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Décisions | Chambre de surveillance

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C/12418/2019

DAS/200/2021 du 01.11.2021 sur DTAE/1113/2021 ( PAE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/12418/2019-CS DAS/200/2021

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU LUNDI 1ER NOVEMBRE 2021

 

Recours (C/12418/2019-CS) formé en date du 1er avril 2021 par Monsieur A______, sans domicile connu, comparant par Me B______, avocate, en l'Etude de laquelle il élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 4 novembre 2021 à :

 

- Monsieur A______
c/o Me B______, avocate.
______, ______.

- Madame C______
______, ______.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.           a) Le 22 mai 2019, le Service de protection des mineurs (ci-après : SPMi) a effectué un signalement au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection) concernant le mineur A______, né le ______ 2001, originaire de Genève. Ce dernier, proche de la majorité, était suivi depuis de nombreuses années par ledit service. Après avoir été placé chez son arrière-grand-mère (2004), en famille d’accueil (2013), au foyer D______ (avril 2018), il avait intégré le foyer E______ le 19 septembre 2018, avec pour objectifs la préparation à sa majorité (inscription en Résidence, Point Jeunes, etc.), son autonomie, sa formation, ainsi que l’abstinence à la consommation de stupéfiants. Le SPMi s’inquiétait pour l’avenir du jeune homme qui ne participait et ne collaborait pas aux objectifs qu’il se fixait et ne tenait pas les engagements qu’il prenait. Il allait, de surcroît, disposer à sa majorité d’une somme d’argent importante sur laquelle il comptait pour vivre. Toutefois, il lui était difficile d'effectuer des démarches administratives. Le SPMi sollicitait du Tribunal de protection qu’il institue dès sa majorité une curatelle de représentation et de gestion en faveur de l’intéressé et lui nomme un curateur de représentation dans la procédure.

b) Par ordonnance du 4 juin 2019, le Tribunal de protection a désigné B______, avocate, en qualité de curatrice de représentation de A______.

c) Le 17 juin 2019, le foyer E______ a adressé au Tribunal de protection le rapport sollicité par celui-ci. Il en ressort, outre ce qui avait déjà été exposé par le SPMi que, très vite, les intervenants du foyer s’étaient aperçus que le jeune homme ne cherchait pas un projet de vie normalisant et cultivait une certaine marginalité. Les intervenants du foyer étaient prêts à l’accompagner dans un projet alternatif, tant que celui-ci était construit. Il avait débuté l’année scolaire en étant inscrit à la formation "M______", mais n’y était plus retourné après Noël 2018. Il était très preneur de l’atelier musique mais non des moments de discussion autour de son avenir. Il avait quitté cette formation et, pendant trois mois, avait rencontré régulièrement et avec investissement une personne spécialisée dans l’insertion scolaire et professionnelle, sans que cela n’aboutisse pour autant sur un projet concret. Il s’était inscrit aux ateliers O______, après des semaines de "mise sous pression" de la part du foyer et du SPMi, afin qu’il puisse développer quelques compétences métier, qui pourraient lui être utiles pour l’avenir et voir s’il pouvait tenir une activité sur la durée. Il s’y était rendu assez régulièrement, puis à nouveau plus du tout. Il était de plus en plus discret et absent du foyer, peinait à avoir une hygiène minimale et semblait consommer des stupéfiants. Il admettait qu’il dépensait très vite son argent, ce qui inquiétait les intervenants qui l’entouraient, dès lors qu’il allait percevoir à sa majorité une somme d’argent importante. Il peinait à faire des démarches administratives. Il avait un bordereau d’impôts à payer depuis 5 mois, dont il ne s’inquiétait pas. A______ était passé d’une idée à une autre sans rien concrétiser pour son avenir. Il disait que Point Jeunes pourrait l’aider à sa majorité mais n’avait vu qu’à une seule reprise sa référente dans cette structure. Il attendait sa majorité sans qu’il soit possible de travailler avec lui.

d) Le Tribunal de protection a fixé une audience le 20 août 2019.

