Skip to main content

Décisions | Chambre de surveillance

1 resultats
C/14403/2001

DAS/85/2023 du 24.04.2023 sur DTAE/2633/2023 ( PAE ) , ADMIS

Normes : CC.426
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/14403/2001-CS DAS/85/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU LUNDI 24 AVRIL 2023

Recours (C/14403/2001-CS) formé en date du 17 avril 2023 par Madame A______, actuellement hospitalisée à la Clinique de B______, Unité C______, sise ______, comparant par Me D______, avocat, en l'Etude duquel elle élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 25 avril 2023 à :

- Madame A______
c/o Me D______, avocat
______, ______.

- Madame E______
Monsieur F
______
SERVICE DE PROTECTION DE L'ADULTE
Case postale 5011, 1211 Genève 11.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

Pour information à :

- DIRECTION DE LA CLINIQUE DE B______
______, ______.

- SERVICE DE L'APPLICATION DES PEINES
ET MESURES (SAPEM)
Route des Acacias 78-82, case postale 1629, 1211 Genève 26.


EN FAIT

A. a) A______, née le ______ 1969, est paraplégique à la suite d'une défénestration survenue en février 2003 et se déplace depuis lors en fauteuil roulant.

Sur le plan psychiatrique, elle a fait l'objet de trois expertises établies respectivement en mai 2007, en septembre 2013 et en octobre 2016, desquelles il est ressorti qu'elle souffre d'un trouble de la personnalité avec des traits émotionnellement labiles et des traits narcissiques engendrant des troubles du comportement marqués par de l'auto et hétéro-agressivité, une impulsivité et une intolérance à la frustration auxquelles s'ajoutent des troubles mentaux et du comportement liés à la consommation d'alcool et de dérivés de cannabis.

Elle est au bénéfice d'une curatelle de portée générale confiée à des collaborateurs du Service de protection de l'adulte (ci-après: SPAd).

b) Le 4 décembre 2013, Le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection) a ordonné le placement de A______ à des fins d'assistance auprès de la Clinique de B______.

Pour le Tribunal de protection, l'intéressée avait besoin de recevoir un traitement pour ses addictions ainsi que pour ses troubles psychiques. Un suivi médical régulier ainsi que la prise de neuroleptiques étaient essentiels pour diminuer son agressivité et stabiliser son état psychique. Une assistance concernant les soins à sa personne en lien avec les conséquences de sa paraplégie était par ailleurs nécessaire.

Dans la mesure où A______ refusait toute prise en charge ambulatoire et tout traitement, force était d'admettre que l'assistance personnelle et les soins nécessaires ne pouvaient lui être fournis d'une autre manière que par un placement à des fins d'assistance.

c) Ce premier placement a pris fin par décision du Tribunal de protection du 24 juin 2014, à la faveur d'une stabilisation de l'état de A______, qui avait accepté un traitement neuroleptique par injection et la poursuite des soins ambulatoires.

d) Le 18 octobre 2016, le Tribunal de protection a décidé qu'un nouveau placement à des fins d'assistance de A______, qui se montrait totalement anosognosique de ses affections psychiatriques, était justifié et nécessaire, compte tenu notamment des épisodes de décompensation qui l'exposaient à commettre des actes pénalement répréhensibles ainsi qu'à mettre en danger sa santé somatique. Le placement a été ordonné auprès de l'Unité de psychiatrie hospitalière adulte (UPHA) des HUG.

e) Le 7 avril 2017, le Tribunal correctionnel a déclaré A______ irresponsable pour des faits constitutifs de lésions corporelles simples, de lésions corporelles simples aggravées, de tentative de lésions corporelles simples, de lésions corporelles simples de peu de gravité, de voies de fait et de contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants. Il a ordonné qu'elle soit soumise à un traitement institutionnel au sens de l'art. 59 CP.

f) Par ordonnance du 31 juillet 2017, le Tribunal de protection a prononcé la levée du placement à des fins d'assistance prononcé le 18 octobre 2016 en faveur de la mesure thérapeutique institutionnelle au sens de l'art. 59 CP ordonnée par le Tribunal correctionnel.

