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Décisions | Chambre de surveillance

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C/8437/2019

DAS/262/2022 du 07.12.2022 sur ACJC/362/2022 ( SDF ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8437/2019-CS DAS/262/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MERCREDI 7 DECEMBRE 2022

 

 

Madame A______, née A______, et Monsieur B______, domiciliés ______, ______ [GE], appelants d'une décision rendue par la Chambre civile de la Cour de justice le 8 mars 2022, comparant par Me Geneviève CARRON, avocate, en l'Etude de laquelle ils élisent domicile.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le présent arrêt est communiqué aux appelants et à Madame C______, par plis recommandés du 15 décembre 2022 et à la Chambre civile de la Cour de justice, par pli interne du même jour.


EN FAIT

A.           a) B______, né à D______ (Sénégal) le ______ 1948, originaire de E______ (Genève), et A______, née A______ [nom de famille] le ______ 1947, originaire de F______ (Vaud), se sont mariés le ______ 1997.

b) Par décisions des 20 et 21 mai 2004, la direction cantonale de l'état civil a autorisé B______ à changer de nom et modifié ses données personnelles, en ce sens que ce dernier se nommait désormais B______ et n'était plus né au Sénégal mais à G______ (Guinée).

A______, née A______, a également changé de nom, portant depuis lors le patronyme B______, née A______.

c) De leur union est issue une fille, H______, née le ______ 1989 et décédée le ______ 2015.

d) Le 15 avril 2008, B______ a reconnu en Guinée l'enfant W______, née hors mariage le ______ 2008, domiciliée en Guinée, de nationalité guinéenne.

e) A______, née A______, a deux enfants majeurs d'une précédente union, I______, née le ______ 1968 et J______, né le ______ 1973.

f) C______, née le ______ 1992 à K______ (Guinée Bissau), de nationalité guinéenne, est la fille de L______, né le ______ 1952, de nationalité guinéenne, et de M______, décédée en Guinée Bissau le ______ 2006.

B. a) Par requête déposée au greffe de la Cour civile le 5 avril 2019, B______ et A______ ont sollicité le prononcé de l'adoption par eux-mêmes de la majeure C______.

A l'appui de leur requête, ils ont allégué que cette dernière vivait avec eux depuis que son père avait quitté la Suisse il y a plus de sept ans et leur avait alors confié sa fille pour permettre à celle-ci de poursuivre ses études en France. Disposant d'un visa étudiant, elle fréquentait un lycée français en région frontalière jusqu'à l'obtention de son baccalauréat. Ils s'étaient attachés à elle et la considéraient comme leur propre fille. Elle les comblait de joie, était intégrée et partageait leur vie. Elle participait à l'éducation de leur fille, qui la considérait comme sa grande sœur. Elle était entrée légalement en Suisse avec son père diplomate; il serait dangereux pour elle qu'elle soit renvoyée chez elle.

b) C______ a consenti à son adoption par les requérants par courrier du 19 mars 2019. Elle a déclaré avoir été domiciliée et scolarisée en France lorsque son père était en poste à Genève, poursuivant ses études en France après son départ. Elle passait tous ses jours de congés chez les époux A______/B______, auxquels elle était très attachée et qu'elle considérait comme ses parents. Un lien fraternel la liait à la fille de B______. Avec l'éducation qu'elle avait reçue de cette famille, elle s'était intégrée au mode de vie suisse. Elle avait beaucoup plus d'affinité avec la Suisse dans la mesure où elle y avait tous ses amis, ses repères et ses relations, et ne se voyait pas vivre ailleurs.

c) Le 15 avril 2019, A______ et B______ ont été invités à déposer au greffe de la Chambre civile des pièces complémentaires, soit diverses attestations de domicile, documents d'état civil, le certificat de décès de la mère biologique de C______, ainsi que tout document utile permettant d'établir que celle-ci a vécu au moins un an avec eux en communauté domestique en attirant leur attention que les critères permettant l'adoption d'une personne majeure étaient appliqués strictement.

d) Dans le délai qui leur avait été imparti à cet effet, ils ont produit les attestations de domicile établies par l'Office cantonal de la population et des migrations pour A______ et B______.

e) C______ n'a pas pu fournir d'attestation de domicile émanant de l'Office cantonal de la population.

