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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3208/2023

ATAS/116/2024 du 19.02.2024 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3208/2023 ATAS/116/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 19 février 2024

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

 

recourant

contre

 

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE

 

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Le 21 décembre 2022, Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), originaire de Roumanie, né le ______ 1985, titulaire d’une autorisation de séjour B, s’est inscrit à l’office régional de placement (ci-après : ORP) et a requis l’indemnité de chômage auprès de la caisse cantonale genevoise de chômage (ci‑après : la caisse) dès le 1er mars 2023.

b. Il a travaillé comme « VP of Event Operation and Delivery » du 20 mars 2014 au 28 février 2023 pour B______ SA (ci-après : la société) et a été licencié pour le 28 mars 2023, en raison de difficultés financières de la société.

c. La société a pour but de fournir toutes prestations dans le domaine de l’informatique et de la sécurité. Monsieur C______ (ci-après : l’époux ou le président) est le partenaire enregistré de l’assuré depuis le 7 novembre 2013 puis son époux depuis le 7 novembre 2023. Il est inscrit depuis le 8 octobre comme administrateur président, avec signature collective à deux, de la société. Il détient le 29,88% des actions de la société, aux côtés de 57 autres actionnaires.

B. a. À la demande de la caisse, l’assuré a indiqué le 13 avril 2023 que son époux était en train de rompre complètement les liens avec la société, notamment d’être radié du registre du commerce.

b. Le 26 mai 2023, la caisse a requis de l’assuré la réquisition de radiation de son époux ainsi que la preuve de cession de la participation financière de celui-ci, attestée par le conseil d’administration.

c. Le 31 mai 2023, la société a indiqué à la caisse que le président avait été démis de ses fonctions de président directeur général le 30 décembre 2022 mais était resté administrateur. Dès que les problèmes de la société seraient résolus, il cesserait d’être administrateur et actionnaire. Il n’avait aucun contrôle sur l’entreprise et les questions financières.

d. Par décision du 15 juin 2023, la caisse a refusé de donner suite à la demande d’indemnité de l’assuré, au motif que son conjoint était son employeur.

e. Le 7 juillet 2023, l’assuré a fait opposition à la décision précitée, en faisant valoir que son époux avait démissionné de son poste de président de la société en mars 2022, qu’il avait travaillé pour la société jusqu’au 30 décembre 2022 et qu’il n’était plus administrateur depuis juin 2023, fonction qu’il avait maintenue jusque-là pour régler des questions juridiques, qu’il n’avait plus le contrôle de la société depuis quelques années, notamment s’agissant des finances. Il a transmis son certificat de salaire 2022.

f. Le 27 juillet 2023, l’assuré, alors représenté par un avocat, a donné des informations complémentaires, en précisant que la radiation des pouvoirs d’administrateur de son époux avait été demandée mais n’était pas encore inscrite au registre du commerce et que ce dernier n’avait pas cédé ses participations financières, lesquelles étaient invendables.

g. Le 22 août 2023, l’assuré a communiqué un extrait du registre du commerce du canton de Berne, selon lequel l’inscription de son époux en tant que président du conseil d’administration était radiée depuis le 10 août 2023 (date de la publication au journal).

h. Par décision du 29 août 2023, notifiée le 30 août 2023, la caisse a rejeté l’opposition de l’assuré, au motif que l’époux de celui-ci était toujours en possession d’une part des actions de la société.

i. Selon la Feuille officielle suisse du commerce, la société a obtenu un sursis concordataire jusqu’au 12 mars 2024.

C. a. Par courriel du 15 septembre 2023, l’assuré a contesté la décision précitée auprès de la caisse.

b. Le 4 octobre 2023, l’assuré a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice d’un recours à l’encontre de la décision de la caisse du 29 août 2023, en soulignant sa situation financière désespérée.

c. Le 10 novembre 2023, la caisse a conclu au rejet du recours, en relevant que l’époux de l’assuré était le plus gros actionnaire de la société et qu’il lui suffisait de s’associer avec quelques actionnaires pour décider du destin de l’entreprise.

d. Le 4 décembre 2023, l’assuré et son époux ont indiqué que les valeurs des actions étaient nulles, que l’époux était prêt à céder ses actions mais que le processus prenait du temps et qu’il avait fait une demande de permis C, ayant l’intention de vivre en Suisse.

e. Le 15 décembre 2023, la caisse a relevé que si la vente des actions avait lieu, il faudrait encore que l’assuré puisse comptabiliser 12 mois de période de cotisation dans le délai-cadre de deux ans.

f. Le 5 février 2024, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPG).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’intimée de nier le droit du recourant à l’indemnité de chômage, motif pris de la position d’employeur occupée par son époux.

