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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/13060/2021

CAPH/24/2024 du 04.03.2024 sur JTPH/156/2022 ( OS ) , PARTIELMNT CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13060/2021 CAPH/24/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU LUNDI 4 MARS 2024

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 24 mai 2022 (JTPH/156/2022), représentée par Me Marilyn NAHMANI, avocate, rue de la Rôtisserie 2, case postale 3809, 1211 Genève 3,

 

et


Monsieur B
______, domicilié ______ (France), intimé, représenté par le syndicat C______.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/156/2022 du 24 mai 2022, reçu le 25 mai 2022 par les parties, le Tribunal des prud’hommes, statuant par voie de procédure simplifiée, a déclaré recevable la demande formée le 14 octobre 2021 par B______ contre A______ SA (ch. 1 du dispositif), condamné A______ SA à verser à B______ la somme brute de 12'225 fr. 65 (douze mille deux cent vingt-cinq francs et soixante-cinq centimes) avec intérêts moratoires au taux de 5% l’an dès le 12 mars 2021 (ch. 2), condamné A______ SA à délivrer à B______ un certificat de travail conforme au considérant 5 du jugement (ch. 3), invité la partie qui en a la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 4), dit que la procédure est gratuite et qu’il n’est pas alloué de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 6).

B.            a. Par acte déposé le 23 juin 2022 au greffe universel de la Cour de justice, A______ SA appelle de ce jugement, dont elle sollicite l’annulation. Elle requiert, à la forme, d’ordonner la réouverture des enquêtes et procéder à l’audition de tous les témoins entendus en première instance ainsi que de D______ et E______, et la confrontation entre F______ et G______. Elle conclut, au fond, à ce qu’il soit constaté que le licenciement avec effet immédiat notifié le 11 mars 2021 à B______ était justifié et, par conséquent, à ce que A______ SA n’ait pas à modifier le certificat de travail conformément au chiffre 3 du dispositif du jugement précité, au déboutement de B______ de toutes autres conclusions et à la condamnation de ce dernier en tous les frais et dépens de la présente procédure.

b. Par courrier complémentaire déposé le 17 août 2022 au greffe universel de la Cour de justice, A______ SA, par le biais de son Conseil, a déposé une écriture spontanée et des pièces nouvelles.

Elle évoquait des faits nouveaux liés à une plainte pénale déposée à l’encontre de G______, entendue comme témoin dans le cadre de la présente procédure, pour faux témoignage et produisait des pièces à cet égard, dont un recours à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice.

c. Dans sa réponse du 25 août 2022, B______ a conclu, à la forme, s’en rapporter à justice quant à la recevabilité de l’appel de A______ SA, au constat de l’invalidité du paragraphe 11 du recours à la Chambre pénale de recours, et principalement, au rejet de l’appel et au déboutement de toutes les conclusions de A______ SA ainsi qu’à la suspension de la présente cause en attendant l’issue de la procédure pénale concernant A______ SA et G______.

d. Par acte du 4 octobre 2022, A______ SA a répliqué, persistant dans ses conclusions, et produit un arrêt du 23 septembre 2022 rendu par la Chambre pénale de recours de la Cour de justice par lequel son recours du 15 août précédent était rejeté. Cet arrêt est entré en force.

e. Par duplique du 4 novembre 2022, B______ a persisté dans ses conclusions.

f. Par pli du 24 novembre 2022, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les éléments pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______ SA est une société anonyme de droit suisse dont le but est d’exploiter des établissements dans le domaine médical, paramédical, de la santé, de la remise en forme et de l’esthétique. Son siège est à Genève. H______ en est directrice et I______ administrateur.

Elle exploite une clinique de réadaptation et suite de soin à J______ (GE) (ci-après également : la clinique).

b. Dès le 9 juillet 2020, B______ a été engagé en qualité de physiothérapeute par contrat de travail à durée indéterminée.

Dès le 23 octobre 2020, il a été promu au poste de physiothérapeute responsable.

Son salaire mensuel brut, versé treize fois l’an, s’élevait à 6'200 fr. jusqu’à janvier 2021, puis de 6'500 fr. dès le 1er février 2021.

La Convention collective de travail des cliniques privées s’appliquait à son contrat de travail.

c. Le 10 mars 2021, une altercation s’est déroulée au sein des locaux de la clinique.

Il est admis des parties que F______ était le subordonné de B______.

Il est admis des parties que durant cette altercation, B______ a saisi par le col F______, également employé de l’appelante, et l’a fait tomber au sol dans les couloirs de la clinique.

Enfin, il est également admis des parties que plusieurs employés de l’appelante sont intervenus pour que B______ lâche F______.

Dans son courrier du 17 mars 2021 (pièce 5 dem.) B______ a allégué que son collègue avait tenu des propos sexuels à plusieurs reprises malgré ses demandes qu’il arrête. Par ailleurs, son collègue s’était rapproché à deux reprises de lui, de sorte qu’il s’était senti menacé et avait, par réflexe de protection, repoussé son collègue.

Entendu par le Tribunal s’agissant de l’altercation, B______ a indiqué que lors de sa pause, il se trouvait allongé en position semi-assise sur une table utilisée pour les patients et, lorsque F______ était entré dans la pièce, il lui avait dit « de te voir comme ça, j’ai envie de mettre un coup ». Après lui avoir demandé ce qu’il voulait dire par là, F______ avait répété mot pour mot cette phrase, avec des gestes qui ne cachaient pas les intentions sexuelles.

Il avait alors demandé à F______ d’arrêter de proférer de telles paroles.