A______ a indiqué qu'auparavant il souhaitait partir voyager dès qu'il aurait atteint la majorité mais que la réalité l'avait rattrapé. Il songeait à trouver un logement à Genève et y rester au moins un an. Les diverses propositions d'accompagnement n'avaient pas abouti, dès lors qu'il s'était senti exploité de travailler pour 10 fr. par jour [aux ateliers] O______ et avait arrêté de travailler. Il souhaitait travailler [aux grands distributeurs] H______ ou I______. Il ne comptait pas forcément utiliser l'argent qui lui appartenait à sa majorité, ou alors pour voyager, ou pour réaliser un projet de communauté autogérée; il s'intéressait à la permaculture et avait déjà aidé dans le jardinage. Il pensait aller habiter chez sa grand-mère à sa majorité. Son intention était de trouver un travail, de gagner un peu d'argent et d'entreprendre ensuite un voyage. Il ne souhaitait pas vivre à Genève avec le capital détenu par le SPMi.

F______, intervenante auprès du SPMi, a indiqué que A______ était titulaire de la somme de 5'000 fr. sur un compte courant auprès du SPMi, de 4'800 fr. sur un compte épargne [auprès de la banque] L______ et 64'000 fr. sur un compte réserve [auprès de] L______. Elle estimait que le compte bancaire de l'intéressé pouvait être bloqué, dès lors qu'il souhaitait travailler et n'en aurait pas besoin.

G______, intervenant au foyer E______, avait constaté que A______ avait tendance à dépenser rapidement l’argent (310 fr.) qui lui était mis à disposition chaque mois, sans pouvoir épargner, alors qu’il en avait manifesté le souhait. Il craignait ainsi qu’il ne dépense assez vite, à sa majorité, l’argent auquel il aurait accès, même s’il était capable de vivre avec peu. Il n’avait pas tendance à signer des contrats mais pouvait être loyal avec ses amis et leur mettre à disposition de l’argent pour des projets qu’on lui présentait. Il n’était pas tout-à-fait dans la réalité s’agissant de la concrétisation de projets qui lui tenaient à cœur. Il avait toujours rassuré l'équipe éducative sur l’utilisation de cet argent, en apportant souvent de bonnes réponses mais aucune réelle avancée n'avait été constatée. A______ avait de la peine à se projeter à terme et manquait de rigueur. G______ était inquiet du risque de précarisation du jeune homme une fois le montant mis à disposition utilisé. Il était difficile pour lui d’entreprendre des démarches et de demander de l’aide. Il n’avait pas confiance dans les institutions et la société.

La curatrice de représentation n’était, pour sa part, pas convaincue que les conditions nécessaires à l’instauration d’une mesure de protection soient réunies.

e) Par ordonnance du 20 août 2019, le Tribunal de protection a renoncé à instaurer une curatelle à la majorité de A______ mais a ordonné le blocage en mains de L______ du compte épargne jeunesse ouvert au nom de l'intéressé.

Il a considéré que, si le concerné faisait preuve d’une certaine immaturité, il n’était pas possible à ce stade de retenir une déficience mentale, des troubles psychiques ou un autre état de faiblesse, le mettant à risque de se retrouver dans l’immédiat dans une situation incompatible avec la dignité humaine au sens de la doctrine et de la jurisprudence. En revanche, le concerné n’était pas en mesure d’assumer raisonnablement la gestion du capital qu’il s’apprêtait à recevoir à sa majorité. Il éprouvait des difficultés à élaborer et à concrétiser des projets d’avenir, la crainte du réseau l’entourant étant qu’il se repose sur ses économies pour ne rien faire, voire qu’il dilapide ses avoirs. De par l’existence de ce capital, l’intéressé n’aurait pas droit à l’aide sociale. Il n’était pas inséré dans un projet professionnel et ne disposait d’aucune formation. Il paraissait essentiel que le montant à disposition à sa majorité soit utilisé pour un projet fiable, efficient et faisant sens. L’instauration d’une mesure de curatelle était à ce stade disproportionnée; il convenait de laisser une chance au concerné de démontrer sa capacité à se prendre en mains et à construire un projet de formation ou de vie incluant l’utilisation raisonnable de ce capital. Les inquiétudes des professionnels entourant le jeune homme étaient cependant fondées s’agissant de son aptitude à gérer raisonnablement et dans un projet à long terme le capital mis à disposition. Il convenait donc d'ordonner le blocage en mains de L______ du compte principal dont le solde s’élevait à environ 64'000 fr. Une audience serait appointée dans six mois afin de faire un point de situation, vérifier l’usage des montants laissés à disposition du concerné, ainsi que l’avancée de ses projets. Une nouvelle décision pourrait alors être prise quant au sort à réserver au blocage du capital et quant à la nécessité d’instaurer une autre mesure de protection ou de lever toute mesure.

