Skip to main content

Décisions | Chambre de surveillance

1 resultats
C/4822/2020

DAS/131/2023 du 05.06.2023 sur DTAE/1687/2023 ( PAE ) , REJETE

Recours TF déposé le 10.07.2023, rendu le 03.05.2024, CONFIRME, 5A_522/2023
Normes : CC.315.leta; CC.315.letb; CC.310; CC.307
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/4822/2020-CS DAS/131/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU LUNDI 5 JUIN 2023

 

Recours (C/4822/2020-CS) formé en date du 20 mars 2023 par Madame A______, domiciliée ______ (Genève), comparant par Me Sandy ZAECH, avocate, en l'Etude de laquelle elle élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 14 juin 2023 à :

- Madame A______
c/o Me Sandy ZAECH, avocate
Rue Saint-Joseph 29, case postale 1748, 1227 Carouge.

- Monsieur B______
c/o Me Grégoire REY, avocat
Quai du Seujet 12, case postale, 1211 Genève 1.

- Maître C______
______, ______.

- Madame D______
Monsieur E
______
SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Case postale 75, 1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

Pour information, au :

- TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE.


EN FAIT

A.              a. Par jugement du 11 décembre 2017, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures protectrices de l’union conjugale et d’accord entre les parties, a notamment autorisé les époux B______ et A______ (désormais A______ [nom de jeune fille]) à vivre séparés, attribué à la mère la garde sur l’enfant F______, née le ______ 2015 et réservé au père un droit de visite devant s’exercer un week-end sur deux les samedis et dimanches de 10h00 à 18h00, ainsi que durant la moitié des vacances scolaires, durant la journée, dès qu’il disposerait d’un logement approprié; le Tribunal de première instance a par ailleurs prévu que ce droit de visite devrait être étendu, pour comprendre les nuits, dès que l’enfant serait scolarisée, pour autant que le père dispose d’un logement approprié.

b. A______ a donné naissance, le ______ 2018, à un garçon prénommé G______, dont le père est B______.

Ce dernier est en outre le père de trois autres enfants, issus de précédentes relations, sur lesquels il exerce un droit de visite. B______ exploite un salon de tatouage à titre indépendant.

A______ est pour sa part la mère de trois autres enfants, issus de deux précédentes relations. Deux vivent auprès d’elle, alors que le troisième vit en France. A______ n’exerce aucune activité lucrative et est assistée par l’Hospice général.

c. Par courrier du 3 février 2020, B______ s’est adressé au Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : le Tribunal de protection), afin de solliciter la fixation d’un droit de visite sur ses enfants F______ et G______, qu’il ne voyait plus depuis un mois. Aucune discussion avec A______ n’était possible.

Le Tribunal de protection a sollicité les observations de la mère, ainsi qu’un rapport du Service de protection des mineurs.

d. Par courrier du 1er avril 2020, A______ a indiqué avoir déposé plainte pénale à l’encontre de B______, en raison du signalement de la crèche fréquentée par l’enfant F______. Elle entendait attendre la décision que prendraient les autorités pénales avant d’envisager un éventuel droit de visite en faveur du père sur la mineure F______, en milieu neutre. En ce qui concernait G______, aucun droit de visite n’avait été fixé.

e. Dans un rapport du 25 mai 2020, le Service de protection des mineurs a exposé avoir reçu un signalement de la crèche H______, le 27 janvier 2020, à la suite de propos inquiétants tenus par l’enfant F______ devant les éducateurs (« pas de narines, pas de cocaïne »). Le signalement relatait également les inquiétudes de la mère, en raison de propos à caractère sexuel qu’aurait tenus F______ (« je fais l’amour avec papa; des bisous partout »). La mineure avait été entendue par la police, mais l’audition n’avait pas donné de résultats concluants.

L’enfant G______ était né après le prononcé du jugement sur mesures protectrices. Le père le prenait, afin d’exercer son droit aux relations personnelles, en même temps que F______, mais à une fréquence moindre.

Les deux enfants fréquentaient la même crèche.

B______ vivait à I______ [VD] chez sa nouvelle compagne; auparavant il dormait dans son salon de tatouage. Il a contesté tout geste déplacé envers sa fille.

La directrice de la crèche a décrit des enfants souriants, se développant bien. Les relations avec la mère étaient quotidiennes. Elle était soucieuse de ses enfants, de leur protection et de leur bien-être. Le père avait parfois accompagné sa fille; il s’était montré poli et agréable. La crèche avait émis un signalement à la suite des propos tenus par F______ (« pas de narines, pas de cocaïne ») et des craintes qu’elle avait confiées aux éducateurs concernant un film d’horreur qu’elle aurait vu. Les éducateurs n’avaient entendu aucun propos à caractère sexuel, mais ceux-ci leur avaient été rapportés par la mère.

La pédiatre a confirmé le bon développement des enfants. La relation avec la mère était bonne et elle avait rencontré le père à plusieurs reprises dans le cadre de consultations pour F______. Il s’était montré adéquat et très tendre avec l’enfant. La mère avait relaté à la pédiatre qu’elle était inquiète de savoir que F______ dormait avec son père et prenait son bain avec lui. La pédiatre n’avait rien constaté sur le plan génital chez l’enfant.

Le Service de protection des mineurs avait rencontré les deux enfants, en présence des parents. F______ avait affirmé être contente de voir son père, avec lequel elle aimait faire du dessin. Depuis plusieurs années, elle était sujette à des terreurs nocturnes qui perturbaient son sommeil. G______ s’était montré affectueux à l’égard de son père; il allait volontiers dans ses bras ou sur ses genoux.

La grand-mère paternelle des enfants avait indiqué que F______ prenait son bain chez elle.

La nouvelle compagne de B______ était d’accord de jouer le rôle d’intermédiaire entre les deux parents et d’aller chercher les deux enfants chez leur mère, ce qu’elle avait déjà fait. Elle se chargeait de la toilette de F______, afin d’éviter tout malentendu.

Le Service de protection des mineurs a recommandé l’instauration d’une curatelle d’organisation et de surveillance des relations personnelles et la mise en place d’un suivi thérapeutique en faveur de l’enfant F______.

Par ordonnance du 13 juillet 2020, le Tribunal de protection a suivi ces recommandations.

f. Par décision rendue sur mesures superprovisionnelles le 14 septembre 2020, le Tribunal de protection a réservé à B______ un droit aux relations personnelles sur ses deux enfants à raison d’un week-end sur deux durant la journée, sans les nuits, tant qu’il ne disposerait pas d’un logement approprié. Il ressortait en effet d’un nouveau rapport du Service de protection des mineurs que l’intéressé s’était séparé de sa compagne et qu’il dormait à nouveau dans son salon de tatouage.

Ce droit de visite a, par ordonnance du 13 novembre 2020, été restreint sur mesures superprovisionnelles à un dimanche sur deux dans la journée, B______ devant travailler le samedi, journée que les enfants passaient avec lui dans son salon de tatouage, ce qui n’était pas adéquat.

g. Par courrier du 9 novembre 2020, A______ est intervenue auprès du Tribunal de protection afin de se plaindre du comportement de B______. Selon elle, il s’agissait d’un homme immature, ayant un problème psychologique, qui prenait son bain avec sa fille F______, recevait tous ses enfants dans son salon de tatouage, conduisait dangereusement sans attacher les enfants, fumait beaucoup, buvait deux litres de coca par jour et avait pris des anabolisants; il avait par ailleurs laissé son chien mourir de soif dans sa voiture. Il n’aimait pas G______, qui le ressentait et allait de plus en plus mal. Il avait en outre tatoué un autre de ses enfants, alors qu’il n’était âgé que de neuf ans. Elle se devait par conséquent « de supprimer cet homme de la vie de mes enfants », car il était malsain et toxique.

h. Le 25 juin 2020, A______ a formé une demande de divorce.

Le 11 janvier 2021, le Tribunal de première instance a, sur mesures provisionnelles, notamment attribué à la mère la garde sur le mineur G______ et réservé au père un droit de visite devant s’exercer un dimanche sur deux de 10h00 à 18h00, ce droit devant toutefois être étendu aux nuits dès que l’enfant serait scolarisé, à condition que le père ne travaille pas durant les jours de visite et qu’il dispose d’un logement adéquat.

Par jugement du 18 mai 2021, le Tribunal de première instance a dissous par le divorce le mariage des époux A______/B______ et a notamment attribué à la mère la garde des enfants, un droit de visite en journée, un dimanche sur deux, puis étendu à un week-end sur deux, avec la nuit étant réservé au père.

i. Le 19 août 2021, le Service de protection des mineurs a informé le Tribunal de protection de ce que l’enfant F______ avait été reçue en consultation par sa pédiatre, qui avait constaté la présence d’une fissure au niveau du clitoris. La pédiatre avait demandé à l’enfant si quelqu’un d’autre la touchait à cet endroit du corps et F______ avait répondu « oui, papa ». Le Service de protection des mineurs préconisait la suspension du droit de visite du père sur les enfants F______ et G______.

Le Tribunal de protection a donné suite à ces recommandations, en prononçant des mesures superprovisionnelles le 20 août 2021.

