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Décisions | Chambre de surveillance

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C/10430/2022

DAS/3/2023 du 10.01.2023 ( ARC ) , REJETE

Recours TF déposé le 15.02.2023, 4A_109/2023
Normes : CO.933.al1; CO.24.al2
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/10430/2022-CS DAS/3/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MARDI 10 JANVIER 2023

Recours (C/10430/2022-CS) formé en date du 30 mai 2022 par la Société A______ SA, ayant son siège social c/o B______ Sàrl, ______ (Genève), comparant par Me Daniel SCHAFER, avocat, en l'Etude duquel elle élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier du 13 janvier 2023 à :

- Société A______ SA
c/o Me Daniel SCHAFER, avocat
Route de Chêne 30, 1211 Genève 6.

- REGISTRE DU COMMERCE
Case postale 3597, 1211 Genève 3.

- DEPARTEMENT FEDERAL DE JUSTICE ET POLICE
Office fédéral de la justice, 3003 Berne.

 

 

 


EN FAIT

A. a) La Société A______ SA est inscrite au Registre du commerce de Genève depuis le ______ 2021 (IDE CHE-1______). Son but social est la détention de l'immeuble sis route 2______ no. ______ à C______ [GE], dont l'affectation est exclusivement commerciale, avec faculté de faire toutes opérations se rapportant directement ou indirectement à son but ou de nature à en favoriser le développement.

Le capital social de la société s'élève à 100'000 fr.

Sa fondatrice est la Société D______ SA, société également sise à Genève.

b) Lors de la fondation de la Société A______ SA, la Société D______ SA a apporté, conformément à un contrat d'apport et de reprise de biens conclu le 22 novembre 2021 par-devant notaire, l'immeuble susévoqué. Sa valeur (vénale) a été arrêtée à 52'190'000 fr., "correspondant à l'actif net" et ressortant d'une expertise annexée au contrat. Cette valeur a été confirmée par un auditeur indépendant.

En contrepartie, la Société D______ SA se voyait remettre 1'000 actions nominatives de 100 fr. chacune, le solde, soit 52'090'000 fr. constituant une créance en sa faveur à l'encontre de la Société A______ SA.

La Société D______ SA a certifié l'exactitude de ces valeurs et l'absence de modification de celles-ci résultant d'un quelconque autre arrangement.

Ces faits ont été inscrits au Registre du commerce, conformément à la réquisition correspondante.

c) Par réquisition du ______ 2022 adressée au Registre du commerce, la Société A______ SA a sollicité une modification de l'inscription concernant la valeur du bien immobilier susmentionné. Elle demandait que la valeur de cet apport soit arrêtée à 49'879'597 fr. 79, en contrepartie duquel étaient remises 1'000 actions nominatives de 100 fr. chacune, une partie du solde en 42'509'528 fr. 10 étant portée au crédit de l'apporteur et les 7'270'069 fr. 69 restants constituant un agio.

Cette demande de modification était fondée sur le fait que la valeur de l'immeuble dans la comptabilité de la Société D______ SA était de 49'819'066 fr. 01. Un ruling fiscal conclu entre celle-ci et l'Administration fiscale cantonale le 1er juin 2021 prévoyait que la valeur comptable devait être prise en compte lors de l'apport effectué par la Société D______ SA lors de la constitution de la Société A______ SA. Il y avait donc eu une erreur au moment de la préparation des documents de fondation, puisque la valeur comptable - et non la valeur vénale - aurait dû être mentionnée. Il avait en outre été omis de mentionner que la Société D______ SA apportait encore des créances pour des loyers à encaisser et des dettes relatives à l'immeuble et qu'une partie du solde de la valeur de l'immeuble devait constituer un agio.

Ayant réalisé leur erreur en décembre 2021, la Société D______ SA et la Société A______ SA avaient donc conclu un avenant au contrat d'apport du 24 novembre 2021.

d) Les 27 janvier et 14 février 2022, l'Office fédéral du registre du commerce (OFRC) a rendu deux préavis négatifs sur la demande d'approbation préalable formulée par le Registre du commerce en lien avec la réquisition du ______ 2022 susmentionnée.

B. Par décisions successives des 28 avril et 3 mai 2022, notifiées les 29 avril, respectivement 4 mai 2022, et dont le contenu est essentiellement similaire, le Registre du commerce a rejeté la réquisition du ______ 2022, avec suite de frais.

