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Décisions | Chambre de surveillance

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C/23025/2019

DAS/49/2021 du 03.03.2021 sur DJP/520/2020 ( AJP ) , ADMIS

En fait
En droit

république et

C/23025/2019

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

C/23025/2019 DAS/49/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 3 MARS 2021

 

Appel (C/23025/2019) formé le 4 janvier 2021 par Monsieur A______,
domicilié ______ [GE], par Monsieur B______, domicilié ______ [GE] et par
Monsieur C______ et son enfant mineur D______, domiciliés ______ (France), appelants, comparant tous quatre par Me Olivia DE WECK, avocate, en l'Etude de laquelle ils élisent domicile.

* * * * *

Arrêt communiqué par plis recommandés du greffier
du 9 mars 2021 à :

- Monsieur A______
Monsieur B______
Monsieur C______
Mademoiselle D______
c/o Me Olivia DE WECK, avocate,
Rue du 31-Décembre 47, cp 6120, 1211 Genève 6.

- JUSTICE DE PAIX.

 


EN FAIT

A. a) A______, né le ______ 1945, originaire de P______ [BE], marié, de son vivant domicilié à E______ [GE], est décédé le ______ 2019 à Q______ (Espagne).

Il a laissé pour héritiers légaux son épouse, F______, née [F______] et ses trois fils B______, A______ et C______.

C______ a une fille mineure, D______, née le ______ 2013. Ils sont tous deux domiciliés à G______ (France).

b) La succession de A______ est estimée à un montant de l'ordre de 50'000 fr. Elle a de nombreux passifs et a, à son actif, une créance de 104'345 fr. à l'égard de la succession non encore partagée de H______, décédé à Berne en 2002, père de A______. La succession de H______ comprend des actifs en Allemagne.

c) F______ a répudié la succession de son époux.

d) Le 17 décembre 2019, C______ a déclaré répudier la succession de son père, pour lui-même et au nom de sa fille mineure D______.

e) Le 20 janvier 2020, Me I______, notaire à Genève, a établi un certificat d'héritier attestant que feu A______ a laissé pour seuls héritiers B______ et A______.

Ce certificat d'héritier a été homologué par la Justice de paix le 20 février 2020.

f) Par courrier adressé le 29 mai 2020 à la Justice de paix, le Ministère de la Justice à J______ (France) a indiqué que pour pouvoir renoncer à la succession au nom de sa fille, C______ devait saisir les autorités tutélaires françaises d'une requête en autorisation à renonciation à succession.

g) Le 8 juin 2020, la Justice de paix a informé C______, B______ et A______ de ce qu'elle envisageait, au vu de la prise de position des autorités françaises, de reconsidérer sa décision d'homologation du 20 février 2020, à moins que C______ n'entreprenne les démarches en vue d'être autorisé à renoncer à la succession au nom de sa fille, en fixant à ce dernier un délai au 11 septembre 2020 pour se déterminer, cas échéant pour déposer une telle requête.

h) Le 24 juillet 2020, C______ a déposé une telle requête en autorisation à renonciation à succession auprès du Tribunal judiciaire de K______ (France), qui s'est dessaisi de la cause au profit du Juge des tutelles du Tribunal judiciaire de L______ (France).

Le 14 septembre 2020, C______ a fourni les renseignements complémentaires sollicités par cette dernière autorité le 8 septembre 2020.

Il a ensuite, par courrier du 25 septembre 2020, informé la Justice de paix des démarches effectuées auprès des autorités françaises et, vu leur déroulement, sollicité un délai supplémentaire de trois mois. Aucune suite n'a été donnée à ce courrier par la Justice de paix.

i) Par courrier du 28 octobre 2020, Me M______, conseil de B______, de A______, de N______ et de O______, a demandé à la Justice de paix de lui transmettre les répudiations de C______ et de sa fille D______, nécessaires en vue des démarches auprès des autorités allemandes. N'ayant pas obtenu de réponse, il a réitéré sa demande le 12 novembre 2020.

Le 17 novembre 2020, la Justice de paix lui a répondu que sa demande, transmise à l'Administration fiscale, était en cours de traitement.

Par courriel adressé à la Justice de paix le 7 décembre 2020, Me M______ a demandé à pouvoir consulter le dossier. Il a, par courriel du 16 décembre 2020, réitéré sa demande relative aux documents concernant les répudiations, en soulignant son caractère urgent en raison des délais posés par les autorités allemandes.

La Justice de paix a répondu par courriel du 18 décembre 2020 que les répudiations apostillées seraient délivrées à l'issue du délai de recours contre la décision du 11 décembre 2020 ci-après.