Ces faits ont été portés à la connaissance de la police par le Service de protection des mineurs.

j. Par courrier du 23 août 2021 adressé au Tribunal de protection, B______ a contesté être à l’origine de la blessure constatée sur sa fille, qu’il avait vue pour la dernière fois le 8 août 2021. Il voyait en outre toujours ses deux enfants chez ses parents et ses autres enfants étaient également présents. A______ avait faussement allégué, en novembre 2020, que G______ s’était brûlé alors qu’il avait fait des grillades avec B______. Par la suite, A______ avait avoué qu’il s’était en réalité brûlé chez elle, avec un chauffage. Il souhaitait que F______ soit suivie par un psychologue et alléguait qu’elle était manipulée par sa mère.

B______ a porté plainte à l’encontre de A______ pour diffamation et calomnie.

k. Dans un nouveau rapport du 18 octobre 2021, le Service de protection des mineurs relevait qu’un bilan avait été effectué sur l’enfant F______ par l’Office médico-pédagogique (OMP) et que celle-ci bénéficiait désormais d’un suivi hebdomadaire. Compte tenu du conflit qui opposait les parents, il était nécessaire que ceux-ci suivent une guidance parentale. Le père sollicitait la reprise des relations personnelles au sein du Point rencontre.

Les intervenants du Service de protection des mineurs avaient revu l’enfant F______. Celle-ci avait déclaré ne plus vouloir revoir son père, car il l’avait touchée quand elle avait trois ans, mais elle ne s’en souvenait pas. Elle était fâchée contre lui, car il ne prêtait pas d’argent à sa mère. L’enfant avait également déclaré avoir passé de bons moments avec son père. Il était difficile pour elle de parler à sa mère de son souhait de revoir son père, car elle serait « fâchée ».

Le Service de protection des mineurs a préconisé l’instauration d’un droit de visite au sein du Point rencontre, l’instauration d’une curatelle d’assistance éducative, la poursuite du suivi psychothérapeutique de l’enfant F______ et une expertise familiale.

Par ordonnance rendue sur mesures superprovisionnelles le 1er novembre 2021 par le Tribunal de protection, un droit de visite devant s’exercer un dimanche sur deux au sein du Point rencontre a été réservé à B______.

l. Il ressort de la procédure que A______ a manifesté son opposition à toute visite du père sur ses enfants, y compris en milieu protégé. Elle n’a ainsi pas présenté les enfants lors des visites organisées au sein du Point rencontre.

m. Par ordonnance du 23 novembre 2021, le Tribunal de protection, statuant sur mesures provisionnelles, a réservé à B______ un droit de visite sur ses enfants F______ et G______ devant s’exercer à raison d’une visite à quinzaine, d’une durée maximale de trois heures, en présence d’un professionnel. Les deux parents ont par ailleurs été exhortés à entreprendre un suivi thérapeutique individuel. Une curatelle d’assistance éducative a été instaurée et la curatelle d’organisation et de surveillance du droit de visite a été maintenue.

Le Tribunal de protection a par ailleurs ordonné une expertise du groupe familial et désigné C______, avocate, en qualité de curatrice d’office des mineurs F______ et G______, son mandat étant limité à les représenter dans la procédure pendante devant lui.

n. Par courrier du 8 février 2022 adressé au Tribunal de protection, B______ a conclu à ce que l’autorité parentale et la garde des enfants F______ et G______ lui soient attribuées. Il a notamment allégué que A______ avait prétendu, sur les réseaux sociaux, qu’il était un grand manipulateur pervers narcissique qu’il fallait « faire tomber »; elle l’accusait de l’avoir menacée avec une arme à feu, de faire du trafic dans son salon de tatouage, d’attouchements sur son personnel et de corruption. Il était sur le point de déposer une plainte pénale et considérait que les enfants vivaient de ce fait dans un climat anxiogène et de haine permanente.

Il était en outre inquiet d’un départ possible de A______ et des enfants pour l’étranger.

o. Entendue par le Service de protection des mineurs, A______ a précisé ne pas avoir de projet imminent de départ. Elle souhaitait toutefois, sur le long terme, quitter la Suisse pour l’Andalousie ou l’Arabie Saoudite. Elle ne se sentait pas protégée par l’Etat suisse. Elle désirait toutefois attendre que les différentes procédures pendantes aboutissent.

p. Dans le cadre de la procédure pénale dirigée contre B______, une expertise de crédibilité des dires de l’enfant F______ a été effectuée. Le rapport rendu le 3 octobre 2022 par J______, psychologue, a conclu que les déclarations de la mineure étaient « faiblement crédibles ».

q. Deux visites entre B______ et ses enfants ont pu avoir lieu avec l’aide de l’Association K______. Si les deux premières visites se sont bien déroulées, F______ ayant même manifesté sa tristesse au moment de quitter son père, celle-ci a changé d’attitude lors de la troisième visite, l’enfant ne voulant pas quitter sa mère, exprimant une grande préoccupation et manifestant une distance à l’égard de son père. A la fin de la visite F______ a exprimé, en pleurs, le fait qu’elle ne voulait plus quitter son père. La quatrième visite a été annulée par la mère, au motif que F______ toussait et qu’elle devait se rendre chez le médecin. A______ a également soutenu que l’enfant refusait de revoir son père, qu’elle se battait avec ses camarades de classe ainsi qu’avec ses frères et sœurs; l’enfant avait dit à sa grande sœur qu’elle voulait « se mettre des coups de couteau dans le ventre pour que tout s’arrête ». G______ semblait également plus agité depuis la reprise des visites.

r. Le 31 octobre 2022, B______ a déposé une demande de modification du jugement de divorce devant le Tribunal de première instance, portant notamment sur les contributions d’entretien. Le 15 novembre 2022, il a sollicité le prononcé de mesures superprovisionnelles (rejetées) et provisionnelles.

Par ordonnance du 6 février 2023, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures provisionnelles, a débouté B______ des fins de sa requête.

s. Le Centre universitaire romand de médecine légale (CURML) a rendu son rapport d’expertise le 16 décembre 2022. L’expertise a été effectuée par L______, psychologue, en co-expertise avec le Dr M______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie d’enfants et d’adolescents, médecin-chef de clinique au CURML. Le rapport mentionne les personnes avec lesquelles les experts se sont entretenues. Ledit rapport précise que malgré deux messages laissés sur la boîte vocale de son téléphone portable, un appel à son secrétariat, un courriel envoyé à son secrétariat et à son adresse e-mail personnelle et une sollicitation à prendre contact avec les experts « de la part de sa secrétaire », la Dre N______, pédiatre des enfants, ne s’était pas manifestée.

s.a Il ressort en substance de ce rapport que la relation entre A______ et B______ a été vécue sous tension, sans plaisir et avec des violences de part et d’autre. A______ a décrit un homme violent, sans scrupules et sans empathie; le second a décrit la première comme une femme jalouse. B______ a admis, dans un contexte conjugal conflictuel, avoir proféré une menace de mort à l’encontre de A______, tout en précisant qu’il ne l’aurait jamais mise à exécution. Depuis leur séparation définitive en 2017, les parties ont été en conflit de façon quasi constante, y compris sur le plan judiciaire. A______ peine à intégrer la souffrance et à effectuer le remodelage nécessaire de leur relation après le divorce. Elle attaque B______ sur tous les fronts et multiplie les preuves à charge (témoignages anonymes versés à la procédure, nombreuses stories sur instagram dénigrant son ancien compagnon dans sa parentalité et sa personnalité). A chaque évocation des différends conjugaux et parentaux, chaque parent apporte des explications et des versions opposées. Chacun dépeint l’autre comme le responsable des tensions. B______ nie les actes que A______ lui reproche, ce qu’elle lit comme une nouvelle preuve de sa dangerosité, de son fonctionnement de pervers narcissique et nourrit ainsi son besoin de protéger ses enfants d’un tel père. A______ est envahie par son vécu traumatique personnel, son vécu ex-conjugal et elle est dans l’impossibilité de faire la part des choses entre conjugalité et parentalité. Les enfants se trouvent ainsi placés dans un rôle de projectile au sein du conflit parental. Le conflit est tel, qu’il ne permet pas aux enfants d’investir pleinement et sereinement leurs deux parents.

