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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/805/2023

ATAS/66/2024 du 06.02.2024 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/805/2023 ATAS/66/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 6 février 2024

Chambre 15

 

En la cause

A______,
représentée par Me Raphaël ROUX, avocat

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1977, a travaillé en tant que femme de chambre à plein temps pour le B______ depuis 21 novembre 2005.

b. Dès le 12 mars 2021, elle a été en incapacité complète de travail attestée par ses médecins traitants, le docteur C______ (suivi depuis mars 2021), généraliste, et le docteur D______, rhumatologue traitant depuis le mois de juin 2021.

c. Par formulaire reçu par l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) le 20 juillet 2021, l’assurée a demandé des « prestations AI pour adultes : mesures professionnelles/rente ». Elle indiquait qu’elle était incapable de travailler en raison d’une atteinte rhumatologique.

d. Par formulaire du 27 août 2021, le Dr D______ a indiqué sur demande de l’OAI que le diagnostic ayant une répercussion sur la capacité de travail de sa patiente était la fibromyalgie, laquelle était prise en charge depuis le 17 juin 2021 sans amélioration. Dans son annexe, soit un compte rendu adressé au Dr C______, le Dr D______ indiquait que les examens (tests sanguins, radiographies, minéralométrie) étaient dans la norme. La patiente souffrait de fibromyalgie, une maladie toujours en relation avec un événement psychologique grave lié à la violence. Il ajoutait que la patiente avait perdu son époux dans la guerre au Kosovo. Il l’avait adressée à une consœur psychiatre (docteure E______) pour un « traitement par des techniques cognitives et comportementales qui est le seul qui marche dans cette maladie ».

e. Le Dr C______ ne s’est, quant à lui, pas prononcé sur la capacité de travail de l’assurée et a invité l’OAI à interroger la psychiatre de sa patiente pour plus de réponses.

f. La Dre E______ a alors indiqué n’avoir reçu l’assurée qu’une fois à sa consultation, le 8 juillet 2021. L’assurée n’avait pas souhaité parler de ses souvenirs traumatisants ni revenir à la consultation.

g. Par courrier du 9 décembre 2021, l’OAI a invité l’assurée à reprendre le traitement chez la psychiatre précitée.

h. En l’absence de réponse et d’éléments médicaux suffisants, l’OAI a décidé de recourir à une expertise bi-disciplinaire rhumatologique et psychiatrique, à laquelle l’assurée s’est soumise.

i. L’expert rhumatologue a constaté des contractures musculaires diffuses à la colonne vertébrale, aux membres supérieurs et inférieurs, sans substrat organique manifeste, et a conclu à un syndrome douloureux myofascial généralisé (CIM-10 79.19) et un affaissement sévère des voûtes plantaires (l’assurée s’est vue reconnaître le droit à des semelles orthopédiques en cours de procédure).

À l'examen clinique du 29 septembre 2022, mise à part la présence d'une dysbalance musculaire généralisée sous la forme de contractures musculaires de la musculature paravertébrale cervicale, thoracique et lombaire, ainsi que de la musculature des bras et pectorale gauche ischio-crurale des deux jambes, réalisant la « composante myofasciale » objectivable à l'examen clinique, il n'y avait pas d'élément pour affirmer la présence d'un substrat organique sous-jacent sévère à l'origine de ces contractures. L’expert ne constatait pas de signe manifeste de dysfonction segmentale d'allure organique à la mobilisation passive du rachis, des articulations périphériques des membres supérieurs et inférieurs, ni d'élément, sur le plan du diagnostic différentiel, d’une éventuelle myélopathie cervicale à l'origine des douleurs diffuses présentées, compte-tenu du décours de longue date des symptômes présentés, tout en l'absence de symptômes neurologiques pour l'affirmer (absence d'une spasticité, d'une hyper-réflexie, de troubles de la marche et de dysfonction sphinctérienne vésicale et rectale), ces symptômes n’étant ni présents à l’examen clinique, ni signalés à l’anamnèse par l’assurée.

