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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/25534/2020

CAPH/14/2024 du 13.02.2024 sur JTPH/295/2022 ( OO ) , PARTIELMNT CONFIRME

Recours TF déposé le 18.03.2024, 4A_173/2024
Normes : CO.336.al1.letc
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25534/2020 CAPH/14/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU MARDI 13 FEVRIER 2024

 

Entre

A______ et B______, sises ______ [ZH] , appelantes et intimées sur appel joint d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 3 mai 2022 (JTPH/295/2022), représentées par Me Julien LIECHTI, avocat, KBLex SA, rue François-Bonivard 10, 1201 Genève,

et

Monsieur C______, domicilié c/o D______, ______ [GE], intimé et appelant sur appel joint, représenté par Me Françoise MARTIN ANTIPAS, avocate, avenue de l'Avant-Poste 4, case postale 5747, 1002 Lausanne.


EN FAIT

A.           a. A______ est une société de droit suisse, sise à Zurich, dont le but est notamment l’exploitation d’une banque ainsi que l’exercice de toute activité se rattachant à celle-ci. Elle dispose d'une succursale à Genève.

Elle fait partie du même groupe que la société B______, sise également à Zurich, dont le but est la participation directe et indirecte à des entreprises de toute nature en Suisse et à l'étranger, notamment dans les secteurs de la banque.

b. En 2018, C______, originaire d’Amérique du Sud et de nationalité canadienne, qui vivait et travaillait dans le domaine bancaire au Canada, a été approché par A______ qui lui a fait plusieurs propositions d'engagement.

Dans ce cadre, début 2018, un business case, non signé par les parties, a été établi. Il résulte de ce document que C______ détenait alors 110 clients pour USD 260 millions de fonds en gestion. Le business case prévoyait de la part de C______ un apport à sa masse sous gestion (AuM) de USD 100 millions la première année, USD 230 millions la deuxième année et USD 345 millions la troisième année. Il était estimé que la gestion de ces avoirs générerait pour la banque (hors charges notamment salariales) des revenus de USD 385'000.- la première année, USD 1'285'000.- la deuxième année et USD 2'287'500.- la troisième année, de sorte que la contribution nette de C______ serait négative (- USD 130'250.-) la première année, de USD 631'750.- la deuxième année et de USD 1'487'250.- la troisième année. Sur cette base, il a été projeté, dans ce même document, que la rémunération de C______ pouvait être fixée à USD 695'000.- la première année, dont un bonus contractuel de 400'000 fr., à USD 695'000.- la deuxième année, dont un bonus contractuel de USD 273'650.- et un bonus de 20% de participation de USD 126'350.-, et à USD 592'450.- la troisième année, dont un bonus de 20% de participation de USD 297'450.-.

c. Deux lettres d'intentions ont ainsi été dressées.

La première, émise le 5 octobre 2018, prévoyait un engagement au 1er décembre 2018 et le versement d'un "bonus garanti" de 400'000 fr. à la date du 30 mars 2019, en ligne avec les règles de B______ sur la rémunération variable, à condition qu'aucune partie n'ait résilié le contrat avant cette date.

La seconde, émise le 11 décembre 2018, prévoyait un engagement le 1er mars 2019 et le versement d'un "bonus minimum garanti" de 400'000 fr. à la date du 30 mars 2020, pour autant que C______ n'ait pas donné son préavis et soit employé à temps plein.

d. Un premier contrat de travail a été signé entre les parties en février 2019 pour un début d’activité au 1er avril 2019. Il prévoyait le versement d'un "bonus minimum garanti" de 400'000 fr. à la date du 30 mars 2020, à condition qu'aucune partie n'ait résilié le contrat avant cette date.

Finalement le début des relations de travail a été reporté au 1er juillet 2019.

e. Par contrat de travail de durée indéterminée signé les 3 juin et 1er juillet 2019, C______ a été engagé par A______, en qualité de client relationship officer (CRO) à compter du 1er juillet 2019, avec lieu d'activité à Genève.

Sa rémunération prévoyait un salaire annuel brut de 239'200 fr. ainsi qu'un montant annuel forfaitaire de 10'800 fr. à titre de frais de représentation.

En outre, il était prévu qu'un "bonus garanti" de 200'000 fr. lui soit versé après achèvement du temps d'essai.

C______ devait également recevoir à titre de "bonus minimum garanti" pour l'année 2019, une somme de 400'000 fr. "en mars 2020" à condition qu'aucune partie n'ait résilié le contrat avant cette date. Le bonus garanti était payable en espèces et/ou sous la forme d'actions de B______, ou de tout autre type de plan de compensation différé selon la seule appréciation du comité de rémunération et de nomination de B______ (art. 8.6 du contrat).

Le contrat prévoyait encore une "rémunération variable" définie dans les "CRO Standard Conditions" ainsi qu'une "rémunération variable additionnelle".

f. C______ a perçu le premier bonus de 200'000 fr., dont une partie (100'000 fr.) lui a été allouée directement en espèces, en octobre 2019.

g. Fin 2019, E______, chef du private banking de A______, a fait part à C______ du fait qu'il n'était pas satisfait de ses résultats. Il ne lui a pas signifié formellement d'avertissement quant à son manque de résultat mais s'est montré "ferme" sur le respect des objectifs mentionnés dans le business case établi avant son engagement.

h. Entre juillet 2019 et fin février 2020, C______ a amené à A______ des avoir sous gestion pour environ USD 5 millions, ce qui avait généré pour celle-ci environ 23'000 fr. de revenus.

i. Le 27 février 2020, A______ a adressé à C______ un courrier lui proposant de modifier l’article 8.6 du contrat de travail, en ce sens qu’un "bonus garanti" de 200'000 fr. pour la période du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020 lui serait payé d’ici au 30 juin 2020, moyennant la réalisation d’un objectif de volume d’affaires. Selon la banque, la modification était liée au fait que C______ n'avait pas atteint le montant d'actifs sous gestion tel que prévu par le business plan.

j. Ce courrier s'est doublé d'un entretien téléphonique entre C______ et les ressources humaines de A______ lors duquel C______ a demandé à pouvoir disposer du temps nécessaire pour prendre connaissance du courrier en question.

k. Le 29 février 2020, la responsable des ressources humaines, F______, a remis en mains propres à C______ un second courrier, également daté du 27 février 2020, lui proposant une autre modification de l’article 8.6 précité, soit le paiement d'un "bonus garanti" de 400'000 fr. pour la période du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020, lequel dépendrait de la réalisation d’un chiffre cible avec une formule de pondération en cas d’atteinte partielle.