s.b Depuis la suspicion d’abus sexuels par B______ sur l’enfant F______, A______ décrit une réactivation de traumatismes vécus personnellement quand elle était enfant, puis dans le cadre des relations de maltraitance dans le cadre de ses relations de couple, à l’origine d’états de colère et d’une grande détresse. Elle présente une crainte qui paraît authentique de voir sa fille victime d’abus sexuels par son père, comme elle, étant précisé qu’elle a connu un parcours de vie traumatique et a été exposée à un environnement malmenant. Ainsi, les expériences antérieures négatives de A______ marquent sa manière d’être mère, affectant sa compétence à fournir des soins adéquats et augmentent le risque de négligence parentale. A______ est envahie par ses préoccupations et fragilités. La fragilité psychologique du parent fait naître des émotions négatives chez l’enfant et scelle des difficultés dans la relation parent-enfant. L’activation émotionnelle peut introduire chez A______ des biais cognitifs qui nécessitent la plus grande prudence dans le traitement de ses propos, qu’elle cherche coûte que coûte à faire valider. La manière de fonctionner de l’enfant F______ et les angoisses que sa mère nourrit à l’égard du père sont autant de facteurs de stress qui entraînent une détérioration de ses compétences parentales. A titre d’illustration, lors de l’examen gynécologique de l’enfant le 10 septembre 2021, A______ dit être restée « en retrait » pour « ne rien influencer du tout », alors que la Dre O______ a précisé que « la maman de F______ était présente durant l’examen à côté de sa fille et avait un discours orienté à charge à l’encontre du père ». La répétition des questions et la posture maternelle engagée exposent F______ à des risques de contamination de son récit et la volonté voilée de répondre au désir du parent inquisiteur. La mère met tout en œuvre pour faire valider « son pressentiment » et faire reconnaître que sa fille a été abusée. Le conflit avec le père prend une place dans la dynamique des allégations, davantage que leurs répercussions sur l’enfant. A______ est focalisée sur les suites judiciaires (dépôt de plaintes côté français, changement de thérapeute) et perd de vue le coût psychoaffectif de toutes ces procédures pour sa fille. Cette dernière est ainsi instrumentalisée. L’attitude de la mère n’est ainsi pas suffisamment contenante et elle fait éprouver à ses enfants un sentiment de méfiance envers l’environnement et autrui. Par l’intermédiaire de ses agissements, elle fait croire que les professionnels ne sont pas en mesure de protéger sa fille. En quête permanente d’une identité, elle se cherche dans le regard de l’autre, privilégiant les relations virtuelles sur les réseaux sociaux aux relations réelles. Ces supports sociaux ne lui apportent pas d’apaisement dans son rôle parental. Via sa « communauté », elle cherche un soutien instrumental, visant à être reconnue par ses membres comme la victime d’un « prédateur » et d’un « Etat pédosatanique » d’une part et d’autre part tentant d’obtenir de leur part des attestations ou des témoignages compilant les éléments à charge contre B______. A titre d’exemple, elle écrit sur les réseaux sociaux que « la justice a tourné l’affaire de façon à ce que ce soit un conflit parental, ils ne veulent pas entendre que c’est un pédophile ». Elle en appelle sur instagram à « toutes les mineures qui ont fait des choses d’ordre sexuel avec mon ex-mari, s’il vous plaît venez confirmer que Monsieur aime les femmes pas finies d’être formées, comme des adolescentes s’il vous plaît cela m’aidera à faire reconnaître qu’il est pédophile ». Ses liens amicaux et sociaux ne lui sont pas bénéfiques, étant source de stress et réduisant sa disponibilité parentale.

A______ s’oppose fermement à ce que le réseau met en place; elle ne parvient pas à se défaire d’une position victimaire face à un « narcissique » et elle dit ne pas être entendue par les professionnels, qui se laissent « endoctriner » par B______. Avec les professionnels de la crèche qui accueille G______, elle se montre inconstante dans sa présence aux rendez-vous fixés, en fonction de l’intérêt qu’elle porte à la convocation. Lors des transmissions, elle paraît à l’écoute, mais ne retient que ce qui va dans son sens. Elle peut se montrer menaçante verbalement à l’égard de certains éducateurs si elle est débordée émotionnellement. Il en est de même avec la thérapeute de sa fille F______. Elle se mobilise pour des points réguliers et elle perçoit la psychologue installée en privé comme moins menaçante qu’une psychologue qui exercerait en institution. Elle est à l’écoute des retours qu’elle lui prodigue, mais, dans les faits, elle n’est pas en mesure d’en tenir compte, pour une large part, car elle est débordée émotionnellement par ses propres préoccupations. Avec l’enseignante de F______, A______ préfère les rendez-vous individuels aux rencontres avec les autres parents. Elle envahit l’espace scolaire avec une colère débordante et des discours en lien avec les procédures, au détriment de discussions autour de la scolarité de l’enfant. De plus, elle montre une relation de plus en plus exclusive et excluante avec F______, s’invitant dans les relations sociales de l’enfant et pouvant hurler sur un autre enfant si elle considère qu’il a fait du tort à F______. A______ a par ailleurs cessé de présenter l’enfant aux séances thérapeutiques auprès de la Guidance infantile, après que les thérapeutes ont refusé de fournir une attestation relevant la dysparentalité paternelle. A______ n’a pas non plus respecté le cadre des visites auprès de l’Association K______, mettant à mal la régularité des relations père-enfants, étant incapable de voir la situation sous un autre angle que le sien. A______ vit les interventions du réseau (autorités, Service de protection des mineurs, Association K______, école) comme une intrusion et n’en comprend pas le bien-fondé. Les injonctions judiciaires (notamment la menace de la sanction de l’art. 292 CP) tendent à exacerber son sentiment de persécution et sa conviction que le système est contre elle.

A______ est partiellement en mesure d’assurer les besoins de base de ses enfants (hygiène, tenue vestimentaire, alimentation et sommeil). En raison d’une fatigue chronique et des soucis que lui créent les procédures, elle en délègue une partie trop importante à ses aînés, ce qui n’est pas adéquat compte tenu de leur âge. Elle n’est pas consciente de la nécessité, pour F______, de maintenir un espace de parole qui lui soit propre. Elle ne parvient pas à la considérer et à la traiter comme une entité distincte, ni à distinguer ce qui lui appartient de ce qui appartient à sa fille. Dès qu’elle n’est pas en accord avec les conclusions d’un thérapeute, elle met fin au suivi. Les agissements de A______ s’inscrivent dans une perception angoissante, parfois quasi délirante, projetée sur sa fille. Elle ne peut pas envisager l’éventualité que sa fille ne soit pas victime; soit cette version est reconnue par la justice, soit elle se « taillera les veines devant le TPAE ». Sa fille et elles ne font qu’un et l’enfant devient le réceptacle de ses propres projections. Lorsqu’elle apprend que l’expertise de crédibilité conclut que la déclaration de F______ est faiblement crédible, elle s’emporte face aux experts, en présence de l’enfant, et elle tient un discours peut cohérent, teinté d’illogismes et au contenu persécutoire. Bien que A______ souhaite montrer aux experts l’image de la bonne mère, elle ne parvient pas à se défaire d’accusations répétées au préjudice de B______ dans tous les domaines, de l’éducation au lien d’attachement, ne laissant à sa fille aucune zone libre d’investissement positif du père. Cette attitude peut être lue comme une sorte de parenticide virtuel.

A______ peine à poser des limites contenantes et structurantes pour que ses enfants puissent grandir harmonieusement. Dès que l’un des enfants se montre agité ou désobéissant, elle en rejette la faute sur le père, n’acceptant pas sa propre part de responsabilité. Elle évoque les allégations d’abus en présence de F______ et parle du père en négatif ou de la situation qu’elle vit avec un vocabulaire qui ne coïncide pas avec l’âge des enfants (langage cru et agressif). Elle ne juge pas opportun de changer de langage, car « F______ connaît son histoire ».

En conclusion, les experts ont retenu que A______ souffre très probablement de stress post-traumatique complexe et présente des traits de personnalité borderline ou émotionnellement labile comorbides. Un traitement psychothérapeutique adapté au trauma complexe et un traitement adapté au trouble de la personnalité borderline portant sur la régulation des affects et la gestion des relations interpersonnelles ont été recommandés. De l’avis des experts, que les abus soient réels ou non, F______ (et G______ en second plan) sont exposés à un environnement de vie délétère par leur mère, ce qui porte atteinte à leur développement. Le besoin de A______ d’exposer les allégations de manière indifférenciée aux professionnels du réseau ou sur les réseaux sociaux est délétère pour le développement des enfants. Le fait qu’elle soit aussi agissante, avec en filigrane des accusations irrépressibles contre B______ et des comportements qui tendent à le retirer des représentations des enfants, vont entraver ses compétences maternelles et sa collaboration avec le réseau et témoignent d’une forme grave de dysparentalité. Les experts ont en outre émis l’hypothèse que selon les décisions rendues par le Ministère public, A______, en raison de son fonctionnement psychologique singulier et de son impulsivité, présentait un risque de passage à l’acte sur F______ et un risque de fuite du territoire suisse. Elle avait mentionné aux experts ainsi qu’à plusieurs professionnels du réseau que, dès la fin des procédures en cours, elle se réservait le droit de regagner la France, son pays d’origine. Ainsi et toujours selon les experts, les compétences parentales de A______ sont fortement altérées par son fonctionnement psychologique et la massivité des attaques et des projections inhérentes à la relation père-fille. Cette manière d’agir impacte lourdement son rôle de mère et compromet une relation sereine, rassurante et contenante avec F______ et G______.

s.c B______ pour sa part présente un trouble mixte de la personnalité. La poursuite du suivi psychiatrique a été recommandée. Ses compétences parentales, seul, n’ont pas pu être clairement évaluées. Soutenu par ses parents, il est en mesure de s’occuper de ses enfants. Il s’est montré investi et adéquat lors des temps de visites médiatisés et est capable d’établir un lien d’attachement avec ses enfants. Aucun trouble en lien avec la sexualité n’a été retenu.