Sur le plan rhumatologique, la capacité de travail était de 100% dans une activité adaptée aux limitations suivantes : port de poids au-dessus de 2kg, travailler en position monotone ou défavorable (par exemple en porte-à-faux), se plier en avant ou s'accroupir, les mouvements rotatoires du dos, l'exposition au froid, rester exclusivement ou prévalant debout, marcher sur des terrains irréguliers, les escaliers ou les échafaudages.

j. L’expert psychiatre n’a pas retenu d’atteinte invalidante. L’expert a constaté un trouble somatoforme indifférencié (CIM-10 F45.1) et une réaction mixte anxieuse et dépressive (CIM-10 F43.22) sans répercussion sur la capacité de travail et n’a pas constaté d’interaction entre ces diagnostics. Le premier de ces diagnostics était retenu devant des plaintes somatiques multiples, variables dans le temps et persistantes, mais ne répondant pas au tableau clinique complet et typique d'une somatisation. En particulier, ces plaintes ne présentaient pas le caractère insistant et dramatique d'une somatisation sans substrat organique mis en évidence. Il n'y avait pas de démonstrativité observée à l'entretien ni d'altération des relations interpersonnelles habituellement associées à une somatisation. L'anamnèse, les documents du dossier et le status permettaient également de poser le diagnostic de réaction mixte, anxieuse et dépressive. Ce diagnostic recouvrait une perturbation émotionnelle survenant au cours d'une période d'adaptation à un changement existentiel ou à un évènement stressant. On y retrouvait à la fois des symptômes anxieux et dépressifs, mais dont la sévérité n’était pas suffisante pour revêtir un caractère incapacitant. Dans ce cas, l'élément de stress était l'arrêt d'une activité professionnelle très investie avec un profil de personnalité très exigeant vis-à-vis de soi. L’expert était en désaccord avec le diagnostic d'état dépressif sévère retenu par le généraliste dans son rapport médical du 29 septembre 2021. L'assurée mentionnait certes des variations de l'humeur en fonction du contexte psychosocial et de ses douleurs. Cependant, elle était euthymique à l'entretien ; la diminution de la concentration alléguée n’était pas retrouvée à l’entretien, ni la baisse de l’estime de soi ou des idées de culpabilité ou suicidaire. Le sommeil était perturbé à cause des douleurs. L’appétit et les contacts sociaux étaient conservés. Mis à part de brefs instants à l’évocation de son défunt époux, l’assurée s’était montrée souriante et volubile, témoignant de beaucoup de compétences. Aucun élément de nature anxieuse n’était retrouvé. Concernant le diagnostic possible évoqué par le Dr D______ ou le généraliste de stress post-traumatique, l’expert n’avait relevé aucun symptôme en faveur de ce diagnostic, sans que cela ne puisse exclure qu’il ait été présent entre 1998 et 2005, motif d’un suivi psychique à l’époque. Il était cependant indéniable que l’assurée avait été exposée à un évènement traumatique. Son évocation avait été émotionnellement douloureuse, mais cela était le seul élément potentiellement à valeur post-traumatique, sans qu’il n’y ait de rêve répétitif, de flashback ni d’hypervigilance. L’assurée avait refusé tout suivi psychiatrique depuis lors et n’en ressentait pas le besoin. L’assurée disposait de nombreuses compétences, dont une structure de personnalité solide, de composantes intrapsychiques. Elle pouvait s’occuper des tâches ménagères, même légèrement, était disposée à coopérer, regrettait vivement de ne plus pouvoir travailler, se tenait informée de ce qui se passait dans le monde, appréciait les films et les sorties avec son fils, fils avec lequel elle vivait. Elle recevait les visites régulières de ses frères et sœurs et de ses neveux et nièces, de sa mère qui vivait également à Genève. Elle rencontrait de temps en temps des copines et son assistante sociale. L’expert ne relevait pas de limitations sur le plan psychiatrique.

Selon les experts, l’assurée pouvait travailler au maximum 8h par jour. De façon concertée, ils estimaient que des mesures de réadaptation physique sous forme de mesures de détente musculaire associées à une mobilisation progressive et activation musculaire avec des exercices d’endurance également devraient être proposées à l’assurée.

k. Par projet de décision du 7 décembre 2022, l’OAI a refusé d’octroyer des prestations à l’assurée, laquelle n’était plus capable de travail dans son ancienne activité, mais jouissait d’une pleine capacité dans une activité adaptée aux limitations retenues par l’expert rhumatologue. Son taux d’invalidité était nul puisque le salaire sans invalidité était de CHF 53'226.- et le salaire avec invalidité de CHF 53'840.-. Une perte de gain inférieure à 20% n’ouvrait par ailleurs pas de droit à des mesures de reclassement professionnel.

l. Par décision du 1er février 2023, l’OAI a confirmé son projet de refus. Le statut de l’assurée était celui d’une personne se consacrant à plein temps à son activité professionnelle. Une incapacité de travail complète dans son ancienne activité était admise dès le 12 mars 2021, mais, dès cette même date, la capacité de travail était pleine dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles. Le taux d’invalidité était nul, faute de perte de gain.