f) Par pli du 26 janvier 2021, la curatrice d'office de A______ s’est adressée au Tribunal de protection, pour s’étonner du fait qu’aucune audience n’avait encore été appointée, plus d’un an et demi après le prononcé du blocage des fonds de son protégé. Celui-ci se trouvait dans une situation inextricable, étant dans l'impossibilité d'honorer ses factures, ne disposant d'aucun revenu, les prestations d'aide sociale ne pouvant lui être accordées au vu de sa fortune, à laquelle il n'avait pas accès. Avec l'aide des éducateurs de Point Jeunes de l'Hospice général, il avait pu mettre de l'ordre dans ses affaires administratives et logeait provisoirement [à l'hôtel] P______, hébergement mis à sa disposition par le [groupe d'associations] R______, qui prenait en charge la totalité des frais. Elle sollicitait la tenue d'une audience.

Interpellée par le Tribunal de protection, la L______ a adressé un relevé en capital du compte n° 1______, pour la période du 20 août 2019 au 26 janvier 2021, faisant apparaître un solde de 68'091 fr. 30 au bénéfice de A______.

g) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 12 février 2021.

A______ a expliqué que, depuis la dernière audience d'août 2019 (mois durant lequel il avait accédé à la majorité), il avait tout d’abord vécu chez sa grand-mère jusqu'en mars 2020, puis il avait dû quitter ce logement avec l’arrivée de la COVID19, sa grand-mère étant très vulnérable. Il avait vécu depuis lors dans la forêt près des jardins familiaux de Q______, dans un abri probablement construit par des scouts. Il s'était nourri de plantes sauvages, avait assuré ses soins corporels dans le Rhône et gagné un peu d'argent comme musicien de rue. Il avait demandé de l'aide à Point Jeunes de l'Hospice général à la fin de l'année 2020 et logeait depuis début janvier 2021 au P______ à Genève. Il avait également obtenu des conseils et un accompagnement au niveau administratif auprès de cette structure. Il avait contacté des agences intérimaires mais n'avait pas obtenu de travail. Il avait ainsi poursuivi son activité de musicien de rue. Il était difficile pour lui de vivre en société ; il s’inquiétait au sujet des besoins énergétiques de l’homme et des ressources de la planète. Il préférait réfléchir seul à ces questions plutôt que de recevoir de l'aide. Il n’avait pas de médecin traitant, mais disposait d’une assurance maladie. Il ne consommait ni alcool, ni autres substances depuis qu’il vivait dehors. Il avait perdu presque toutes ses relations sociales. Il souhaitait vivre dans la nature, voyager et entreprendre un Certificat d'aptitude professionnelle (CAP) de charpentier naval en Bretagne, étant intéressé par le bois, la nature et la médecine par les plantes. Il avait toujours des contacts avec sa mère qui vivait en Bretagne. Il n'avait cependant plus de carte SIM depuis deux mois. Il souhaitait pouvoir disposer de l'argent bloqué pour payer ses dettes, qu'il chiffrait à 15'000-20'000 fr. et, une fois cela fait, il voulait partir en Bretagne pour effectuer la formation envisagée. Cette somme d’argent représentait une chance pour lui de se former et c’était dans ce sens qu’il entendait l’utiliser. Il précisait qu'il n'aimait pas l'argent et que, quoi qu'il arrive, il partirait en France même sans ce capital. Il était d'accord de bénéficier d'une aide administrative pour payer ses dettes et organiser sa formation, mais il s'opposait à l'instauration d'une curatelle.

J______, éducatrice auprès de Point Jeunes, entendue en qualité de témoin, a exposé avoir expliqué à l'intéressé en octobre 2020 que son service pouvait l'aider mais que, compte tenu de sa fortune, ses dettes étaient remboursables, ce qu'il n'était pas prêt à accepter. Il était revenu le 18 décembre 2020 à la permanence, accompagnée d'une amie, pour demander de l'aide concernant la gestion de son administratif. Elle avait tout entrepris pour l'aider : récupérer son courrier, trouver des informations, mettre de l’ordre dans sa situation, aviser les institutions de son existence et lui trouver un logement. Elle estimait le montant de ses dettes à environ 10'000 fr. Il pouvait dorénavant être joint depuis qu'il logeait à l'hôtel, ce qui facilitait les choses.