s.d Depuis son plus jeune âge, F______ a grandi dans un environnement parental qui se déchire. Elle a été prise précocement dans des conflits conjugaux dont elle devient l’enjeu et elle a été exposée à des préoccupations d’adultes. Sa mère lui confie ses sentiments négatifs et les mauvaises expériences vécues avec son père. F______ absorbe cette négativité et l’anxiété suscitée est palpable. Petit à petit, elle se sent obligée de répondre aux attentes maternelles, devant la soutenir afin de conserver son amour et ainsi devant gommer l’amour et la considération qu’elle a pour son père. Le conflit de loyauté contamine son esprit critique. Sa loyauté d’enfant est mise à mal à l’extrême lorsque sa mère lui fait porter le poids des allégations d’abus sexuels. Lorsque F______ tente de revenir sur ses paroles, cela entraîne des réactions maternelles intenses qui exacerbent encore plus ses angoisses d’enfant. Avec son père, elle tient un discours et une attitude défiante et une toute puissance, phénomène retrouvé chez les enfants sujets à l’emprise d’un parent. Elle se montre démonstrative dans le fait de ne pas souhaiter le voir. Lorsqu’elle se laisse prendre dans un jeu avec son père et qu’elle parvient ainsi un temps à se défaire de l’obligation d’être loyale envers sa mère, elle est authentique. Ces ajustements incessants sont délétères pour le développement de F______ et elle les exprime, en partie, par une difficulté à gérer ses colères (insultes d’une camarade d’école), des symptômes d’ordre psychosomatique (maux de ventre et de tête le lundi matin) et des relations conflictuelles avec les personnes détenant l’autorité (par exemple son enseignante).

Selon les experts, F______ se trouve au point de départ d’une situation d’emprise, avec le bon parent d’un côté (la mère) et le père de l’autre, pour lequel elle est encore dans une position ambivalente. L’enjeu est de lui garantir de ne pas en arriver au rejet total de son parent non gardien et dans une obligation à devoir prendre parti pour sa mère.

Selon les experts, la mineure F______ présente un trouble émotionnel de l’enfance. Un suivi pédopsychiatrique institutionnel a été préconisé.

s.e L’enfant G______ présente un trouble du fonctionnement social avec retrait. Ce trouble se caractérise par une perturbation du fonctionnement social. Chez l’enfant, on retrouve en particulier une inhibition des affects (notamment négatifs), un retard de langage, une intolérance à la frustration, une pulsionnalité mal régulée (teintée d’agressivité), des interactions sociales peu fluides et des difficultés dans l’attention soutenue. Depuis son plus jeune âge, il a évolué dans un environnement malmenant et insuffisamment soutenant. Ce contexte délétère génère un stress neurobiologique et de vives émotions de nature à impacter son développement cognitif et son devenir social et affectif. Il apparaît peu stimulé par sa mère, au profit de F______ qui rassemble l’ensemble des préoccupations maternelles, en témoigne le trouble de la parole et du langage qu’il présente.

Le même suivi que celui de sa sœur est recommandé par les experts.

s.f Selon les experts, aucun des deux parents n’est en mesure d’assumer la garde des enfants; tous deux peuvent prétendre à un droit de visite surveillé. Il convient que les enfants soient placés en foyer, afin qu’ils puissent grandir et se développer dans un contexte neutre et aconflictuel et être différenciés des postures maternelles. Pour atteindre ces buts, une réduction significative des relations mère-enfants est indispensable et implique un éloignement entre les enfants et leur mère. Cette mise à distance dans une institution leur permettra de se reconstruire psychologiquement et de reconstituer des liens paternels équitables, fiables, persistants et structurants. Le droit de visite du père doit être médiatisé tant que la procédure pénale est en cours, afin de l’aider à trouver les mots face aux propos de sa fille; il pourra par la suite bénéficier d’un droit de visite sans surveillance. Quant à la mère, un droit de visite médiatisé est préconisé, tant qu’elle n’évoluera pas dans son comportement maternel, notamment en tenant des propos dénigrants à l’égard du père et du réseau et en continuant d’exposer les enfants à son sentiment de persécution anxiogène. Si elle devait continuer à élaborer des accusations ou si sa posture n’était pas adéquate à l’égard des enfants, son droit de visite devrait être suspendu. Il existe un risque que la mère mette à mal le placement des enfants en foyer, dont elle risque de ne pas comprendre le bien-fondé et de le vivre comme une reconnaissance de l’innocence du père dans le cadre de la procédure pénale.

t. Le 10 janvier 2023, le Service de protection des mineurs a sollicité du Tribunal de protection le prononcé de mesures urgentes, soit le placement des enfants en foyer. Le rapport d’expertise faisait état d’une situation très inquiétante; les observations, l’analyse et les conclusions des experts corroboraient par ailleurs les observations que le Service de protection des mineurs avait pu faire depuis le début de son suivi. A______ avait mentionné aux experts et au réseau qu’elle pourrait quitter la Suisse. Elle avait également exprimé à de nombreuses reprises une forte méfiance envers les intervenants, avec une tendance à isoler la famille de toute intervention extérieure. Il était à craindre que la situation des enfants, qui évoluaient déjà dans un environnement délétère, ne se dégrade davantage lorsque leur mère aurait pris connaissance du rapport d’expertise et des préconisations des experts. Il était probable que les mineurs aient à subir le discours et les agissements de leur mère, voire un passage à l’acte (repli sur soi et climat de peur, départ précipité à l’étranger, voire pire). L’exécution d’une mesure de placement serait dès lors fortement compromise.

u. Par ordonnance du 13 janvier 2023, le Tribunal de protection, statuant sur mesures superprovisionnelles, a retiré à A______ la garde et le droit de déterminer le lieu de résidence des enfants F______ et G______, a ordonné leur placement dans un lieu d’accueil approprié, réservé à la mère un droit de visite devant s’exercer à raison d’une visite à quinzaine au sein du Point rencontre en modalité « un pour un », les relations personnelles étant suspendues dans l’intervalle, réservé au père un droit de visite devant s’exercer à raison d’une visite à quinzaine au sein du Point rencontre, initialement en modalité « un pour un », puis dès que possible, en modalité « accueil »; le Tribunal de protection a par ailleurs ordonné la mise en place d’un suivi pédopsychiatrique régulier pour les deux enfants en milieu institutionnel, exhorté A______ à entreprendre un suivi psychothérapeutique adapté aux traumas complexes, ainsi qu’un traitement adapté aux troubles de la personnalité borderline portant sur la régulation des affects et de la gestion des relations personnelles, invité le père à intensifier son suivi thérapeutique déjà en cours, ordonné à la mère de remettre au Service de protection des mineurs, dans un délai de quinze jours, les documents d’identité des enfants, ainsi que leur carte d’assurance maladie, lui a fait interdiction d’emmener ou de faire emmener les enfants hors du territoire suisse, ordonné en conséquence leur inscription dans les registres de police RIPOL-SIS, lui a fait interdiction d’approcher à moins de 300 mètres le lieu de vie, l’école, et la crèche fréquentés par les enfants ou tout autre endroit où ils se trouvent, lui a fait interdiction de mentionner l’identité de ses enfants sur internet et les réseaux sociaux, de même que d’y poster des photographies comportant leur image, ces deux dernières injonctions étant prononcées sous la menace de la peine prévue à l’art. 292 CP, dont la teneur a été rappelée. Le Tribunal de protection a par ailleurs étendu la curatelle d’organisation et de surveillance du droit de visite aux relations personnelles entre les deux mineurs et leur mère, instauré une curatelle de soins en leur faveur, limité l’autorité parentale des parents en conséquence, instauré une curatelle en vue d’organiser, de surveiller et de financer le placement des deux mineurs, ainsi que pour faire valoir leur créance alimentaire, étendu les pouvoirs des intervenants en protection de l’enfants aux nouvelles curatelles et confirmé la curatelle d’assistance éducative.

v. Le placement des deux mineurs en foyer a eu lieu le 16 janvier 2023.

w. Par courrier du 17 janvier 2023, A______ a notamment contesté la compétence du Tribunal de protection, rappelant, ce dont elle avait déjà informé ce dernier le 8 décembre 2022, qu’une procédure était pendante devant le Tribunal de première instance, en modification du jugement de divorce (C/1______/2022). Dès lors et selon elle, l’ordonnance rendue sur mesures superprovisionnelles le 13 janvier 2023 par le Tribunal de protection était nulle.

x. Le Tribunal de protection a fixé un délai aux parties pour faire valoir leurs observations.

Le 9 février 2023, A______ a maintenu la position qu’elle avait déjà exprimée dans son courrier du 17 janvier 2023. Elle a par ailleurs requis, sur mesures provisionnelles, l’annulation de la décision rendue sur mesures superprovisionnelles.

B______ pour sa part a conclu à la confirmation par le Tribunal de protection de l’ordonnance du 13 janvier 2023, à ce qu’un rapport soit sollicité auprès du Service de protection des mineurs, afin notamment de confirmer ses propres capacités à obtenir la garde exclusive de ses deux enfants.