B. a. Par acte du 6 mars 2023, l’assurée a recouru contre cette décision devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans), en concluant à son annulation et à la reconnaissance de son droit à une pleine rente, sous suite de frais et dépens, et subsidiairement au calcul du taux d’invalidité avec un abattement de 25% et une baisse de rendement ou de capacité de travail et à l’octroi d’une rente et de mesures professionnelles.

b. Par mémoire de réponse du 4 avril 2023, l’OAI a conclu au rejet du recours. Selon le droit entré en vigueur en janvier 2022, il n’y avait pas lieu de procéder à un abattement dans les cas où, comme en l’espèce, une pleine capacité de travail était retenue dans une activité adaptée. Aucun élément d’ordre médical n’avait été omis durant l’instruction. Rien ne permettait de remettre en cause l’expertise réalisée.

c. Dans sa réplique du 8 mai 2023, l’assurée a indiqué que son rhumatologue auquel elle avait soumis l’expertise se ralliait à celle-ci quant à la capacité de travail d’un point-de-vue rhumatologique. L’assurée ne remettait pas en cause le volet rhumatologique de l’expertise, mais elle contestait le volet psychiatrique et l’évaluation interdisciplinaire.

d. À l’issue de l’échange d’écritures, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA.

Le recours ayant été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

4.             Le litige porte sur le droit à une rente ou à une mesure de l’OAI, plus particulièrement sur le bien-fondé du volet psychiatrique de l’expertise.

5.              

5.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

5.2 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

5.3 En ce qui concerne les facteurs psychosociaux ou socioculturels et leur rôle en matière d'invalidité, ils ne figurent pas au nombre des atteintes à la santé susceptibles d'entraîner une incapacité de gain au sens de l'art. 4 al. 1 LAI. Pour qu'une invalidité soit reconnue, il est nécessaire, dans chaque cas, qu'un substrat médical pertinent, entravant la capacité de travail (et de gain) de manière importante, soit mis en évidence par le médecin spécialisé. Plus les facteurs psychosociaux et socioculturels apparaissent au premier plan et imprègnent l'anamnèse, plus il est essentiel que le diagnostic médical précise s'il y a atteinte à la santé psychique qui équivaut à une maladie. Ainsi, il ne suffit pas que le tableau clinique soit constitué d'atteintes qui relèvent de facteurs socioculturels; il faut au contraire que le tableau clinique comporte d'autres éléments pertinents au plan psychiatrique tels, par exemple, une dépression durable au sens médical ou un état psychique assimilable, et non une simple humeur dépressive. Une telle atteinte psychique, qui doit être distinguée des facteurs socioculturels, et qui doit de manière autonome influencer la capacité de travail, est nécessaire en définitive pour que l'on puisse parler d'invalidité. En revanche, là où l'expert ne relève pour l'essentiel que des éléments qui trouvent leur explication et leur source dans le champ socioculturel ou psychosocial, il n'y a pas d'atteinte à la santé à caractère invalidant (ATF 127 V 294 consid. 5a in fine). Ces principes sont toujours valables dans le cadre de la jurisprudence soumettant l’évaluation des troubles psychiques à une procédure probatoire structurées selon l’ATF 141 V 281 (cf. ATF 143 V 418 consid. 6 et 7), le droit de l’assurance-invalidité continuant à exclure les facteurs psychosociaux ou socioculturels dans la mesure où il s'agit de décrire les facteurs assurés qui sont déterminants, d’un point de vue causal, pour l'évaluation de l'incapacité de travail (arrêt du Tribunal fédéral 8C_559/2019 du 20 janvier 2020 consid. 3.2). En revanche, les conséquences fonctionnelles des atteintes à la santé sont également évaluées en tenant compte des facteurs psychosociaux et socioculturels qui influencent l’ampleur des conséquences d'une atteinte à la santé (ATF 141 V 281 consid. 3.4.2.1). En tant qu’ils entraînent directement des conséquences fonctionnelles négatives, ils ne sont donc pas pris en compte (ATF 141 V 281 consid. 3.4.3.3 ; 127 V 294 consid. 5a). Les facteurs de stress psychosociaux peuvent toutefois contribuer indirectement à l'invalidité s’ils entraînent une atteinte avérée à l'intégrité psychique qui restreint à son tour la capacité de travail, s'ils maintiennent une atteinte à la santé devenue autonome ou aggravent l’ampleur de ses conséquences – qui existent indépendamment des éléments étrangers à l'invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_559/2019 du 20 janvier 2020 consid. 3.2 et l’arrêt cité). Ainsi, les troubles psychiques dus principalement à des circonstances extérieures, telles que le surmenage causé par l’exercice de plusieurs professions (par ex. l’accomplissement des tâches ménagères parallèlement à l’activité lucrative) ou un milieu défavorable n’ont pas valeur d’invalidité (RSAS 2006, p. 517, 521). De même, une aggravation de l'état de santé qui trouve son explication dans des recherches d’emploi infructueuses n'est pas pertinente en droit de l'assurance-invalidité (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_330/2021 du 6 septembre 2021 consid. 4.4.2 et l’arrêt cité).