Il a été demandé à C______ d'apporter une réponse au plus vite.

l. Par courriel du 5 mars 2020, C______ a expliqué aux ressources humaines que ces deux courriers avaient créé une confusion chez lui et qu’il souhaitait un entretien pour en discuter.

m. Le 11 mars 2020, C______ a été convoqué à un entretien, avec la responsable des ressources humaines et un responsable de A______, au cours duquel son licenciement lui a été notifié, le contrat devant prendre fin au 31 juillet 2020, avec libération de l'obligation de travailler durant le délai de congé dès le 11 mars 2020.

n. Par courrier du 25 juin 2020, C______ a formé opposition à son congé, à son sens abusif, et a réclamé le paiement de son "bonus" contractuellement prévu de 400'000 fr.

o. Par pli du 5 août 2020, A______ a contesté les prétentions de C______, expliquant que la résiliation de son contrat de travail se fondait sur sa mauvaise performance.

B.            a. Par demandes déposées en vue de conciliation auprès de la juridiction des prud'hommes le 20 novembre 2020, déclarées non conciliées le 10 février 2021 et introduites au fond le 4 mai 2021, C______ a assigné d'une part A______ en paiement de 400'000 fr. bruts avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er avril 2020 à titre de "bonus minimum garanti" et de 216'667 fr. nets avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er août 2020 à titre d’indemnité pour licenciement abusif, équivalente à quatre mois de salaire (C/25538/2020), et d'autre part B______, concluant à ce que celle-ci soit condamnée à lui remettre des actions, avec tous les droits liés auxdites actions avec effet au 1er avril 2020, ou toute autre forme de compensation différée décidée par celle-ci avec tous les droits y relatifs avec effet au 1er avril 2020, à hauteur d’une contre-valeur de 400'000 fr. (C/25534/2020). Il a préalablement conclu à la jonction des deux causes.

C______ a expliqué avoir ouvert deux procédures distinctes car une partie de la rémunération variable pouvait être versée en actions sur décision du comité de rémunération de B______.

A l'appui de ses conclusions, il a allégué que, sous réserve d'une éventuelle résiliation du contrat de travail, le "bonus garanti" de 400'000 fr. n'était soumis à aucune condition ni à aucun objectif particulier et faisait partie des conditions qui l'avaient amené à accepter son emploi auprès de A______. Cette dernière ne l’avait jamais interpellé en lien avec ses objectifs, lesquels n'avaient pu être remplis compte tenu de changements de processus internes de la banque. Il n’avait jamais reçu d’avertissement de la part de son responsable. La résiliation de son contrat de travail était abusive car directement consécutive aux tentatives de A______ de lui imposer une réduction de sa rémunération avec effet immédiat et rétroactif, en violation de son contrat de travail, et de son refus de signer l’une ou l’autre de ces modifications. A______ ne pouvait dès lors se référer à la clause selon laquelle le contrat de travail ne devait pas avoir été résilié au moment de l’échéance pour que le bonus puisse être perçu, dans la mesure où le contrat avait été volontairement résilié pour empêcher le paiement du bonus.

b. A______ et B______ ont conclu au déboutement de C______ de toutes ses conclusions.

Elles ont allégué que le business case, document élaboré pour tous les nouveaux gérants avant leur engagement, avait pour but de chiffrer les revenus que C______ était en mesure de générer pour la banque. Le salaire annuel de C______ avait été fixé à 239'200 fr. par an, soit un montant nettement supérieur à celui d’autres employés de la banque à un poste similaire, du fait des perspectives d’apports promises par lui. Il en allait de même du bonus de 400'000 fr. payable fin mars 2020 qui avait été convenu du fait des perspectives de revenus et d’apports annoncées par C______ et indiquées dans le business case. Or, il s'était avéré que C______ n'avait jamais atteint les chiffres prévus et qu'ils ne pourraient être réalisés d'ici au 30 juin 2020. Au vu de ce constat et compte tenu des pertes engendrées, deux choix s’étaient offerts à A______. Elle pouvait soit résilier le contrat de travail de manière ordinaire, soit proposer à C______ une réadaptation de son contrat, afin de lui donner plus de temps pour atteindre une certaine rentabilité. Des propositions avaient été faites à C______, lesquelles visaient à réduire ses objectifs tout en repoussant de quelques mois et en adaptant le paiement du bonus prévu dans le contrat. Ce dernier n’avait accepté aucune de ces propositions de sorte que A______ avait dû se résoudre à résilier le contrat de travail.

c. Par ordonnance du 2 novembre 2021, le Tribunal des prud'hommes (ci-après : le Tribunal) a ordonné la jonction des causes sous le numéro de cause C/25534/2020.

d. E______, chef du private banking de A______ depuis août 2019, a indiqué ne pas avoir participé à l'engagement de C______. Il a toutefois expliqué que, d'une manière générale, la décision d'embaucher un CRO s'effectuait sur la base d'un business case. Le candidat présentait son business case dans un premier temps, ce qui permettait de discuter de sa candidature. Dans un second temps, la phase de calibrage permettait de déterminer le moment où la banque rentabiliserait cet engagement en couvrant l'investissement initial. Il s'en suivait alors une discussion avec le candidat pour déterminer sa rémunération. La part de salaire fixe de C______ était particulièrement élevée par rapport à celle des autres CRO et le bonus de 400'000 fr. pour la performance 2019 n'était pas quelque chose de courant.

