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Décisions | Chambre de surveillance

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C/16952/2020

DAS/50/2021 du 03.03.2021 sur DJP/505/2020 ( AJP ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16952/2020 DAS/50/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 3 MARS 2020

 

Appel (C/16952/2020) formé le 10 décembre 2020 par Madame A______, domiciliée ______ (France), comparant en personne.

* * * * *

Arrêt communiqué par plis recommandés du greffier
du 12 mars 2021 à :

 

- Madame A______
______ [France].

- B______
______ [GBR].

- Madame C______
Monsieur D______
______ [France].

- Maître E______
______, Genève.

- JUSTICE DE PAIX.

 


EN FAIT

A. Par décision DJP/505/2020 du 3 décembre 2020, la Justice de paix a ordonné l'administration d'office de la succession de F______, décédée le ______ 2020 (ch. 1 du dispositif), désigné Me E______, avocat, aux fonctions d'administrateur d'office (ch. 2), dit que l'administrateur d'office ne procédera qu'aux actes conservatoires nécessaires, à l'exception de tout autre acte de disposition qui ne pourra s'effectuer qu'avec l'accord préalable de la Justice de paix (ch. 3), invité l'administrateur d'office à lui adresser, d'ici quatre mois, un état des actifs et passifs de la succession, dressé, le cas échéant, en collaboration avec l'administration fiscale (ch. 4), et mis les frais exposés par le greffe et un émolument de 250 fr. à la charge de la succession (ch. 5).

Cette décision a été communiquée pour notification le jour même à trois personnes (les parents, héritiers légaux; la sœur, héritière instituée) en France, ainsi qu'à une association en Angleterre (B______, héritière instituée) et à l'administrateur d'office désigné. Copie pour information a été communiquée à Me G______, notaire.

En substance, la justice de paix a retenu qu'une administration d'office de la succession devait être ordonnée du fait de l'opposition de l'appelante à la délivrance d'un certificat d'héritier en faveur de l'association instituée héritière par testament du 25 mai 2016.

B. Par acte expédié à l'adresse du greffe de la Cour le 10 décembre 2020, A______, sœur de la défunte, a formé appel de cette décision concluant à son annulation de manière à ce que la succession puisse être liquidée. Elle fait valoir que bien que dûment interpellée, l'association concernée, dont on ignore par ailleurs s'il s'agit bien de celle-ci, ne s'était jamais manifestée.

Des déterminations n'ont pas été requises.

C. Ressortent pour le surplus de la procédure les faits pertinents suivants :

a) F______, née le ______ 1963 en France, de nationalité française, célibataire, est décédée le ______ 2020 à Genève, sans descendant. Ses deux parents sont domiciliés en France.

b) En date des 27 août 2020 et 22 septembre 2020, suite aux opérations de levée de corps, la police judiciaire a transmis à la Justice de paix un testament daté du 26 mai 2016 et signé, désignant une association de défense des animaux comme héritière, ainsi qu'un écrit sur papier d'emballage contenant des dernières volontés selon lesquelles les biens sont laissés à la sœur de la défunte, non daté.

c) Par courrier du 9 octobre 2020, reçu le 14 octobre 2020 par la Justice de paix, A______, sœur de la défunte, domiciliée en France, a formé opposition à la délivrance d'un certificat d'héritier à l'association B______, exposant que le second testament l'instituait elle héritière de sa sœur. Elle requérait le prononcé de "la nullité du premier testament de 2016".

Un délai a été imparti, puis prolongé, à l'association pour se déterminer sur l'opposition, ce qu'elle n'a pas fait.

d) Le premier décembre 2020, G______, notaire, a adressé à la Justice de paix un projet de certificat d'héritier pour homologation, proposant, sur la base de son institution en qualité d'héritière par le second testament, la dévolution à l'opposante de la succession de sa sœur.

e) Le 3 décembre 2020, estimant que les droits des héritiers étaient contestés de sorte que la gestion des biens de la succession ne pouvait leur être confiée, la Justice de paix a rendu la décision, succinctement motivée, querellée.

f) Il ressort enfin du dossier que la dernière taxation fiscale de la défunte (2019) fait état d'une fortune brute retenue de l'ordre de 72'000 fr.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions du juge de paix, qui relèvent de la juridiction gracieuse et sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. e CPC) sont susceptibles d'un appel dans le délai de dix jours (art. 314 al. 1 CPC) auprès de la Chambre civile de la Cour de justice (art. 120 al. 2 LOJ) si la valeur litigieuse est égale ou supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

L'appel doit être écrit et motivé (art. 311 al. 1 CPC).

1.2 En l'espèce, l'appel, formé dans le délai et selon la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC) est formellement recevable, la valeur de la succession étant sans doute supérieure à 10'000 fr., vu le montant de la fortune brute retenu par l'administration fiscale dans la dernière taxation de la défunte.

