et ne pouvait pas garantir la durée de sa présence en Suisse, son employeur ayant suspendu son salaire pendant son absence.

c) Par décision du 14 décembre 2022, le Tribunal de protection a désigné C______, avocate, aux fonctions de curatrice de la mineure.

d) Par ordonnance rendue sur mesures superprovisionnelles le 15 décembre 2022, le Tribunal de protection, qui s’est déclaré compétent ratione loci compte tenu de l'urgence, a fait interdiction au père d’emmener ou de faire emmener la mineure hors de Suisse sans son accord préalable, ordonné le dépôt immédiat des documents d’identité de la mineure auprès du Service de protection des mineurs (SPMi), ordonné l’inscription de la mineure et du père dans le système de recherches informatisées de la police (RIPOL/SIS), instauré une curatelle d’organisation et de surveillance des relations personnelles entre la mère et la mineure, réservé à la mère un droit aux relations personnelles avec la mineure devant s’exercer au sein du Point rencontre, en modalité "un pour un ", à la fréquence décidée par les curateurs.

e) Dans ses déterminations du 22 décembre 2022, B______ a contesté les faits, tels qu'exposés par la mère de la mineure. En réalité, depuis la fin de l’année scolaire 2021, la mineure avait vécu sans sa mère avec une autre jeune fille de 16 ans. A______, partie au Canada, n’avait entretenu quasiment aucun contact avec sa fille. Constatant qu'elle avait laissé leur fille seule, il avait décidé d’aller la chercher, la mineure souhaitant vivre auprès de lui. Début 2022, la mère de l'enfant avait elle-même évoqué la possibilité que leur fille puisse le rejoindre à Genève. A son arrivée, il avait scolarisé F______ au sein du Cycle d’orientation de H______.

f) Entendue par le Tribunal de protection le 9 janvier 2023, la mineure a déclaré avoir fait l’objet de violences physiques de la part de son oncle maternel en été 2022 et avoir été frappée par sa mère lors de l’une de ses visites en janvier 2022. Elle se confiait régulièrement à son père de son mal-être et celui-ci lui avait proposé de la faire venir en Suisse. Elle lui avait elle-même remis son passeport portugais lors de sa visite en août 2022 en Guinée-Bissau, pour pouvoir entreprendre le voyage en Suisse. Elle s’était acclimatée à la vie à Genève et possédait un téléphone portable lui permettant d’être en contact avec sa mère.

g) Dans son rapport du 13 janvier 2023, la curatrice d'office a exposé que le cadre de vie de la mineure dans la famille recomposée de son père, à laquelle elle s’était intégrée, semblait adéquat. La mineure n’avait jamais vécu avec son père ou sa mère depuis sa naissance, mais avait toujours été confiée à des membres de leurs familles respectives. Elle éprouvait de l'amertume envers sa mère, lui reprochant de ne pas avoir été suffisamment présente. La mère travaillait auprès du Ministère de la santé dans son pays, où elle était en charge de l'importation de médicaments. Le père était très impliqué dans l’intégration de sa fille en Suisse et ne semblait pas faire barrage à la relation mère-fille, la mineure ayant indiqué qu’elle ne souhaitait pas davantage parler à sa mère et être libre de le faire à sa convenance.

h) Dans son évaluation du 23 février 2023, le SPMi a indiqué que le père s’était montré collaborant, n’interdisait pas à sa fille de parler à sa mère, la laissant libre de le faire quand elle le souhaitait. Après plusieurs tentatives, le SPMi avait pu joindre la mère, laquelle était retournée vivre en Guinée-Bissau. Elle avait parlé à sa fille le 29 décembre 2022, mais s'était plainte du fait que l’épouse du père surveillait ses appels. Lors d’un second échange téléphonique, la mère s’était montrée plus ambivalente que précédemment sur sa volonté de faire revenir sa fille en Guinée-Bissau. La mineure avait rencontré sa mère au sein du SPMi le 23 février 2023 ; elles avaient conversé pendant une heure et avaient eu des gestes affectueux l’une envers l’autre. La fille se trouvait dans un conflit de loyauté mais la mère conservait la capacité de maintenir un discours bienveillant et adéquat envers sa fille.

i) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 27 février 2023.