B. Par décision DJP/520/2020 rendue le 11 décembre 2020, communiquée le 21 décembre 2020, la Justice de paix a annulé l'homologation du certificat d'héritier délivrée le 20 février 2020 dans la succession de A______, décédé le ______ 2019 (ch. 1 du dispositif) et mis un émolument de décision de 500 fr. à la charge de la succession (ch. 2).

Elle a considéré que C______ ne s'était pas déterminé dans le délai qui lui avait été fixé et qu'il n'avait, au regard du droit français, pas la capacité de répudier la succession de son père au nom de sa fille mineure. Cette répudiation ne déployait dès lors pas d'effet, de sorte que le certificat d'héritier homologué au nom des seuls B______ et A______ devait être annulé.

Elle n'a pas tenu compte du courrier que lui a adressé C______ le 25 septembre 2020, l'informant du dépôt de sa requête en autorisation de renonciation à succession auprès des autorités françaises.

C. a) Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 4 janvier 2021, A______, B______, C______ et son enfant mineure D______, formant l'hoirie de feu A______, appellent de cette décision.

Ils demandent à la Cour de l'annuler et, cela fait, de leur ordonner de communiquer à la Justice de paix la décision prise sur la demande d'autorisation à renonciation à succession au nom de D______ par les autorités compétentes dès sa notification et d'ordonner à la Justice de paix de surseoir à statuer jusqu'à la décision prise sur cette demande d'autorisation à renonciation à succession au nom de D______ par les autorités compétentes et, subsidiairement, au renvoi de la cause à la Justice de paix pour nouvelle décision, les frais et dépens devant être laissés à la charge de la Justice de paix.

b) Par avis du 18 janvier 2021, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions du juge de paix, qui relèvent de la juridiction gracieuse et sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. e CPC), sont susceptibles d'un appel auprès de la Chambre civile de la Cour de justice (art. 120 al. 2 LOJ) dans le délai de dix jours (art. 314 al. 1 CPC) si la valeur litigieuse est égale ou supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

La délivrance d'un certificat d'héritier est de nature pécuniaire, dès lors que, comme c'est la règle en matière successorale (arrêt du Tribunal fédéral 5A_395/2010 du 22 octobre 2010 consid. 1.2.2), ce document vise un but économique (arrêt du Tribunal fédéral 5A_91/2019 du 4 février 2020 consid. 1 et les références citées).

Interjeté en temps utile et selon la forme requise par la loi (art. 142 al. 3 CPC; art. 1 de la Loi genevoise sur les jours fériés), dans une cause dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. au vu de la succession estimée à 50'000 fr., l'appel est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

2. Les appelants font grief à la Justice de paix d'avoir annulé la décision homologuant le certificat d'héritier et d'avoir dans ce cadre violé leur droit d'être entendus.

2.1 Une décision prise dans une procédure relevant de la juridiction gracieuse qui s'avère ultérieurement être incorrecte peut être, d'office ou sur requête, annulée ou modifiée, à moins que la loi ou la sécurité du droit ne s'y opposent (art. 256 al. 2 CPC).

Cette disposition prévoit, pour des raisons pratiques et par analogie aux décisions administratives auxquelles elles peuvent être assimilées, une possibilité facilitée de rectification, sans obligation de procéder par les recours aux voies de droit habituelles, des décisions prises dans une procédure relevant de la juridiction gracieuse, telle la correction d'un certificat d'héritier erroné. La rectification, qui peut intervenir d'office ou sur réquisition d'une partie, ne peut concerner qu'une décision qui, rétrospectivement, s'est révélée être incorrecte. Les principes de la sécurité du droit et de la protection de la bonne foi limitent la portée de l'art. 256 al. 2 CPC, puisqu'une reconsidération ne doit en principe être prononcée d'office que si la confiance placée par un justiciable dans une décision prise en sa faveur n'est pas digne d'être protégée (Arrêt du Tribunal fédéral 5A_570/2017 du 27 août 2018, consid. 5.2). 