A______ a été transférée à la Clinique psychiatrique de B______ le 9 août 2017, unité G______.

g) Le 16 décembre 2020, le Tribunal de protection a de nouveau ordonné le placement à des fins d'assistance de A______ à la Clinique de B______ (DTAE/7545/2020). Cette décision faisait suite au jugement du Tribunal d'application des peines et des mesures (TAPEM) du 18 novembre 2020 ordonnant la libération conditionnelle de l'intéressée de la mesure pénale au sens de l'art. 59 CP, le délai d'épreuve étant fixé à trois ans.

Pour le Tribunal de protection, la Clinique de B______ restait l'institution la plus appropriée pour répondre aux besoins de A______ malgré la limite atteinte du traitement proposé et la mauvaise adaptation des locaux vis-à-vis des besoins spécifiques qu'elle avait du fait de sa paraplégie. Les curateurs étaient dès lors invités à effectuer des démarches en vue de l'admission de leur protégée dans une structure de type établissement médico-social, soit au sein de [l'EMS] H______ ou au sein de l'EMS I______.

h) A______ a été transférée de l'unité G______ à l'unité C______, toutes deux à la Clinique de B______, le 1er mars 2021.

i) Dans le cadre de l'examen périodique de la mesure de placement, les curateurs de A______ ont indiqué au Tribunal de protection, par courrier du 2 septembre 2021, que l'intéressée adhérait aux soins et que ses troubles du comportement s'étaient grandement atténués. Toutefois, elle consommait toujours du cannabis ce qui influait sur son comportement. Elle avait pu obtenir des permissions de sortie deux fois par semaine, de 11h00 à 17h00, et elle respectait les horaires imposés. A______ avait toutefois constamment besoin d'un suivi médical et de soins, y compris somatiques, en raison notamment d'une escarre dans le bas du dos. Le maintien du placement s'imposait.

Selon le rapport du 15 février 2022 de la Docteure J______, médecin cheffe de clinique au Département de psychiatrie adulte des HUG, la situation de A______, qui présentait un trouble délirant, un trouble de la personnalité labile, type borderline, ainsi que des troubles mentaux et du comportement liés à la consommation de cannabis et d'alcool, était stable. Elle collaborait aux soins et acceptait ses traitements sans problème. Elle participait aussi aux activités proposées dans l'unité et ne présentait pas des troubles du comportement importants. A______ bénéficiait de congés à l'extérieur de l'hôpital avec son copain depuis le mois d'août 2021, qui se passaient bien. Elle revenait toujours à l'heure. Elle présentait diverses affections somatiques, liées en particulier à sa paraplégie, et avait besoin d’assistance pour les soins à sa personne.

j) Le Tribunal de protection, siégeant dans sa composition pluridisciplinaire comprenant un médecin psychiatre, a prolongé la mesure de placement par décision du 2 mars 2022.

B. a) Par courrier du 31 octobre 2022, les curateurs de A______ ont informé le Tribunal de protection de ce que l'état de leur protégée se dégradait progressivement, en raison notamment d'une consommation de cannabis jugée problématique.

Les établissements de type EMS approchés refusaient d'accueillir A______, en raison de ses nombreuses pathologies mais aussi de son comportement. En effet, à l'occasion des visites de ces établissements, l'intéressée adoptait des comportements inadéquats et verbalement agressifs, s'énervant à la moindre contrariété.

Aucun lieu de vie ne semblait adapté aux problématiques de A______, l'équipe soignante de la Clinique de B______ n'ayant plus de solutions à proposer.

b) Aux termes d'un rapport du 17 novembre 2022, le Dr K______, médecin adjoint au Service de psychiatrie adulte des HUG, a indiqué que A______ était hospitalisée à l'unité C______ depuis le 1er mars 2021, à la suite de son transfert depuis l’unité des mesures institutionnelles (unité G______). L'hospitalisation avait abouti à une stabilisation de la situation psychiatrique de la patiente, aucun soin supplémentaire n'étant susceptible d'apporter un bénéfice. La consommation de cannabis conservait son potentiel déstabilisateur mais ne pouvait pas être traitée dans un cadre hospitalier. La patiente faisait par ailleurs obstacle à toute possibilité de transfert dans un autre lieu d'hébergement et maintenait des conduites perturbatrices pour le fonctionnement de l'unité et la sécurité des patients. Le placement ne présentait plus d'intérêt clinique et maintenait A______ dans un environnement dont elle tirait parti au détriment d'autres patients et des missions de l'hôpital.