La curatrice d’office a précisé au Tribunal de protection que la mineure était claire sur son souhait de rester en Suisse et de ne plus être prise en charge par sa famille élargie. Aucune demande de retour de l’enfant n’avait été déposée. Il n'y avait aucune garantie que la mère s'occupe de sa fille si elle devait retourner vivre en Guinée-Bissau. La curatrice préconisait l'instauration d'un large droit de visite pour reconstruire le lien mère-fille. La preuve de la saisine des autorités de protection de Guinée-Bissau par la mère, qui affirmait avoir effectué cette démarche, serait transmise au Tribunal de protection dès qu'elle la recevrait.

A______ a indiqué s'être toujours occupée au mieux de sa fille, malgré ses absences, en précisant qu'il était fréquent dans sa culture de confier les enfants aux parents proches. Le père n'avait eu que très peu de contacts avec sa fille avant qu'il ne l'emmène à Genève et celle-ci l'idéalisait.

Les curatrices du SPMi préconisaient de mettre en place une aide éducative en milieu ouvert (AEMO) au domicile du père, ainsi qu'un suivi psychologique individuel en faveur de la mineure. Elles estimaient que le droit de visite de la mère pouvait être exercé librement - dès lors qu'il dépendrait des possibilités de la mère de se déplacer en Suisse -, de même que les contacts téléphoniques entre elles. Elles n'avaient pas d'inquiétudes concernant le maintien en l'état du placement de la mineure chez le père et transmettraient au Tribunal de protection un nouveau préavis ultérieurement.

B.            Par ordonnance DTAE/1936/2023 du 28 février 2023, le Tribunal de protection, statuant sur mesures provisionnelles, s’est déclaré compétent ratione loci pour connaître de la procédure concernant la mineure F______ (chiffre 1 du dispositif), a retiré à A______ et B______ la garde et le droit de déterminer le lieu de résidence de la mineure F______ (ch. 2), ordonné le placement de la mineure chez son père (ch. 3), réservé à A______ un droit aux relations personnelles avec la mineure devant s’exercer librement d’entente entre elles et avec l’intervention de l’éducateur en charge de l’Action éducative en milieu ouvert (AEMO), qui sera mise en œuvre (ch. 4), instauré une curatelle d’assistance éducative en faveur de la mineure (ch. 5), invité les curateurs à mettre en place une Action éducative en milieu ouvert (AEMO) destinée en particulier à accompagner le droit aux relations personnelles de A______ avec la mineure (ch. 6), maintenu la curatelle d’organisation et de surveillance des relations personnelles entre la mineure et sa mère (ch. 7), instauré une curatelle d’organisation, de surveillance et de financement du lieu de placement, afin de faire valoir la créance alimentaire de la mineure (ch. 8), confirmé les deux intervenantes en protection de l’enfant d'ores et déjà désignées dans leurs fonctions de curatrices de la mineure (ch. 9), ordonné la mise en place d’un suivi psychologique de la mineure (ch. 10), fait interdiction à B______ et A______ d’emmener ou de faire emmener la mineure hors de Suisse sans l’accord préalable du Tribunal de protection (ch. 11), ordonné le dépôt immédiat de tout document d’identité de la mineure auprès du SPMi (ch. 12), ainsi que l’inscription de la mineure dans le système de recherches informatisées de la police (RIPOL/SIS), sous la menace de la peine de l’art. 292 CP, dont la teneur a été rappelée (ch. 14), imparti à A______ un délai au 7 avril 2023 pour lui faire parvenir tous les éléments susceptibles de le renseigner sur le régime de l’autorité parentale sur la mineure et la saisine des autorités civiles bissau-guinéennes (ch. 15), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 16) et rappelé que la procédure était gratuite (ch. 17).