K______, assistante sociale auprès du P______, rencontrait le concerné environ deux fois par semaine depuis début février 2021. Elle essayait de stabiliser sa situation administrative, en contactant les institutions qui lui avaient adressé des courriers, des factures ou des amendes. Elle ne connaissait pas encore la totalité des dettes. Le courrier arrivait toujours chez la grand-mère de l'intéressé, avec laquelle il n'avait plus de contact et il n'envisageait pas d'aller le récupérer sans avoir repris contact avec cette dernière. K______ donnait aux institutions concernées l'adresse de l'hôtel, laquelle était cependant provisoire. Elle n'avait pas de solution pour la suite. L'établissement acceptait de prolonger un séjour à condition qu'un projet concret soit présenté, ce qui n'était pas le cas de l'intéressé. Elle ne pouvait rien entreprendre d'autre, dès lors que le [groupe d'associations] R______ ne fournissait pas d'aide financière pour des projets ou pour éponger des dettes. Comme J______, elle considérait qu'un accompagnement du concerné était nécessaire. Elle s'interrogeait également sur les consommations de ce dernier, malgré ses explications.

La curatrice d'office estimait que les conditions légales d'une curatelle n'étaient pas réalisées, selon les éléments dont elle disposait. Son protégé avait une conception différente du monde et était capable de s'adresser aux institutions en cas de besoin. Il était motivé à payer ses dettes et à quitter la Suisse. Elle a conclu au déblocage du compte L______ ouvert au nom de son protégé et à ce qu'aucune mesure de protection ne soit prononcée.

Le Tribunal de protection a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

B.            Par ordonnance DTAE/1113/2021 du 12 février 2021, adressée pour notification le 4 mars 2021 à A______, le Tribunal de protection a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de ce dernier (chiffre 1 du dispositif), désigné C______ aux fonctions de curatrice (ch. 2), confié à la curatrice les tâches de représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d'affaires administratives et juridiques, gérer les revenus et biens de la personne concernée et administrer ses affaires courantes, veiller à son bien-être social et la représenter pour tous les actes nécessaires dans ce cadre (ch. 3), maintenu le blocage en mains de L______ du compte épargne 1______, IBAN 1______, ouvert au nom de la personne concernée (ch. 4), autorisé la curatrice à prendre connaissance de la correspondance de la personne concernée, dans les limites du mandat (ch. 5), déclaré la décision immédiatement exécutoire nonobstant recours (ch. 6) et arrêté les frais judiciaires à 200 fr., qu'il a mis à la charge de la personne concernée (ch. 7).

En substance, le Tribunal de protection a considéré que la situation du concerné n’avait pas connu d’évolution significative depuis le signalement effectué en 2019, qui démontrerait que celui-ci serait en mesure de vivre en adéquation avec ses désirs et principes, tout en gérant ses affaires de manière conforme à ses intérêts. Au contraire, en proie vraisemblablement à une certaine fragilité émotionnelle, induite par un contexte sociétal actuel d’incertitude et une difficulté à vivre en société, le concerné s’était retrouvé à vivre en grande précarité et avait tardé à solliciter de l’aide. Le souhait de vivre dans une certaine marginalité ne constituait pas une cause de curatelle en soi, mais le fait de s’isoler socialement et d’être en rupture avec la société en délaissant complètement le suivi de ses affaires au sens large traduisait à tout le moins l’existence d’un état de faiblesse au sens de la loi sous la forme d’une très mauvaise gestion, étant relevé que l’absence de suivi médical ne permettait pas de déterminer si le comportement constaté chez la personne concernée trouvait sa cause dans un trouble de nature psychique. Si la situation de l’intéressé connaissait depuis quelques semaines une certaine amélioration du fait de l’intervention du service Point Jeunes et de l’assistante sociale du P______, notamment sur le plan du logement et de la gestion de ses créanciers, celle-ci n’en demeurait pas moins extrêmement fragile et à risque d’une péjoration rapide, à très court terme, compte tenu du très jeune âge du concerné, de ses fragilités, du caractère temporaire de son lieu de séjour, d’une absence d’un projet professionnel construit, de son souhait de se rendre en France, de la nature restreinte de son réseau social, des possibilités d’intervention limitées des organismes mobilisés et de l’importance de son épargne. L’intérêt du concerné commandait qu’il soit soutenu dans la régularisation de sa situation administrative et financière ainsi que dans la mise en place d’une formation professionnelle concrète, correspondant à ses souhaits et ses valeurs, par un tiers professionnel ayant pour mandat de le représenter en matière administrative, financière et d’assistance personnelle, une curatelle de représentation et de gestion étant appropriée à ces fins. Il importait également de veiller à sauvegarder ses intérêts financiers en maintenant le blocage de son compte-épargne, en application de l’art. 395 al. 3 CC. L’intéressé n’ayant aucun proche susceptible d’officier en qualité de curateur et sa situation personnelle lui permettant de financer un curateur privé, un professionnel du domaine devait être nommé à cette fonction.