A______ entretenait un commerce de cannabis, pour lequel elle avait été dénoncée au Ministère public.

c) Par décision du 14 décembre 2022, le Tribunal de protection, siégeant dans sa composition pluridisciplinaire comprenant un médecin psychiatre, a constaté que le maintien de la mesure de placement se justifiait.

C. a) Par courrier du 17 janvier 2023, le Dr K______ a informé le Tribunal de protection de ce que A______ poursuivait son commerce de substances psychoactives illicites au sein de la Clinique de B______. Elle avait proposé du cannabis à un autre patient en date du 12 janvier 2023. Il semblait nécessaire d'aménager un espace de discussion pour viser une évolution plus favorable de la situation.

b) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 8 mars 2023, en présence du Dr K______, de représentants du SPAd et du Service d'application des peines et mesures (SAPEM), compétent pour le respect des règles de conduite posées lors de la libération conditionnelle de la mesure pénale.

Pour le Dr K______, la situation de A______ sur le plan psychique était stable sous traitement. Ses consommations de cannabis avaient toutefois des conséquences délétères sur son comportement et perturbaient les collaborateurs et les autres patients. Pour travailler sur son abstinence, un lieu plus contenant et fermé était nécessaire. A______ ne réunissait pas les conditions pour être placée à L______ [psychiatrie pénitentiaire]. Les unités G______ et M______ au sein de la Clinique de B______ étaient les lieux de placement les plus adaptés.

Selon le SAPEM, A______ respectait les règles de conduite assortissant sa libération conditionnelle, qui comprenaient l'obligation d'un suivi psychiatrique et de se soumettre à des tests d'abstinence. Le délai d’épreuve arrivait à échéance le 16 décembre 2023 et pouvait être, le cas échéant, prolongé par le TAPEM.

c) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 29 mars 2023, en présence du Dr K______, de représentants du SAPEM et du SPAd, ainsi que de A______, assistée de son curateur d'office.

A______ a affirmé qu'elle ne consommait que du CBD, qui était autorisé, et pas du THC. Elle a nié se livrer à des transactions de drogue à la Clinique de B______. Elle s'est engagée vis-à-vis du Tribunal à ne pas consommer du cannabis et à ne pas échanger du CBD et du cannabis avec d'autres personnes.

Le Dr K______ a indiqué que la consommation de CBD sous forme de combustion était aussi interdite à la Clinique de B______. Il a précisé que la résistance affichée par A______ était en partie liée à l'anosognosie de son trouble psychiatrique mais également à des éléments caractériels et de personnalité. Un placement même bref à L______ n'était pas susceptible de produire des effets à moyen ou long terme, les effets de l'autorité et du cadre se dissipant après quelques jours. Un milieu cadrant semblait toutefois avoir un meilleur effet sur son comportement.

D. Par ordonnance DTAE/2633/2023 du 29 mars 2023, le Tribunal de protection a ordonné l'exécution du placement à des fins d'assistance institué le 16 décembre 2020 en faveur de A______ [à] L______ (ch. 1 du dispositif), prononcé le sursis à l'exécution du placement à L______ et maintenu l'exécution du placement en la Clinique de B______ (ch. 2) moyennant le respect de diverses interdictions, portant sur la consommation de THC et CBD par voie de fumée, sur toute transaction ou échange avec des tiers de THC et CBD, sur la consommation de médicaments non prescrits et sur les sorties hors domaine sans autorisation du Tribunal de protection (ch. 3). Le Tribunal de protection a invité l'équipe médicale de la Clinique de B______ à lui signaler toute violation des conditions posées au chiffre 3 (ch. 4) et rappelé la gratuité de la procédure (ch. 5).