Le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par l'autorité (cf. art. 43 al. 1 LPGA), ne s'applique pas à la procédure de l'art. 87 al. 3 RAI (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5).

5.4 En vertu de l'art. 28 al. 1 LAI, l'assuré a droit à une rente aux conditions suivantes : sa capacité de gain ou sa capacité d'accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (let. a) ; il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d'au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b) ; au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (let. c).

5.5 Selon l'art. 28a LAI, la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière. Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité. Pour un taux d’invalidité supérieur ou égal à 70%, l’assuré a droit à une rente entière. Pour un taux d’invalidité inférieur à 50%, la quotité de la rente est fixée selon un tableau.

5.6 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d'assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

5.7 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d'investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, en principe, lorsqu'au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

5.8 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

5.9 En l’espèce, la recourante conteste le volet psychiatrique de l’expertise.

S’agissant de la valeur probante du rapport d'expertise, l’on doit relever qu’il répond, sur le plan formel, aux exigences posées par la jurisprudence pour qu'on puisse lui accorder une pleine valeur probante. L’expertise bidisciplinaire a été conduite par des médecins spécialisés dans chaque domaine concerné, en vue d'établir une synthèse des différentes pathologies de l'expertisée, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier. Les experts ont personnellement examiné la recourante préalablement à l'établissement de leur rapport d'expertise, et ils ont consigné les renseignements anamnestiques pertinents, recueilli les plaintes de l'assurée et résumé leurs propres constatations. Ils ont en outre énoncé les diagnostics retenus et répondu aux questions posées. Leurs conclusions sont claires et motivées.

S’agissant en particulier de l’expertise psychiatrique, l’experte a pris en compte les avis médicaux des médecins de la recourante et a constaté que le seul médecin ayant évoqué un diagnostic de syndrome anxio-dépressif sévère en sus d’un choc post-traumatique et de la fibromyalgie était le généraliste C______, lequel s’était fondé sur l’évocation du rhumatologue D______ de ces possibles atteintes à la santé et non sur l’avis d’un psychiatre. L’évocation d’un choc traumatique et d’une dépression par le rhumatologue ne visait pas à établir des diagnostics d’ordre psychiatrique, mais justifiait que le Dr D______ adresse sa patiente à une consœur psychiatre pour l’évaluation et le suivi psychiatrique. S’agissant en outre de la fibromyalgie, le Dr D______ s’est rallié in fine à l’avis de l’expert rhumatologue lequel a retenu en lieu et place un syndrome douloureux myofacial. L’on relèvera en outre, s’agissant de l’avis du généraliste de la recourante, le Dr C______, que ce dernier avait initialement mis l’incapacité de travail de sa patiente en lien avec les seules atteintes physiques et non pas avec une atteinte psychique, celle-ci étant mise en avant sur la seule base de l’évocation faite par le Dr D______.

L’avis du généraliste de la recourante ne suffit à retenir un diagnostic d’atteinte psychiatrique invalidante et à contester le bien-fondé de l’expertise psychiatrique au dossier.