1.3 La Cour, compétente pour en connaître, revoit la cause en fait et en droit et avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

2. 2.1 Selon l'art. 554 al. 1 CC, l'autorité ordonne l'administration d'office de la succession en cas d'absence prolongée d'un héritier qui n'a pas laissé de fondé de pouvoirs, si cette mesure est commandée par l'intérêt de l'absent (ch. 1), lorsqu'aucun de ceux qui prétendent à la succession ne peut apporter une preuve suffisante de ses droits ou s'il est incertain qu'il y ait un héritier (ch. 2), lorsque tous les héritiers du défunt ne sont pas connus (ch. 3), ainsi que dans les autres cas prévus par la loi (ch. 4).

L'art. 554 al. 1 ch. 4 CC n'est pas une réserve en faveur du droit cantonal, mais renvoie exclusivement aux autres règles de droit fédéral qui prévoient l'administration d'office de la succession, à savoir les art. 490 al. 3, 556 al. 3, 598 et 604 al. 3 CC (KARRER/VOGT/LEU, Basler Kommentar ZGB II, 5ème édition 2015 n. 17 ad art. 554 CC).

L'autorité doit ordonner l'administration d'office à défaut d'héritiers légaux auquel l'administration des biens peut être confiée ou lorsqu'elle considère que la gestion provisoire par les héritiers légaux ou par l'exécuteur testamentaire représente un risque particulier pour la délivrance de biens aux héritiers (MEIER/REYMOND-EINIEVA CR-CC II n. 15 ad art. 556 CC).

Selon le principe de la saisine ("le mort saisit le vif"), les héritiers légaux acquièrent la succession dès l'ouverture de celle-ci (art. 560 al.1 CC). Cela signifie que les héritiers légaux acquièrent la possession provisoire des biens du de cujus si l'autorité ne prend pas de mesure particulière. Il en découle qu'à défaut d'administration d'office, les héritiers légaux sont laissés en possession provisoire des biens de la succession et continuent à les administrer. Il n'y a pas, contrairement au libellé français de l'art. 556 al.3 CC, à proprement parler d'envoi en possession. L'autorité n'a pas la possibilité, par ailleurs, de confier la gestion provisoire aux héritiers institués, ni en concours avec les héritiers légaux ni à eux seuls. Contrairement à d'autres situations dans lesquelles la loi impose des mesures de sûreté, l'autorité dispose ici d'un certain pouvoir d'appréciation pour prendre sa décision. Dans le doute elle ordonnera l'administration d'office (MEIER/REYMOND-EINIEVA, CR-CC ad art. 556 nos 12 à15).

Toutefois, l'autorité doit se renseigner sur le besoin de protection des héritiers institués, qui n'existe pas, par exemple lorsque, dès l'ouverture du testament, elle constate que les dispositions instituant lesdits héritiers sont de manière évidente formellement nulles (KARRER/VOGT/LEU, op. cit., ad art 556 no 28).

Par ailleurs, les mesures de l'art. 556 al.3 CC sont provisoires et peuvent être modifiées en tout temps (MEIER/REYMOND, ibidem).

Enfin, l'opposition à la délivrance d'un certificat d'héritier ne déclenche pas une procédure tendant à déterminer le droit matériel des héritiers dans la succession. Il appartient aux héritiers qui s'estiment lésés d'ouvrir l'action en nullité des dispositions testamentaires ou en réduction dans les délais légaux (art. 521 al.1 et 533 al.1 CC) (arrêt du TF 5A_841/2013 c.5.2.1).

2.2 En l'espèce, le juge de Paix a considéré, sur le vu de l'opposition formée par l'appelante à la délivrance d'un certificat d'héritier à l'association instituée héritière par le premier testament de la défunte, qu'il existait un risque d'atteinte à la dévolution de l'hérédité en cas de gestion provisoire de la succession par les héritiers légaux.

Il doit être tout d'abord relevé que l'appelante n'est pas héritière légale mais seulement héritière instituée. Les héritiers légaux de la défunte sont ses parents, parents de la défunte (art. 458 al. 1 CC).

Il doit être relevé en outre que la décision de la justice de Paix, dont la motivation est particulièrement succincte, quant à la réalisation des conditions au prononcé d'une administration d'office et se réfère à des dispositions légales sans pertinence à ce propos, ne fait pas référence aux héritiers légaux.

Or, il ne ressort aucunement du dossier soumis à la Cour qu'un risque existerait pour les droits des héritiers institués de maintenir la gestion provisoire des biens en mains desdits héritiers légaux. Si certes, et contrairement à la proposition du notaire, la gestion provisoire ne peut être confiée à l'appelante, héritière instituée, il n'y a aucun élément d'empêchement à ce que les héritiers légaux soient "envoyés en possession" des biens de la succession.

Une administration d'office n'est dès lors pas nécessaire, les conditions à son institution n'étant pas réalisées, de sorte que la décision attaquée doit être annulée.

3. La mesure de sûreté prononcée par le juge de paix étant annulée, les frais de la procédure d'appel, sont laissés à la charge de l'Etat. L'avance de frais versée sera restituée à l'appelante.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel déposé le 10 décembre 2020 par Madame A______ contre la décision DJP/505/2020 rendue le 3 décembre 2020 par la Justice de paix dans la cause C/16952/2020.

Au fond :

Annule cette ordonnance.

Laisse les frais à la charge de l'Etat.

Ordonne la restitution à l'appelante de l'avance de frais versée.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, les moyens étant limités en application de l'art. 98 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.