Le Registre du commerce a considéré que l'erreur invoquée à l'appui de la demande de modification de l'inscription était une erreur de motifs et qu'il n'était pas habilité à l'examiner à défaut d'être une autorité judiciaire. Les conséquences de l'erreur commise devaient être supportées par les intéressés. L'objet de l'apport en nature et sa valorisation ne pouvaient en outre être modifiés, car, au vu de la foi publique dont jouissait le registre, les créanciers et les tiers s'étaient fondés sur le texte publié. La correction d'une éventuelle erreur dans la valorisation relevait de la responsabilité de l'apporteur. D'ailleurs, la valeur retenue n'apparaissait pas erronée dans la mesure où il s'agissait de la valeur vénale du bien immobilier: la contestation reposait plutôt sur la méthode de calcul de la valeur du bien immobilier (valeur vénale / valeur comptable). La rectification était commandée en outre par l'obligation de respecter un ruling fiscal. Les volontés n'étaient donc pas viciées.

C. a) Par acte expédié le 30 mai 2022 au greffe de la Cour de justice, la Société A______ SA a formé recours contre la décision du 3  mai 2022, respectivement contre celle du 28 avril 2022, concluant à ce que la Cour les annule et ordonne au Registre du commerce de procéder à l'inscription requise le ______ 2022, sous suite de frais judiciaires et dépens.

b) Par réponse expédiée le 21 juillet 2022 au greffe de la Cour de justice, le Registre du commerce a conclu au rejet du recours de la Société A______ SA, sous suite de frais judiciaires.

c) Par avis du 25 juillet 2022, la Cour de justice a informé les parties de ce que la cause était mise en délibération.

 

EN DROIT

1.                  1.1 L'art. 942 al. 1 CO stipule que les décisions du Registre du commerce peuvent faire l'objet d'un recours dans les trente jours qui suivent leur notification, chaque canton devant désigner un tribunal supérieur comme instance unique de recours (art. 942 al. 2 CO).

A Genève, la Cour de justice, soit la Chambre de céans, est l'autorité de recours (art. 126 al. 1 let. d LOJ).

Le recours doit être formé par écrit, contenir la désignation de la décision attaquée, l'exposé des motifs, l'indication des moyens de preuve et les conclusions du recourant (art. 64 et 65 LPA). L'autorité est liée par les conclusions des parties (art. 69 al. 1 LPA).

En l'espèce, le recours a été formé devant l'autorité compétente et selon la forme prescrite par la loi.

En tant que le Registre du commerce a rendu deux décisions successives, ayant le même objet, et que le recours a été déposé dans le délai utile pour recourir contre les deux décisions, il est recevable.

2. 2.1.1 Les apports en nature faits à une société anonyme sont soumis à des conditions strictes prévues par le CO. Sous l'ancien droit, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2022, les dispositions pertinentes étaient notamment les art. 628 aCO (qui prévoyait les indications statutaires nécessaires à un apport en nature) et 634, 635 et 635a aCO (qui prévoyait les formes à respecter, soit notamment l'existence d'un contrat, d'un rapport de fondation et de l'attestation d'un réviseur agréé).

Les formes particulières de libération du capital de la société (apports en nature) ou d'utilisation de ce capital (reprise de biens et avantages) évoquées à l'art. 628 aCO sont importantes pour les futurs créanciers de la société qui doivent pouvoir avoir connaissance de leur utilisation, étant précisé que ces indications doivent, pour partie, figurer au registre du commerce compétent (art. 45 al. 2 ORC; Lombardini / Clemetson, Commentaire Romand - CO II, 2ème éd. 2017, n. 1 et 5 ad art. 628 aCO).

L'art. 628 al. 4 aCO (correspondant à l'actuel art. 634 al. 4 CO) prévoyait que l'assemblée générale de la société anonyme pouvait décider, après dix ans, d'abroger les dispositions statutaires sur les apports en nature ou les reprises de biens.

Même si aucune disposition spécifique ne le précise, la valeur de l'actif apporté est juridiquement et économiquement garantie à la société; une fois constituée celle-ci peut agir en indemnisation contre les cocontractants si la valeur de l'actif se révèle moindre. Dans un tel cas de figure, la société dispose également d'une action contre le ou les fondateurs qui ont libéré leurs actions par le biais de l'apport en nature. En utilisant le mécanisme de l'apport en nature, les fondateurs choisissent une modalité d'exécution de leurs obligations de souscription mais garantissent implicitement que la valeur des apports qu'ils effectuent correspond au montant de leur part dans le capital social. Compte tenu du fait que l'apport en nature s'inscrit dans le contexte de la constitution d'une société anonyme, aucune des parties ne peut, après l'inscription de la société au registre du commerce, invalider le contrat ainsi souscrit (Lombardini, Commentaire Romand - CO II, 2ème éd. 2017, n. 3a et 8 ad art. 635 aCO).