L’on relève ensuite que l’expert psychiatre n’a pas nié le traumatisme que la recourante a vécu au décès de son défunt époux en 1997, mais a exclu que l’atteinte en ayant résulté à l’époque soit aujourd’hui encore invalidante. L’expert a également constaté que la recourante ne se plaignait pas de troubles psychiatriques, mais de douleurs. Son état dépressif était causé par son incapacité de travailler et les douleurs ressenties et non par l’ancien traumatisme. Quant à la prise en charge de ce traumatisme, l’expert a pu déterminer que la recourante avait entrepris un suivi psychologique de 1998 à 2005, en Suisse. Ce suivi avait porté ses fruits. La recourante n’avait plus eu de suivi psychiatrique depuis lors et ne relevait pas d’éléments propres à considérer que son état psychique était invalidant. Elle avait été en mesure de travailler pour le même employeur à plein temps durant 16 ans. Elle s’était beaucoup investie et était le pilier de l’hôtel pour lequel elle travaillait. Elle avait été rapidement désignée formatrice. La recourante se sentait désormais fatiguée et déprimée en raison des douleurs qu’elle ressentait dans tout le corps qui l’empêchaient de reprendre son travail. La recourante mettait son état dépressif et ses crises d’angoisse sur le compte de ses douleurs et de sa situation actuelle. Elle n’évoquait pas de réminiscence ou de cauchemars en lien avec l’ancien traumatisme.

C’est ainsi de façon convaincante et motivée que l’expert a nié que le choc post-traumatique soit actuellement invalidant et qu’il a retenu les diagnostics de trouble somatoforme et de réaction mixte anxieuse et dépressive, CIM-10, F43.22, sans que ces diagnostics puissent être considérés comme invalidants. Les atteintes physiques l’empêchaient de reprendre son activité habituelle et seule une activité légère pouvait être accomplie à raison de 8 heures par jour, comme l’avait également retenu l’expert rhumatologue. L’experte psychiatre a constaté par voie de conséquence de la cohérence chez la recourante dans le recours aux soins sur le plan somatique, respectivement l'absence de recours à un suivi psychiatrique, puisqu’elle ne se plaignait pas d’atteinte psychique, mais physique.

Tant le volet psychiatrique que le volet rhumatologique qui n’est à juste titre pas remis en cause convainquent. L’évaluation consensuelle des experts est conforme aux résultats auxquels chaque expert est parvenu dans son champ de spécialité. Leur avis commun est clairement motivé et apparait probant aux yeux de la chambre de céans.

Il n’y a dès lors pas lieu de s’écarter des conclusions du rapport d’expertise, à savoir que la recourante est capable de travailler dans une activité légère adaptée, respectant les limitations fonctionnelles évoquées dans l’expertise, volet rhumatologique, à raison de maximum 8 heures par jour.

L’on précisera à ce stade que même en tenant compte d’un horaire hebdomadaire de 40h au lieu de 41.7 h retenu dans le calcul fait par l’intimé, le taux d’invalidité serait de 2.95, arrondi à 3%, soit largement inférieur au taux de 40% ouvrant le droit à une rente (art. 28 LAI) et à celui de 20% pour des mesures de reclassement (ATF 139 V 399 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_500/2020 du 1er mars 2021 consid. 2 et les références).

En effet, le calcul se présenterait comme suit :

Selon ESS 2020, tableau TA1-tirage-skill_level, femme, niveau de compétence 1 pour 40h de travail : CHF 4'276.-, soit CHF 51'312.- (et non pas CHF 4'458.-, respectivement CHF 53'493.-, selon le calcul de l’OAI), actualisé à l’indexation selon ISS 2022 (ESS de réf. 107.9, indice de l’année prise en compte 108.6) : soit CHF 51'644.- (au lieu de CHF 53'840.-). Le revenu avant l’atteinte à la santé, année 2022, étant de CHF 53'226.-, la perte de salaire s’élèverait à CHF 1'582.- (CHF 53'226.- - CHF 51'644.-), soit un taux d’invalidité de 2.9% au lieu du taux de 0% retenu dans le calcul attaqué. Ce taux n’ouvre pas de droit à des prestations d’invalidité.

5.10 Quant à l’abattement de 25% requis par la recourante, il est rappelé que lors du prononcé de la décision contestée le 1er février 2023, le règlement en vigueur (art. 26bis RAI, état au 1er février 2023) ne prévoyait d’abattement de 10% sur la valeur statistique que dans les cas où les capacités fonctionnelles de l’assuré ne lui permettaient de travailler qu’à un taux d’occupation de 50% ou moins. Dès le 1er janvier 2024, le règlement a été modifié en ce sens qu’un abattement automatique de 10% est fait sur la valeur statistique (art. 26bis al. 3 RAI état au 1er janvier 2024). Cette disposition, si elle était appliquée au cas d’espèce (cf. Dispositions transitoires relatives à la modification du 18 octobre 2023, RO 2023 635) ne permettrait pas davantage de tenir compte d’un taux d’invalidité ouvrant le droit à une mesure de reclassement.

6.             Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et la recourante sera condamnée au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de la recourante.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le