Début 2020, E______ avait perdu espoir quant à la possibilité pour C______ de réaliser les objectifs visés dans son business case. Le contrat de travail était à cet égard clair : C______ était éligible au paiement de son bonus pour autant qu’il soit toujours employé par A______. Il lui avait donc été proposé de maintenir le montant de 400'000 fr. mais d'en différer le paiement en juillet 2020, à condition qu’il atteigne l’un des objectifs de son business case, à savoir qu’il ramène au moins CHF 50 millions lors de sa première année de service. Les discussions qui avaient eu lieu en février 2020 avaient pour but d'éviter le licenciement de C______.

e. F______, responsable des ressources humaines de A______, entendue comme témoin, laquelle avait participé au processus d'engagement de C______, a indiqué que le contrat de travail prévoyait le paiement d’une somme (200'000 fr.) qui devait compenser le "bonus" perdu par C______ en quittant son précédent employeur. En sus, un "bonus garanti" de 400'000 fr. devait lui être versé en mars 2020 alors qu’il avait commencé le 1er juillet 2019. Ce paiement était soumis à la condition que C______ soit toujours employé et actif au sein de la banque. Si le bonus était basé sur la performance, il n’y avait toutefois pas eu d’objectif spécifique fixé dans le contrat quant au paiement de ces 400'000 fr.

F______ avait également participé aux discussions qui avaient conduit au licenciement de C______. Au vu du manque de performances de ce dernier, plusieurs options avaient été envisagées, parmi lesquelles avait été évoquée la modification de ses conditions d’engagement. Ce changement devait intervenir immédiatement et concerner le bonus versé en mars. Selon F______, il n'était pas planifié de faire cette proposition à C______ pour le licencier en cas de refus. Le licenciement serait intervenu en tous les cas s'il n'atteignait pas les résultats attendus. Cette proposition lui avait été faite avec la meilleure des intentions, pour maintenir son engagement et dans l'espoir qu'il réussisse à atteindre ses objectifs. Toutefois C______ n'était pas content avec les propositions. Il ne voulait pas de changement et que la situation soit maintenue.

C.           Par jugement JTPH/295/2022 du 3 mai 2022, le Tribunal, après avoir déclaré recevables les demandes formées par C______ contre A______ et B______ (ch. 1 du dispositif) et rejeté des demandes de production de pièces (ch. 2), a condamné A______ à verser à C______ la somme nette de 19'933 fr. 40 avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er août 2020 (ch. 4) et la somme nette de 400'000 fr. avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er avril 2020 (ch. 5), a invité la partie qui en avait la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 6) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 7). Il a arrêté les frais de la procédure à 10'740 fr. (ch. 8), les a compensés avec l’avance de frais de 10'200 fr. effectuée par C______ (ch. 9), a condamné A______ à verser la somme de 6'200 fr. à C______ (ch. 10), a condamné B______ à verser la somme de 4'000 fr. à C______ (ch. 11), a condamné A______ et B______ à verser chacune la somme de 270 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de l’Etat de Genève (ch. 12 et 13), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 14) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 15).

Le Tribunal a considéré que A______ n'était pas parvenue à démontrer le prétendu manque de performance de C______, étant relevé qu'aucun avertissement formel n'avait été adressé à celui-ci. Dans un premier temps, A______ avait tenté d’imposer une modification du contrat de travail de C______ et, dans un second temps, elle avait mis un terme au contrat de travail pour empêcher la naissance des prétentions de C______ en lien avec son bonus. Il ne faisait aucun doute que A______ avait décidé de licencier C______ afin de l'empêcher de pouvoir prétendre au versement de son bonus, raison pour laquelle il devait être admis que les conditions permettant de retenir un licenciement abusif étaient remplies. C'était lors de la conclusion du contrat que la banque aurait dû poser des conditions au versement du bonus en lien avec les avoirs sous gestion apportés par C______. Les premiers juges ont considéré qu'une indemnité pour licenciement abusif d'un mois de salaire de base se justifiait compte tenu notamment de la courte durée des rapports de travail.

S'agissant du bonus, le contrat ne soumettait son versement à aucune autre condition que celle de l’absence de congé notifié à l’une ou l’autre des parties au 30 mars 2020. Il ne ressortait pas du contrat de travail que le versement de ce montant était soumis à la réalisation de certains objectifs. La condition relative au paiement du "bonus minimum garanti", que le Tribunal a qualifié de salaire variable, était réputée accomplie dès lors que A______ avait licencié C______ de mauvaise foi pour en empêcher l’avènement. Le Tribunal ayant fait droit à la conclusion de l'intimé à l'encontre de A______, il l'a débouté de ses prétentions envers B______, les deux prétentions étant intrinsèquement liées.

Sur les frais, le Tribunal a retenu que C______ avait eu gain de cause au niveau de ses deux conclusions, même si le montant de l'indemnité pour licenciement abusif octroyé correspondait à un mois de salaire au lieu des quatre mois réclamés, de sorte qu'il convenait de mettre à la charge de A______ et de B______ l'intégralité des frais judiciaires. Au vu notamment de la valeur litigieuse initiale des deux procédures, avant que celles-ci ne soient jointes, et du nombre d’audiences, le Tribunal a fixé à 10'200 fr. l’émolument forfaitaire de décision, auquel il a ajouté les indemnités versées aux interprètes (540 fr.), de sorte qu'il a fixé les frais judiciaires à 10'740 fr., qu'il a répartis à raison de 6'470 fr. pour A______ et 4'270 fr. pour B______.