B______ allègue que F______ lui avait indiqué qu’il rigolait, puis il s’était approché de lui, d’un air menaçant comme s’il voulait lui donner un coup de tête, ce à trois reprises. Au bout de la troisième fois, B______ avait saisi son collègue par le col et l’avait mis au sol. Il l’avait maintenu au sol « en attendant qu’il se calme ».

Il estimait avoir été agressé et expliquait qu’il avait choisi de mettre son collègue au sol pour le neutraliser.

B______ a indiqué que deux personnes étaient intervenues pour qu’il lâche F______ et s’en aille, ce qu’il avait fait. F______ avait alors enlevé son t-shirt et lui avait dit qu’il souhaitait en découdre.

Il a également indiqué que D______ était présent au moment de l’altercation et qu’il y avait d’autres personnes dans le couloir auxquelles il n’avait pas prêté attention.

H______, représentant A______ SA, a indiqué ne pas avoir assisté à l’altercation. Quelqu’un était venu la chercher pour lui dire qu’il y avait un climat électrique. Après s’être rendue dans la salle de physiothérapie, elle avait vu F______ qui ne se sentait pas bien et qui avait des hématomes.

Le témoin F______ a indiqué au Tribunal que le jour de l’altercation, il avait dit à B______ « t’es sexy » ou quelque chose comme ça, mais n’avait pas utilisé l’expression « lui mettre un coup ». Il avait l’habitude de plaisanter comme cela avec tous ses collègues. Suite à cette plaisanterie, B______ a réagi de manière très agressive en « l’engueulant » et en lui disant qu’il ne pouvait pas se permettre de dire des choses pareilles. D______ était présent et avait dit à B______ que c’était sa manière de plaisanter.

F______ avait tout d’abord pensé que la réaction de B______ relevait de la plaisanterie. À un certain stade, il avait réalisé que B______ ne rigolait pas. C’est à ce moment-là qu’il avait quitté la salle de physiothérapie pour aller reprendre son travail. Lorsqu’il y était revenu pour chercher de la crème, B______ s’était rapproché de lui au point qu’il avait sa poitrine vers son visage. Le voyant extrêmement énervé, F______ lui avait proposé de discuter de cela plus tard et était sorti de la salle. À ce moment-là, B______ était sorti de la salle et avait commencé à crier contre lui, lui demandant de sortir immédiatement pour s’expliquer. Se rapprochant de lui, F______ lui avait demandé de ne pas crier devant la chambre des patients et lui avait indiqué que ce n’était pas le moment de discuter. B______ l’avait alors saisi par le col du t-shirt et l’avait tiré vers lui. Il était alors tombé par terre, sur ses coudes. B______ avait ensuite tenté de le traîner jusqu’à l’extérieur de la clinique, le blessant au cou, mais il avait réussi à se dégager en retirant son t-shirt. Une fois debout, deux collègues du service technique avaient dû bloquer B______. Il ne se souvenait pas très bien de ce qu’il s’était passé alors, car la situation était angoissante.

Le témoin K______, employée de l’appelante et présente sur les lieux au moment de l’altercation, a expliqué qu’elle avait entendu des cris et s’était approchée de la salle de physiothérapie dans le but les faire cesser. Elle avait vu B______ crier contre une personne qu’elle ne voyait pas encore. F______ était alors sorti de la salle. B______ l’avait attrapé par le polo et jeté par terre, d’un geste agressif, puis l’avait lâché. Elle s’était interposée pour faire cesser la situation. Lorsqu’elle avait demandé à B______ de crier moins fort, ce dernier avait répondu « il est fou ce type il n’a pas à faire ça ». Elle avait ensuite demandé aux deux hommes d’entretien de sortir avec B______. Ce dernier s’en était allé puis était revenu, toujours très énervé, et comme s’il comptait revenir à la charge. F______ s’était relevé et avait alors enlevé son t-shirt pour une raison inconnue. Puis, B______ était sorti.

Elle estimait que ces choses ne devaient pas avoir lieu au travail.

Le témoin G______, ancienne collaboratrice de l’appelante au sein de la clinique, n’était pas présente lors de l’altercation. Elle était entrée dans la salle de physiothérapie après celle-ci, et y avait vu F______ nerveux et torse nu. Elle avait ensuite vu F______ et B______ entrer et sortir de la salle, sans se toucher, ni s’insulter. Elle avait pris des photos des blessures de Monsieur F______ car le voyant torse nu et blessé, elle trouvait cela anormal dans une clinique.

d. Suite à ces faits, F______ a présenté une plaie longitudinale de 7 cm de long à type d’excoriation au niveau du cou, deux plaies en médaillon de 3 cm de diamètre au niveau de l’avant-bras droit, et une plaie en médaillon de 1-2 cm de diamètre au niveau de l’avant-bras gauche (pièce 2 déf.).

e. Dans les suites de l’altercation, il est admis des parties, notamment par leurs déclarations lors de l’audience du 3 février 2022, que H______ s’est entretenue avec B______ et que celui-ci lui a raconté « mot pour mot » le déroulement des faits de son point de vue.

Ainsi, B______ a indiqué qu’il s’était rendu auprès de I______ qui lui avait dit de se rendre auprès de la directrice, H______.

Après lui avoir raconté l’altercation, telle qu’il l’avait décrite au Tribunal, cette dernière lui aurait indiqué qu’il ne devait pas s’inquiéter pour la suite et que cette affaire allait se terminer par un avertissement. Il avait « contesté » ce qu’elle lui avait dit, en lui répondant que Monsieur F______ avait commencé en proférant des insultes à connotation sexuelles.