Dans son courrier du 29 juin 2021, elle a exposé qu'elle avait été inscrite auprès de cette autorité jusqu'en 2012-2013, n'avait par la suite plus bénéficié d'autorisation de séjour en Suisse en raison du retour de son père en Guinée en 2013, avait dû finir ses études et fréquentait la famille A______/B______, qui poursuivait son éducation. Elle s'était rapprochée de cette famille au départ de son père. A______ était pour elle une mère de substitution. Il ne lui était plus possible de rentrer en Guinée avec son père.

f) I______ et J______, enfants de A______, ont, par courrier du 14 mars 2019, donné leur accord au projet de leur mère d'adopter C______.

g) L______, père biologique de C______, a donné son consentement à l'adoption de sa fille par les requérants par courrier du 16 janvier 2019.

h) Le 16 novembre 2021, l'Office cantonal de la population a fourni à la requête de la Cour des précisions quant à l'identité des adoptants et des membres de leur famille.

C. Des différentes pièces produites par les époux A______/B______ et par C______ ressortent les éléments suivants:

a) L______ a été affecté à la représentation diplomatique de la République de W______ à Genève de 2007 à 2013. Il est venu en Suisse accompagné de sa fille C______, qui a bénéficié d'une carte de légitimation délivrée par le Département fédéral des affaires étrangères. Cette autorisation lui a été retirée lorsque son père a quitté Genève en 2013.

b) L______ et B______ partagent des liens d'amitié. Dès son arrivée à Genève avec son père, C______ a fréquenté la famille A______/B______.

c) Bénéficiant d'une autorisation dérogatoire de séjour en France en qualité d'étudiante, elle a suivi sa scolarité en internat au lycée N______ à O______ (France), et a obtenu un brevet d'études professionnelles puis un baccalauréat professionnel, délivrés à P______ les 14 octobre 2013 et 20 octobre 2015.

d) C______ a déposé différentes attestations de proches, soit de Q______, de T______ et R______ ainsi que de S______, aux termes desquelles C______ résidait chez les époux A______/B______ depuis de nombreuses années.

e) C______ a travaillé comme assistante animatrice auprès d'un atelier de langues à Genève de septembre 2010 à juin 2011.

Elle a bénéficié de soins médicaux auprès des Hôpitaux universitaires de Genève en août 2013 et en octobre 2014.

Diverses factures médicales lui ont été envoyées à l'adresse des époux A______/B______ en novembre 2017, juillet 2018 et avril 2020. Une facture émanant des Transports publics genevois lui a été envoyée à leur adresse en mai 2016.

D. Par décision ACJC/362/2022 rendue le 8 mars 2022, la Chambre civile de la Cour de justice a rejeté la requête en adoption formée par A______ et B______.

La Chambre civile a retenu que C______ était domiciliée en France durant la période d'accréditation de son père à Genève, jusqu'en 2013, qu'elle est restée domiciliée en France au bénéfice d'une autorisation dérogatoire française aux fins d'y terminer ses études et qu'elle a obtenu deux diplômes de fin d'études à P______ [France] en 2013 et 2015. Les factures relatives à des frais de santé qui lui étaient envoyées à l'adresse des requérants ne permettaient pas de considérer qu'elle était effectivement domiciliée chez ces derniers, ni d'admettre la création de liens quasi-filiaux entre les parties. Il en allait de même des déclarations des enfants de la requérante, qui ne suffisaient pas à retenir l'existence de tels liens. L'institution de l'adoption de personnes majeures n'était enfin pas destinée à contourner les règles sur le séjour et l'établissement des étrangers en Suisse.

E. a) Par acte expédié à la Cour de justice le 28 mars 2022, A______ et B______ ont appelé de cette décision, qu'ils ont reçue le 18 mars 2022. Ils concluent à l'annulation de cette décision et au prononcé de l'adoption requise.

Ils ont allégué des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles. Ils ont par ailleurs sollicité leur propre audition, celle de C______ ainsi que des témoins Q______, T______, R______, S______ et V______.

b) Invités à se déterminer sur le courrier adressé par l'Office cantonal la population à la Chambre civile le 16 novembre 2021, les appelants ont déposé des observations et pièces nouvelles en date du 25 août 2022.

c) Ils ont été informés de ce que la cause était gardée à juger par avis du greffe du 16 novembre 2022.