3.              

3.1 En vertu de l'art. 8 al. 1 LACI, l'assuré a droit à l'indemnité de chômage s'il est sans emploi ou partiellement sans emploi (let. a), s'il a subi une perte de travail à prendre en considération (let. b), s'il est domicilié en Suisse (let. c), s'il a achevé sa scolarité obligatoire, qu'il n'a pas encore atteint l'âge donnant droit à une rente AVS et ne touche pas de rente de vieillesse de l'AVS (let. d), s'il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré (let. e), s'il est apte au placement (let. f) et s'il satisfait aux exigences du contrôle (let. g). Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 218 consid. 2).

3.2 Selon l'art. 31 al. 3 let. c LACI, n'ont pas droit à l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail les personnes qui fixent les décisions que prend l'employeur - ou peuvent les influencer considérablement - en qualité d'associé, de membre d'un organe dirigeant de l'entreprise ou encore de détenteur d'une participation financière de l'entreprise ; il en va de même des conjoints de ces personnes qui sont occupés dans l'entreprise (art. 31 al. 3 let. b LACI).

3.2.1 Le Tribunal fédéral des assurances a jugé que les exclusions de l'art. 31 al. 3 LACI s'appliquent par analogie à l'octroi de l'indemnité de chômage (ATF 123 V 234 consid. 7b). Un travailleur qui jouit d'une situation professionnelle comparable à celle d'un employeur n'a pas droit à l'indemnité de chômage lorsque, bien que licencié formellement par une entreprise, il continue de fixer les décisions de l'employeur ou à influencer celles-ci de manière déterminante. Le Tribunal fédéral a identifié un risque de contournement de la clause d'exclusion de l'art. 31 al. 3 let. c LACI lorsque dans un contexte économique difficile, ces personnes procèdent à leur propre licenciement et revendiquent l'indemnité de chômage tout en conservant leurs liens avec l'entreprise. Dans une telle configuration, en effet, il est toujours possible pour elles de se faire réengager dans l'entreprise ultérieurement et d'en reprendre les activités dans le cadre de son but social.

La situation est en revanche différente quand le salarié, se trouvant dans une position assimilable à celle de l'employeur, quitte définitivement l'entreprise en raison de la fermeture de celle-ci ; en pareil cas, on ne saurait parler d'un comportement visant à éluder la loi. Il en va de même lorsque l'entreprise continue d'exister mais que le salarié, par suite de la résiliation de son contrat, rompt définitivement tout lien avec la société. Dans un cas comme dans l'autre, l'intéressé peut en principe prétendre à des indemnités de chômage (ATF 123 V 234 consid. 7b/bb p. 238 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_448/2018 du 30 septembre 2019 consid. 3).

3.2.2 De jurisprudence constante, l'inscription de l'assuré au registre du commerce (comme organe de la société) est décisive pour déterminer s'il occupe une position assimilable à celle d'un employeur ; la radiation de l'inscription permet d'admettre sans équivoque que l'assuré a quitté la société (arrêts du Tribunal fédéral des assurances C 17/06 du 1er mars 2007 consid. 3 ; C 175/04 du 29 novembre 2005 consid. 3.2). Autrement, en effet, la possibilité demeure que celui-ci réactive l'entreprise et se fasse réengager. En fait, il suffit qu'une continuité des activités soit possible pour que le droit doive être nié en raison d'un risque de contournement de la loi (arrêt du Tribunal fédéral 8C_738/2015 du 14 septembre 2016 consid. 3.1 ; BORIS RUBIN, Assurance-chômage, 2ème éd. 2006, p. 131).