2.1.2 L'office du registre du commerce établit les inscriptions sur la base des réquisitions et des pièces justificatives ou sur la base d'un jugement ou d'une décision, ou il y procède d'office (art. 8 al. 2 ORC).

Le préposé se borne à vérifier le respect des dispositions impératives de la loi qui sont édictées dans l'intérêt public ou en vue de la protection de tiers. Il doit renvoyer à agir devant le juge civil les justiciables qui invoquent des prescriptions de droit dispositif ou concernant uniquement des intérêts privés. Comme la délimitation peut s'avérer difficile, l'inscription ne sera refusée que s'il est manifeste qu'elle est contraire au droit, mais pas si elle repose sur une interprétation plausible de la loi – c'est alors le juge civil qui tranchera (ATF 121 III 368 consid. 2a; 125 III 18 consid. 3b; 132 III 668 consid. 3.1).

2.1.3 A teneur de l'art. 933 al. 1 CO (art. 937 aCO), toute modification de faits inscrits au registre du commerce doit elle aussi être inscrite.

Selon la jurisprudence, une rectification de l'inscription concernant le capital libéré lors de la fondation d'une société anonyme n'est pas prévue par le CO ou l'ORC, même si le Tribunal fédéral a laissé la question ouverte de son admissibilité (ATF 101 Ib 38 consid. 3). Lors de la souscription d'actions, l'acquisition de la qualité d'actionnaire est abstraite; elle se réalise indépendamment de l'acte générateur d'obligation sur lequel elle se fonde. En tout cas, une fois la fondation de la société ou l'augmentation du capital social inscrite au registre du commerce, elle ne peut plus être attaquée pour, par exemple, simulation ou vice de la volonté (ATF 117 II 290 consid. 4c;102 Ib 24 et les références).

Selon une jurisprudence cantonale zurichoise publiée et citée par les parties, la correction subséquente de la valeur d'un apport en nature n'est envisageable que si l'inscription était dès l'origine viciée. Lorsque l'actif est évalué à une valeur différente dans le cadre d'une procédure fiscale, par rapport à la valeur arrêtée d'entente entre les parties au contrat d'apport, il n'existe aucun vice justifiant une rectification (REPRAX 2/2016 pp. 42 et suivantes).

La doctrine est divisée sur le sujet. Certains auteurs admettent, sans plus de développement, que, s'il est constaté que la valorisation des biens apportés est fausse, la correction au registre compétent aura lieu sur la base de nouvelles pièces justificatives correspondantes (Gwelessiani / Schindler, Commentaire pratique de l'Ordonnance sur le registre du commerce, 2ème éd. 2017, n. 194a ad art. 43 ORC). D'autres auteurs considèrent que lorsque la fondation d'une société anonyme ou l'augmentation de son capital sont inscrites au registre du commerce, elles ne peuvent plus être annulées sur simple rectification de l'inscription (art. 643 al. 2; Vianin, L'inscription au registre du commerce et ses effets, 2000, p. 412 et les références citées). Ainsi, lorsqu'un vice de la volonté affecte un contrat d'apport objet d'une réquisition soumise au registre du commerce, non seulement ce vice n'est pas du ressort de l'autorité tenant le registre du commerce, mais les parties ne peuvent que retirer leur réquisition correspondante ou faire bloquer judiciairement le registre, si elles veulent bloquer l'inscription. Le principe de publicité du registre du commerce (art. 933 et 936b CO) et l'effet constitutif de l'inscription empêchent l'inscription d'être annulée à la demande des parties. Les réquisitions de rectification correspondantes devraient être rejetées, car la révocation d'inscriptions au registre créatrices de droits n'est pas à la disposition des personnes concernées (Champeaux, Handelsregisterverordnung (HRegV), 2013, n. 6 ad art. 138 ORC). En effet, dès qu'une augmentation de capital est inscrite au registre du commerce, les créanciers peuvent s'y fier, même si elle est viciée. Il faudrait en tous les cas procéder à une pesée des intérêts entre la protection de la bonne foi des tiers et l'intérêt à ce que l'inscription corresponde à la vérité objective ((Siffert, Berner Kommentar - Das Handelregister, 2021, n. 13 et suivantes ad art. 936b CO).