EN DROIT

1. Déposé dans les délai et forme prescrits par la loi (art. 308 al. 1 let. a, 311 et 314 al. 1 CPC), auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice, en conformité des principes posés par le Tribunal fédéral le temps que l'organisation judiciaire soit adaptée aux exigences de double instance prévues par l'art. 75 al. 2 LTF (Arrêt du Tribunal fédéral 5A_243/2017 du 15 mai 2017 consid. 2.2; ATF 139 III 252 consid. 1.6), l'appel est recevable.

2. La procédure d'adoption relève de la juridiction gracieuse. La procédure sommaire s'y applique (art. 248 let. e CPC) et la cause est soumise à la maxime inquisitoire simple (art. 248 let. c et 255 let. b CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_636/2018 du 8 octobre 2018, consid. 3.3.2).

La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

3. Les appelants ont allégué des faits nouveaux, déposé des pièces nouvelles et sollicité leur audition, ainsi que celle de C______.

3.1 A teneur de l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

L'art. 317 al. 1 CPC règle de manière complète et autonome la possibilité pour les parties d'invoquer des faits et moyens de preuve nouveaux en appel, sans distinguer les cas où le juge établit les faits d'office; la procédure d'appel ne vise pas à compléter la procédure de l'instance précédente, mais à vérifier et à corriger le jugement de première instance à la lumière de griefs concrets (ATF 142 III 413 consid. 2.2.2, in SJ 2017 I 16, ATF 138 III 625 consid. 2.2, in SJ 2013 I 94; arrêt du Tribunal fédéral 5A_636/2018 du 8 octobre 2018, consid. 3.3.3).

Tous les faits et moyens de preuve doivent ainsi en principe être apportés dans la procédure de première instance. Pour produire des novas improprement dits devant l'instance d'appel, il appartient au plaideur de démontrer qu'il a fait preuve de la diligence requise, ce qui implique notamment d'exposer précisément les raisons pour lesquelles le moyen de preuve n'a pas pu être produit en première instance. La diligence requise suppose donc qu'au stade de la première instance déjà, les parties exposent l'état de fait de manière soigneuse et complète et qu'elles amènent tous les éléments propres à établir les faits jugés importants (arrêts du Tribunal fédéral 5A_117/2016 du 9 juin 2016 consid. 3.2.1; 5A_266/2015 du 24 juin 2015 consid. 3.2.2; 4A_334/2012 du 16 octobre 2012, consid. 3).

Les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC sont applicables même lorsque la cause est soumise à la maxime inquisitoire simple (ATF 142 III 413 consid. 2.2.2; 138 III 625 consid. 2.2; arrêt 5A_788/2017; arrêt du Tribunal fédéral 5A_636/2018 du 8 octobre 2018, consid. 3.3.3).

3.2 En l'espèce, les pièces nouvelles produites par les appelants devant la Chambre de surveillance sous pièces 4 à 8, 11 à 15, 18 et 19 de leur chargé sont toutes antérieures à 2016, et les appelants n'exposent pas les raisons pour lesquelles ils auraient été empêchés de les soumettre aux premiers juges. Ces pièces, ainsi que les allégués s'y rapportant, ne sont en conséquence pas recevables en appel.

Il en va de même de l'attestation de V______, produite par les appelants sous pièce 20 de leur chargé, qui certes, est datée du 25 mars 2022, mais porte sur des faits antérieurs au dépôt de la requête en adoption, de sorte que les appelants auraient pu la produire devant la Chambre civile en faisant preuve de diligence.

En revanche, les pièces produites par les appelants à l'appui de leurs observations du 25 août 2022 sont recevables, dans la mesures où elles ont été produites dans le cadre de leurs déterminations sur le courrier adressé par l'Office cantonal de la population et des migrations à la Chambre civile le 16 novembre 2021.

Il ne sera enfin pas donné suite à la requête des appelants tendant à leur audition, à celle de C______ et du témoin V______, formulée pour la première fois dans la procédure d'appel alors qu'elle aurait pu être sollicitée devant les premiers juges.