H______, représentant A______ SA, a indiqué qu’après les faits, F______ lui avait expliqué avoir eu une altercation avec B______. F______ avait voulu donner sa démission sur le champ, ce qu’elle avait refusé. Elle avait retrouvé B______ à l’extérieur et extrêmement tendu. Elle avait également croisé l’infirmière responsable, K______, qui lui avait rapidement raconté ce qu’elle avait vu.

Selon H______, K______ lui avait donné le nom des personnes présentes lors de l’altercation et lui avait fait un « bref topo » de la situation.

Elle avait alors entendu chacune de ces personnes, à savoir F______, D______, E______, et les deux personnes de service technique, L______ et M______. Ces personnes avaient soit vu soit entendu l’altercation.

Elle avait fini par entendre B______, dont la version des faits ne correspondait pas à celle des autres. H______ a indiqué qu’il avait été difficile de discuter avec ce dernier en raison de son état d’énervement et en raison du fait qu’il pensait qu’elle avait un parti pris pour F______.

Le témoin F______ a indiqué au Tribunal que suite à l’altercation, il avait signifié à H______ qu’il voulait démissionner et cette dernière lui avait demandé d’attendre. Une fois qu’il avait terminé le travail, il s’était rendu à la CLINIQUE N______. Il était allé à la police quelques jours après son agression, mais n’avait pas déposé plainte.

Entendue en qualité de témoin, K______ a indiqué qu’elle avait parlé avec ses supérieurs de cette altercation le soir même ou le lendemain.

f. B______ allègue que F______, dont il était le supérieur hiérarchique, était notamment connu pour proférer des blagues à connotations sexuelles, mais que c’était la première fois qu’il tenait de tels propos à son encontre.

F______ a indiqué qu’il avait l’habitude de plaisanter avec tous ses collègues et qu’il s’entendait bien avec B______ au point de passer du temps ensemble en dehors du travail.

Le témoin G______ a indiqué que F______ lui avait souvent fait des remarques et des plaisanteries d’ordre sexuel dont elle ne pouvait donner la teneur et dont elle ne s’était jamais plainte à ses supérieurs.

Le témoin K______ a expliqué qu’il y avait une bonne collaboration entre les collègues et personne n’était venu se plaindre des plaisanteries de F______. Étant sa responsable, elle n’avait elle-même jamais fait l’objet de plaisanterie déplacée de sa part.

g. Le 11 mars 2021, B______ a été licencié avec effet immédiat.

B______ allègue que H______ l’a convoqué dans son bureau en début d’après-midi et l’a renvoyé avec effet immédiat sans lui poser de question relative à l’altercation.

H______ a indiqué que ce matin-là elle avait vu F______ à l’extérieur qui lui avait fait part de sa peur de retourner travailler. Elle lui avait alors déclaré qu’elle allait licencier B______.

Après avoir convoqué B______ dans son bureau, elle lui avait expliqué les motifs de son congé et qu’elle se devait de protéger les employés.

Le Témoin F______ a indiqué qu’il avait, ce jour-là, discuté des événements avec H______, qui voulait savoir précisément qui avait commencé.

h. Par courrier du 17 mars 2021, B______ a contesté qu’il existe un motif de licenciement avec effet immédiat et a invoqué que son collègue avait tenu des propos sexuels à plusieurs reprises malgré ses demandes qu’il arrête. Par ailleurs, son collègue s’était rapproché à deux reprises de lui, de sorte qu’il s’était senti menacé et avait, par réflexe de protection, repoussé son collègue.

D.           a. B______ a introduit le 23 juin 2021 une requête de conciliation, par laquelle il invoquait, notamment, le caractère injustifié de la résiliation immédiate des rapports de travail par A______ SA.

b. Au bénéfice d’une autorisation de procéder du 5 août 2021, B______ a déposé au Tribunal des prud’hommes le 14 octobre 2021, une demande simplifiée par laquelle il a conclu à ce que A______ SA soit condamnée à lui verser 353 fr. 90 bruts avec intérêts à 5% l’an dès le 12 mars 2021 à titre d’indemnité pour vacances non prises, 273 fr. 95 bruts avec intérêts à 5% l’an dès le 12 mars 2021 à titre de salaire dû en raison de retenues injustifiées sur son salaire du mois de mars 2021, 12'225 fr. 65 bruts avec intérêts à 5% l’an dès le 12 mars 2021 à titre d’indemnité pour résiliation immédiate injustifiée des rapports de travail au sens de l’art. 337c al. 1 CO, 10'000 fr. nets avec intérêts à 5% l’an dès le 12 mars 2021 à titre d’indemnité pour résiliation immédiate injustifiée des rapports de travail au sens de l’art. 337c al. 3 CO, ainsi qu’à lui remettre un certificat de travail conforme aux termes figurant dans son projet produit sous pièce 13.

À l’appui de ses conclusions, B______ a fait valoir que son licenciement avec effet immédiat suite à son altercation avec un collègue de travail n’était pas justifié puisque ce dernier l’avait provoqué et il n’a fait que le repousser. Faute de juste motif susceptible de fonder le licenciement immédiat, il avait droit à ce qu’il aurait gagné si les rapports de travail avaient pris fin à l’échéance du délai de congé conventionnel, soit le 30 avril 2021, ainsi qu’à une indemnité équitable pour résiliation immédiate injustifiée des rapports de travail de 10'000 fr. À cela s’ajoutent un solde de vacances non prises ainsi que des retenues non justifiées sur son salaire dont il réclamait le paiement.