D.           a. Par acte expédié le 27 octobre 2022 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ et B______ ont appelé de ce jugement, qu'elles ont reçu le 28 septembre 2022. Elles ont conclu à son annulation et au déboutement de C______ de toutes ses conclusions, sous suite de frais des deux instances.

b. Dans sa réponse du 9 décembre 2022, C______ a conclu au rejet de l'appel, sous suite de frais judiciaires. Il a par ailleurs formé un appel joint, concluant à ce que le chiffre 4 du dispositif du jugement soit réformé en ce sens que A______ soit condamnée à lui verser la somme nette de 216'667 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 1er août 2020 au titre d'indemnité pour licenciement abusif.

c. Dans leur écriture du 30 janvier 2023, A______ et B______ ont conclu au rejet de l'appel joint, sous suite de frais judiciaires.

d. Dans leurs écritures ultérieures, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

e. Par avis du 15 mai 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), dans le délai utile de trente jours et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1 et 3 et 311 CPC), à l'encontre d'une décision finale de première instance rendue dans une affaire de nature pécuniaire, qui statue sur des conclusions dont la valeur litigieuse, compte tenu de l'ensemble des prétentions demeurées litigieuses en première instance, est supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1 et 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

1.2 Formé dans la réponse à l'appel (art. 313 al. 1 CPC), l'appel joint est également recevable.

Par souci de simplification et pour respecter le rôle initial des parties en appel, A______ et B______ seront ci-après désignées en qualité d'appelantes et l'employé en qualité d'intimé.

1.3 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (art. 157 CPC en lien avec l'art. 310 let. b CPC; ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

Hormis les cas de vices manifestes, la Cour doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

1.4 La valeur litigieuse étant supérieure à 30'000 fr., la présente procédure est soumise aux maximes des débats et de disposition (art. 55 CPC cum 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC et 58 CPC). La procédure ordinaire est applicable (art. 219 et 243 CPC).

2. Il n'est pas contesté que les parties étaient liées par un contrat de travail au sens des art. 319 ss CO.

3. Dans la mesure où les parties s'opposent sur la nature – salaire variable ou gratification – du "bonus minimum garanti" de 400'000 fr. prévu à l'art. 8.6 du contrat de travail et que la réponse à cette question est pertinente tant pour statuer sur le caractère abusif du licenciement de l'intimé que sur le versement dudit "bonus", ce point sera examiné en premier lieu.

3.1.1 Par le contrat individuel de travail, le travailleur s'engage, pour une durée déterminée ou indéterminée, à travailler au service de l'employeur et celui-ci à payer un salaire fixe d'après le temps ou le travail fourni (art. 319 al. 1 CO).

Le salaire est la rémunération que l’employeur est tenu de verser au travailleur pour les prestations ou le temps que celui-ci a consacré à son service. En principe, la rémunération est fixée dans le contrat individuel de travail (art. 322 CO) (arrêt du Tribunal fédéral 4A_158/2019 du 26 février 2020 consid. 4).

La gratification est une rétribution spéciale versée par l’employeur en sus du salaire habituel à certaines occasions (art. 322d al. 1 CO), par exemple une fois par année. Elle se distingue du salaire en ceci que son versement dépend totalement ou du moins partiellement du bon vouloir de l'employeur (arrêt du Tribunal fédéral 4A_158/2019 précité consid. 4).

Le droit suisse ne contient aucune disposition qui traite spécifiquement du "bonus" (ATF 145 V 188 consid. 5.2.2; 141 III 407 consid. 4.1). Il convient donc de déterminer, dans chaque situation s’il s’agit d’un élément du salaire (art. 322 CO) ou d’une gratification (art. 322d CO).

Savoir si les parties ont convenu d'un "bonus" déterminé ou objectivement déterminable et, partant, d'un salaire variable (art. 322a CO) ou, au contraire, d'un "bonus" indéterminé ou objectivement indéterminable et, partant, d'une gratification (art. 322d CO), est affaire d'interprétation de leurs manifestations de volonté, selon les principes jurisprudentiels usuels (arrêt du Tribunal fédéral 4A_230/2019 du 20 septembre 2019 consid. 4.1).

La qualification du "bonus" est le fruit d'un raisonnement juridique qui découle d'une constatation de fait tenant à l'existence d'un pouvoir discrétionnaire de l'employeur. Si ce dernier ne dispose d'aucune marge d'appréciation, que ce soit pour décider du principe du versement ou de la quotité de la rémunération dont il s'agit, la rémunération querellée s'apparente à un élément du salaire (ATF 142 III 381 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_158/2019 précité consid. 5.2 et les arrêts cités).

L’existence d'une condition contractuelle affectant l’élément de rémunération ne conduit pas à le qualifier, à elle seule, de salaire ou de gratification ; une telle qualification se déduit de l’ensemble des circonstances. Une condition tenant à des rapports de travail non résiliés au moment de l’échéance n’est donc pas, à elle seule, déterminante, car une fois la rémunération qualifiée de salaire ou de gratification il est possible, dans une seconde étape, d'en déduire si la condition est licite ou non (arrêt du Tribunal fédéral 4A_158/2019 précité consid. 5.2 et les arrêts cités).