En substance, le Tribunal de protection a considéré que les troubles de la personnalité borderline et le trouble délirant persistant dont souffrait A______ étaient stabilisés et pouvaient être traités en dehors d'un cadre hospitalier. Toutefois, l'intéressée avait mis en échec tous les projets de transfert vers des établissements de type EMS. Elle était par ailleurs incapable de respecter les règles de l'institution hospitalière qui l'accueillait, mettant en péril la santé d'autres patients en facilitant leur consommation de dérivés du cannabis. Partant, le cadre à la Clinique de B______ n'était pas approprié aussi longtemps qu'elle adoptait de tels comportements, alors qu'il l'était moyennant le respect de certaines conditions. Le seul établissement fermé offrant des soins psychiatriques hospitaliers auprès duquel le Tribunal de protection pouvait ordonner un placement à des fins d'assistance était L______, qui permettrait de mieux contenir A______ tout en lui offrant les soins requis par son état. Toutefois, vu les engagements pris par l'intéressée à l'audience, l'exécution du transfert à L______ était suspendue, moyennant respect de certaines conditions.

E. a) Le 17 avril 2023, A______ a déclaré former recours contre la décision du Tribunal de protection du 29 mars 2023, reçue par son conseil le 5 avril 2023. Elle conclut principalement à son annulation et à la poursuite de l'exécution du placement à des fins d'assistance à la Clinique de B______, selon les modalités en vigueur.

b) Le 20 avril 2023, le juge délégué de la Chambre de surveillance de la Cour de justice a tenu une audience.

A______ a contesté avoir proposé des produits dérivés du cannabis à d’autres patients de la Clinique de B______. Elle prenait ses traitements neuroleptiques, qui lui étaient administrés par voie orale. A pouvoir choisir son lieu de placement, elle souhaiterait résider dans un EMS.

Le Dr N______, chef de clinique à l’unité Sillons II de la Clinique de B______, a exposé que la situation de A______ du point de vue psychiatrique n’était plus aiguë. Cette dernière consommait des produits dérivés du cannabis depuis longue date. Compte tenu de la difficulté de différencier, lors des analyses, la consommation de CBD de celle de produits contenant du THC, il avait pour finir été décidé d’interdire toute consommation de ces substances. Il n’y avait dans le cas de A______ pas d’indication pour un usage de cannabis médical pour soulager ses douleurs chroniques, d'autres traitements étant envisagés.

Concernant la dangerosité de A______, le Dr N______ a indiqué qu’elle n’adoptait pas de comportements hétéro-agressifs.

S’agissant des lieux de placements adaptés à la situation de A______, il avait été envisagé l’unité G______ à la Clinique de B______ de même qu’un transfert dans un EMS, qui n’était toutefois pas possible aussi longtemps que l’intéressée fumait des produits dérivés du cannabis. La dernière prise urinaire mettait en évidence une consommation de THC.

c) A l’issue de l’audience, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge compétent (art. 450 al. 1 CC). Dans le domaine du placement à des fins d'assistance, le délai de recours est de dix jours à compter de la notification de la décision entreprise (art. 450b al. 2 CC).

En l'espèce, le recours a été formé dans le délai utile de dix jours, par la personne concernée par la mesure et devant l'autorité compétente (art. 72 al. 1 LaCC). Il est donc recevable à la forme.

La Chambre de surveillance dispose d’un plein pouvoir d’examen, en fait et en droit (art. 450a al. 1 CC).

2. 2.1.1 Une personne peut être placée dans une institution appropriée lorsqu'en raison de troubles psychiques, d'une déficience mentale ou d'un grave état d'abandon, l'assistance ou le traitement nécessaires ne peuvent lui être fournis d'une autre manière (art. 426 al. 1 CC).

La personne concernée est libérée dès que les conditions du placement ne sont plus remplies (art. 426 al. 3 CC).

La loi exige la réalisation de trois conditions cumulatives à savoir une cause de placement (troubles psychiques, déficiences mentales ou grave état d'abandon), un besoin d'assistance ou de traitement ne pouvant lui être fournis autrement et l'existence d'une institution appropriée permettant de satisfaire les besoins d'assistance de la personne placée ou de lui apporter le traitement nécessaire (Meier/Lukic, Introduction au nouveau droit de la protection de l'adulte, 2011, p. 302, n° 666).