Il a produit un bordereau contenant 13 pièces.

c. Dans le cadre de sa réponse du 22 novembre 2021, A______ SA a conclu au déboutement de B______ de toutes ses conclusions.

Elle a notamment allégué que B______ avait perdu son sang-froid et violemment agressé son collègue, F______, après que ce dernier lui ait dit « tu es sexy » sur le ton de la plaisanterie.

Étant à l’origine de l’altercation et comme la boutade de son collègue ne justifiait aucunement un tel comportement, le licenciement immédiat était justifié. Cette décision était également nécessaire pour protéger la personnalité de F______.

S’agissant des prétentions concernant le solde de vacances non prises et le solde du salaire, A______ SA avait effectué le paiement des sommes demandées par B______.

A______ SA a produit un bordereau contenant 5 pièces, comprenant entre autres le rapport de la CLINIQUE N______ du 11 mars 2021 concernant F______.

Elle a en outre requis l’audition de D______, F______, K______ et de H______.

d.a. Par ordonnance du 1er décembre 2021, le Tribunal des prud’hommes a imparti un délai de 15 jours aux parties pour déposer ou récapituler leur liste de témoins ainsi que les moyens de preuve dont elles entendent se prévaloir.

d.b. Par pli du 14 décembre 2021, B______ a demandé l’audition de G______ et de O______.

Il a également déposé un chargé de pièces complémentaire, contenant deux attestations, l’une de P______, une patiente, et la seconde de Q______, un ancien collègue.

Dans sa lettre datée du 22 septembre 2021, P______ a attesté qu’elle avait vu B______, le jour de l’incident de mars 2021, essayer de discuter avec I______ et que celui-ci lui avait indiqué qu’il ne s’occupait pas des affaires relatives au personnel. Elle l’avait alors vu se rendre au bureau de H______, situé juste derrière la réception. Elle a ensuite fait l’éloge de B______ en sa qualité de physiothérapeute, ce dernier l’ayant suivie dans sa rééducation. Elle a mis en avant son professionnalisme, son dévouement et son investissement dans sa prise en charge, ainsi que sa gentillesse et sa bienveillance.

Quant à Q______, il attestait d’un climat de travail délétère qui régnait selon lui au sein de l’établissement A______ lorsqu’il y travaillait encore.

d.c. Par courrier du 22 décembre 2021, A______ SA s’est opposée aux auditions des témoins précités et a contesté la pertinence des attestations produites.

d.e Par courrier du 5 janvier 2022, B______ a persisté dans ses réquisitions de preuve.

e. Dans le cadre de l’audience des débats du 3 février 2022, le Tribunal a procédé à l’audition des parties et des témoins, soit F______, K______ et G______.

B______ a retiré ses conclusions concernant l’indemnité pour vacances non prises et les retenues sur salaire.

B______ a renoncé à l’audition du témoin O______ et A______ SA a renoncé à celle du témoin D______.

La défenderesse s’est engagée à établir un certificat de travail conforme à la réalité et qui ne porterait pas préjudice à B______.

f.a. Par plaidoiries écrites du 25 février 2022, A______ SA a conclu à ce qu’il soit constaté que la résiliation avec effet immédiat notifiée le 11 mars 2021 de B______ était justifiée et au déboutement de toutes les conclusions de B______.

Elle a produit un chargé de pièce complémentaire (pièce 6), qui comportait le nouveau certificat de travail daté du 4 février 2022 en faveur de B______.

f.b. Par plaidoiries écrites du 28 février 2022, B______ a conclu à ce que A______ SA soit condamnée au paiement de 12'225 fr. 65 bruts, plus intérêts à 5% l’an dès le 12 mars 2021, à titre d’indemnité au sens de l’art. 337c al. 1 CO et au paiement de 10'000 fr. nets, plus intérêts à 5% l’an dès le 12 mars 2021, à titre d’indemnité au sens de l’art. 337c al. 3 CO, à l’établissement d’un certificat de travail dont la teneur matérielle devait correspondre au certificat proposé sous pièce 17, subsidiairement à celui proposé sous pièce 13 et au déboutement de toutes autres, contraires ou plus amples conclusions.

Il a produit un chargé de pièces complémentaires avec une nouvelle proposition de certificat de travail (pièce 17).

g. Par réplique spontanée du 9 mars 2022, B______ s’est déterminé sur les plaidoiries finales de A______ SA et maintenu, en substance, ses conclusions.

h. A______ SA a également répliqué spontanément par courrier du 11 mars 2022, rejetant les conclusions des plaidoiries finales de B______ et maintenu ses conclusions.

E.            a. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que le licenciement immédiat du demandeur était injustifié et a condamné la défenderesse à verser au demandeur la somme de 12'225 fr. 65 avec intérêts moratoires au taux de 5% l’an dès le 12 mars 2021 à titre d’indemnité au sens de l’art. 337c al. 1 CO.