C.           Il résulte encore de la procédure que le 26 mars 2021, C______, curatrice désignée, a sollicité du Tribunal de protection l’autorisation d’ouvrir un compte privé [auprès de] L______ à sa disposition pour la gestion, mais dont l’accès serait bloqué à A______.

Le Tribunal de protection a donné son accord à cette requête le 26 mars 2021. La procédure ne mentionne pas les coordonnées de ce compte bancaire.

D.           a) Par acte du 1er avril 2021, A______ a formé recours contre l'ordonnance du 12 février 2021, qu'il a reçue le 5 mars 2021, et dont il sollicite l'annulation. Cela fait, il conclut à ce que la Chambre de surveillance dise qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la mesure de protection prise en sa faveur et ordonne le déblocage du compte d'épargne auprès de L______ dont il est titulaire. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause au Tribunal de protection pour nouvelle décision dans le sens des considérants, les frais devant être, en tout état, laissés à la charge de l'Etat de Genève.

En substance, il considère que les conditions légales du prononcé d’une curatelle en sa faveur ne sont pas remplies. L’instruction du dossier s’était limitée à une audience, laquelle n’avait pas permis de mettre en avant un besoin de protection de l’intéressé. Le Tribunal de protection avait retenu un état de faiblesse en utilisant une formulation hésitante, considérant que l'intéressé était en proie "vraisemblablement" à une certaine fragilité émotionnelle. Il avait certes affirmé son souhait de vivre dans une certaine marginalité mais il n’avait à aucun moment démontré une fragilité émotionnelle qui l’aurait atteint dans sa capacité de discernement ou de gestion de ses affaires administratives et financières. Il ressortait de l’audience du 12 février 2021 qu'il s’exprimait de manière intelligible, tenait des propos rationnels et acceptait l’aide qu’on lui fournissait. Son absence de suivi médical n'autorisait pas le Tribunal de protection, qui n’avait d’ailleurs pas ordonné d’expertise, à supposer qu'il présenterait un trouble de nature psychique. Le fait qu’il ait vécu dans la précarité ne lui était en aucun cas imputable et ne constituait pas une cause de curatelle au sens de la jurisprudence. La précarité et l’isolement auxquels il avait dû faire face étaient la conséquence de son départ du logement de sa grand-mère en raison de la crise sanitaire. Il n’avait par ailleurs plus aucune ressource en raison du blocage de son compte-épargne et avait été contraint d’intervenir auprès du Tribunal de protection, par l’intermédiaire de sa curatrice, afin qu’une audience soit fixée. L’origine de sa précarité n’était donc pas imputable à sa prétendue fragilité psychique mais à des circonstances extérieures qui ne fondaient pas le prononcé d'une curatelle au sens de l’art. 390 al. 1 ch. 1 CC. Il n’avait pas tardé à demander de l’aide comme le soutenait le Tribunal de protection mais n'avait pas souhaité solliciter des prestations de l’Hospice Général, n’étant pas éligible à une telle aide. Lorsqu’il avait voulu être soutenu administrativement, il avait su le faire, avait collaboré en mettant de l’ordre dans ses courriers, sollicité un extrait de poursuites ou contacté ses différents créanciers. Son amie intime l’avait aidé dans ses démarches. C’est ainsi uniquement sa volonté de vivre dans une certaine marginalité et le capital qu’il détenait qui avaient motivé le Tribunal de protection à instaurer une mesure de curatelle, l'empêchant de réaliser son projet de formation sur un chantier naval en Bretagne et de vivre auprès de sa mère qui s’y trouvait. L’ordonnance contestée violait ainsi les principes de subsidiarité et de proportionnalité qui imposaient à l’autorité de protection de favoriser autant que possible l’autonomie de la personne concernée.

b) Le Tribunal de protection n'a pas souhaité faire usage des facultés prévues par l'art. 450d CC.