La curatrice d’office des mineurs a conclu à la confirmation de la même ordonnance.

B.              a. Par ordonnance DTAE/1687/2023 du 2 mars 2023, le Tribunal de protection, statuant sur mesures provisionnelles, a confirmé le retrait à A______ de la garde et du droit de déterminer le lieu de résidence de ses enfants F______ et G______ (chiffre 1 du dispositif), maintenu en l’état le placement des deux mineurs au sein du foyer P______ (ch. 2), réservé à A______, aussitôt que la situation le permettrait, de l’avis des curateurs, un droit de visite sur ses enfants F______ et G______, devant s’exercer à raison d’une visite à quinzaine au sein du Point rencontre en modalité « un pour un », le droit de visite étant suspendu dans l’intervalle (ch. 3), réservé à B______ un droit de visite sur les deux mineurs devant s’exercer à raison d’une visite de 2 heures à quinzaine par l’intermédiaire de l’Association K______ ou d’un organisme similaire (ch. 4), autorisé de surcroît deux appels téléphoniques par semaine entre les deux enfants et chacun de leurs parents, ce sous la surveillance d’un tiers, avec la précision que les propos des père et mère devront être adéquats et exempts de toute allusion aux procédures en cours (ch. 5), ordonné la mise en place, dès à présent, d’un suivi pédopsychiatrique régulier pour les deux enfants, en milieu institutionnel (ch. 6), exhorté A______ à entreprendre un suivi psychothérapeutique adapté aux traumas complexes, ainsi qu’un traitement adapté aux troubles de la personnalité borderline portant sur la régulation des affects et la gestion des relations personnelles (ch. 7), invité B______ à intensifier son suivi thérapeutique déjà en cours (ch. 8), confirmé l’interdiction faite à la mère d’emmener ou de faire emmener ses enfants hors du territoire suisse et maintenu en conséquence l’inscription des précités dans les registres de police RIPOL-SIS (ch. 9), confirmé l’interdiction faite à la mère d’approcher à moins de 300 mètres du lieu de vie, l’école et la crèche fréquentés par ses enfants ou tout autre endroit que ceux-ci sont appelés à fréquenter (ch. 10), confirmé l’interdiction faite à la mère de mentionner l’identité de ses deux enfants sur internet et les réseaux sociaux, de même que d’y poster des photographies ou des vidéos comportant leur image ou encore toutes informations relatives à leur vie privée (ch. 11), prononcé les injonctions des chiffres 10 et 11 sous la menace de la peine de l’art. 292 CP, dont la teneur a été rappelée (ch. 12), confirmé la curatelle d’assistance éducative (ch. 13), confirmé la curatelle d’organisation et de surveillance des relations personnelles entre les mineurs et leurs père et mère (ch. 14), confirmé la curatelle de soins en faveur des deux mineurs, charge aux curateurs, en particulier, de mettre en place les suivis et bilans requis sur les plans médical, pédopsychiatrique et logopédique, ainsi que de s’assurer de leur bon déroulement et maintenu la limitation correspondante de l’autorité parentale des père et mère (ch. 15), confirmé la curatelle en vue d’organiser, de surveiller et de financer le placement des deux mineurs, ainsi que pour faire valoir leur créance alimentaire et pour gérer leur assurance maladie (ch. 16), confirmé la curatelle aux fins d’établir les documents d’identité des deux enfants (ch. 17), rappelé que l’ordonnance est immédiatement exécutoire (ch. 18), transmis pour le surplus la cause au Tribunal de première instance pour raison de compétence (ch. 19) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 20).

En substance, le Tribunal de protection a relevé qu’il ressortait du rapport d’expertise du 16 décembre 2022 que les deux mineurs étaient exposés, par leur mère, à un environnement de vie délétère, ce qui portait atteinte à leur développement, au point que l’aînée souffrait d’un trouble émotionnel et de l’enfance et d’un conflit de loyauté important et que le cadet présentait un trouble du fonctionnement social avec retrait, ainsi qu’un trouble du développement de la parole et du langage. Les agissements de la mère témoignaient d’une forme grave de dysparentalité; il existait également un risque de passage à l’acte sur la mineure F______ et un risque de fuite du territoire suisse avec les enfants en raison du fonctionnement psychologique singulier et de l’impulsivité de la mère. Le père pour sa part n’était pas en mesure, en l’état, d’assurer la prise en charge de ses enfants au quotidien du fait de son immaturité affective et de son impulsivité, ainsi que du fait qu’il n’avait jamais vécu seul avec eux et qu’il n’avait plus de contacts réguliers avec eux depuis plusieurs mois; une procédure pénale concernant sa fille était par ailleurs en cours. Le Tribunal de protection a dès lors suivi les recommandations des experts s’agissant tant du placement des mineurs en foyer que des mesures thérapeutiques ordonnées, considérant qu’il était urgent d’intervenir.

b. Les deux mineurs, initialement placés au sein du foyer d’urgence P______, se trouvent désormais au foyer Q______, le Tribunal de protection ayant, par ordonnance du 26 avril 2023 rendue sur mesures provisionnelles, ordonné ce transfert.

C.              a. Le 20 mars 2023, A______ a formé recours contre l’ordonnance du 2 mars 2023, concluant à son annulation. Elle a également conclu à ce que le placement immédiat des enfants chez elle soit ordonné sur mesures superprovisionnelles.

La recourante critique le rapport d’expertise, considérant qu’il est lacunaire et qu’il manque d’objectivité. En particulier, la Dre N______, pédiatre des enfants, à l’origine du signalement pénal, n’avait pas été entendue; aucune expertise spécifique n’avait été effectuée afin de déterminer si le père souffre d’un trouble lié à la sexualité et aucun professionnel de la santé des enfants n’avait été questionné sur l’adéquation de la mesure de placement envisagée; R______, le fils aîné de la recourante, très proche des mineurs F______ et G______, n’avait pas été entendu. La recourante a en outre mis en doute les compétences de l’expert principal, psychologue de formation; elle a relevé le fait qu’aucun diagnostic précis la concernant n’avait été retenu et que le diagnostic relatif à B______ ne correspondait pas à celui posé par la psychiatre de l’intéressé. La recourante a en outre fait grief au Tribunal de protection d’avoir violé son droit d’être entendue, au motif qu’elle n’avait pas été auditionnée avant le prononcé de l’ordonnance attaquée.

La recourante a également soutenu que depuis leur placement en foyer, les enfants allaient de plus en plus mal. Sur ce point, elle a produit des extraits d’un échange de messages téléphoniques intervenu avec une ou plusieurs éducatrices du foyer. L’un des messages a la teneur suivante : « Bonsoir madame, oui ils vont bien, le repas s’est bien passé mais le moment du coucher est un peu compliqué, un peu d’angoisses pour chacun donc nous prenons des moments avec eux pour les rassurer ». Un message adressé à une éducatrice par A______ a la teneur suivante : « Bonjour, ma fille S______ m’a dit ne pas avoir vu F______ à l’école hier après-midi?? J’espère qu’ils vont bien mes bébés plus les jours (sic) et moins j’accepte j’ai beaucoup de mal alors eux j’imagine même pas » et la réponse de l’éducatrice « Bonjour madame, effectivement F______ a eu mal au ventre et elle a vomi hier et n’est donc pas allée à l’école, mais il semble que c’est somatique car » (la recourante n’a pas produit la suite du message). Autre message d’une éducatrice : « Re bonsoir, j’entends ce que vous dites. Concernant les médicaments, nous n’avons pas d’ordonnance et nous ne pouvons pas lui donner nous allons nous renseigner de ce côté-là. Nous essayons de faire au mieux pour le bien-être des enfants. Nous transmettons régulièrement l’IPE (intervenante en protection de l’enfant) et la psychologue lorsque F______ fait des crises et a de la difficulté lors de l’endormissement. Nous avons également pensé à mettre en place de l’équithérapie pour aider F______ de ce côté-là car nous avons remarqué que lorsque F______ est en compagnie d’animaux, cela lui procure des bienfaits. L’IPE va vous informer de cela bientôt. Pour ce soir, F______ s’est calmée et elle est allée se coucher à 21h30, elle a tenu à vous envoyer un message avant d’aller se coucher. G______ dort également depuis l’appel ».

La recourante a également produit le compte-rendu d’une visite au Point rencontre entre la mère et les enfants. Il en ressort que lors de la première visite, les retrouvailles ont été chaleureuses. La recourante a parlé de la procédure et a été recadrée par l’intervenante; elle a immédiatement adapté ses propos. Les enfants ont pleuré et hurlé à la fin de la visite, à tel point que tant le transporteur que l’intervenante ont été dépassés par la situation.

Il ressort en outre de plusieurs rapports du foyer P______ que l’enfant F______ rencontre des difficultés au moment du coucher. Etant très angoissée, elle fait des crises lors desquelles elle crie très fort et semble déconnectée. Ces crises surviennent généralement les soirs après les téléphones médiatisés avec sa maman, mais peuvent également se passer, plus rarement, d’autres soirs de la semaine. Le matin, il devient de plus en plus difficile de la réveiller et elle peut se mettre en forte opposition, en refusant de se lever ou de s’habiller.