Le Tribunal a retenu, en substance, que le licenciement avec effet immédiat intervenu le 11 mars 2021 a été donné à la suite d’une altercation survenue la veille entre le demandeur et son collègue F______. Cette altercation avait été provoquée par les paroles à connotation sexuelle de F______, soit une atteinte illicite à la personnalité du demandeur (jugement, p. 14). Le geste du demandeur a été qualifié par le Tribunal de défense suite à une agression qui se situe dans la limite de ce qui peut être accepté en tant que réponse physique à une provocation verbale. Le demandeur n’avait donc pas sérieusement porté atteinte aux droits de la personnalité de son collègue (jugement, p. 15). Le Tribunal a estimé, en outre, que la défenderesse avait commis plusieurs fautes graves dans la gestion du litige, puisqu’elle n’avait pas entendu le demandeur de manière adéquate et n’avait pas procédé à une investigation exhaustive des faits, violant son devoir de protection de la personnalité du demandeur puisqu’il s’est plaint de harcèlement sexuel. Elle n’avait en outre donné aucun avertissement à F______ le laissant perpétrer ses allusions sexuelles. Enfin, elle avait annoncé le licenciement du demandeur en premier à F______, démontrant un parti pris pour ce collaborateur.

b. Le Tribunal a débouté le demandeur sur sa conclusion au paiement d’une indemnité au sens de l’art. 337c al. 3 CO. En substance, le Tribunal a estimé que le demandeur avait également porté atteinte aux droits de la personnalité de F______, de sorte qu’il existait une faute concomitante qui justifiait une suppression de l’indemnité.

c. Le Tribunal a, enfin, estimé qu’il se justifiait que la défenderesse délivre un nouveau certificat de travail conforme à la teneur suivante :

« La clinique A______ certifie que, Monsieur B______, né le ______ 1987, a travaillé au sein de la clinique A______ en qualité de physiothérapeute du 9 juillet 2020 au 24 septembre 2020, puis en qualité de physiothérapeute responsable jusqu’au mois de mars 2021. Monsieur B______ a accompli les tâches suivantes ;

·         Dispenser des soins personnalisés, de nature préventive, curative et de réadaptation.

·         Evaluer les besoins des patients, leur degré de dépendance et leurs sources de difficultés, organiser et appliquer les prestations qui en découlent et évaluer les résultats de ces prestations.

·         Prodiguer, planifier et coordonner les soins requis de maintien et de développement de l’autonomie.

·         Assurer les transmissions écrites et orales des informations relatives aux patients.

·         Informer le patient du déroulement de tout acte thérapeutique dans le but d’obtenir sa collaboration et celle de son entourage.

·         Donner un enseignement au patient afin qu’il acquière des compétences utiles au maintien de sa santé.

Monsieur B______ s’est acquitté de son activité thérapeutique avec rigueur et professionnalisme.

Monsieur B______ a par ailleurs entretenu de bonnes relations avec ses patients ainsi qu’avec ses collègues et supérieurs.

Nous le remercions vivement et lui souhaitons le meilleur pour son avenir professionnel.

Monsieur B______ nous quitte libre de tout engagement, hormis celui du secret professionnel auquel il demeure lié.

H______

Directrice ».

EN DROIT

1.             1.1 L’appel est recevable contre les décisions finales de première instance, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l’autorité inférieure, est, comme en l’espèce, supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

Formé en temps utile et selon la forme prescrite par la loi auprès de l’autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), l’appel est recevable (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC).

1.2 La Chambre de céans revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d’examen (art. 310 CPC).

Le litige, dont la valeur litigieuse est inférieure à 30'000 fr. est soumis à la procédure simplifiée (art. 243 al. 1 CPC).

La maxime inquisitoire sociale s’applique, le juge établissant les faits d’office (art. 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC). Il est toutefois lié par les conclusions des parties (art. 58 al. 1 CPC).


 

2.             Au vu du domicile de l’intimé, la cause présente un élément d’extranéité.

Les parties ne contestent pas, à juste titre, la compétence des tribunaux genevois (art. 19 ch. 2 let. a CL), ni l’application du droit suisse au présent litige (art. 121 al. 1 LDIP).

3.             Dans son appel, A______ SA invoque des faits et moyens de preuve nouveaux qui n’avaient pas été invoqués en première instance. Il s’agit d’éléments liés à une plainte pénale dirigée contre G______ pour faux témoignage.

3.1. La Cour examine d'office la recevabilité des faits et moyens de preuve nouveaux en appel (REETZ/HILBER, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 3ème édition. 2016, n. 26 ad art. 317 CPC).

Selon l'art. 317 al. 1 CPC, qui s'applique aussi aux causes régies par la maxime inquisitoire sociale (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1, arrêt du Tribunal fédéral 4A_239/2019 du 27 août 2019 consid. 2.2.2), les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

3.2. En l’espèce, il ressort des pièces produites que la plainte pénale à l’encontre de G______ a été déposée en raison de son témoignage lors de l’audition du 3 février 2022.

La prétendue infraction pénale dont se serait rendu coupable le témoin précité pouvait, dès lors, être invoquée dans le cadre de la procédure de première instance.

Or, l’appelante n’explique pas pourquoi elle aurait été empêchée de faire valoir ces faits par-devant le Tribunal.

Partant, les éléments nouveaux ainsi que les pièces déposées par l’appelante le 17 août 2022 sont irrecevables au stade de l’appel, étant relevé que ceux-ci sont dépourvus d’incidence sur l’issue du litige.

4.             Dans le cadre de son mémoire d’appel, l’appelante a conclu à ce qu’il soit ordonné la réouverture des enquêtes et à ce que la Chambre de céans procède à l’audition de tous les témoins entendus en première instance, ainsi qu’à l’audition de D______, E______ et à la confrontation de F______ et G______.

4.1.1 Conformément à l’art. 316 al. 3 CPC, l’instance d’appel peut librement décider d’administrer des preuves : elle peut ainsi ordonner que des preuves administrées en première instance le soient à nouveau devant elle, faire administrer des preuves écartées par le Tribunal de première instance ou encore décider l’administration de toutes autres preuves.

4.1.2 La jurisprudence a notamment déduit du droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst), en particulier, le droit pour le justiciable qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1), de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision et celui de participer à l’administration des preuves (ATF 146 IV 218 consid. 3.1.1; 132 V 368 consid. 3.1).