3.1.2 En droit suisse des contrats, la question de savoir si les parties ont conclu un accord est soumise au principe de la priorité de la volonté subjective sur la volonté objective. Lorsque les parties se sont exprimées de manière concordante, qu'elles se sont effectivement comprises et, partant, ont voulu se lier, il y a accord de fait. Si au contraire, alors qu'elles se sont comprises, elles ne sont pas parvenues à s'entendre, ce dont elles étaient d'emblée conscientes, il y a un désaccord patent et le contrat n'est pas conclu. Enfin, si les parties se sont exprimées de manière concordante, mais que l'une ou les deux n'ont pas compris la volonté interne de l'autre, ce dont elles n'étaient pas conscientes dès le début, il y a désaccord latent et le contrat est conclu dans le sens objectif que l'on peut donner à leurs déclarations de volonté selon le principe de la confiance; en pareil cas, l'accord est de droit (ou normatif) (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1; 123 III 35 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_643/2020 du 22 octobre 2021 consid. 4.1).

En procédure, le juge doit donc rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (art. 18 al. 1 CO ; interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices, sans s'arrêter aux expressions et dénominations inexactes dont elles ont pu se servir soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO; ATF 142 III 239 consid. 5.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_431/2019 du 27 février 2020 consid. 5.1). Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_643/2020 du 22 octobre 2021 consid. 4.2.1). Cette interprétation subjective repose sur l'appréciation des preuves. Si elle s'avère concluante, le résultat qui en est tiré, c'est-à-dire la constatation d'une commune et réelle intention des parties, relève du domaine des faits (ATF 142 III 239 consid. 5.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_411/2020 du 9 février 2021 consid. 3.1.3 et les arrêts cités).

Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Il s'agit d'une interprétation selon le principe de la confiance. Le principe de la confiance permet d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_411/2020 du 9 février 2021 consid. 3.1.3 et les arrêts cités et 4A_643/2020 du 22 octobre 2021 consid 4.2.2).

3.2 En l'espèce, le contrat de travail prévoit le versement d'une somme déterminée, soit 400'000 fr., payable à un moment déterminé, en mars 2020. Certes, ce montant a été fixé dans la perspective – dont aucun élément du dossier ne permet de considérer qu'elle n'ait pas été considérée comme réaliste par les deux parties lors de la conclusion du contrat – que l'intimé parvienne à atteindre les projections résultant des documents précontractuels, en particulier du business case, en matière d'apport de nouveaux avoirs en gestion. Contrairement à ce qu'affirme péremptoirement l'appelante, cependant, aucun élément du dossier ne permet de considérer que les parties seraient convenues de conférer à ces projections une portée contractuelle propre, et en particulier d'ériger leur réalisation totale ou partielle au rang de condition du droit au bonus de 400'000 fr. ou de critère de fixation de son montant. Il résulte au contraire des termes clairs de l'accord, comme l'a constaté le témoin F______, ayant participé pour le compte de l'appelante aux négociations précédant la conclusion du contrat, que l'octroi du bonus de 400'000 fr. n'était lié à la réalisation d'aucun "objectif spécifique fixé dans le contrat". L'appelante paraît du reste l'admettre dans ses écritures d'appel puisqu'elle ne fait plus valoir que le montant ne serait pas dû du simple fait que l'intimé n'aurait pas atteint ses objectifs. Il résulte au demeurant des négociations précontractuelles en relation avec le texte sur lequel les parties se sont finalement accordées que l'intimé n'a accepté de conclure le contrat qu'à la condition de pouvoir percevoir sans conditions les sommes de 200'000 fr. et de 400'000 fr. prévues contractuellement, ce que l'appelante – pour des motifs dont elle ne soutient pas qu'ils seraient le résultat d'une erreur essentielle de sa part ou d'un dol de l'intimé – a accepté afin de pouvoir intégrer l'intimé dans son personnel. L'intention réelle et commune des parties n'était donc pas de faire dépendre le versement des 400'000 fr. d'une décision discrétionnaire de l'employeur, avec pour conséquence que ce montant doit être qualifié d'élément du salaire de l'intimé se rattachant, comme le précise le contrat, à son activité pour 2019. Le fait que le versement d'un "bonus minimum garanti" n'a été convenu que pour la première période d'activité de l'intimé s'explique par l'opinion commune des parties, reflétée dans les documents précontractuels, que ce dernier ne pourrait guère espérer obtenir une rémunération variable découlant de son activité en 2019 compte tenu de sa prise d'emploi récente et du temps nécessaire à faire venir des clients chez l'appelante.

Pour qualifier les 400'000 fr. de gratification, les appelantes se prévalent en appel du fait que le paiement de cette somme était soumis à la condition que le contrat n'ait pas été résilié avant son exigibilité, ce dont il faudrait déduire son caractère discrétionnaire. Or, comme le précise la jurisprudence citée ci-dessus (consid. 3.1.1 in fine), une telle condition n'est pas à elle seule déterminante pour qualifier le montant de 400'000 fr. de gratification et, dans le cas d'espèce, une telle qualification ne peut se fonder sur aucun autre élément du dossier.

En résumé, dans la mesure où rien ne permet de considérer que le contenu du contrat – soit le versement inconditionnel d'un montant déterminé de 400'000 fr. en mars 2020 – ne correspondait pas à la volonté concordante des parties, il y a lieu de considérer que ce montant constituait un élément du salaire de l'intimé pour l'année 2019, et non une gratification.

4. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir considéré que le montant de 400'000 fr. était dû à l'intimé alors que le contrat de travail avait été résilié de sorte que la condition posée à son versement n'était pas réalisée.

4.1 L'employeur peut subordonner le paiement de la gratification à la réalisation de conditions, dans les limites de l'art. 27 al. 2 CC. Ainsi, il est admissible d'exiger que le travailleur soit effectivement employé dans l'entreprise à l'échéance de la gratification, ou encore de n'allouer aucune gratification, ou une gratification réduite à l'employé qui est encore au service de l'employeur au moment de l'occasion donnant lieu à la gratification, mais dont le rapport de travail a déjà été résilié. En revanche, le paiement du salaire ne saurait dépendre de la présence de l'employé dans l'entreprise ou de la non-résiliation de son contrat; la fonction même du salaire s'y oppose. Une telle clause est illicite et frappée de nullité en tant qu'elle se rapporte à un élément du salaire (art. 20 al. 2 CO; ATF 109 II 447 consid. 5c ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_158/2019 précité consid. 4 et les arrêts cités).  