S’agissant de la seule question remise en cause sur recours, le Tribunal de protection a considéré que mère et fille s’étaient montrées affectueuses l’une envers l’autre, malgré leurs divergences sur la venue de la mineure en Suisse et les reproches de celle-ci à l'égard de sa mère. Cette dernière conservait un discours adéquat et mesuré. Afin de permettre un maintien du lien entre mère et fille, malgré la distance qui les sépare, le Tribunal de protection a réservé à la mère un droit aux relations personnelles devant s’exercer librement et d’entente avec la mineure. Cependant, afin de favoriser le maintien de ce lien, compte tenu de l’adolescence de la mineure, période qui peut s’avérer délicate, et de l’amertume qu’elle dit ressentir à l’égard de sa mère, ce droit aux relations personnelles devait être supervisé et soutenu par l’éducateur en charge de l’Action éducative en milieu ouvert (AEMO), dont la mise en œuvre était envisagée.

C.           a) Par acte du 27 mars 2023, A______ a formé recours contre cette ordonnance, qu’elle a reçue le 15 mars 2023, sollicitant l’annulation des chiffres 4 et 6 de son dispositif. Cela fait, elle a conclu à ce qu’un droit aux relations personnelles avec la mineure F______ soit exercé librement d’entente entre elles, l’ordonnance pouvant être confirmée pour le surplus.

Elle a exposé que la curatrice d'office et les curatrices du SPMi avaient proposé la fixation d'un libre droit de visite, d'entente entre la mère et la fille, sans préaviser d'autres mesures. Elle avait d'ailleurs pu voir sa fille les 1er et 10 mars 2023 sans la surveillance d'un éducateur. Elles avaient également entretenu librement des conversations téléphoniques ou par messagerie. En l'absence de mise en œuvre de l'AEMO et devant quitter la Suisse, elle avait encore pu voir sa fille le 29 mars 2023 dans les locaux du SPMi, qu'elle avait mis en œuvre, le père entravant depuis le 18 mars 2023 les relations mère-enfant. Elle estimait que la présence d'un éducateur lors du droit de visite n'était pas fondée et rendrait plus difficiles les contacts entre mère et fille. Malgré la situation, elle avait tout mis en œuvre pour maintenir une bonne relation avec sa fille, entretenant des relations régulières et de qualité avec elle. Il était essentiel que, lors de ses passages à Genève, elle puisse la voir librement, de même qu'il était indispensable qu'elles puissent communiquer par les moyens de communications possibles (téléphone, messagerie et facetime notamment), hors la présence d'un éducateur AEMO. Aucun indice concret de mise en danger du bien de l'enfant n'avait été mis en exergue par le Tribunal de protection pour justifier un droit de visite surveillé. Elle n'était pas opposée à ce qu'un soutien ponctuel soit apporté par un éducateur en charge de l'AEMO, si cela devait s'avérer nécessaire pour maintenir le lien mère-fille. Elle avait toujours collaboré avec le SPMi, de sorte qu'une surveillance systématique de son droit de visite apparaissait totalement disproportionnée.

b) Le Tribunal de protection n’a pas souhaité revoir sa position.

c) Dans ses déterminations du 13 avril 2023, le SPMi a indiqué que A______ avait quitté la Suisse le 29 mars 2023 pour des raisons professionnelles. Avant son départ, elle avait demandé à pouvoir partager un moment avec sa fille, visite qui avait eu lieu le 27 mars 2023. Mère et fille avaient parlé pendant une heure et eu des gestes affectueux l’une envers l’autre. Elles avaient confirmé aux curatrices qu’elles préféraient se contacter librement, en fonction des disponibilités de chacune. Un droit de visite tel qu’ordonné par le Tribunal de protection, conditionné à la présence d’un éducateur en charge de l’Action éducative en milieu ouvert (AEMO), était par ailleurs difficilement envisageable. La mère n’habitant pas en Suisse, un droit de visite ponctuel et irrégulier ne pouvait être mis en place par l’AEMO. Une demande AEMO avait été déposée dans le but de travailler la relation père-fille et le discours du père envers la mère, ainsi que de reprendre avec F______ les échanges qu’elle avait eus avec sa mère par téléphone et d’accompagner l’organisation des visites, lorsque la mère serait présente en Suisse. La mère se disait ouverte à collaborer avec l’AEMO dans ce sens. Les curatrices étaient favorables à la levée des mesures de restriction prises afin que des rencontres entre la mère et la fille puissent avoir lieu librement d’entente entre elles.