Le droit à la preuve est une composante du droit d’être entendu, qui implique que toute partie a le droit, pour établir un fait pertinent qui n’est pas déjà prouvé, de faire administrer les moyens de preuve adéquats, pour autant qu’ils aient été proposés régulièrement et en temps utile (ATF 140 I 99 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_113/2018 du 12 septembre 2018 consid. 4.2.1.1 non publié in ATF 144 III 541).

4.2. En l’espèce, l’appelante a explicitement renoncé à l’audition de D______ par le Tribunal lors de l’audience des débats de première instance du 3 février 2022 et n’a jamais sollicité l’audition de E______ en première instance.

S’agissant d’une confrontation de F______ et G______, il n’est cependant pas nécessaire de se pencher sur l’argumentation de l’appelante, vu la solution adoptée au consid. 8.2. ci-dessous.

En conséquence, il ne sera pas donné suite aux conclusions de l’intéressée tendant à la réouverture des enquêtes, la cause étant en état d’être jugée.

5.             L’intimé a requis la suspension de la présente cause jusqu’à droit jugé sur la procédure pénale opposant A______ SA et G______.

5.1 Selon l’art. 126 al. 1 CPC, le tribunal peut ordonner la suspension de la procédure si des motifs d’opportunité le commandent ; la procédure peut notamment être suspendue lorsque la décision dépend du sort d’un autre procès (HALDY, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème édition, 2019, n. 8 ad art. 126 CPC).

5.2 Vu la solution adoptée au consid. 8.2. la procédure pénale n’a aucune incidence sur la présente cause de sorte qu’une suspension ne se justifie pas.

6.             La conclusion de l’Intimé tendant à ce que l’invalidité d’un paragraphe d’une pièce établie par l’appelante soit constatée sera rejetée, faute de constituer une conclusion admissible au sens du CPC.

7.             L’art. 311 al. 1 CPC impose au recourant de motiver son appel, c’est-à-dire de démontrer le caractère erroné de la décision attaquée. Hormis les cas de vices manifestes, l’autorité d’appel doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4 et 138 III 374 consid. 4.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

7.2. En l’espèce, l’appelante a conclu à ce qu’il soit constaté que le certificat de travail qu’elle a produit n’a pas à être modifié.

Aucun développement du mémoire d’appel n’est toutefois consacré à la motivation de cette conclusion.

Ainsi, la conclusion de l’appelante à cet égard, qui n’est pas motivée, devra être déclarée irrecevable.

8.             L’appelante reproche au Tribunal d’avoir usé de son pouvoir d’appréciation de manière incompatible avec la jurisprudence et la doctrine en retenant que le comportement de F______ était constitutif de harcèlement sexuel, de sorte que le licenciement immédiat de B______ n’était pas justifié.

8.1 L’art. 337 CO prévoit que l’employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs (al. 1 1ère phrase). Sont notamment considérés comme de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d’exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (al. 2).

Selon la jurisprudence, la résiliation immédiate pour « justes motifs » est une mesure exceptionnelle qui doit être admise de manière restrictive. Seul un manquement particulièrement grave peut justifier une telle mesure. Deux conditions cumulatives doivent être remplies pour retenir l’existence d’un juste motif : le manquement imputé au partenaire contractuel doit être objectivement grave et, subjectivement, il doit avoir effectivement détruit le lien de confiance, indispensable au maintien des rapports de travail (arrêt du Tribunal fédéral 4A_35/2017 du 31 mai 2017 consid. 4.3).

Par manquement, on entend généralement la violation d’une obligation découlant du contrat de travail, comme par exemple le devoir de fidélité ou de loyauté (arrêt du Tribunal fédéral 4A_35/2017 du 31 mai 2017 consid. 4.3), mais d’autres incidents peuvent aussi justifier une telle mesure (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_225/2018 du 6 juin 2019 consid. 4.1).

Ce manquement doit être objectivement propre à détruire le rapport de confiance essentiel au contrat de travail ou, du moins, à l’atteindre si profondément que la continuation des rapports de travail ne peut raisonnablement pas être exigée ; de surcroît, il doit avoir effectivement abouti à un tel résultat. Lorsqu’il est moins grave, le manquement ne peut entraîner une résiliation immédiate que s’il a été répété malgré un avertissement (ATF 142 III 579 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_225/2018 consid. 4.1). L’employeur peut toutefois s’en abstenir lorsqu’il ressort de l’attitude de l’employé qu’une telle démarche serait inutile (ATF 127 III 153 consid. 1 b ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_105/2018 du 10 octobre 2018 consid. 3.1).

Il appartient à la partie qui se prévaut de justes motifs de résiliation immédiate d’en établir l’existence (art. 8 CC).

La partie qui entend se prévaloir d’un fait justifiant la résiliation immédiate du contrat de travail doit agir sans tarder, sous peine de forclusion ; si elle tarde, elle est réputée avoir définitivement renoncé à la résiliation immédiate. Un délai de réflexion de deux à trois jours ouvrables est à cet égard présumé approprié (GLOOR, in Commentaire du contrat de travail, 2ème édition, 2022, DUNAND/MAHON [éd.], N 73 ad art. 337 CO ; DONATIELLO in Commentaire romand Code des obligation I, 3ème édition, 2021, THEVENOZ/WERRO [éd.], N 18 ad art. 337 CO).

Le juge apprécie librement s’il existe de justes motifs (art. 337 al. 3 CO) ; il applique les règles du droit et de l’équité (art. 4 CC).