Cela étant, il n'est pas admissible de refuser, de façon générale, le droit aux prestations aux employés au seul motif qu'ils peuvent engager l'entreprise par leur signature et qu'ils sont inscrits au RC. Il n'y a pas lieu de se fonder de façon stricte sur la position formelle de l'organe à considérer ; il faut bien plutôt établir l'étendue du pouvoir de décision en fonction des circonstances concrètes. C'est donc la notion matérielle de l'organe dirigeant qui est déterminante, car c'est la seule façon de garantir que l'art. 31 al. 3 let. c LACI, qui vise à combattre les abus, remplisse son objectif (SVR 1997 ALV n° 101 p. 311 consid. 5d). En particulier, lorsqu'il s'agit de déterminer quelle est la possibilité effective d'un dirigeant d'influencer le processus de décision de l'entreprise, il convient de prendre en compte les rapports internes existant dans l'entreprise. On établira l'étendue du pouvoir de décision en fonction des circonstances concrètes (DTA 1996/1997 n° 41 p. 227 sv. consid. 1b et 2 ; SVR 1997 ALV n° 101 p. 311 consid. 5c). La seule exception à ce principe que reconnaît le Tribunal fédéral des assurances concerne les membres des conseils d'administration car ils disposent ex lege (art. 716 à 716b du code des obligations [CO ; RS 220]), d'un pouvoir déterminant au sens de l'art. 31 al. 3 let. c LACI (DTA 1996/1997 n° 41 p. 226 consid. 1b et les références). Pour les membres du conseil d'administration, le droit aux prestations peut être exclu sans qu'il soit nécessaire de déterminer plus concrètement les responsabilités qu'ils exercent au sein de la société (cf. ATF 122 V 273 consid. 3 ; DTA 2004 n° 21 p. 198 consid. 3.2; ATFA du 27 janvier 2005, cause C 45/04). C'est le cas également pour les associés, respectivement les associés-gérants lorsqu'il en a été désignés, d'une société à responsabilité limitée et pour les membres de la direction d'une association (arrêt du Tribunal fédéral 8C_171/2012 du 11 avril 2013 consid. 6.1 et les références).

3.2.3 Le fait de subordonner, pour un travailleur jouissant d'une position analogue à celle d'un employeur, le versement des indemnités de chômage à la rupture de tout lien avec la société qui l'employait, peut certes paraître rigoureux selon les circonstances du cas d'espèce. Il ne faut néanmoins pas perdre de vue les motifs qui ont présidé à cette exigence. Il s’est agi avant tout de permettre le contrôle de la perte de travail du demandeur d’emploi. Il y a lieu de garder à l'esprit que l'assurance-chômage n'a pas pour vocation à indemniser la perte ou les fluctuations de gain liées à une activité indépendante mais uniquement la perte de travail, déterminable et contrôlable, du travailleur ayant un simple statut de salarié qui, à la différence de celui occupant une position décisionnelle, n'a pas le pouvoir d'influencer la perte de travail qu'il subit et pour laquelle il demande l'indemnité de chômage (arrêts du Tribunal fédéral 8C_163/2016 du 17 octobre 2016 consid 4.2 et 8C_295 2014 du 7 avril 2015 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 156/06 du 7 décembre 2006 consid. 2).

Il n'y a pas de place, dans ce contexte, pour un examen au cas par cas d'un éventuel abus de droit de la part d'un assuré. Lorsque l'administration statue pour la première fois sur le droit à l'indemnité d'un chômeur, elle émet un pronostic quant à la réalisation des conditions prévues par l'art. 8 LACI. Aussi longtemps qu'une personne occupant une fonction dirigeante maintient des liens avec sa société, non seulement la perte de travail qu'elle subit est incontrôlable mais la possibilité subsiste qu'elle décide d'en poursuivre le but social. Dans un tel cas de figure, il est donc impossible de déterminer si les conditions légales sont réunies sauf à procéder à un examen a posteriori de l'ensemble de la situation de l'intéressé, ce qui est contraire au principe selon lequel cet examen a lieu au moment où il est statué sur les droits de l'assuré. Au demeurant, ce n'est pas l'abus avéré comme tel que la loi et la jurisprudence entendent sanctionner ici, mais le risque d'abus que représente le versement d'indemnités à un travailleur jouissant d'une situation comparable à celle d'un employeur (ATFA du 14 avril 2003, cause C 92/02, du 29 août 2005, cause C 163/04).

