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Décisions | Chambre de surveillance

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C/18083/2021

DAS/236/2023 du 11.10.2023 sur DTAE/6719/2023 ( PAE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18083/2021-CS DAS/

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MERCREDI 11 OCTOBRE 2023

 

Recours (C/18083/2021-CS) formé en date du 28 septembre 2023 par Madame A______, actuellement hospitalisée à la Clinique de B______, Unité C______, ______ (Genève), représentée par Me D______, avocate.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du ______ à :

- Madame A______
p.a. Clinique de B______, Unité C______
______, ______.

- Maître D______
______, ______.

- Madame E______
Monsieur F
______
SERVICE DE PROTECTION DE L'ADULTE
Route des Jeunes 1C, case postale 107, 1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

Pour information à :

- Direction de la Clinique de B______
______, ______.


EN FAIT

A.           a. La situation de A______, née le ______ 1974, célibataire, sans enfant, a été signalée au Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : le Tribunal de protection) le 17 septembre 2021 par l’Hospice général, qui l’aidait financièrement depuis le 1er octobre 2019. La collaboration avec l’intéressée était difficile et aucun projet visant à améliorer son insertion socioprofessionnelle n’avait pu être mis en œuvre. Le contrat de bail de l’appartement qu’elle sous-louait à son frère avait été résilié, ce dont elle ne semblait pas être consciente.

b. Le 11 octobre 2021, le Tribunal de protection a désigné D______, avocate, en qualité de curatrice d’office de A______, son mandat étant limité à sa représentation dans la procédure ouverte devant ce même Tribunal.

Selon le compte rendu fait par la curatrice d’office au Tribunal de protection le 2 novembre 2021, le comportement de A______ générait des plaintes régulières des autres habitants de l’immeuble auprès de la Régie.

c. Par ordonnance du 22 novembre 2021, le Tribunal de protection, statuant sur mesures superprovisionnelles, a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de A______, désigné deux intervenants en protection de l’adulte aux fonctions de curateurs, ceux-ci devant la représenter dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques, gérer ses revenus et biens et administrer ses affaires courantes, ainsi que veiller à son état de santé.

d. Une audience a été tenue par le Tribunal de protection le 24 mai 2022.

Selon la curatrice de la mesure, l’évacuation de A______ de l'appartement qu'elle occupait pouvait avoir lieu à compter du 1er juin 2022.

L'intéressée s’est déclarée opposée à la mesure de curatelle ; elle a indiqué ne pas bénéficier d’un suivi médical.

e. Par ordonnance du 24 mai 2022, le Tribunal de protection, statuant au fond, a confirmé la curatelle de représentation et de gestion instaurée sur mesures superprovisionnelles le 22 novembre 2021 en faveur de A______, confirmé les deux intervenants en protection de l’adulte aux fonctions de curateurs et confirmé leur mission.

f. A______ est entrée, dans le courant de l’automne 2022, dans un appartement propriété des Fondations immobilières de droit public situé au no. ______, boulevard 1______ à Genève.


 

Par courrier du 30 janvier 2023, les curateurs de la mesure ont informé le Tribunal de protection de ce que des voisins se plaignaient du comportement de A______ : celle-ci criait et claquait les portes, bloquait l’ascenseur, coupait l’électricité dans l’immeuble, montait et descendait en ascenseur toute la nuit, fumait dans celui-ci et dans la cave, jetait sa poubelle devant sa porte en la laissant au milieu du passage, écoutait aux portes et insultait les tiers. La question de son placement à des fins d’assistance se posait.

Le Tribunal de protection a été alerté par un nouveau courrier du Service de protection de l’adulte du 16 février 2023, le comportement de A______ ne s’améliorant pas.

g. Le Tribunal de protection a tenu une audience le 7 mars 2023.

Il est apparu que le contrat de bail de A______ avait été résilié pour le 31 mars 2023.

Celle-ci a contesté avoir besoin d’un suivi psychiatrique.

h. Par ordonnance du 7 mars 2023, le Tribunal de protection a ordonné l’expertise psychiatrique de A______, confiée au Centre universitaire romand de médecine légale (CURML).

i. Par courrier du 17 juillet 2023, le Tribunal de protection a sollicité de la Commandante de la police, qu’elle contraigne A______ à se soumettre à l’expertise psychiatrique ordonnée, toutes les démarches effectuées par les médecins pour la rencontrer étant demeurées vaines.

j. Le 28 juillet 2023, A______ a été conduite par la police à l’unité de psychiatrie légale du Centre universitaire romand de médecine légale.

k. Le rapport d’expertise a été rendu le 25 août 2023.