Elles concluaient ainsi à ce que soit réservé à la mère un droit aux relations personnelles avec F______ devant s’exercer librement d’entente entre elles lorsque la mère serait en Suisse, d’autoriser des appels téléphoniques ou échanges de messages entre la mère et la fille et de prendre acte de la mise en place d’une Action éducative en milieu ouvert (AEMO), destinée à travailler la relation entre le père et sa fille ainsi qu’à accompagner le maintien du lien entre la mère et sa fille.

d) La curatrice de représentation de la mineure a conclu à l’annulation du chiffre 4 du dispositif de l’ordonnance attaquée et cela fait, qu’il soit dit que le droit aux relations personnelles de la mère avec la mineure devait s’exercer librement d’entente entre elles et avec l’intervention d’un éducateur en charge de l’Action éducative en milieu ouvert (AEMO) jusqu’à ce qu’un rapport dudit éducateur indique que les visites peuvent être exercées librement.

La mineure s'était très bien intégrée chez son père et dans son nouveau milieu. Elle appréciait que sa situation soit stabilisée. La curatrice percevait de la colère lorsque la mineure parlait de sa mère. Contactée par téléphone le 18 mars 2023, elle lui avait dit qu'elle préférait qu'un éducateur soit présent lors des rencontres avec sa mère, indiquant qu'elle ne se sentait pas en sécurité lorsqu'elle la rencontrait. C'est le père qui avait traduit ces propos, la mineure ne parlant pas très bien le français. La curatrice considérait que la présence d'un éducateur AEMO était nécessaire durant une période limitée; si les visites se passaient bien, elles pourraient ensuite se poursuivre librement.

e) B______ a conclu au rejet du recours, les chiffres 4 et 6 du dispositif de l’ordonnance devant être confirmés.

Les liens entre F______ et sa mère s'étaient fragilisés depuis le départ de cette dernière au Canada et la longue absence qui avait suivi. La mineure avait exprimé une forte amertume et incompréhension, ainsi qu'un sentiment d'abandon à l'égard de sa mère, que cette dernière peinait à comprendre, considérant que la mineure était manipulée par son père. La mère avait envoyé plusieurs messages culpabilisants à sa fille depuis son arrivée en Suisse. Bien que les dernières visites entre la mineure et sa mère se soient bien passées, le lien mère-fille était extrêmement fragile et l'absence de supervision des relations personnelles entre elles pourrait entraîner un risque d'exacerbation des sentiments d'amertume et de colère que ressentait l'enfant et/ou du conflit de loyauté dans lequel elle se trouvait.

Il a produit des pièces nouvelles.

f) Par plis du 25 avril 2023, les participants à la procédure ont été avisés que la cause serait gardée à juger dans un délai de dix jours.

g) A______ a répliqué le 8 mai 2023, persistant dans ses conclusions.

Elle a produit une pièce nouvelle.

h) B______ a dupliqué le 25 mai 2023, persistant dans ses conclusions.

Il a produit des pièces nouvelles.

i) A______ a expédié des déterminations spontanées à la Chambre de surveillance le 12 juin 2023. Elle a précisé que l'intervention d'une AEMO devant prochainement être mise en place en vue notamment de travailler sur le discours du père envers la mère et d'accompagner le maintien du lien mère-fille, la présence d'un éducateur lors du droit de visite sur sa fille était totalement disproportionnée.