Dans sa décision de placement à des fins d'assistance, le juge doit exposer tout d'abord sur la base de quels éléments de fait le tribunal a retenu l'existence d'un état de faiblesse au sens de l'art. 426 al. 1 CC, à savoir un trouble psychique, une déficience mentale ou un grave état d'abandon (ATF 140 III 101 consid. 6.2.3). La décision de l'autorité doit en outre indiquer, en fait, quel danger concret pour la vie ou la santé de l'intéressé subsisterait dans le cas d'espèce si le traitement ou l'assistance n'était pas mis en œuvre. Le risque de danger pour les tiers peut également être pris en compte (art. 426 al. 2 CC). Ensuite, l'autorité doit déterminer sur la base de ces faits, si, d'un point de vue juridique, une assistance ou un traitement est nécessaire au sens de l'art. 426 al. 1 CC et pourquoi tel serait le cas (ATF 140 III 101 cité). Lorsqu'elle arrive à la conclusion que le traitement, respectivement l'assistance, est nécessaire, l'autorité doit exposer les faits sur la base desquels elle considère que le placement est conforme au principe de proportionnalité, c’est-à-dire pour quel motif une assistance ou un traitement ambulatoire n'est pas envisageable (par exemple parce qu'il est impossible de faire administrer le traitement par des proches de l'intéressé ou parce que l'intéressé n'a pas conscience de sa maladie et de son besoin de traitement; ATF 140 III 101 cité). Enfin, l'autorité doit expliquer pour quelle raison elle considère l'institution proposée comme "appropriée" (ATF 140 III 101 cité).

Cette notion englobe toute la gamme des établissements hospitaliers, des cliniques de jour ou de nuit, des maisons de convalescence, des établissements médico-sociaux, des unités médicales au sein d’autres institutions, y compris, mais à titre vraiment exceptionnel, des établissements pénitentiaires (Guillod, CommFam 2013, n. 67 ad art. 426 CC et les références citées, notamment ATF 112 II 486).

2.1.2 L’établissement L______ est un établissement pénitentiaire fermé avec une prise en charge thérapeutique élevée qui est constitué: de 4 unités de mesures; d’une unité hospitalière de psychiatrie pénitentiaire et d’une unité de sociothérapie (art. 1 al. 1 du Règlement de l’établissement L______ F 1 50.______). La mission de L______ est de détenir des personnes majeures privées de liberté en application du droit pénal et, pour l’unité hospitalière de psychiatrie pénitentiaire, également du droit administratif ou civil, afin qu’elles reçoivent des traitements, des soins psychiatriques ou de sociothérapie (al. 2).

L’unité hospitalière de psychiatrie pénitentiaire est une unité psychiatrique dans laquelle sont dispensés à des fins thérapeutiques des traitements et des soins psychiatriques en milieu carcéral à des patients privés de liberté en application du droit pénal, administratif et civil (art. 18 al. 1 du règlement). L’unité hospitalière de psychiatrie pénitentiaire a pour but de prendre en charge des patients temporairement dangereux pour eux-mêmes ou pour leur entourage, et pour lesquels aucune autre structure moins coercitive n’est adéquate (art. 18 al. 2 du Règlement).

S’agissant des conditions de détention à l’unité hospitalière de psychiatrie pénitentiaire, les dispositions des chapitres II, III et IV du titre III du Règlement de l’établissement L______ sont applicables, sous réserve des situations cliniques des personnes détenues, pouvant nécessiter des aménagements, décidés par le médecin responsable (art. 31 al. 2 du Règlement).

La personne détenue bénéficie d’au moins une heure de promenade par jour dans les lieux réservés à cet usage (art. 36 al. 1 du Règlement). La personne détenue a le droit de recevoir des visiteurs en principe une fois par semaine (art. 54 al. 1 du Règlement). La durée de la visite est, en principe, d’une heure (art. 54 al. 4 du Règlement). La personne détenue peut téléphoner à ses frais au moyen des installations mises à disposition par [l'établissement] L______ dans les limites fixées par le directeur de L______. L’utilisation du téléphone portable est interdite (art. 56 al. 1 du Règlement).