Selon les experts, l’intéressée présentait une psychose chronique évoluant depuis plusieurs années, avec des éléments délirants au moins depuis 2017. Les éléments délirants flous, polymorphes, mal systématisés, de type paranoïde à mécanisme intuitif et hallucinatoire (hallucinations auditives), permettaient de poser un diagnostic de schizophrénie. Un retrait social, des difficultés de collaboration avec les services sociaux et un éloignement de sa famille ont été relevés.

A______ n’avait pas conscience de ses troubles et refusait les soins, pourtant nécessaires. Un placement à des fins d’assistance était donc indiqué dans le but de la protéger de ses troubles du comportement et de mettre en place un traitement neuroleptique. Un traitement ambulatoire ne serait pas suffisant, l’intéressée le refusant. Un traitement sans consentement pourrait également être indiqué.

En l’absence de placement, il existait un risque pour elle-même, ainsi qu’un risque hétéro-agressif, A______ ayant expliqué qu’elle sortait toujours avec un couteau, dans un contexte d’éléments délirants de persécution.

B.            Par ordonnance DTAE/6719/2023 du 4 septembre 2023, le Tribunal de protection, statuant sur mesures provisionnelles, a ordonné le placement à des fins d’assistance de A______ (chiffre 1 du dispositif), prescrit l’exécution du placement en la Clinique de B______ (ch. 2), rendu attentive l’institution de placement au fait que la compétence de libérer la personne concernée, de lui accorder des sorties temporaires ou de transférer le lieu d’exécution du placement appartenait au Tribunal de protection (ch. 3), invité les curateurs à exécuter la mesure (ch. 4), les a autorisés, en tant que de besoin, à faire appel au Service de l’application des peines et mesures pour leur prêter main forte et assurer l’exécution du placement (ch. 5), dit qu’une audience serait convoquée par pli séparé, une fois l’hospitalisation de la personne concernée effective (ch. 6) et rappelé la gratuité de la procédure (ch. 7).

En substance, le Tribunal de protection a retenu, sur la base du rapport d’expertise, dont la teneur a été rappelée, que A______ avait besoin de soins. Dans la mesure toutefois où elle refusait de se soigner et de collaborer à toute prise en charge psychiatrique, l’assistance et le traitement ne pouvaient lui être fournis de manière ambulatoire. Compte tenu de l’urgence de la situation de A______, qui était de nature à se dégrader rapidement en l’absence de soins et d’un encadrement adapté, il convenait d’ordonner son placement à des fins d’assistance sur mesures provisionnelles.

C.           a. Le 28 septembre 2023, A______ a formé recours contre l’ordonnance du 4 septembre 2023, considérée avoir été reçue le 18 septembre 2023, à l'échéance du délai de garde à La Poste.

Il ressort de l’acte de recours que l’intéressée a été conduite à la Clinique de B______ le 27 septembre 2023 par « des agents du Département de justice et police ».

b. Le juge délégué de la Chambre de surveillance a tenu une audience le 9 octobre 2023. A______ a persisté dans les termes de son recours. Elle a exposé être suivie, au sein de la Clinique de B______, par des médecins et des infirmiers, mais ne prendre aucun médicament. A son domicile, elle avait été victime d'un "piratage informatique" et avait eu des problèmes avec un voisin, lequel s'était montré violent à son égard. Elle a par ailleurs indiqué, en cas de levée de la mesure, être d'accord de consulter un médecin, mais refuser en revanche de prendre des médicaments. Elle considérait par ailleurs qu'il lui serait difficile de retourner dans son appartement si le voisin avec lequel elle était en conflit continuait d'habiter dans l'immeuble.

La Dre G______, cheffe de clinique au sein de la Clinique de B______, a indiqué que le diagnostic de trouble psychotique, voire de schizophrénie paranoïde, retenu par les experts, avait été confirmé. A______ présentait des idées délirantes de persécution, auxquelles elle adhérait pleinement. Un traitement médicamenteux lui avait été prescrit, qu'elle refusait toutefois de prendre, de sorte que l'équipe médicale envisageait de prescrire un traitement sans consentement. En l'état, il n'y avait pas de projet de sortie. Au sein de la clinique, A______ n'avait pas souffert de troubles du comportement. Il lui était arrivé de fuguer, mais elle était ensuite revenue. Elle s'était, à une reprise, rendue au service des urgences des HUG; compte tenu de son état d'agitation, elle avait reçu un traitement d'urgence, puis avait été reconduite à B______. Depuis le début de son hospitalisation, l'état de A______ était stationnaire. Elle dormait un peu mieux; en revanche, il n'y avait pas eu d'amélioration sur le plan psychotique, en raison du refus de l'intéressée de prendre les médicaments prescrits. Selon la Dre G______, si la mesure devait être levée, l'intéressée risquait de se retrouver dans les mêmes conditions qu'à son entrée à la Clinique de B______. Compte tenu des idées de persécution dont elle souffrait, qui risquaient de s'aggraver à l'extérieur, une mise en danger d'autrui ne pouvait être écartée, quand bien même, à la connaissance de la Dre G______, A______ n'avait jamais quitté la Clinique de B______ pour faire du mal à autrui.