EN DROIT

1.             1.1 Les dispositions de la procédure devant l'autorité de protection de l'adulte sont applicables par analogie aux mesures de protection de l'enfant (art. 314 al. 1 CC).

Les décisions de l'autorité de protection, rendues sur mesures provisionnelles, peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 53 al. 1 LaCC) dans un délai de dix jours à compter de leur notification (art. 445 al. 3 CC).

En l’espèce, le recours a été formé dans le délai utile et selon les formes prescrites, par la mère de la mineure, de sorte qu’il est recevable.

1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

1.3 L'art. 53 LaCC, qui régit de manière exhaustive les actes accomplis par les parties en seconde instance, à l'exclusion du CPC (art. 450f CC cum art. 31 al. 1 let. c et let. d a contrario LaCC), ne stipulant aucune restriction en matière de faits et de moyens de preuve nouveaux en deuxième instance, ceux invoqués devant la Chambre de céans sont recevables.

Les pièces nouvelles produites par les parties seront dès lors admises.

2.             La recourante s’oppose à un droit de visite surveillé, en présence d’un éducateur AEMO, et sollicite l’établissement d’un droit de visite libre entre elle et sa fille, lors de ses venues à Genève.

2.1.1 Le père ou la mère qui ne détient pas l'autorité parentale ou la garde ainsi que l'enfant mineur ont réciproquement le droit d'entretenir des relations personnelles indiquées par les circonstances (art. 273 al. 1 CC).

Autrefois considéré comme un droit naturel des parents, le droit aux relations personnelles est désormais conçu à la fois comme un droit et un devoir de ceux-ci (art. 273 al. 2 CC), mais aussi comme un droit de la personnalité de l'enfant; il doit servir en premier lieu l'intérêt de celui-ci (ATF 127 III 295 consid. 4a;
123 III 445 consid. 3b). C'est pourquoi le critère déterminant pour l'octroi, le refus et la fixation des modalités du droit de visite est le bien de l'enfant, et non une éventuelle faute commise par le titulaire du droit (Vez, Le droit de visite – Problèmes récurrents, in Enfant et divorce, 2006, p. 101 ss, 105). Le rapport de l'enfant avec ses deux parents est essentiel et peut jouer un rôle décisif dans le processus de sa recherche d'identité (ATF 127 III 295 consid. 4a; 123 III 445 consid. 3c; 122 III 404 consid. 3a et les références citées).

2.1.2 A teneur de l'art. 274 al. 2 CC, si les relations personnelles compromettent le développement de l’enfant, si les père et mère qui les entretiennent violent leurs obligations, s’ils ne se sont pas souciés sérieusement de l’enfant ou s’il existe d’autres justes motifs, le droit d’entretenir ces relations peut leur être refusé ou retiré. Le droit de visite peut aussi être restreint.

D'après la jurisprudence, il existe un danger pour le bien de l'enfant si son développement physique, moral ou psychique est menacé par la présence, même limitée, du parent qui n'a pas l'autorité parentale. La jurisprudence cite la maltraitance psychique ou physique (arrêt 5P.131/2006 du 25 août 2006 consid. 3 s., publié in FamPra.ch 2007 p. 167). Quel que soit le motif du refus ou du retrait du droit de visite, la mesure ne doit être envisagée que si elle constitue l'ultime moyen d'éviter que le bien de l'enfant ne soit mis en péril. Un refus des relations personnelles doit ainsi respecter les principes de subsidiarité et de proportionnalité, et ne saurait être imposé que si une autre mesure d'encadrement ne suffit pas à écarter efficacement et durablement le danger. En revanche, si le risque engendré pour l'enfant par les relations personnelles peut être limité grâce à d'autres mesures moins incisives telles que la présence d'un tiers ou l'exercice du droit dans un milieu protégé, le principe de la proportionnalité et le sens des relations personnelles interdisent la suppression complète de ce droit
(ATF 122 III 404, consid. 3b, JdT 1998 I 46; arrêts du Tribunal fédéral 5C.244.2001, 5C.58/2004; Kantonsgericht SG in RDT 2000 p. 204; Vez, Le droit de visite, problèmes récurrents, in Enfant et divorce, 2006 p. 122 et réf. citées; MEIER/STETTLER, Droit de la filiation, 6ème éd. n. 1014 ss).