2.2 Dans la décision attaquée, le Tribunal de protection ne s’est pas prononcé sur le principe du maintien de la mesure de placement, ordonnée le 16 décembre 2020 et régulièrement prolongée, en dernier lieu par décision du Tribunal de protection du 14 décembre 2022, mais a uniquement statué sur le lieu de placement, ordonnant le transfert de la recourante à l’Unité hospitalière de psychiatrie L______ tout en suspendant l’exécution de ce transfert.

A juste titre, la recourante, qui souffre de troubles psychiatriques graves, stabilisés grâce aux traitements administrés, ne conteste pas la nécessité du placement à des fins d’assistance, qui est une mesure adéquate et conforme à ses intérêts.

Il reste à déterminer si l’Unité hospitalière de psychiatrie L______ est une institution appropriée au sens de la loi.

Il est admis que des établissements pénitentiaires peuvent, sous certaines conditions restrictives, constituer des lieux de placement adéquats pour des personnes faisant l’objet d’une mesure prise à des fins d’assistance. L’art. 1 al. 2 du Règlement de L______ prévoit par ailleurs spécifiquement l'accueil, au sein de l’Unité hospitalière de psychiatrie pénitentiaire, de personnes privées de liberté en application du droit civil et ce afin qu’elles y reçoivent des soins psychiatriques.

Le séjour dans une unité pénitentiaire doit toutefois demeurer exceptionnel, la Chambre de céans ayant admis le transfert à L______ d’une personne souffrant de troubles délirants, qui avait agressé un patient et des soignants à la Clinique de B______ et qui présentait un risque hétéro-agressif qualifié de très élevé, nécessitant des placements en chambre fermée et un encadrement par des agents de sécurité (cf. DAS/66/2023 du 28 mars 2023).

Dans le cas d’espèce, la recourante ne présente pas de risque de comportements hétéro-agressifs, à tout le moins aussi longtemps qu’elle reçoit ses traitements, qu’elle accepte de prendre dans le cadre contenant de la Clinique de B______, nonobstant son anosognosie. A teneur du dossier, aucun incident d’agression physique sur des patients ou des soignants n’a été signalé et, selon les représentants du SAPEM entendus par le Tribunal de protection, la recourante a jusqu’ici respecté les règles de conduite assortissant sa libération conditionnelle du traitement institutionnel au sens de l’art. 59 CP.

Il résulte de ces considérations que, nonobstant les comportements très problématiques de la recourante observés par les soignants et liés à sa consommation de produits dérivés du cannabis, les conditions restrictives et exceptionnelles justifiant un placement en milieu pénitentiaire ne sont en l’occurrence pas réunies.

L’Unité hospitalière de psychiatrie L______ n’est du reste, selon les médecins, pas un lieu adapté à la situation de la recourante, qui est au demeurant paraplégique et se déplace en chaise roulante, contrairement à d’autres unités de la Clinique de B______, qui offriraient un cadre plus strict. Selon le Dr K______, quand bien même la recourante est sensible à la force de la loi et à l’autorité, les effets d’un séjour à L______ sur ses comportements problématiques se dissiperaient en quelques jours, de sorte qu’un placement même bref ordonné à titre dissuasif sur la base de considérations d’ordre pragmatique n'aurait pas d’effets durables.

Il s’ensuit que la décision entreprise, qui ordonne le transfert à l’Unité hospitalière de psychiatrie L______, tout en suspendant son exécution, doit être entièrement annulée. Le recours s’avère par conséquent bien fondé.

3. La procédure est gratuite (art. 22 al. 4 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 17 avril 2023 par A______ contre l’ordonnance DTAE/2633/2023 rendue le 29 mars 2023 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/14403/2001.

Au fond :

L’admet.

Annule l’ordonnance attaquée.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente ad interim; Monsieur
Cédric-Laurent MICHEL et Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.