En effet, lorsque, pour des raisons de convenance, les parties préfèrent différer le paiement d'une partie du salaire, il n'y a aucune raison de prévoir, pour cette partie de salaire, des règles plus défavorables au travailleur, relatives à la naissance et à l'exigibilité de la créance qui en résulte, que pour le salaire courant (ATF 109 II 447 consid. 5c).

4.2 En l'espèce, s'agissant d'un élément du salaire de l'intimé pour l'année 2019 (et non d'une gratification), l'appelante ne pouvait pas soumettre le versement des 400'000 fr. au fait que le contrat de travail n'ait pas été résilié avant le 30 mars 2020. Cette clause est nulle et non avenue, même si l'intimé y a souscrit.

Par ailleurs, cette rémunération étant due pour l'activité développée par l'intimé en 2019, et le contrat ayant pris fin ultérieurement, la totalité du montant est due à l'intimé.

Par conséquent, le chiffre 5 du dispositif du jugement sera confirmé, par substitution de motifs.

5. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir qualifié le licenciement signifié à l'intimé d'abusif alors que celui-ci a été donné en raison de ses mauvais résultats.

5.1.1 Selon l’art. 335 al. 1 CO, le contrat de travail conclu pour une durée indéterminée peut être résilié par chacune des parties. Celles-ci sont en principe libres de résilier le contrat sans motif particulier. Toutefois, le droit de mettre unilatéralement fin au contrat est limité par les dispositions sur le congé abusif au sens des art. 336 ss CO (ATF 136 III 513 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_189/2023 du 4 octobre 2023 consid. 4.1 et les arrêts cités).

5.1.2 La résiliation ordinaire du contrat de travail est abusive lorsqu'elle intervient dans l'une des situations énumérées à l'art. 336 al. 1 CO, lesquelles se rapportent aux motifs de la partie qui résilie. Cette disposition restreint, pour chaque cocontractant, le droit de mettre unilatéralement fin au contrat (ATF 136 III 513 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_189/2023 du 4 octobre 2023 consid. 4.1 et les arrêts cités).  

Pour dire si un congé est abusif, il faut se fonder sur son motif réel (ATF 136 III 513 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_368/2022 du 18 octobre 2022 consid. 3.1.2 et les références citées).

Aux termes de l’article 336 al. 1 let. d CO, le congé est abusif lorsqu’il est donné par une partie parce que l’autre partie fait valoir de bonne foi des prétentions résultant du contrat de travail. Les prétentions résultant du contrat de travail portent notamment sur les salaires, primes ou vacances (arrêt du tribunal fédéral 4A_652/2018ddu 21 mai 2019 consid. 4.1). Pour que cette disposition soit applicable, il faut que l'autre partie ait eu la volonté d'exercer un droit et qu'elle ait été de bonne foi, même si sa prétention, en réalité, n'existait pas et que les prétentions émises par l'employé doivent encore avoir joué un rôle causal dans la décision de l'employeur de le licencier (ATF 136 III 513 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_3/2023 du 30 août 2023 consid. 4.1). 

Selon l’art. 336 al. 1 let. c CO, le congé est également abusif lorsqu’il est donné par une partie seulement afin d’empêcher la naissance de prétentions juridiques de l’autre partie, résultant du contrat de travail. Comme l’application de cette disposition suppose que le congé soit exclusivement dicté par la volonté d’échapper à des prétentions juridiques de l’autre partie, l’existence d’un autre motif de congé, réel, suffit à exclure d’emblée une résiliation abusive (arrêts du Tribunal fédéral 4A_89/2021 du 30 avril 2021 consid. 3.1).

En application de l'art. 8 CC, c'est à la partie qui a reçu son congé de démontrer que celui-ci est abusif. Le travailleur doit établir le motif abusif, ainsi que le lien de causalité entre le motif abusif et la résiliation (arrêt du Tribunal fédéral 4A_240/2017 consid. 3). La jurisprudence a toutefois tenu compte des difficultés qu'il peut y avoir à apporter la preuve d'un élément subjectif, à savoir le motif réel de celui qui donne le congé. Le juge peut ainsi présumer en fait l'existence d'un congé abusif lorsque l'employé parvient à présenter des indices suffisants pour faire apparaître comme non réel le motif avancé par l'employeur. Si elle facilite la preuve, cette présomption de fait n'a pas pour résultat d'en renverser le fardeau. Elle constitue, en définitive, une forme de «preuve par indices». De son côté, l'employeur ne peut rester inactif; il n'a pas d'autre issue que de fournir des preuves à l'appui de ses propres allégations quant au motif du congé (ATF 130 III 699 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_368/2022 du 18 octobre 2022 consid. 3.1.2).

5.2 Il ressort en l'espèce du dossier, en particulier des témoignages des employés des appelantes, que celles-ci n'étaient pas satisfaites des résultats obtenus par l'intimé et redoutaient, dès le début de l'année 2020, que celui-ci ne parvienne pas à réaliser les projections du business case. Contrairement à ce que soutiennent les appelantes, il n'en résulte cependant pas qu'il faille voir dans cette insatisfaction la cause du licenciement intervenu le 11 mars 2020.