2.1.4 Selon l'art. 24 al. 2 CO, l'erreur qui concerne uniquement les motifs du contrat n'est pas essentielle. Par opposition à l'erreur de base (ou erreur sur les motifs qualifiée), la simple erreur sur les motivations que le cocontractant n'intègre pas dans le contrat n'est pas une erreur essentielle (par opposition à la motivation qui porte immédiatement sur le contrat). Les raisons extérieures ne visent pas le consentement réciproque des parties mais relève de la motivation personnelle de chacun. Même si le cocontractant en informe le partenaire, le motif ne fait pas partie du contrat, ainsi celui qui achète une montre parce qu'il croit par erreur qu'il a perdu la sienne, ou celui qui achète des actions en vue d'une vague spéculative à la bourse et la voit chuter ne peut faire valoir son motif erroné (Schmidlin/Campi, Commentaire romand - Code des obligations I, 3ème éd. 2021, n. 94 et suivante ad art. 23/24 CO). L'erreur dans l'estimation de la valeur d'une chose ne représente, en général, qu'une simple erreur de motif (Ibid., n. 29 ad art. 23/24 CO). De même, les erreurs de calcul internes (Kalkulationsirrtum, errori di calcolo) concernent la base de calcul de la prestation effectuée par la partie qui, sur cette base, conclut le contrat. Si elle a mal pesé ses intérêts, elle n'a pas commis une erreur de calcul mais une erreur d'évaluation interne de sa prestation qu'elle doit, en tant qu'erreur de motif, assumer elle-même (Ibid., n. 97 ad art. 23/24 CO).

2.2 En l'espèce, la recourante reproche au Registre du commerce d'avoir considéré que son comportement était contradictoire. Le principe de la foi publique n'était pas violé, car l'inscription demandée ne devait avoir d'effet qu'ex nunc: il était par exemple possible de modifier le capital d'une société. La modification d'un fait ne pouvait pas, par définition, violer le principe de foi publique, puisque les tiers ne pouvaient se fier aux inscriptions que tant qu'elles demeuraient au registre. La valeur d'un apport pouvait d'ailleurs fluctuer. En tout état, le capital social, soit 100'000 fr., était couvert: la fondatrice n'avait pas garanti que les valeurs remises valaient 52'190'000 fr. La réquisition de modification améliorait même plutôt la situation de la recourante, puisque sa dette envers son actionnaire unique s'en trouvait diminuée. Une erreur devait être retenue, car les parties s'étaient mal exprimées dans leur contrat d'apport initial: elle souhaitait en réalité intégrer la valeur comptable et non la valeur vénale. Elles s'étaient d'ailleurs référées au ruling fiscal dans leur contrat. Cette erreur devait pouvoir être rectifiée par une modification du registre.

La présente cause est particulière dans la mesure où la question litigieuse ne repose ni sur le montant du capital de la recourante, ni sur sa couverture par l'apport effectué, points qui ne sont pas contestés. Il s'agit ainsi de déterminer s'il est possible à la recourante de requérir une modification de l'inscription effectuée lors de sa fondation quant à la valeur de l'apport fourni par sa fondatrice.

Quoi qu'en dise la recourante il ne saurait être question d'un vice de la volonté dans le contrat d'apport, puisque la valeur (vénale) qui y est indiquée est conforme à la réalité. Il s'agit bien plutôt d'une erreur sur les motifs, qui n'est pas constitutive d'erreur essentielle: la fondatrice apparaît avoir oublié qu'elle devait respecter les termes d'un ruling fiscal et procéder donc à une évaluation différente de celle qu'elle souhaite désormais. Il semble que la recourante entende aussi se prévaloir d'une forme de simulation (art. 18 CO), en invoquant le fait que les deux parties souhaitaient une autre valeur que celle indiquée: aucun fait ne permet cependant de retenir que la volonté des parties était différente de celle exprimée dans l'acte authentique conclu, la valeur y étant indiquée résultant d'une expertise et étant approuvée par un réviseur.