c) Par déterminations du 6 mai 2021, la curatrice de A______, C______, a indiqué que son protégé logeait actuellement chez les parents de son amie. Il avait toutefois passé le mois de mars 2021 sur la colline N______ dans le canton de Vaud, dans le but de protéger l'environnement, s'était fait arrêter fin mars 2021 et avait été condamné par ordonnance pénale du 30 avril 2021 à une peine pécuniaire de 80 jours-amende à 30 fr. le jour amende, avec sursis de deux ans. Il avait, depuis 2020, reçu un nombre important d’amendes et d'ordonnances pénales pour occupation illicite du domaine public, défaut de patente à l'exercice d'une activité ambulante ou temporaire et mendicité. Il avait vécu et vivait toujours comme musicien de rue. Outre les amendes, il avait un nombre important de créances ouvertes. Il n'avait pas de formation, ni d'activité professionnelle et compte tenu de sa fortune actuelle, bloquée, n'avait pas droit à l'aide sociale et ne pouvait pas payer ses factures. Depuis l'ouverture du mandat, la curatrice indiquait avoir pu payer certaines créances et l'objectif, en accord avec le concerné, était de mettre à jour sa situation financière en payant les dettes ouvertes et les factures courantes. Depuis le premier entretien avec son protégé en mars 2021, ils réfléchissaient ensemble à son projet de vie, à ce qu'il souhaiterait faire, vers quel type de formation et d'activité professionnelle il souhaiterait s'orienter. Il voulait passer le permis de conduire afin de pouvoir éventuellement acheter un mobil home et avoir un lieu de vie qui corresponde à la conception qu'il avait de son avenir, à savoir vivre de manière itinérante. Le travail de réflexion quant à son avenir, ainsi que les démarches administratives, financières et relatives à son orientation professionnelle étaient toujours en cours. Compte tenu de la relation de confiance qu'elle avait pu instaurer avec son protégé, la mesure de curatelle dont bénéficiait l'intéressé lui était profitable et devait être confirmée.

d) Par plis du 20 mai 2021, le greffe de la Chambre de surveillance a informé les parties et intervenants à la procédure de ce que la cause serait mise en délibération à l'issue d'un délai de dix jours.

EN DROIT

1.             1.1 Les décisions de l'autorité de protection peuvent faire l'objet d'un recours (art. 450 al. 1 CC) dans les trente jours à compter de leur notification (art. 450b al. 1 CC), auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 53 al. 1 LaCC).

Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).

Interjeté en temps utile et selon la forme prescrite, par la personne concernée par la mesure, le recours est recevable.

1.2 Le recours peut être formé pour violation du droit, constatation fausse ou incomplète des faits pertinents et inopportunité de la décision (art. 450a al. 1 CC).

2.             2.1.1 Les mesures prises par l'autorité de protection de l'adulte garantissent l'assistance et la protection de la personne qui a besoin d'aide (art. 388 al. 1 CC). Elles préservent et favorisent autant que possible son autonomie (art. 388 al. 2 CC).

L'autorité de protection de l'adulte ordonne une mesure lorsque l'appui fourni à la personne ayant besoin d'aide par les membres de sa famille, par d'autres proches ou par les services privés ou publics ne suffit pas ou semble a priori insuffisant (art. 389 al. 1 ch. 1 CC).

Une mesure de protection de l'adulte n'est ordonnée par l'autorité que si elle est nécessaire et appropriée (art. 389 al. 2 CC).

L'art. 389 al. 1 CC exprime le principe de la subsidiarité. Cela signifie que lorsqu'elle reçoit un avis de mise en danger, l'autorité doit procéder à une instruction complète et différenciée lui permettant de déterminer si une mesure s'impose et, dans l'affirmative, quelle mesure en particulier (HÄFELI, CommFam Protection de l'adulte, ad art. 389 CC, n. 10 et 11).

2.1.2 Selon l'art. 390 CC, l'autorité de protection de l'adulteinstitue une curatelle, notamment lorsqu'une personne majeure est partiellement ou totalement empêchée d'assurer elle-même la sauvegarde de ses intérêts en raison d'une déficience mentale, de troubles psychiques ou d'un autre état de faiblesse qui affecte sa condition personnelle (ch. 1).