4. Les appelants reprochent à la Chambre civile d'avoir violé leur droit d'être entendus en refusant de procéder à leur propre audition, d'entendre leurs témoins et de leur donner la possibilité de se déterminer sur les éléments transmis par l'Office cantonal de la population, et d'avoir de la sorte violé leur droit d'être entendus.

4.1.1 Garanti aux art. 29 al. 2 Cst et 53 CPC, le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur sujet (ATF 135 II 286 consid. 5.1; 135 I 187 consid. 2.20; 129 II 497 consid. 2.2).

Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne l'annulation de la décision attaquée, sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2). Toutefois, une violation pas particulièrement grave du droit d'être entendu peut exceptionnellement être réparée si l'intéressé peut s'exprimer devant une instance de recours ayant libre pouvoir d'examen en fait et en droit. Ce moyen doit être examiné avec un plein pouvoir d'examen (arrêt du Tribunal fédéral 5A_540/2013 du 3 décembre 2013 consid. 3.3.1; ATF 127 III 193 consid. 3).

4.1.2 Le droit d'être entendu ne s'oppose pas à ce que l'autorité mette un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction (arrêt du Tribunal fédéral 5A_12/2013 du 8 mars 2013 consid. 4.1). Le droit à la preuve confère au justiciable le droit de faire administrer les moyens de preuve adéquats qu'il propose régulièrement et en temps utile à l'appui de faits pertinents pour le sort du litige (ATF 140 I 99 consid. 3.4; 133 III 295 consid. 7.1; 129 III 18 consid. 2.6). Ce droit à la preuve n'est pas mis en cause lorsque le juge, par une appréciation anticipée, arrive à la conclusion que la mesure requise n'apporterait pas la preuve attendue, ou ne modifierait pas la conviction acquise sur la base des preuves déjà recueillies (ATF 143 III 297 consid. 9.3.2; 141 I 60 consid. 3.3; 138 III 374 consid. 4.3.2).

4.2 En l'espèce, les appelants n'ont pas eu l'occasion de se déterminer sur le courrier que l'Office cantonal de la population et des migrations a adressé à la Chambre civile le 16 novembre 2021 avant que leur requête d'adoption ait été rejetée par décision du 8 mars 2022. Leur droit d'être entendus n'a donc pas été respecté à cet égard. Cette violation a toutefois été réparée, puisque le courrier de l'Office cantonal de la population et des migrations leur a été transmis et qu'ils se sont déterminés à ce sujet par écriture du 25 août 2022 dans le cadre de la procédure d'appel devant la Chambre de surveillance, qui dispose d'une cognition complète.

Les appelants se plaignent par ailleurs de ce que la Chambre civile n'a pas procédé à l'audition des témoins Q______, T______ et R______ et S______, dont les attestations écrites datées du 25 mai 2021 ont été produites en première instance. Comme il sera examiné ci-après au considérant suivant, l'appréciation anticipée des preuves conduit à retenir que l'audition de ces témoins n'aurait eu aucune incidence sur l'issue de la procédure au regard de l'ensemble des éléments au dossier. La décision de la Chambre civile de renoncer à entendre ces témoins ne viole dès lors pas le droit d'être entendus des appelants.

5. Les appelants font par ailleurs grief à la Chambre civile d'avoir refusé l'adoption requise en retenant que leur requête avait pour seul objectif de détourner la loi et permettre à C______ de rester en Suisse, sans examiner si les conditions de l'adoption étaient remplies.

5.1.1 Selon l'art. 266 al. 1 CC, une personne majeure peut être adoptée si elle a besoin de l'assistance permanente d'autrui en raison d'un infirmité physique, mentale ou psychique et que le ou les adoptants lui ont fourni des soins pendant au moins un an (ch. 1), lorsque, durant sa minorité, le ou les adoptants lui ont fourni des soins et ont pourvu à son éducation pendant au moins un an (ch. 2) ou pour d'autres justes motifs, lorsqu'elle a fait ménage commun pendant au moins un an avec le ou les adoptants (ch. 3).