Les propositions de modification du contrat présentées les 27 et 29 février 2020, ainsi que les déclarations du témoin F______, montrent au contraire que ces dernières étaient tout à fait disposées à poursuivre les relations de travail en donnant plus de temps à l'employé pour réaliser les espoirs qu'elles avaient placés en lui. Les seules modifications contractuelles proposées à la fin du mois de février 2020 portaient en effet sur la rémunération convenue pour 2019 – soit pour une période passée – dont les appelantes souhaitaient modifier le montant – pour le réduire ou le conditionner à l'atteinte d'objectifs – et l'exigibilité – pour la retarder. Il faut en déduire que les appelantes considéraient alors avoir fait une "mauvaise affaire" en promettant à l'employé, pour sa première période de service, une rémunération selon elle hors de proportion avec les résultats obtenus; abstraction faite du bonus unique et inconditionnel de 400'000 fr. payable en mars 2020, rien ne s'opposait cependant alors, pour elles, à la poursuite des relations de travail dans l'idée de donner plus de temps à l'intimé pour augmenter sa masse sous gestion.

Le seul événement intervenu entre les 27/29 février 2020 et le 11 mars 2020 est le refus de l'intimé de signer un avenant à son contrat de travail repoussant la date du paiement de son "bonus minimum garanti" de mars au 30 juin 2020 et le soumettant à des conditions de réalisation d'objectifs, que le contrat de travail de base ne comportait pas. Compte tenu de l'enchainement des événements, il doit être tenu pour établi que c'est bien pour empêcher que la réalisation de la condition du paiement du "bonus" soit réalisée, soit la non résiliation du contrat avant le 30 mars 2020, que l'appelante, ignorant que cette condition était nulle (cf. supra 4), a mis fin au contrat de l'intimé avant le 30 mars 2020. Au vu du refus de l'employé de modifier a posteriori ses conditions de rémunération, il s'agissait en effet là, aux yeux des appelantes, du seul moyen dont elles disposaient pour échapper à leur obligation de paiement du bonus de 400'000 fr.

En outre, les appelantes ont reconnu que l'intimé leur avait exprimé vouloir que sa situation soit maintenue, ce qui impliquait le versement du "bonus" de 400'000 fr., soit une prétention découlant de son contrat de travail. La question de savoir si l'intimé a fait très clairement valoir cette prétention peut toutefois rester ouverte puisqu'en tout état le congé donné à l'intimé est abusif au sens de l'art. 336 al. 1 let. c CO.

Par conséquent, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le congé donné par l'appelante à l'intimé le 11 mars 2020 était abusif.

6. L'intimé reproche au Tribunal d'avoir limité le montant de son indemnité pour licenciement abusif à un mois de salaire.

6.1 La partie qui résilie abusivement le contrat doit verser à l’autre une indemnité (art. 336a al. 1 CO). L’indemnité est fixée par le juge, compte tenu de toutes les circonstances; toutefois, elle ne peut dépasser le montant correspondant à six mois de salaire du travailleur (al. 2).

La notion de «salaire» correspond au salaire brut (art. 322 CO), auquel s’ajoute toute autre prestation revêtant un caractère salarial, à l’instar de la part proportionnelle du treizième salaire, de participations au résultat de l’exploitation (322a CO) ou de provisions (322b CO). Il convient de se fonder sur le salaire du dernier mois ou sur la moyenne des salaires de la dernière année (arrêt du Tribunal fédéral 4A_92/2017 du 26 juin 2017 consid. 3.2.1 et les arrêts cités).

Le montant de l'indemnité doit être évalué selon les règles du droit et de l'équité, conformément à l'art. 4 CC. Il faut notamment prendre en considération la gravité de la faute commise par l'employeur, une éventuelle faute concomitante du travailleur, la gravité de l'atteinte à sa personnalité, son âge, la durée et l'intensité de la relation de travail, les effets du licenciement et les difficultés de réinsertion dans la vie économique (ATF 123 III 391 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_532/2021 du 27 décembre 2021 consid. 4.4.1 et arrêts cités).

6.2.1 En l'espèce, l'intimé reproche au Tribunal d'avoir considéré que son salaire mensuel brut s'élevait à 19'933 fr., soit son salaire annuel brut contractuel de 239'200 fr. mensualisé. Il considère qu'il doit être également tenu compte de la participation aux frais de représentation (10'800 fr.) et du bonus garanti
(400'000 fr.) de sorte que son salaire mensuel brut était de 54'167 fr.

Le salaire brut du dernier mois de l'intimé a été de 19'933 fr.

La participation aux frais de représentions n'étant pas due à titre de rémunération mais pour le remboursement des frais professionnels devant être pris en charge par l'employeur, il ne s'agit pas d'un élément du salaire proprement dit. Il ne doit donc pas en être tenu compte dans le salaire brut de l'intimé.

Il n'y a également pas lieu de prendre en considération le montant de 400'000 fr. dès lors qu'il a été versé de manière exceptionnelle à l'intimé au titre de salaire versé de manière différé pour l'année 2019 et qu'un tel versement n'a pas été prévu pour les années suivantes.

Par conséquent, c'est à juste titre que le premier juge a pris la somme de 19'933 fr. comme salaire de référence pour l'indemnité.

6.2.2 S'agissant de l'ampleur de l'indemnité, le Tribunal a considéré qu'un mois de salaire se justifiait compte tenu de la brièveté des rapports de travail, le congé ayant été donné durant la première année de service.

L'intimé fait valoir qu'il n'a pas été suffisamment tenu compte de la gravité de la faute de l'appelante. Il est vrai, comme l'ont reconnu les premiers juges, que les appelantes ont agi de manière particulièrement déloyale en tentant de forcer l'intimé à renoncer à la rémunération convenue lors de la conclusion du contrat de travail avant de le licencier face à son refus, de sorte qu'il doit en être tenu compte.

En revanche, l'intimé n'a pas expliqué en quoi la résiliation aurait porté particulièrement atteinte à sa personne et à sa situation. Il n'a notamment pas indiqué avoir eu des problèmes de santé lié à ce licenciement ou avoir eu des difficultés à retrouver un emploi.