3.3 La jurisprudence étend l'exclusion du conjoint du droit à l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail (art. 31 al. 3 let. b LACI) au droit à l'indemnité de chômage (ATF 145 V 200). Ainsi, le droit à l'indemnité de chômage est nié au chômeur qui a été employé par l'entreprise de son conjoint dans la mesure où ce dernier reste lié à ladite entreprise. D'après la jurisprudence, il existe dans ce cas une possibilité d'un réengagement dans l'entreprise - même si elle est seulement hypothétique et qu'elle découle d'une pure situation de fait - qui justifie la négation du droit à l'indemnité de chômage. Cela n'est plus le cas, si le conjoint dirigeant quitte définitivement l'entreprise en raison de la fermeture de cette dernière ou rompt définitivement tout lien avec l'entreprise qui continue d'exister (ATF 123 V 234 consid. 7b/bb ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_163/2016 du 17 octobre 2016 consid 4.2 et 8C_231/2012 du 16 août 2012 ; Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, n. 24 ss ad art. 10). Ainsi, la personne assurée qui a quitté l'entreprise dans laquelle son conjoint ou sa conjointe occupe une position comparable à celle d'un employeur n'a en principe droit à l'indemnité que si elle a perdu un emploi qu'elle occupait chez un autre employeur et qu'elle a accompli une période minimale de cotisation de six mois hors de l'entreprise de son conjoint (Bulletin AC du SECO 2003/4 fiche 4/3, 2004/3 fiche 3; circulaire relative à l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail, janvier 2005, chiffre B 44; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 171/03 du 31 mars 2004 consid. 2.3.2).

3.4 La détention d'actions constitue, selon la pratique, l'un des critères d'exclusion du droit aux indemnités de chômage (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 61/05 du 10 avril 2006 consid. 2.2). Dans l'arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 120/02 du 14 mars 2003, il a été établi qu'un actionnaire unique qui n'exerce pas (ou plus) d'autres fonctions pour la société anonyme n'a pas droit aux indemnités journalières de chômage. Le fait qu'une personne assurée possédait 8 actions nominatives sur 50 (soit une part d'actions de 16%) et que la majorité des autres actions était détenue par son père ne suffisait pas, en revanche, à lui attribuer une position similaire à celle d'un employeur (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 45/04 du 27 janvier 2005 consid. 3.2). L'intimé de l'arrêt C 61/05 du 10 avril 2006, qui n'était plus membre du conseil d'administration, n'avait plus le droit de signature, mais travaillait encore pour la société anonyme avec un taux d'occupation réduit à hauteur de 20% et détenait une part d'actions de 49,5%, s'est vu attribuer une influence considérable sur l'entreprise. La question de savoir si une part minimale de 33 1/3% du capital était nécessaire pour que la position assimilable à celle d'un employeur puisse être admise avait pu être laissée ouverte à l'époque (arrêt C 61/05 du 10 avril 2006 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_433/2019 du 20 décembre 2019 consid. 5.2.1).

Dans un arrêt 8C_1044/2008 du 13 février 2009, le Tribunal fédéral a constaté que l’actionnaire principal qui détenait 40% des actions (deux autres actionnaires détenant chacun 30% des actions) avait conservé, même après sa démission en tant que (seul) administrateur, la plus grande influence sur la société anonyme, dont il avait été président du conseil d'administration presque depuis sa création, puis administrateur avec signature individuelle. Il a également tenu compte du fait que la société devait être mise en sommeil par manque de clients (consid. 3.2.2). D'un point de vue général, le Tribunal fédéral a estimé que le seul fait qu'une personne assurée dispose d'une participation au capital de la société qui l'employait ne suffisait pas à la qualifier de personne assimilée à un employeur. D'autre part, on ne peut pas forcément déduire de la démission formelle du conseil d'administration que la position de quasi-employeur perdure, par exemple en conservant une participation déterminante au capital de la société. Le critère décisif est la possibilité pour la personne assurée d'influencer concrètement et de manière déterminante les décisions de la société (consid. 3.2.1) (arrêt du Tribunal fédéral 8C_433/2019 du 20 décembre 2019 consid. 5.2.2).