Savoir si le comportement incriminé atteint la gravité nécessaire dépend des circonstances du cas concret (ATF 142 III 579 consid. 4.2 et les arrêts cités). Dans son appréciation, le juge doit notamment tenir compte de la position et de la responsabilité du travailleur, du type et de la durée des rapports contractuels, de la nature et de l’importance des manquements (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1;
130 III 28 consid. 4.1). La position de l’employé, sa fonction et les responsabilités qui lui sont confiées peuvent entraîner un accroissement des exigences quant à sa rigueur et à sa loyauté (arrêts du Tribunal fédéral 4A_225/2018 consid. 4.1 ; 4A_105/2018 du 10 octobre 2018 consid. 3.2.1 et les arrêts cités).

À raison de son obligation de fidélité, l’employé est tenu de sauvegarder les intérêts légitimes de son employeur (art. 321a al. 1 CO) et, par conséquent, de s’abstenir de tout ce qui peut lui nuire (ATF 124 III 25 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_54/2020 du 25 mars 2020 consid. 6.1).

Contrevient notamment à cette obligation le travailleur qui menace l’un de ses collègues ou qui s’en prend physiquement à un autre employé (BRUCHEZ/MANGOLD/SCHWAAB, Commentaire du contrat de travail, 4ème édition, 2019, N 3 ad art. 321a CO).

8.1.2 La jurisprudence a souligné que, lorsqu’un employé porte sérieusement atteinte aux droits de la personnalité de l’un de ses collègues, il viole gravement une des obligations découlant du contrat de travail (art. 321a CO), de sorte qu’une résiliation immédiate au sens de l’art. 337 CO peut s’imposer (ATF 127 III 351 consid. 4 b/dd et les références citées).

Un acte agressif ou une menace peut, selon les circonstances, justifier ou non un licenciement immédiat (arrêts du Tribunal fédéral 4C.247/2006 consid. 2.6).

De justes motifs sont généralement admis si le travailleur commet, à l’occasion de son travail, des infractions pénales (DONATIELLO, op. cit. N 10 ad art. 337 CO).

8.2. En l’espèce, le motif du licenciement repose sur le comportement de l’intimé le 10 mars 2021, dans le cadre d’une altercation physique survenue sur le lieu de travail, dans les couloirs de la clinique exploitée par l’appelante.

Il convient ainsi d’analyser si ce motif était de nature à justifier une résiliation immédiate du contrat de travail en prenant en compte toutes les circonstances du cas d’espèce.

Il ressort des éléments du dossier que l’intimé a, le 10 mars 2021, eu une altercation avec l’un de ses collègues, également employé de l’appelante. À cette occasion, alors qu’il se trouvait dans les couloirs de la clinique, il a saisi son collègue par le col et l’a fait tomber au sol.

Il est également admis que c’est en raison de l’intervention d’autres employés, qui ont dû s’interposer, que l’altercation a pris fin.

Il n’est pas non plus contesté que B______ avait été promu physiothérapeute responsable au sein de la clinique et que, par conséquent, ses responsabilités étaient accrues, son employeur lui faisant entièrement confiance. F______ était, par ailleurs, son subordonné.

B______ a invoqué tout au long de la procédure que son comportement était fondé sur une agression physique qu’il aurait dû repousser et sur des insultes à connotations sexuelles dont il aurait fait l’objet.

S’agissant du comportement physique de F______, ce dernier a indiqué s’être approché de B______ qui évoquait, dans son pli du 17 mars 2021, s’être senti menacé par ce rapprochement physique. B______ n’évoquait pas alors de tentative de coups de la part de F______.

Dans la mesure où aucun témoin n’a confirmé que le précité aurait tenté de donner des coups à l’intimé, il ne peut être retenu que le comportement de B______ serait justifié par la menace d’une agression physique à son encontre.

Au demeurant, le témoin K______ n’a pas évoqué avoir vu F______ tenter de donner un coup à B______ avant que celui-ci ne le saisisse au col pour le mettre à terre.

Reste à savoir si les propos à connotations sexuelles prononcés par F______ le 10 mars 2021 permettaient de justifier l’agression physique de celui-ci et partant, impliqueraient que le licenciement immédiat de B______ serait injustifié.

B______ qualifie les propos tenus par F______ d’insultes à connotations sexuelles, ce dernier ayant, selon lui, invoqué à deux reprises qu’il avait envie de lui « mettre un coup » avec des gestes qui ne cachaient pas ses intentions « sexuelles », tandis que F______ a admis qu’il avait fait la remarque à son collègue qu’il était « sexy » sur le ton de la plaisanterie.

Il convient d’admettre que l’un ou l’autre de ces propos, bien qu’inadéquat sur le lieu de travail, ne constituent toutefois pas des « insultes » ou des injures.

B______ a par ailleurs évoqué qu’il n’avait jusqu’alors pas fait l’objet de propos à connotation sexuelle de la part de son subordonné, mais qu’il lui était connu que F______ faisait ce genre de blague.

Il ressort des témoignages de K______ et F______ que la collaboration entre les précités était, avant les faits du 10 mars 2021, plutôt bonne et qu’il n’y avait aucun problème préalable entre l’intimé et le précité.

B______ n’a par ailleurs pas invoqué d’autres propos de F______ ou d’autres comportements qui auraient entraîné une tension particulière avec le précité ou un harcèlement dont il aurait été victime.

Ainsi, aucun élément du dossier ne permet de retenir que B______ faisait face, avant le 10 mars 2021, à un comportement qui portait atteinte à sa personnalité et qu’il aurait, partant, été poussé à bout par son collègue.