L'attitude de la recourante - et de sa fondatrice avant elle - est donc contradictoire dans la mesure où elle a clairement exprimé la volonté de retenir une valeur vénale de l'apport en nature au moment de sa fondation et où elle souhaite maintenant qu'une autre valeur soit inscrite au Registre du commerce.

Ensuite, l'argumentation selon laquelle la foi publique ne serait pas violée doit être rejetée. La recourante ne peut être suivie lorsqu'elle prétend que la rectification n'aurait qu'un effet ex nunc. A supposer que la valeur de l'apport soit modifiée, il y aurait lieu de considérer que cette valeur modifiée l'a été dès la fondation, puisqu'il n'est pas concevable que le même apport en nature ait, du point de vue des tiers se fiant au Registre du commerce, une certaine valeur pendant les premiers mois d'existence de la société, puis une autre valeur par la suite. Cela reviendrait à violer l'art. 628 CO en autorisant une modification des statuts et du contrat d'apport avant l'échéance du délai de dix ans prévu par la loi. Les parties ne peuvent ainsi plus librement revoir la valeur d'un apport une fois cette valeur inscrite au Registre du commerce. La possibilité de modifier le capital social de la société est sans pertinence, puisque, comme il a été dit supra, le montant du capital et sa couverture par l'apport n'est pas en cause ici.

Le fait que la valeur d'un apport puisse fluctuer n'est pas non plus pertinent pour apprécier la possibilité de requérir la modification de sa valeur inscrite au Registre du commerce. En effet, le fondateur qui fournit un apport s'engage à fournir cet apport représentant une valeur définie. Une fois l'inscription opérée, il ne peut plus se libérer de son obligation, puisque la valeur de l'apport, comme toutes les inscriptions faites au Registre du commerce, a une fonction de protection des tiers de bonne foi. Le formalisme de la fixation de la valeur de l'apport est le corollaire de ce caractère irrévocable de l'engagement pris. Certes, des auteurs prévoient la possibilité de rectifier la valeur de l'apport pour peu qu'elle soit fausse. Tel n'est cependant pas le cas ici, puisqu'il est incontesté, comme cela a déjà été souligné, que la valeur vénale du bien immobilier apporté correspond à celle inscrite au Registre du commerce. Par ailleurs, la recourante ne peut être suivie lorsqu'elle prétend que la valeur du bien apporté est sans incidence tant que le capital social est couvert: cette approche est contredite par la loi, qui prévoit expressément que la valeur de l'apport doit être inscrite au Registre du commerce, et par l'objet de la présente cause, qui porte précisément sur cette question, ce qui démontre son importance.

En définitive, la décision entreprise ne consacre aucun formalisme excessif, ni déni de justice. Peu importe que la recourante se soit rendue compte rapidement ou non de la différence entre la valeur (vénale) de l'apport et la valeur conclue par la fondatrice avec l'administration fiscale. Il est au contraire déterminant que l'inscription au Registre du commerce ait eu lieu sur la base d'un contrat d'apport valable et conformément aux réquisits légaux. Une fois cette étape franchie, les parties au contrat d'apport ne pouvaient plus librement revoir la valeur convenue pour l'apport, ce d'autant moins que cette valeur n'était pas fausse. A retenir le contraire, le formalisme strict permettant l'apport en nature aux fins de libération du capital social serait inutile, puisqu'il pourrait être aisément contourné et modifié par un nouveau contrat conclu par les parties.

En tout état, la pesée des intérêts en présence ne permet pas de retenir un intérêt prépondérant de la recourante à obtenir la modification demandée face aux intérêts susdécrits. Un intérêt de la recourante est d'autant moins évident que le ruling fiscal dont elle se prévaut est au bénéfice de sa fondatrice, personnalité morale distincte de la sienne.

Par conséquent, le recours sera rejeté.

3. L'émolument de décision, arrêté à 1'000 fr., sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 LPA), et compensé partiellement avec l'avance de frais déjà versée, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

La recourante sera ainsi condamnée à payer 500 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 30 mai 2022 par la Société A______ SA contre les décisions rendues les 28 avril et 3 mai 2022 par le Registre du commerce.

Au fond :

Le rejette et confirme les décisions attaquées.

Sur les frais :

Met à la charge de la Société A______ SA un émolument de décision de 1'000 fr., partiellement compensé avec l'avance qu'elle a déjà versée et qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne la Société A______ SA à verser la somme de 500 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à titre de solde d'émolument de décision.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Paola CAMPOMAGNANI et Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.