La recourante a également produit des rapports du foyer P______ qui mentionnent le fait que F______ continue d’évoquer les abus qu’elle aurait subis de son père, propos repris également par G______, ainsi que différents documents qu’elle a sollicités auprès de l’école de ses filles attestant du fait qu’elle s’est toujours montrée collaborante et soucieuse du bien-être de ses enfants.

Pour le surplus, la recourante a contesté la compétence du Tribunal de protection pour rendre l’ordonnance attaquée, en raison de la procédure pendante devant le Tribunal de première instance. Elle a également contesté l’existence d’une quelconque urgence à prononcer le placement des enfants, alors que ceux-ci étaient sous sa garde depuis leur naissance et qu’ils avaient passé les fêtes de Noël 2022 à T______ [France], dans leur famille maternelle, avant de revenir à Genève. Aucune mesure de protection n’était par ailleurs envisagée pour les deux autres enfants de la recourante qui vivaient encore avec elle. Le placement des deux mineurs en foyer était ainsi contraire à leur intérêt.

La recourante a allégué avoir initié un suivi auprès d’un psychologue, de sorte qu’elle n’était pas opposée au suivi ordonné par le Tribunal de protection. Il appartenait toutefois au praticien de déterminer le type de thérapie qui convenait le mieux à la patiente et non au Tribunal de la fixer.

La recourante a contesté avoir l’intention de quitter la Suisse avec les enfants; il n’existait dès lors aucun risque d’enlèvement. Elle s’opposait en outre à l’interdiction d’approcher les lieux de vie et de scolarité de ses enfants, avec la précision que depuis sa prise de connaissance de l’expertise, elle n’avait manifesté aucun débordement intempestif. Elle s’est également opposée aux curatelles visant les soins, la créance alimentaire et la gestion des assurances maladie des enfants, ainsi que celle visant l’établissement des papiers d’identité des mineurs. Elle avait mis en place un réseau de soins pour les enfants, gérait leurs assurances maladie et avait sauvegardé leurs intérêts en s’opposant, devant le Tribunal de première instance, à la réduction de la pension alimentaire sollicitée par le père. Quant à la question des papiers-d’identité, le problème venait de B______ et non d’elle-même.

b. Par décision DAS/61/2023 du 23 mars 2023, la Chambre de surveillance de la Cour de justice a rejeté la requête de mesures superprovisionnelles.

c. Le Tribunal de protection a persisté dans les termes de l’ordonnance attaquée.

d. Le Service de protection des mineurs n’a formulé aucune observation.

e. Les mineurs, représentés par leur curatrice, ont conclu au rejet du recours.

Celle-ci a notamment précisé que selon un entretien intervenu le 4 mars 2023 avec une éducatrice du foyer, F______ faisait toujours des crises, moins régulières mais plus intenses. Elle verbalisait le fait qu’elle souffrait du placement et voulait rentrer au domicile de sa mère. Selon la curatrice, le placement était difficile pour les enfants, comme cela était le cas dans la grande majorité des situations d’enfants placés. Les mineurs se trouvaient toujours pris dans le conflit parental, rien n’ayant changé. Le père parvenait, selon l’éducatrice du foyer, à occulter le conflit parental et à valoriser la mère lors de ses droits de visite. Il n’en allait en revanche pas de même s’agissant de cette dernière, qui parvenait, bien que les visites soient médiatisées, à tenir des propos déplacés au sujet du père et était opposée à ce que les enfants aient une photographie de ce dernier affichée dans leur chambre.

f. Il en va de même de B______.

g. La cause a été mise en délibération au terme de ces échanges d’écritures.

D. Les faits complémentaires suivants résultent d’un rapport du Service de protection des mineurs du 26 avril 2023 :

Selon le compte-rendu transmis par le Point rencontre en date du 13 avril 2023, il était arrivé que A______ tienne des propos inadéquats à l’encontre du père des enfants et du système de manière générale, mentionnant « l’injustice » qu’elle considère vivre. L’intervention de l’intervenante du Point rencontre avait été nécessaire. Lors d’un appel téléphonique entre A______ et F______, la première avait tenu des propos inadéquats. Le lendemain, les mineurs devaient revoir leur père au domicile de leurs grands-parents paternels; A______ a dit à F______ qu’elle ne « devrait pas être contente de les voir ». L’éducateur avait immédiatement coupé court à l’appel et a ensuite parlé avec A______, qui a fait état de « réseaux pédosataniques à Genève ».

A______ a contesté avoir tenu des propos inadéquats.


 

EN DROIT

1. 1.1 Les dispositions de la procédure devant l’autorité de protection de l’adulte sont applicables par analogie aux mesures de protection de l’enfant (art. 314 al. 1 CC).

Les décisions de l’autorité de protection rendues sur mesures provisionnelles peuvent faire l’objet d’un recours (art. 450 al. 1 C) dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision (art. 445 al. 3 CC), auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 52 al. 1 LaCC).

En l’espèce, le recours a été formé dans le délai utile et selon les formes prescrites, de sorte qu’il est recevable.

1.2 Compte tenu de la matière, soumise aux maximes inquisitoire et d’office illimitée, la cognition de la Chambre de surveillance est complète. La Cour n’est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 CC ; art. 314 al. 1 et 440 al. 3 CC).

2.             La recourante invoque une violation de son droit d’être entendue.

2.1 Le droit d’être entendu est une garantie de caractère formel dont la violation entraîne en principe l’annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours au fond. Le droit d’être entendu confère à toute personne le droit de s’exprimer avant qu’une décision ne soit prise à son détriment, d’avoir accès au dossier, d’offrir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, de participer à l’administration des preuves, de se déterminer à leur propos. Une violation du droit d’être entendu peut exceptionnellement être guérie si l’intéressé peut s’exprimer devant une instance de recours ayant libre pourvoir d’examen en fait comme en droit. Même en cas de violation grave du droit d’être entendu, la cause peut ne pas être renvoyée à l’instance précédente, si et dans la mesure où ce renvoi constitue une démarche purement formaliste qui conduirait à un retard inutile, incompatible avec l’intérêt de la partie concernée à un jugement rapide de la cause (ATF 135 I 279 consid. 2.6.1; JdT 2010 I 255; 136 V 117 consid. 4.2.2.2; 133 I 201 consid. 2.2).

2.2 En l’espèce, avant de rendre l’ordonnance attaquée, le Tribunal de protection a donné aux parties l’occasion de s’exprimer par écrit. La recourante a fait part de ses observations par courrier du 9 février 2023, étant relevé qu’elle avait déjà spontanément adressé un courrier au Tribunal de protection le 17 janvier 2023.

Le droit d’être entendue de la recourante a dès lors été respecté. Celle-ci a en outre pu développer ses arguments devant la Chambre de surveillance, qui revoit la cause en fait et en droit, de sorte qu’une éventuelle violation du droit de son droit d’être entendue par l’autorité de première instance aurait été guérie devant la seconde instance.

Ce premier grief est infondé.

3. La recourante soulève l’incompétence ratione materiae du Tribunal de protection à rendre la décision entreprise ainsi que la décision sur mesures superprovisionnelles.

3.1.1 La répartition des compétences entre le juge - i.e. notamment le juge civil compétent pour connaître des actions alimentaires des enfants à l'encontre des parents - et l'autorité de protection - à Genève, le Tribunal de protection (art. 105 al. 1 LaCC) - est un domaine complexe, la loi n'étant, malgré une révision récente, pas toujours claire à ce sujet (Leuba / Meier / Papaux van Delden, Droit du divorce, Conditions - effets - procédure (avec la collaboration de Patrick Stoudmann), 2021, p. 737; Pralong / Zender, Tabelle sur les compétences respectives du juge et de l'APEA dans la mise en œuvre du droit de la famille, in Revue valaisanne de jurisprudence 2017 p. 347).

3.1.2 Le juge chargé de régler les relations personnelles des père et mère avec l'enfant selon les dispositions régissant le divorce ou la protection de l'union conjugale prend également les mesures nécessaires à la protection de ce dernier et charge l'autorité de protection de l'enfant de leur exécution (art. 315a al. 1 CC). Le juge peut aussi modifier, en fonction des circonstances, les mesures de protection de l'enfant qui ont déjà été prises (art. 315a al. 2 CC).

Le juge est compétent pour modifier les mesures judiciaires relatives à l’attribution et à la protection des enfants : dans la procédure de divorce (art. 315b al. 1 ch. 1 CC) et dans la procédure en modification du jugement de divorce, selon les dispositions régissant le divorce (art. 315b al. 1 ch. 2 CC). Dans les autres cas, l’autorité de protection de l’enfant est compétente (art. 315b al. 2 CC).

Le juge matrimonial possède donc une compétence générale de règlement des questions liées au sort de l'enfant (autorité parentale et droit de garde, relations personnelles, entretien). Par souci d'unification matérielle et d'économie de procédure, cette compétence s'étend également au prononcé de mesures de protection de l'enfant (art. 315a al. 1 CC). Le juge matrimonial peut prononcer toutes les mesures prévues aux art. 307 à 312 CC, mais aussi 318 al. 3, 324/325; il n'est pas autorisé à les déléguer à l'autorité tutélaire. Ces mesures peuvent être prises tant dans la procédure au fond que sur mesures provisionnelles (art. 317 CC) (CR CC I, MEIER, ad art. 315/315a/315b, n. 14).