La formulation du texte français, qui met l'accent sur l'effet de la faiblesse ("qui affecte ") est moins heureuse que le texte allemand, qui met en avant l'origine de la faiblesse, laquelle doit se trouver dans la personne même de l'intéressé ("eines ähnlichen in der Person liegenden Schwächezustands") et non résulter de circonstances extérieures (origine sociale, misère extrême, difficultés d'emploi, solitude, etc.; sur le fait que la détresse financière n'est pas comme telle une cause de curatelle: Schmid, Erwachsenenschutz, art. 390 CC n. 8). Cette notion résiduelle doit être interprétée restrictivement, faute de quoi elle pourrait être utilisée pour le redressement social et moral d'une partie non négligeable de la population. Elle ne devrait être utilisée qu'exceptionnellement, en particulier pour les cas extrêmes d'inexpérience, certains handicaps physiques très lourds ou encore des cas graves de mauvaise gestion telle qu'on la définissait à l'art. 370a CC (une négligence extraordinaire dans l'administration de ses biens, qui trouve sa cause subjective dans la faiblesse de l'intelligence ou de la volonté (Meier, CommFam Protection de l'adulte, ad art. 390 n. 16 et 17, ainsi que les références citées).

2.1.3 Lorsque l’autorité de protection de l’adulte institue une curatelle de représentation ayant pour objet la gestion du patrimoine, elle détermine les biens sur lesquels portent les pouvoirs du curateur. Elle peut soumettre à la gestion tout ou partie des revenus ou de la fortune, ou l’ensemble des biens (art. 395 al. 1 CC). À moins que l’autorité de protection de l’adulte n’en décide autrement, les pouvoirs de gestion du curateur s’étendent à l’épargne constituée sur la base des revenus et du produit de la fortune gérée (al. 2).

Sans limiter l’exercice des droits civils de la personne concernée, l’autorité de protection de l’adulte peut la priver de la faculté d’accéder à certains éléments de son patrimoine (art. 395 al. 3 CC).

2.2 En l'espèce, le recourant a fait l'objet d'un signalement par l'institution dans laquelle il demeurait au motif qu'il s'impliquait peu dans les activités proposées afin de lui permettre de gérer sa vie future, alors qu'il serait bénéficiaire à sa proche majorité d'une somme d’argent importante. Le Tribunal de protection a décidé de "bloquer" le compte de l'intéressé mais n'a pas considéré qu'il convenait de prendre immédiatement une mesure de curatelle en sa faveur, dont il a différé l'examen. Dans l'intervalle, le mineur a accédé à la majorité, quitté l'établissement dans lequel il se trouvait et logé chez sa grand-mère jusqu'à ce que la crise sanitaire de la COVID19 l'oblige, pour des mesures de sécurité sanitaire, selon ses dires, à quitter ce logement. Force est de constater qu’il n’a pas su solliciter d’aide à ce moment critique, que ce soit auprès des institutions publiques ou de sa curatrice de représentation dans la procédure, et a vécu dans le dénuement le plus total jusqu’à la fin de l’année 2020. Il n’a, de même, pris aucune mesure pour récupérer son courrier, ne se souciant ni de son administratif, ni du règlement de ses factures, alors que son courrier était distribué au domicile de sa grand-mère maternelle et facilement récupérable. Il ne s’est pas plus inquiété de son avenir, ni n’a cherché à mettre ses projets à exécution. Si certes, la période était rendue difficile par la crise sanitaire, il n’en demeure pas moins que le concerné aurait pu, à tout le moins, effectuer des démarches minimales.

Ce n’est qu’à la fin de l’année 2020 qu’il s’est rendu à Point Jeunes et qu’il a pu obtenir de l’aide. Suite à l'intervention de sa curatrice de représentation, le Tribunal de protection a également fixé une audience le 12 février 2021, lors de laquelle l'intéressé a été entendu, de même que sa curatrice, et les représentantes de Point Jeunes et de P______. A l'issue de ces auditions, le Tribunal de protection a rendu la décision litigieuse en ordonnant l’instauration d’une curatelle de représentation et de gestion en faveur de l’intéressé et le maintien du "blocage" de ses avoirs, au sens de l’art. 395 al. 3 CC. Il a motivé sa décision par l’état de faiblesse du concerné. Il convient ainsi d’examiner si les conditions pour retenir l’état de faiblesse du recourant sont réunies, ce qu’il conteste.