Le témoignage de G______, qui n’a pas été en mesure de donner un exemple des propos qu’elle reprochait à F______, ne permet à ce titre pas de retenir l’existence d’un harcèlement sexuel à l’encontre de l’intimé.

L’altercation du 10 mars 2021 repose ainsi sur un propos ponctuel de F______, et non sur un climat hostile préalable qui aurait existé et dont l’employeur se serait accommodé.

La question de savoir si ces propos sont constitutifs d’une atteinte à la personnalité de Monsieur B______ peut demeurer ouverte, au vu du raisonnement qui suit.

En effet, ces propos ponctuels, certes inadéquats, ne sauraient, quoi qu’il en soit, justifier de commettre une atteinte à l’intégrité physique sur le lieu de travail. Au demeurant, de tels actes peuvent, selon les circonstances, constituer des voies de fait ou des lésions corporelles simples.

A ce titre, il ressort du constat de lésion du 10 mars 2021 que F______ a présenté plusieurs plaies suite à l’altercation.

À cela s’ajoute encore que B______ exerçait le poste de responsable. Au regard de son devoir de loyauté accru, il pouvait être attendu de lui qu’il maitrise l’émotion causée par la blague, certes inadéquate, que lui adressait F______ et qu’il conserve son sang-froid.

En particulier, il pouvait être attendu de lui qu’il ne s’en prenne pas physiquement à son subordonné sur le lieu de travail, dans les couloirs de la clinique, au su et au vu de collègues et, potentiellement, de clients de son employeur.

Il ne s’est, au demeurant, pas préoccupé des personnes présentes dans le couloir de la clinique au moment des faits, alors que celles-ci pouvaient être des clients de l’appelante.

Les témoins entendus, également employés de l’appelante à l’époque des faits, ont souligné la nature « anormale » d’une telle altercation physique sur le lieu de travail, au sein d’une clinique.

Le comportement de B______ était, dans ce contexte, inacceptable.

Cette attitude était de nature à briser irrémédiablement le rapport de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail.

Enfin, s’agissant des actes entrepris par l’employeur suite à l’altercation, la réaction de l’appelante ne prête pas flanc à la critique.

En l’espèce, l’appelante a résilié le contrat de travail la liant avec l’intimé avec effet immédiat le 11 mars 2021, en se prévalant du comportement inadmissible de l’intimé à l’égard de F______ lors de l’altercation du 10 mars 2021.

B______ a indiqué au Tribunal avoir raconté le jour même « mot pour mot » à H______ le déroulement des faits tels qu’il les a décrits au Tribunal.

Il en découle que sa version des faits s’agissant des événements du 10 mars 2021 a été prise en considération par l’employeur, qui a estimé, au vu des autres témoignages, qu’elle ne permettait pas d’excuser son comportement et que les rapports de travail ne pouvaient pas continuer.

Dans la mesure où l’employeur disposait d’un délai de deux ou trois jours ouvrables, le fait d’avoir procédé au licenciement de l’intimé le lendemain de l’altercation, après avoir pris des renseignements complémentaires auprès des personnes présente, n’apparait pas critiquable.

Le témoin K______ a, à cet égard, confirmé avoir été entendue par l’employeur le soir de l’altercation ou le lendemain.

Il ne faisait dès lors déjà aucun doute que B______ avait saisi son collègue et l’avait mis à terre dans les couloirs de la clinique, ce que le précité n’a, par ailleurs, jamais contesté.

L’appelante a dès lors entrepris tout ce qui pouvait être exigé d’elle, avant de procéder au licenciement immédiat de l’intimé.

En agissant de la sorte, l’intimé a porté atteinte à l’intégrité physique de son subordonné, ce devant les employés de l’appelante, violant ainsi gravement ses obligations découlant de l’art. 321a CO. Il a par ailleurs pris le risque d’agir devant les clients de son employeur. L’appelante était ainsi tenue de prendre les mesures nécessaires pour protéger son personnel, faute de quoi elle engageait sa propre responsabilité. La continuation des rapports de travail la liant à l’intimé ne pouvait, dans ces circonstances, pas être exigée d’elle. Il s’ensuit que la résiliation immédiate des rapports de travail était justifiée.

Aucune compensation n’est en conséquence due à l’intimé, qui sera, partant, débouté de ses conclusions en paiement d’une indemnisation fondée sur l’art 337.

L’appel sera ainsi partiellement admis et les chiffres 3 à 5 du jugement attaqué seront par conséquent annulés et l’intimé sera débouté de ses conclusions tendant au versement d’une indemnité pour résiliation immédiate injustifiée.

9.             La valeur litigieuse étant inférieure à 50'000 fr., il ne sera pas perçu de frais judiciaires (art. 71 RTFMC), ni alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC)

.* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud’hommes :


À la forme
:

Déclare recevable l’appel formé par A______ SA, en tant qu’il porte sur l’indemnité allouée aux chiffres 2 et 4 du dispositif du jugement JTPH/156/2022 rendu par le Tribunal des prud’hommes le 24 mai 2022 et irrecevable pour le surplus.

Au fond :

Annule les chiffres 2 et 4 du jugement entrepris.

Cela fait et statuant à nouveau :

Déboute B______ des fins de ses conclusions tendant au versement d’une indemnité pour résiliation immédiate injustifiée.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Dit qu’il n’est pas perçu de frais ni alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Aliénor WINIGER, présidente ; Madame Nadia FAVRE, Monsieur
Valery BRAGAR, juges assesseurs ; Madame Fabia CURTI, greffière.

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.