L'autorité de protection demeure cependant compétente pour poursuivre une procédure de protection de l'enfant introduite avant la procédure judiciaire (art. 315a al. 3 ch. 1 CC) et pour prendre les mesures immédiatement nécessaires à la protection de l'enfant lorsqu'il est probable que le juge ne pourra pas les prendre à temps (art. 315a al. 3 ch. 2 CC).

3.1.3 Dans une décision non publiée, rendue dans le cadre d'une procédure de divorce, le Tribunal fédéral a précisé que l'autorité de protection de l'enfant, saisie parallèlement au juge du divorce, devait se voir reconnaître un pouvoir général de décision dans le domaine de la protection de l'enfant. Cela découlait de sa compétence générale de décision en la matière et de la nécessité de garantir la sécurité juridique. La distinction entre la compétence des tribunaux et celles de l'autorité de protection n'était pas claire, particulièrement du fait que l'autorité de protection de l'enfant demeurait compétente sur certains points au cours d'une procédure matrimoniale (art. 315a al. 3 CC). La sanction de nullité pour les actes de l'autorité de protection de l'enfant exécutés dans pareille situation compromettrait la sécurité juridique, particulièrement dans les cas où les décisions urgentes devaient être prises (arrêt du Tribunal fédéral 5A_393/2018 du 21 août 2018 consid. 2.2.2; résumé in Fountoulakis/Macheret/Paquier, La procédure en droit de la famille - 10ème Symposium en droit de la famille 2019, 2020, p. 254).

Dans un arrêt récent publié, le Tribunal fédéral a en outre retenu que l'autorité de protection est, de manière générale, et tout particulièrement en ce qui concerne les parents non mariés, compétente pour régler les questions relatives aux enfants, respectivement les mesures de protection de l'enfance, aussi longtemps qu'aucun tribunal n'a traité de ces questions, notamment dans le cadre d'une procédure de divorce ou de mesures protectrices de l'union conjugale (ATF 145 III 436; résumé in Fountoulakis/Macheret/Paquier, La procédure en droit de la famille - 10ème Symposium en droit de la famille 2019, 2020, p. 254).

3.2 Dans le cas d’espèce, tant le Tribunal de première instance que le Tribunal de protection ont été saisis successivement par les parties.

Le Tribunal de première instance a ainsi, le 11 janvier 2021, rendu une décision sur mesures provisionnelles, dans le cadre de la procédure de divorce introduite par A______ le 25 juin 2020, par laquelle il a attribué à la mère la garde du mineur G______, ce point ayant été tranché, s’agissant de l’enfant F______, par jugement rendu sur mesures protectrices de l’union conjugale du 11 décembre 2017. Ces décisions accordaient par ailleurs un droit de visite au père sur ses deux enfants. La procédure pendante devant le Tribunal de première instance s’est achevée par le jugement du 18 mai 2021, prononçant le divorce des parties, statuant sur la garde des enfants (attribuée à la mère) et fixant le droit de visite du père.

En raison d’une suspicion d’abus sexuels sur la mineure F______ par son père, le Service de protection des mineurs a saisi le Tribunal de protection, le 19 août 2021, d’une requête par laquelle la suspension du droit de visite du père était préconisée. Sur cette base, le Tribunal de protection a ouvert une instruction, rendu plusieurs décisions portant sur le droit de visite du père et ordonné une expertise du groupe familial. Ce n’est que le 31 octobre 2022 que B______ a saisi le Tribunal de première instance d’une demande de modification du jugement de divorce.

Dès lors et conformément à l’art. 315a al. 3 ch. 1 CC, le Tribunal de protection est demeuré compétent pour poursuivre la procédure de protection de l'enfant introduite avant le dépôt de la demande de modification du jugement de divorce et pour prononcer, conformément à l’art. 315a al. 3 ch. 2 CC, des mesures immédiatement nécessaires à la protection de l'enfant.

Or, le Centre universitaire romand de médecine légale a rendu son rapport d’expertise, sollicité par le Tribunal de protection, le 16 décembre 2022, faisant état d’une situation délétère pour les enfants, lesquels étaient sous la garde de leur mère et préconisant leur placement en foyer, tout en précisant qu’il existait un risque que la mère mette à mal ledit placement. Le 10 janvier 2023, en se fondant sur ledit rapport et les craintes exprimées par les experts de passage à l’acte sur F______ et de fuite du territoire suisse, le Service de protection des mineurs a saisi le Tribunal de protection d’une requête visant le placement en urgence des deux mineurs, lequel a donné lieu au prononcé de l’ordonnance superprovisionnelle du 13 janvier 2023. Compte tenu du contenu alarmant du rapport d’expertise, il ne saurait être reproché au Tribunal de protection d’avoir ordonné le placement des enfants sans avoir entendu au préalable les parties. Conformément à l’art. 445 al. 2 CC, il appartenait ensuite au Tribunal de protection de leur donner la possibilité de prendre position et de rendre une nouvelle décision, ce qu’il a fait.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal de protection était compétent pour rendre tant la première ordonnance que celle, sur mesures provisionnelles, du 2 mars 2023.

Il ne sera par conséquent pas donné suite aux conclusions de la recourante portant sur la constatation de la nullité de l’ordonnance attaquée et de celle qui l’a précédée, ni de leur annulation.

Pour le surplus, c’est à juste titre que le Tribunal de protection a désormais transmis la procédure au Tribunal de première instance, auquel il appartiendra de se prononcer sur le fond, toute notion d’urgence ayant désormais disparu.

4. La recourante soutient par ailleurs que le placement des enfants en foyer viole la loi, au motif qu’il est contraire à leur intérêt. Elle formule par ailleurs des critiques à l’encontre du rapport d’expertise.

4.1.1 Selon l’art. 446 CC (applicable aux mineurs par le biais de l’art. 314 al. 1 CC), l’autorité de protection de l’adulte établit les faits d’office (al. 1). Elle procède à la rechercher et à l’administration des preuves nécessaires. Elle peut charger une tierce personne ou un service d’effectuer une enquête. Si nécessaire, elle ordonne un rapport d’expertise (al. 2).

4.1.2 Lorsqu'elle ne peut éviter autrement que le développement d'un mineur ne soit compromis, l'autorité de protection de l'enfant retire ce dernier aux père et mère et le place de façon appropriée (art. 310 al. 1 CC). Le droit de garde passe ainsi au Tribunal de protection, qui détermine alors le lieu de résidence du mineur et choisit son encadrement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_335/2012 du 21 juin 2012 consid. 3.1). Le danger doit être tel qu'il soit impossible de le prévenir par les mesures moins énergiques prévues aux art. 307 et 308 CC. La cause de la mesure doit résider dans le fait que le développement corporel, intellectuel ou moral de l'enfant n'est pas assez protégé ou encouragé dans le milieu dans lequel il vit. Les raisons de cette mise en danger du développement importent peu : elles peuvent être liées au milieu dans lequel évolue le mineur ou résider dans le comportement inadéquat de celui-ci, des parents ou d'autres personnes de l'entourage (arrêt du Tribunal fédéral 5A_729/2013 du 11 décembre 2013 consid. 4.1; 5A_835/2008 du 12 février 2009 consid. 4.1).

A l'instar de toute mesure de protection de l'enfant, le retrait du droit de garde - composante de l'autorité parentale (ATF 128 III 9 consid. 4a et les références citées) - est régi par les principes de subsidiarité, de complémentarité et de proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 5A_858/2008 du 15 avril 2009 consid. 4.2).

4.2.1 Les critiques formulées par la recourante à l’encontre du rapport d’expertise sont sans fondement.

Les experts ont exposé avoir tenté, à diverses reprises et par plusieurs moyens, d’entrer en contact avec la pédiatre des deux mineurs, laquelle n’y avait donné aucune suite. Il ne saurait par conséquent être reproché aux experts de ne pas avoir entendu ladite pédiatre.

L’expertise sollicitée avait en particulier pour but de déterminer les compétences parentales et de déterminer les mesures particulières nécessaires à la protection des deux mineurs. Dans le cadre de leur mission, les experts se sont notamment entretenus avec divers intervenants, en charge, à un titre ou à un autre, des deux mineurs (directrice de la crèche, psychologues de F______, enseignants, éducateurs ). Au terme de leur analyse, les experts ont préconisé le placement des enfants en foyer. Cette question était du seul ressort des experts et il n’appartenait pas, contrairement à ce que soutient la recourante, aux « professionnels de la santé des enfants » de se prononcer sur l’adéquation du placement envisagé. La recourante n’explique au demeurant pas en quoi les déclarations de son fils R______, qu’elle reproche aux experts de ne pas avoir entendu, aurait pu leur apporter des éléments déterminants.