L’établissement d’un droit de visite surveillé nécessite, comme le retrait ou le refus du droit aux relations personnelles selon l’art. 274 CC, des indices concrets de mise en danger du bien de l’enfant. Il ne suffit pas que ce dernier risque abstraitement de subir une mauvaise influence pour qu’un droit de visite surveillé soit instauré (ATF 122 III 404 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_618/2017 du 2 février 2018 consid. 4.2 et les références). Il convient dès lors de faire preuve d’une certaine retenue lors du choix de cette mesure (arrêts du Tribunal fédéral 5A_618/2017 précité consid. 4.2 et les références ; 5A_184/2017 précité consid. 4.1). Le droit de visite tend à mettre efficacement l’enfant hors de danger, à désamorcer des situations de crise, à réduire les craintes et à contribuer à l’amélioration des relations avec l’enfant et entre les parents. Il constitue en principe une solution provisoire et ne peut donc être ordonné que pour une durée limitée. Il convient toutefois de réserver les cas où il apparaît d’emblée que les visites ne pourront pas, dans un proche avenir, être effectuées sans accompagnement (arrêts du Tribunal fédéral 5A_191/2018 du 7 août 2018 consid. 6.2.2.1 ; 5A_618/2017 précité consid. 4.2 et les références, 5A_184/2017 précité consid. 4.1).

2.2 En l’espèce, le Tribunal de protection a considéré que le droit de visite devait être organisé librement entre la recourante et sa fille afin de permettre le maintien du lien maternel, malgré la distance qui séparait leurs lieux de vie. Il a cependant précisé, dans les considérants de l'ordonnance, que le droit de visite devait être "supervisé et soutenu" par l'éducateur en charge de la mesure de l'éducation en milieu ouvert (AEMO), qui serait mise en place, en justifiant cette mesure par le fait que la mineure entrait dans l'adolescence, ce qui pouvait s'avérer émotionnellement difficile, et qu'elle disait ressentir de l'amertume à l'égard de sa mère.

Les intervenants à la procédure ont compris des considérants de l'ordonnance que le droit de visite librement fixé entre la mère et la fille ne pourrait être exercé qu'en présence de l'éducateur AEMO mis en place, en s'attachant au terme "supervisé" employé. Il n'est cependant pas certain que cela ait été la volonté du Tribunal de protection, qui ne l'a pas exprimé aussi clairement. Le dispositif de l'ordonnance n'indique en effet pas que le droit de visite doit être supervisé par l'éducateur AEMO mais, à son chiffre 4, qu'il s'exercera librement "avec l'intervention" de l'éducateur en charge de l'AEMO et, à son chiffre 5, que l'AEMO mise en place sera destinée en particulier à "accompagner le droit aux relations personnelles".