En outre, même si des objectifs précis n'avaient pas été fixés à l'intimé, il est établi que son rendement ne donnait alors pas satisfaction aux appelantes, qui le lui avaient signalé, de sorte que la question de la pérennité à moyen terme de son emploi se posait.

Au vu des considérations qui précèdent, une indemnité d'un montant de 20'000 fr., correspondant à environ un mois de salaire, paraît appropriée aux circonstances, tenant en particulier équitablement compte de la durée des rapports de travail, du contexte dans lequel le licenciement est intervenu et de la gravité de la faute imputable à l'appelante.

Le jugement sera dès lors réformé en ce sens que l'appelante sera condamnée à verser à l'intimé un montant net de 20'000 fr., plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er août 2020 à titre d'indemnité pour licenciement abusif.

7. B______ reproche au Tribunal de l'avoir condamnée aux frais de la procédure dès lors que l'intimé a été débouté de ses conclusions à son égard.

7.1 Dans les litiges portant sur un contrat de travail présentant une valeur litigieuse excédant 75'000 fr., la procédure est onéreuse (art. 19 al. 3 let. c LaCC).

Il est notamment perçu un émolument forfaitaire de décision, fixé compte tenu de la valeur litigieuse, des intérêts en jeu, de la complexité de la cause, de l’ampleur de la procédure ou de l’importance du travail qu’elle a impliqué (art. 5 RTFMC). L'émolument est fixé à un montant compris entre 2'000 fr. et 8'000 fr. pour les causes dont la valeur litigieuse est comprise entre 300'001 fr. et 1'000'000 fr. (art. 69 et 71 RTFMC).

A l’émolument s’ajoutent les frais d’administration des preuves, qui se composent notamment des indemnités allouées aux traducteurs et interprètes (art. 73 à 79 RTFMC).

7.2 En l'espèce, c'est uniquement parce que son contrat de travail prévoyait que le paiement des 400'000 fr. pouvait se faire non seulement en espèces mais également sous la forme d'actions de B______, ou de tout autre type de plan de compensation différé, selon la seule appréciation du comité de rémunération de B______, que l'intimé a été contraint de prendre deux types de conclusions. Il n'a toutefois jamais réclamé une somme supérieure à 400'000 fr. du fait du versement du bonus de sorte que c'est au regard de ce montant, et de l'indemnité pour licenciement abusif de 216'667 fr., que l'émolument judiciaire doit être fixé. Les causes ont été jointes avant que les audiences d'audition des témoins et des parties ne soient tenues, le dépôt de deux demandes n'a pas entraîné un surcroit de travail au Tribunal. Par conséquent, l'émolument de décision de première instance sera fixé à 5'500 fr. de sorte que, compte tenu des indemnités d'un total de 540 fr. versées aux interprètes, c'est une somme de 6'040 fr. (5'500 fr. + 540 fr.) qui sera arrêtée au titre des frais judiciaires de première instance. Ils seront compensés avec les avances de frais de 10'200 fr. effectuées par l'intimé (art. 111 al. 1 CPC).

L'intimé ayant totalement obtenu gain de cause sur le principe et le montant du versement de son bonus de 400'000 fr. et ayant obtenu gain de cause sur le principe du caractère abusif de son licenciement et sur le principe du versement d'une indemnité, mais la présente décision statuant qu'il n'a droit qu'à une indemnité de 20'000 fr., inférieure au montant de 216'667 fr. réclamé à ce titre, c'est le 80% des frais judiciaires qui doivent être mis à la charge de l'appelante succombant. Les frais seront donc mis à la charge de A______ à raison de 4'832 fr. (80% de 6'040 fr.), l'intimé assumant le solde des frais (1'208 fr.). Aucun frais ne sera mis à la charge de B______, entièrement libérée.

Par conséquent, A______ sera condamnée à verser à l'intimé la somme de 4'832 fr. et les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront invités à restituer à l'intimé le solde de l'avance de frais de 4'160 fr. (10'200 fr. – 6'040 fr.).

8. Les frais judiciaire d'appel et d'appel joint seront arrêtés 4'500 fr. (art. 71 RTFMC) et compensés avec les avances fournies par les parties, de 3'000 fr. pour les appelantes et de 1'500 fr. pour l'intimé, qui restent acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al 1 CPC).

Comme pour les frais judiciaires de première instance, il se justifie de mettre le 20% des frais, soit 900 fr. (20% de 4'500 fr.), à la charge de l'intimé et le 80% à la charge de A______, soit 3'600 fr. (80% de 4'500 fr.).

Par conséquent, A______ sera condamnée à verser à l'intimé la somme de 600 fr.

Il n'est pas alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 27 octobre 2022 par A______ et B______ contre le jugement JTPH/295/2022 rendu le 3 mai 2022 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/25534/2020.

Déclare recevable l'appel joint formé le 9 décembre 2022 par C______ contre ce même jugement.

Au fond :

Annule les chiffres 4, 8, 10 à 13 du dispositif du jugement.

Cela fait et statuant à nouveau sur ces points :

Condamne A______ à verser à C______ la somme nette de 20'000 fr. avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er août 2020.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 6'040 fr.

Condamne A______ à verser la somme de 4'832 fr. à C______.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à C______ la somme de 4'160 fr.

Sur les frais d'appel :

Arrête les frais judiciaires d'appel et d'appel joint à 4'500 fr. et les compense avec les avances de frais de 3'000 fr. effectuée par A______ et B______ et de 1'500 fr. effectuée par C______.

Les met à la charge de C______ à concurrence de 900 fr., et de A______ à concurrence de 3'600 fr.

Condamne A______ à verser 600 fr. à C______.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Monique FLÜCKIGER, Monsieur Michael RUDERMANN, juges assesseurs; Madame Fabia CURTI, greffière.

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.