L’expertise a été réalisée par une psychologue, en co-expertise avec un médecin spécialiste en psychiatrie et psychothérapie d’enfants et d’adolescents. Dans son recours, la recourante critique de manière toute générale les compétences de la psychologue, sans étayer ses propos par le moindre élément concret. Le fait qu’aucun diagnostic précis la concernant n’ait été posé et que celui concernant B______ ne corresponde pas avec le diagnostic établi par un autre médecin ne saurait invalider l’expertise. Il ne s’agissait pas, en effet, de déterminer précisément les affections dont les deux parents pourraient être atteints, mais de se prononcer sur leurs capacités parentales, question à laquelle les experts ont répondu de manière particulièrement détaillée et motivée. Pour le surplus, les experts ont considéré, sur la base de leur analyse, que la sexualité de B______ ne présentait aucune particularité. Il n’existait dès lors aucune raison de procéder à d’autres « expertises spécifiques », contrairement à l’avis exprimé par la recourante.

4.2.2 Les parties sont en litige à tout le moins depuis le début de l’année 2020, période durant laquelle B______ a saisi le Tribunal de protection en indiquant qu’il ne voyait plus ses enfants depuis plus d’un mois. Depuis lors, les mineurs sont mêlés au conflit qui oppose leurs parents, lequel a donné lieu à des procédures tant civiles que pénales et a incité le Tribunal de protection à solliciter une expertise du groupe familial, afin d’être renseigné sur les capacités parentales des deux parents et de définir les éventuelles mesures de protection à prononcer en faveur des mineurs.

Les experts sont parvenus à la conclusion qu’aucun des parents n’est en mesure d’assumer la garde des enfants et qu’il convenait que ceux-ci soient placés dans un foyer, afin qu’ils puissent grandir et se développer dans un contexte neutre, sans conflits et en pouvant se différencier des postures maternelles. Le placement n’a certes pas été facile pour les mineurs et plus particulièrement pour F______, notamment au moment du coucher. Il ressort toutefois du rapport du Service de protection des mineurs du 25 mai 2020 que l’enfant souffrait depuis plusieurs années déjà de terreurs nocturnes. Une partie des angoisses que vit l’enfant est dès lors bien antérieure à son placement en foyer. Contrairement à ce que semble soutenir la recourante, l’on ne saurait considérer que les deux mineurs se portaient bien lorsqu’ils vivaient auprès de leur mère. Les experts ont en effet relevé, s’agissant de F______, une anxiété palpable, ainsi que l’existence d’un conflit de loyauté, lequel contaminait son esprit critique. L’enfant devait également procéder à des ajustements incessants qu’elle exprimait en partie par une difficulté à gérer ses colères, par des symptômes de nature psychosomatique tels que maux de tête ou de ventre et des relations conflictuelles avec les personnes détentrices de l’autorité. Quant à G______, il présentait un retrait social, une inhibition des affects, un retard de langage, une intolérance à la frustration, une « pulsionnalité » (sic) mal régulée teintée d’agressivité et des difficultés dans l’attention soutenue. Ce sont ainsi des enfants en grande difficulté, entravés dans leur bon développement, qui ont été éloignés, à juste titre, de leur milieu familial sur mesures provisionnelles. La mesure prise à ce stade apparaît non seulement adéquate mais également proportionnée. Compte tenu de la virulence du conflit qui oppose les parents, il n’existait en effet pas d’autre mesure moins incisive permettant aux deux mineurs de vivre, en l’état, dans un environnement neutre.

Pour l’instant, la situation ne semble avoir connu aucune évolution positive, qui permettrait de songer à restituer la garde des mineurs à leur mère. Celle-ci persiste en effet à nier que les deux mineurs puissent avoir leurs propres ressentis, différents des siens (cf. notamment la teneur du message adressé à une éducatrice du foyer : « j’ai beaucoup de mal alors eux j’imagine même pas »); elle persiste en outre à parler de la procédure devant les enfants et à tenir des propos inadéquats dirigés contre le père et le système de manière générale, ce qui nécessite qu’elle soit recadrée; elle tient enfin des propos de nature complotiste (« réseaux pédosataniques à Genève »). La recourante a certes indiqué avoir débuté un suivi auprès d’un psychologue, sans fournir de pièce utile sur ce point. Quoiqu’il en soit, un tel suivi doit se poursuivre pendant un certain temps pour porter ses fruits, de sorte qu’il est prématuré d’en attendre d’ores et déjà un effet positif durable.

Il appartiendra désormais au Tribunal de première instance de poursuivre l’instruction de la cause et de déterminer, sur le fond, quelle seront les mesures les plus adéquates pour protéger les enfants sur le long terme. La recourante pourra solliciter, devant le juge du fond, les mesures d’instruction qu’elle estimera utiles, qu’il n’y a pas lieu d’ordonner au stade du recours contre l’ordonnance de mesures provisionnelles, la cause étant en état d’être jugée.

Au vu de ce qui précède, l’ordonnance litigieuse doit être confirmée en tant qu’elle a confirmé le retrait de la garde des enfants à leur mère et maintenu leur placement en foyer.

4.2.3 Le droit de visite et la possibilité de procéder à des appels téléphoniques, tels que réservés à la recourante, paraissent adéquats et n’ont pas fait l’objet de critiques motivées, le recours ne contenant aucune conclusion en modification du droit de visite dans l’hypothèse où le placement en foyer serait maintenu.

4.2.4 Il n’y a pas lieu d’annuler le chiffre 7 du dispositif de l’ordonnance attaquée, le Tribunal de protection ayant fixé le cadre du suivi de la recourante en fonction des conclusions des experts. Si d’aventure le thérapeute de la recourante devait être en désaccord avec le suivi ordonné, il lui appartiendra de le faire savoir au Tribunal de première instance, qui poursuivra désormais l’instruction de la cause.

La recourante sera déboutée de ses conclusions sur ce point.

4.2.5 La recourante étant privée, en l’état, de la garde et du droit de déterminer le lieu de résidence des deux mineurs et ne bénéficiant que d’un droit de visite restreint, devant s’exercer au sein du Point rencontre, la possibilité d’emmener ou de faire emmener les enfants hors de Suisse ne saurait lui être accordée.

Le recours apparaît dès lors infondé sur ce point également.

4.2.6 Le chiffre 10 du dispositif de l’ordonnance litigieuse fait interdiction à la recourante d’approcher à moins de 300 mètres du lieu de vie, de l’école et de la crèche fréquentés par les enfants. Si, certes, depuis le prononcé de l’ordonnance attaquée, il n’apparaît pas que la recourante ait tenté d’approcher de ses enfants en dehors du droit de visite qui lui a été réservé, il se justifie toutefois, sur mesures provisionnelles, de maintenir l’interdiction qui lui a été faite, afin de s’assurer qu’elle continue de s’y conformer. La recourante a en outre fait part à divers intervenants de son souhait de s’établir à l’étranger avec les enfants. Quand bien même rien ne permet de retenir qu’un départ serait imminent, il ne peut être exclu que la recourante, compte tenu notamment de son impulsivité relevée par les experts, puisse anticiper son projet afin de contrecarrer le maintien des enfants en foyer.

Il ne sera par conséquent pas donné suite à la conclusion de la recourante visant à annuler le chiffre 10 du dispositif de l’ordonnance attaquée.

4.2.7 Bien qu’elle ait contesté l’interdiction qui lui a été faite de mentionner l’identité de ses deux enfants sur internet et les réseaux sociaux (chiffre 11 du dispositif de l’ordonnance), la recourante n’a pas suffisamment motivé son recours sur ce point, de sorte qu’il ne sera pas entré en matière plus avant sur celui-ci. Il en ira de même du chiffre 12 du dispositif de l’ordonnance querellée, qui sera maintenu en lien avec l’interdiction formulée au chiffre 11.

4.2.8 En ce qui concerne la curatelle de soins en faveur des deux mineurs, celle-ci sera maintenue. Les enfants présentent tous deux des troubles, décrits dans le rapport d’expertise, qu’il y a lieu de prendre en charge sans tarder. La recourante s’étant montrée peu favorable au suivi institutionnel de ses enfants, il y a lieu de craindre, à défaut de curatelle de soins, qu’elle ne suive pas les recommandations des experts et ce au détriment des mineurs. La procédure a également montré que la recourante a tendance à interrompre les suivis lorsque ceux-ci ne correspondent pas à ses attentes.

La curatelle de soins sera par conséquent confirmée.

4.2.9 Il en ira de même de la curatelle d’organisation et de surveillance du droit de visite, le recours n’étant pas suffisamment motivé sur ce point.

4.2.10 En ce qui concerne enfin l’établissement des documents d’identité des deux enfants, peu importe que l’opposition soit le fait du père ou de la mère. Quoiqu’il en soit, faute d’accord des deux parents, co-détenteurs de l’autorité parentale, pour effectuer les démarches administratives nécessaires, les mineurs resteront dépourvus de documents d’identité, ce qui est contraire à leur intérêt.

La curatelle sera par conséquent maintenue et la recourante déboutée de ses conclusions sur ce point également.

5. La procédure est gratuite s’agissant de mesures de protection de mineurs (art. 81 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre l’ordonnance DTAE/1687/2023 rendue le 2 mars 2023 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/4822/2020.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.