Quoi qu'il en soit et quelle que soit la compréhension qui doit être faite de l'ordonnance, qui présente une certaine ambigüité concernant le rôle de l'éducateur AEMO dans le cadre du droit de visite de la mère, il ne se justifie pas, au sens de la jurisprudence susmentionnée, que ce droit de visite se déroule en présence d'un éducateur, les motifs avancés par le Tribunal de protection (adolescence et sentiment d'amertume) étant insuffisants pour en restreindre les modalités. Le Tribunal de protection n'a en effet mis en évidence aucun élément de danger permettant de retenir que le droit de visite nécessiterait d'être exercé de manière surveillée et ce, à raison. Les curatrices du SPMi, qui ont toujours préavisé que ce droit de visite s'exerce librement, sans mesure de restriction, ont constaté que les rencontres qui avaient eu lieu entre la mère et la fille s'étaient bien passées, toutes deux parlant et échangeant lors de celles-ci des gestes affectueux, la mère ayant par ailleurs toujours tenu un discours valorisant au sujet de sa fille. Mère et fille ont pu se rencontrer librement à deux reprises, hors présence d'un tiers, avant le départ de la première de Suisse, et échanger par téléphone ou messagerie sans restriction, ce qu'a confirmé le père, sans qu'aucun problème n'ait été relevé. Ce dernier sollicite une mesure de supervision des rencontres au motif que la mineure serait perturbée lors de l'exercice du droit de visite, ce qui ne ressort cependant pas de la procédure. La curatrice d'office, qui préconisait également devant le Tribunal de protection un exercice libre de ce droit de visite, considère, sur recours, qu'il devrait être surveillé durant un certain temps, jusqu'à l'établissement d'un nouveau rapport par le SPMi, en se fondant uniquement sur la traduction du père des prétendus propos tenus par la mineure, rapportant qu'elle ne se sentirait pas en sécurité avec sa mère, ce qui ne ressort pas des rapports établis par les curatrices. Ces dernières, outre les observations favorables sur le droit de visite exercé, ont indiqué que mère et fille leur avait dit qu’elles préféraient se contacter librement, en fonction des disponibilités de chacune. Prévoir que le droit de visite de la recourante sur sa fille soit supervisé par un tiers apparaît ainsi, au vu de l'ensemble des circonstances, et en l'absence d'élément de danger, totalement disproportionné. Par ailleurs, l'éducateur AEMO désigné est en charge d'accompagner le maintien du lien mère-fille, mesure qui est acceptée par la mère et qui est, en l'état, suffisante afin de permettre que les rencontres entre la mineure et la recourante se passent bien, étant précisé qu'une curatelle d'organisation et de surveillance du droit de visite a également été ordonnée et n'a pas été remise en question. Compte tenu de son âge (15 ans), la mineure pourra par ailleurs parfaitement faire part à l'éducateur AEMO, ou aux curatrices, des difficultés qu'elle pourrait rencontrer lors de l'exercice du droit de visite de sa mère, sans que la présence d'un tiers au cours de celui-ci ne soit nécessaire.

Finalement, si les circonstances dans lesquelles la mineure est arrivée à Genève ont été délicates, la mère s'opposant à sa présence en Suisse, la situation s'est depuis lors apaisée, la recourante ne revendiquant plus que la mineure revienne vivre en Guinée Bissau et acceptant un droit de visite sur sa fille lorsqu'elle est de passage à Genève.

En conséquence, les chiffres 4 et 6 du dispositif de l'ordonnance litigieuse seront annulés et reformulés entièrement pour plus de clarté, en ce sens que le droit de visite entre la recourante et la mineure pourra s'exercer librement, d'entente entre elles, lors des passages de la recourante à Genève, et que l'éducateur AEMO mis en place sera notamment chargé d'accompagner le maintien du lien entre la mineure et sa mère. Il conviendra cependant de s'interroger sur le fond sur la nécessité de maintenir cette dernière mesure, compte tenu de la curatelle d'organisation et de surveillance du droit de visite d'ores et déjà existante.

3.             Le recours qui porte sur les relations personnelles n'est pas gratuit (art. 77 LaCC). Les frais judiciaires de recours seront laissés à la charge de l'Etat de Genève, compte tenu du résultat de la procédure de recours, la recourante, qui obtient gain de cause, plaidant par ailleurs au bénéfice de l'assistance judiciaire.

Il ne sera pas alloué de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 27 mars 2023 par A______ contre l'ordonnance DTAE/1936/2023 rendue le 28 février 2023 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/23499/2022.

Au fond :

Annule les chiffres 4 et 6 de son dispositif.

Cela fait, statuant à nouveau :

Réserve à A______ un droit aux relations personnelles avec F______ devant s'exercer librement, d'entente entre elles, lors des passages de la première à Genève.

Invite les curateurs à mettre en place une Action éducative en milieu ouvert (AEMO) destinée en particulier à maintenir le lien entre A______ et F______.

Confirme l'ordonnance pour le surplus.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.