Si aucun certificat médical, ni élément du dossier, ne permet de considérer que le recourant souffrirait d’une déficience mentale ou de troubles psychiques justifiant le prononcé d’une mesure de curatelle, son jeune âge, son extrême inexpérience et son attitude permettent à eux seuls de considérer, comme l’a retenu à raison le Tribunal de protection, qu’il se trouve dans un état de faiblesse qui l’empêche, pour le moins partiellement, d’assurer lui-même la sauvegarde de ses intérêts. Le recourant a tenu devant les premiers juges un discours certes structuré, comme il a pu le faire ces dernières années auprès d’autres intervenants et le Tribunal de protection en 2019, mais il ne parvient pas à construire son avenir, qu’il voit de plus en plus en marge de la société, bien qu’il déclare en dernier lieu et dans le même temps, souhaiter effectuer un apprentissage en Bretagne sur un chantier naval. Or, il n’a entrepris aucune démarche personnelle dans ce sens. Il ne parvient ni à trouver une possible formation, ni même à se renseigner à ce sujet, ni à trouver du travail, et encore moins à gérer son administratif ou à régler ses factures. L’aide qu’il a finalement réussi à solliciter, et a obtenu, de Point Jeunes n’a été que ponctuelle et son logement actuel, chez les parents de son amie intime, reste précaire, étant relevé qu’il n’est corroboré par aucun élément du dossier. Le recourant collabore à la curatelle mise en place et sa curatrice assure qu’elle lui est bénéfique pour la construction de son avenir, dont ils discutent, et afin de mettre de l’ordre dans ses affaires administratives et régler ses dettes, dont le montant n’avait pas encore pu être déterminé en début de mandat, mais que le recourant estimait à 10'000 fr. Si certes, la volonté de vivre en marge de la société ne justifie pas à elle seule le prononcé d’une mesure de protection, il y a lieu de craindre, compte tenu de l’attitude ambivalente du recourant sur son avenir, de son jeune âge, de son extrême inexpérience, de sa vision pour l’heure utopique du monde et éloignée de la réalité que, sans le soutien que lui apporte la mesure de curatelle instituée, il ne parviendrait pas seul à construire un projet de vie et assurer son bien-être, et encore moins à gérer son administratif et son patrimoine, ne l’ayant jamais fait et entretenant avec l’argent un rapport ambigu. Sans mesure de protection, le recourant risquerait de prendre des décisions contraires à ses intérêts, de dilapider son argent, sans honorer ses dettes et sans assurer son avenir, tout en restant dans une situation d’extrême précarité. Il apparaît qu’il a besoin d’aide qu’aucune personne de son entourage ne peut lui apporter. Le soutien offert par les institutions publiques trouve également sa limite dans le patrimoine du concerné.

C’est ainsi à raison que le Tribunal de protection a considéré que le recourant se trouvait dans un état de faiblesse qui justifiait le prononcé d’une curatelle de représentation et de gestion, étendue à son bien-être, et qu’il convenait de l’empêcher d’accéder à ses avoirs bancaires, comme le permet l’art. 395 al. 3 CC.

Depuis la reddition de l’ordonnance, la curatrice ayant sollicité, et obtenu, du Tribunal de protection la transformation du compte épargne de l’intéressé en un compte privé auprès de L______, et l’autorisation de procéder au paiement des factures du recourant par ce biais, il n’y a pas lieu de modifier d’office l’ordonnance sur ce point, laquelle se contentait de "bloquer" le compte épargne de l’intéressé, ce qui ne permettait pas à la curatrice d’honorer les dettes de ce dernier. C’est également à raison que le Tribunal de protection a désigné au recourant une curatrice privée, ses avoirs bancaires, supérieurs à 50'000 fr., le permettant (art. 2 al. 2 a contrario RRC). La personne désignée possède par ailleurs toutes les compétences, le temps et l’expérience nécessaires pour assumer sa mission, ce qui n’est, à raison, pas contesté par le recourant.

Le recours sera rejeté.

3.             Les frais de la procédure de recours, arrêtés à 400 fr., seront mis à la charge du recourant et entièrement compensés avec l’avance de frais versée, qui demeure acquise à l’Etat de Genève.

Il n’est pas alloué de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 1er avril 2021 par A______ contre l’ordonnance DTAE/1113/2021 rendue le 12 février 2021 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/12418/2019.

Au fond :

Le rejette.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 400 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l’avance effectuée, laquelle reste acquise à l’Etat de Genève.

Dit qu’il n’est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Indication des voies de recours
:

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.