La curatrice du Service de protection de l'adulte a indiqué que suite à la résiliation du contrat de bail de A______, une procédure était en cours devant le Tribunal des baux et loyers, de sorte que l'intéressée pouvait, en l'état, réintégrer son logement.

La cause a été gardée à juger au terme de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge compétent (art. 450 al. 1 CC). Dans le domaine du placement à des fins d'assistance, le délai de recours est de dix jours à compter de la notification de la décision entreprise (art. 450b al. 2 CC). Le délai de recours est le même s'agissant d'une décision prise, comme en l'espèce, sur mesures provisionnelles (art. 445 al. 2 CC). Le recours formé contre une décision prise dans le domaine du placement à des fins d'assistance ne doit pas être motivé (art. 450e al. 1 CC).

En l'espèce, le recours a été formé par la personne concernée dans le délai utile de dix jours et devant l'autorité compétente (art. 72 al. 1 LaCC). Il est donc recevable.

1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

2.             2.1.1 Une personne peut être placée dans une institution appropriée lorsqu'en raison de troubles psychiques, d'une déficience mentale ou d'un grave état d'abandon, l'assistance ou le traitement nécessaires ne peuvent lui être fournis d'une autre manière (art. 426 al. 1 CC).

La loi exige la réalisation de trois conditions cumulatives à savoir une cause de placement (troubles psychiques, déficiences mentales ou grave état d'abandon), un besoin d'assistance ou de traitement ne pouvant lui être fournis autrement et l'existence d'une institution appropriée permettant de satisfaire les besoins d'assistance de la personne placée ou de lui apporter le traitement nécessaire (MEIER/LUKIC, Introduction au nouveau droit de la protection de l'adulte, 2011, p. 302, n° 666).

La personne concernée est libérée dès que les conditions du placement ne sont plus remplies (art. 426 al. 3 CC).

2.1.2 L'autorité de protection de l'adulte prend, d'office ou à la demande d'une personne partie à la procédure, toutes les mesures provisionnelles nécessaires pendant la durée de la procédure. Elle peut notamment ordonner une mesure de protection de l'adulte à titre provisoire (art. 445 al. 1 CC).

2.2 En l'espèce, il résulte du rapport d'expertise du 25 août 2023 que la recourante souffre d'un trouble psychotique, voire d'une schizophrénie et est anosognosique de son état.

Il appert qu'en raison de sa maladie, la recourante adopte, à l'égard de son voisinage, des comportements inadéquats, incompatibles avec le statut de locataire d'un immeuble comportant plusieurs logements. La recourante a ainsi vu son contrat de bail être résilié à deux reprises en l'espace de deux ans.

L'expertise du 25 août 2023 retient l'existence d'un risque hétéro-agressif dans un contexte d'éléments délirants de persécution, la recourante ayant expliqué sortir toujours avec un couteau. Lors de l'audience du 9 octobre 2023, la Dre G______ a confirmé ce risque potentiel d'héréro-agressivité, quand bien même et à sa connaissance, la recourante, hospitalisée depuis environ deux semaines, n'avait jamais fugué de la clinique pour faire du mal à autrui et n'avait pas souffert de troubles du comportement au sein même de la clinique. La recourante a expliqué au juge délégué, lors de l'audience du 9 octobre 2023, avoir des problèmes avec un voisin, sans remettre en cause son propre comportement. Or, son attitude a donné lieu à de nombreuses plaintes de plusieurs voisins, tant dans l'immeuble qu'elle occupait jusqu'à l'automne 2022 que dans celui dans lequel elle vit depuis lors. Il y a dès lors tout lieu de craindre, si la mesure de placement était levée alors que l'état de la recourante n'est pas stabilisé, qu'elle ne poursuive ses agissements inconciliables avec une vie en collectivité et qu'étant victime de troubles délirants, elle ne finisse par s'en prendre à un autre locataire. Enfin et selon sa curatrice, une procédure est actuellement en cours au Tribunal des baux et loyers. Si la recourante veut avoir une chance de conserver son logement, il est essentiel qu'elle reçoive les soins nécessaires afin d'être en mesure de modifier son comportement à l'égard de ses voisins; la levée immédiate de la mesure de placement irait dans le sens contraire de cet objectif.

Au vu de ce qui précède, la mesure de placement apparaît fondée et nécessaire. Le recours sera dès lors rejeté.

3. La procédure est gratuite (art. 22 al. 4 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre l'ordonnance DTAE/6719/2023 rendue le 4 septembre 2023 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/18083/2021.

Au fond :

Le rejette.

Sur les frais :

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Paola CAMPOMAGNANI et Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Jessica QUINODOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.