L'art. 266 al. 1 ch. 3 CC pose ainsi comme conditions à l'adoption l'existence de justes motifs ainsi que d'une communauté domestique entre l'adoptant et la personne majeure durant une année au minimum. Ces conditions sont cumulatives (arrêts du Tribunal fédéral 5A_962/2019 consid. 4.3.2, 5A_636/2018 du 8 octobre 2018, consid. 4.3.2).

5.1.2 La notion de ménage commun implique que les personnes considérées vivent sous le même toit et mangent à la même table; c'est de cette vie en commun que doivent procéder naturellement et par des contacts quotidiens les relations personnelles et une connaissance mutuelle d'autant plus étroite et solide que cette communauté se prolonge. Le ménage commun suppose une relation personnelle d'une certaine intensité; le seul fait de partager des locaux, comme dans un rapport de sous-location, ne suffit pas.  On ne peut exiger une continuité absolue; des absences occasionnelles pour cause d'études, de service militaire, de voyages professionnels laissent subsister la communauté domestique pour autant toutefois qu'elle se reforme naturellement dès que la cause d'interruption cesse; en revanche, on ne saurait conclure à son existence du seul fait que le majeur passe ses week-ends ou ses vacances avec ses adoptants, ou encore qu'il leur rend visite de temps à autre (arrêt du Tribunal fédéral 5A_962/2019 du 3 février 2020, consid. 4.3.2).

5.1.3 La notion de justes motifs doit être comprise comme l'existence d'autres éléments que ceux prévus aux chiffres 1 et 2 de l'art. 266 al. 1 CC, démontrant qu'une relation affective particulièrement forte lie le majeur à la personne désireuse de l'adopter. Les chiffres 1 à 3 de cette disposition présupposent tous trois une relation particulièrement solide et étroite liant l'adoptant à l'adopté, ainsi que l'existence d'une aide et attention en principe quotidienne relevant de la solidarité familiale, de sorte que les "autres justes motifs" du chiffre 3 sont dans leur nature comparables aux circonstances justifiant l'adoption d'un majeur au sens des chiffres 1 et 2. Les liens affectifs unissant le ou les adoptant(s) et l'adopté doivent être suffisamment étroits pour que leur relation puisse être assimilée à une filiation naturelle. La relation liant les protagonistes doit être perçue et vécue par eux comme une relation de nature filiale. Le fait que les parents adoptifs aient assuré directement et personnellement une assistance importante et des soins à l'adopté ou inversement peut en particulier parler en faveur de l'existence d'un tel lien. Une relation personnelle étroite n'est à elle seule pas suffisante. Des motivations purement successorales, fiscales ou relevant du droit d'établissement ne constituent pas un juste motif à l'adoption d'un majeur (arrêt du Tribunal fédéral 5A_126/2013 du 13 juin 2013, consid. 4.1)

Quand bien même le législateur a assoupli les conditions posées à l'art. 266 al. 1 CC, il n'en demeure pas moins que, compte tenu de sa nature et de ses effets, l'adoption d'une personne majeure présuppose l'existence de liens suffisamment étroits et vécus pour créer la justification d'un lien de filiation et permettre ainsi de s'assurer que l'institution n'est pas utilisée à des fins étrangères à son but (arrêt du Tribunal fédéral 5A_962/2019 du 3 février 2020, consid. 4.3.2).

5.2.1 En l'espèce, C______ est arrivée en Suisse avec son père en 2007 lorsque ce dernier a été affecté à la représentation diplomatique de la République de Guinée à Genève. Elle a bénéficié d'une carte de légitimation pour séjourner en Suisse jusqu'à ce que son père quitte Genève en 2013. Bénéficiant d'une autorisation dérogatoire de séjour en France comme étudiante, elle a poursuivi sa scolarité en internat dans un établissement scolaire situé à O______ (France), dans la zone frontalière à proximité de Genève, jusqu'à l'obtention d'un brevet d'études professionnelles puis qu'un baccalauréat professionnel délivrés respectivement en 2013 et 2015. Les appelants et C______ ont indiqué que lorsque celle-ci était scolarisée en internat, elle fréquentait alors les appelants les week-ends, jours de congé et durant les vacances. Même à supposer qu'ils soient démontrés, ces allégués ne permettent pas de retenir l'existence d'une communauté domestique, qui suppose des relations personnelles au quotidien, des contacts en fin de semaine n'étant à cet égard pas suffisants au sens de la jurisprudence rappelée ci-avant.