Dans un arrêt 8C/433_2019 du 20 décembre 2019, le Tribunal fédéral a considéré que lors de l’examen des possibilités d’influence du recourant, lequel avait été licencié de la société mais détenait toujours 25% de participation financière, le tribunal cantonal s'était limité au critère de la qualité d'actionnaire et aux droits qui en découlaient (notamment les droits d'information et de consultation selon l'art. 697 CO). Ce point de vue n’allait pas assez loin. C’étaient plutôt les circonstances concrètes du cas d'espèce qui étaient déterminantes pour la période suivant la démission du conseil d'administration. Dans la décision attaquée, une appréciation globale des faits n'avait pas eu lieu, raison pour laquelle elle devait maintenant être effectuée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_433/2019 du 20 décembre 2019 consid. 5.2.3).

4.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

5.             En l’espèce, l’intimée a nié au recourant le droit à l’indemnité de chômage au motif que, d’une part, l’époux de celui-ci était, jusqu’au 10 août 2023, inscrit au registre du commerce comme administrateur de la société et, d’autre part, qu’au‑delà du 10 août 2023 il détenait 30% des actions de la société.

5.1 Jusqu’à sa démission du conseil d’administration de la société - courant juillet 2023 selon les déclarations du recourant - l’époux de celui-ci disposait, selon la jurisprudence précitée, d’un pouvoir de décision déterminant qui exclut effectivement tout droit aux indemnités de chômage, en application de la jurisprudence précitée.

Au-delà de la date de la démission de l’époux du recourant du conseil d’administration de la société, se pose la question de savoir si la position de celui‑ci d’actionnaire, pour un taux de 30% des actions de la société, justifie un refus d’indemnisation du recourant.

5.2 En l’occurrence, l’intimée a considéré que l’époux du recourant conservait, au-delà de sa radiation du registre du commerce comme administrateur, un pouvoir décisionnel de par sa participation financière dans l’entreprise, laquelle, vu le taux de 30%, lui permettait, en cas d’association avec deux autres gros actionnaires, de cumuler un taux de 52% des actions, suffisant pour décider du destin de l’entreprise. Elle s’est référée en particulier à l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_1044/2008 du 13 février 2009 précité (par le biais de la directive LACI IC B 20 qui le cite).

Or, d’une part, l’intimée elle-même doute que cet arrêt soit transposable au cas d’espèce (cf. procès-verbal de l’audience du 5 février 2024), d’autre part, l’arrêt postérieur 8C_433/2019 du 20 décembre 2019 précise que le seul fait qu’une personne, qui a démissionné du conseil d’administration de la société, dispose d’une participation au capital de la société ne suffit pas à la qualifier de personne assimilée à un employeur. Le critère décisif est la possibilité pour la personne d’influencer concrètement et de manière déterminante les décisions de la société, par l’analyse des circonstances concrètes et une appréciation globale des faits.

En l’espèce, en se référant uniquement au taux de participation financière de 30% de l’époux du recourant, l’intimée n’a pas procédé à l’appréciation globale précitée.

En l’absence d’éléments suffisants au dossier concernant le rôle joué par l’époux du recourant dans la société, au-delà de la date de sa démission du conseil d’administration, la chambre de céans ne peut procéder à une telle appréciation.

En conséquence, la cause sera renvoyée à l’intimée afin qu’elle détermine si, au‑delà de la date de la démission de l’époux du recourant du conseil d’administration de la société (qu’il conviendra d’établir), il a conservé une position lui permettant d’influencer concrètement et de manière déterminante les décisions de la société. Elle rendra ensuite une nouvelle décision.

6.             Partant, le recours sera partiellement admis, la décision litigieuse annulée et la cause renvoyée à l’intimée pour instruction et nouvelle décision.

Le recourant n’étant pas représenté, il n’a pas droit à des dépens.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision de l’intimée du 29 août 2023.

4.        Renvoie la cause à l’intimée, dans le sens des considérants.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le