2.2 Le certificat d'héritier ne jouit d'aucune autorité de la chose jugée quant à la qualité d'héritiers des personnes qui y sont mentionnées, partant il ne confère aucun droit matériel aux personnes qui y sont mentionnées (Arrêt du Tribunal fédéral 5A_570/2017 du 27 août 2018, consid. 5.2). Il est destiné à attester de la légitimation des héritiers institués à se voir remettre la succession de manière provisoire, soit jusqu'à expiration des délais pour agir en nullité ou en réduction (art. 521 al. 1 et 533 al. CC). Ne bénéficiant pas de la force de chose jugée et pouvant être reconsidérée en tout temps, la délivrance d'un tel certificat n'est pas précédée d'un examen portant sur des questions de droit matériel, dont le règlement définitif est de la compétence du juge civil. Ainsi, le certificat d'héritier constitue un titre de légitimation provisoire permettant de disposer des biens de la succession et ne détermine pas de manière définitive la qualité des héritiers venant à celle-ci (ATF 128 III 318, consid. 2.2.2, JdT 2002 I p. 479; arrêt du Tribunal fédéral 5A_495/2010 du 10 janvier 2011, consid. 2.3.2).

Un certificat d'héritier peut être modifié en tout temps, voire révoqué, dès qu'il se révèle matériellement erroné. La modification intervient d'office ou sur requête (MEIER/REYMOND-ENIAEVA, in Commentaire romand, Code civil II, n. 30 ad art. 559).

2.3 Les parties ont le droit d'être entendues (art. 29 Cst; art. 53 al. 1 CPC).

Elles ont le droit d'être informées et de s'exprimer sur les éléments pertinents du litige avant qu'une décision touchant leur situation juridique ne soit prise, d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF
135 II 286 consid. 5.1; 133 I 270 consid. 3.1; 132 II 485 consid. 3.2;
127 I 54 consid. 2b). L'autorité doit écouter effectivement, examiner soigneusement et prendre en compte dans sa décision, les arguments de la personne dont la décision touche la position juridique (ATF 133 I 270 c. 3.1,
JdT 2011 IV 3).

Les parties ont notamment le droit de consulter le dossier et de s'en faire délivrer copie pour autant qu'aucun intérêt prépondérant public ou privé ne s'y oppose (art. 53 al. 2 CPC). Le droit des parties de consulter le dossier d'une procédure en cours et de se déterminer à ce sujet résulte du droit à une procédure équitable et du droit d'être entendu. Il a pour but de garantir que les parties prennent connaissance des fondements de la décision et qu'elles puissent suffisamment s'impliquer dans la procédure (ATF 129 I 85 c. 4.1, JdT 2005 IV 79 ; 126 I 7 c. 2b). Il présuppose toutefois que la personne concernée dépose une requête en ce sens, requête qui doit être déposée suffisamment tôt pour que le droit à la consultation puisse être exercé à temps (Arrêt du Tribunal fédéral 5A_577/2019 du 31 octobre 2019 consid.2.1).

2.4 En l'espèce, les appelants reprochent au juge de paix d'avoir annulé sa précédente décision homologuant le certificat d'héritier au motif que C______ devait saisir les autorités judiciaires françaises pour pouvoir renoncer à la succession de sa fille mineure.

Dans la décision entreprise, le juge de paix n'a en effet pas tenu compte de ce que C______ avait engagé la procédure en autorisation à renonciation à succession le 24 juillet 2020, soit dans le délai que le premier juge lui avait imparti à cet effet. C______ en a informé le juge de paix le 25 septembre 2020, en sollicitant un délai supplémentaire de trois mois au regard des aléas du déroulement de la procédure française. Le juge de paix n'a pas donné suite à cette requête, n'a pas donné aux parties l'occasion de s'exprimer ni de consulter le dossier, puis a rendu la décision querellée du 11 décembre 2020, annulant sa précédente décision homologuant le certificat d'héritiers. C'est, dans ces circonstances, à raison que les appelants se plaignent d'une violation de leur droit d'être entendus.

Pour cette raison déjà, la décision entreprise doit être annulée, et la cause renvoyée à la Justice de paix pour qu'elle complète l'instruction et tranche la question de l'annulation de sa précédente décision homologuant le certificat d'héritiers une fois que les autorités françaises se seront prononcées sur la capacité de C______ de répudier la succession de son père au nom de sa fille mineure.

3. Les frais judiciaires d'appel sont laissés à la charge de l'Etat, vu l'issue de la procédure. Les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront invités à restituer aux appelants l'avance de frais qu'ils ont versée.

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel formé le 4 janvier 2021 par A______, B______, C______ et la mineure D______ à l'encontre de la décision DJP/520/2020 rendue par la Justice de paix le 11 décembre 2020 dans la cause C/23025/2019.

Au fond :

L'admet et annule la décision attaquée.

Renvoie la cause à la Justice de paix pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Laisse les frais judiciaires d'appel à la charge de l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______, B______, C______ et D______, créanciers solidaires, la somme de 500 fr. versés à titre d'avance de frais.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.