Les appelants ont par ailleurs allégué que C______ vivait avec eux depuis plus de sept ans, et celle-ci a produit des attestations de proches, soit de Q______, de T______, de R______ et de S______, aux termes desquelles elle résidait chez les époux A______/B______ depuis plusieurs années. Il ressort des autres pièces produites que C______ a travaillé dans un atelier de langues à Genève entre septembre 2010 et juin 2011, que des factures médicales lui ont été envoyées à l'adresse des appelants en novembre 2017, juillet 2018 et avril 2020, et qu'une facture émanant des Transports publics genevois lui a été envoyée à l'adresse des appelants en mai 2016. Même à supposer que les témoins dont les appelants ont requis l'audition confirment le contenu de leurs attestations écrites et que leurs témoignages conduisent à retenir que C______ ait vécu au domicile des appelants pendant plus d'une année, une telle cohabitation ne permettrait pas encore d'admettre qu'ils aient formé une communauté de toit et de table comme l'exige l'art. 266 al. 1 CC. L'absence de toute pièce, photographie ou autre indice témoignant de moments, d'événements, de fêtes ou de voyages qu'ils auraient partagés ensemble comme une famille durant ces dix dernières années ne permet pas à la Chambre de céans de se convaincre que les appelants et C______ auraient formé une réelle communauté domestique en partageant une vie de famille au quotidien.

5.2.2 Il en va de même de l'existence de justes motifs que la loi exige pour le prononcé de l'adoption. Les appelants ont expliqué que C______ leur avait été confiée par son père lorsqu'il avait quitté la Suisse en 2013, afin que cette dernière puisse terminer sa formation, qu'ils s'étaient attachés à elle et la considéraient comme leur "fille de cœur". Même à retenir que les appelants ont accueilli et soutenu C______ lorsqu'elle est arrivée en Suisse, l'aide ainsi proposée par l'appelant à la fille de son ami d'enfance retourné au pays apparaît s'inscrire dans les relations d'amitié entre l'appelant et L______, sans que l'on puisse pour autant en déduire qu'il existe des liens d'affection de nature quasi-filiale entre les appelants et C______. Enfin, le fait que l'adoption a été requise alors que C______ ne bénéficiait plus d'aucune autorisation de séjour en Suisse, que cette dernière a indiqué s'être intégrée au mode de vie suisse, y avoir tous ses amis, repères et relations et ne pas se voir vivre ailleurs et ne pas pouvoir envisager de retourner en Guinée, et que les appelants ont quant à eux estimé qu'il était dangereux pour elle de retourner chez elle en Guinée, donnent à penser que les raisons ayant conduit ces derniers à solliciter l’adoption tiennent davantage de la régularisation de C______ au regard de la police des étrangers que du seul établissement d'un lien de filiation.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, conduisent la Chambre de céans à considérer, à l'instar de la Chambre civile, qu'il n'existe pas, dans le cas d'espèce, de motifs justifiant que la relation entre les appelants et C______ soit assimilée à des liens de filiation.

5.2.3 Les conditions posées par l'art. 266 al. 1 ch. 3 CC ne sont dès lors pas remplies. Les appelants ne soutiennent pas que les autres cas d'adoption prévus par l'art. 266 CC seraient réalisés. C'est, partant, à raison que la Chambre civile a refusé de prononcer l'adoption requise.

 

La décision entreprise sera donc confirmée.

6. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 1'000 fr. et mis à la charge des appelants, qui succombent (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève. (art. 111 al. 1 CPC).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé le 28 mars 2022 par A______, née A______, et B______ contre la décision ACJC/362/2022 rendue le 8 mars 2022 par la Chambre civile de la Cour de justice dans la cause C/8437/2019.

Au fond :

Confirme cette décision.

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'000 fr., les met à la charge de A______ et B______, solidairement entre eux, et les compense avec l'avance de frais versée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Monsieur Patrick CHENAUX et Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 2 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.