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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/114/2021

ATAS/903/2023 du 22.11.2023 ( AI ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/114/2021 ATAS/903/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 22 novembre 2023

Chambre 8

 

En la cause

A______

représenté par Me Elisabeth BERNARD, avocate

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré ou le recourant), né en 1958, divorcé deux fois et père de trois enfants issus des deux unions, a exercé une activité de technicien orthopédiste jusqu'en 2013.

b. Le 2 avril 2014, il a déposé auprès de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI) une première demande de prestations en raison de problèmes psychiques.

c. À la demande de l'OAI, les docteurs B______ et C______, psychiatres au sein des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), ont rendu le 14 octobre 2015 un rapport d'expertise, complété le 21 décembre 2015. Ils ont retenu, au niveau psychiatrique, les diagnostics de trouble dépressif récurrent (F33.4) – actuellement en rémission, avec toutefois encore la présence d'une certaine fragilité et fatigabilité – et de troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation d'alcool, actuellement en rémission. Les limitations fonctionnelles mentionnées étaient de nature neuropsychologique et se traduisaient par une légère difficulté de concentration dans des activités non routinières. Après un emploi de réinsertion, la capacité de travail pourrait atteindre les 80% à 100% dans des activités routinières nécessitant peu de concentration; ce n'était toutefois pas encore le cas et ne l'était pas au moment d'un épisode dépressif majeur, lors duquel la capacité de travail était inférieure à 20%.

d. Le 12 janvier 2016, le service médical régional de l'assurance-invalidité (ci-après : le SMR) a estimé que cette expertise était convaincante et que l'assuré présentait une pleine capacité de travail dès le 30 avril 2014 dans toute activité.

e. Par décision du 18 avril 2016, l'OAI a rejeté la demande de prestations, considérant qu'il n'y avait pas d'atteinte incapacitante.

L'assuré n'a pas recouru contre cette décision.

f. Par ordonnance du 18 mai 2018, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de l'assuré.

B. a. Le 4 septembre 2019, l'assuré a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l'OAI. À l'appui de cette demande, il a en particulier produit un rapport d'examen neuropsychologique et psychiatrique du 3 décembre 2018 établi par le docteur D______, spécialiste FMH en psychiatrie, diagnostiquant un trouble de la personnalité multiple et complexe décompensé (F60.9) et concluant à une incapacité de travail totale et durable en raison de cette atteinte. L'assuré a également produit un courrier du 18 novembre 2019 du Dr D______, faisant notamment état d'une aggravation de l'état de santé de l'assuré depuis l'été 2019.

b. L'OAI est entré en matière sur la nouvelle demande de l'assuré et a, sur conseil du SMR, demandé une nouvelle expertise psychiatrique, qu'il a confiée à la doctoresse E______, spécialiste FMH en psychiatrie, assistée de Madame F______, psychologue FSP.

c. Dans son rapport d'expertise du 21 septembre 2020, la Dresse E______ a conclu à une pleine capacité de travail depuis août 2013 dans toute activité ; elle ne retenait aucune limitation objectivable, ni significative.

d. Le 16 octobre 2020, le SMR s'est rallié aux conclusions de l'experte.

e. Le 23 novembre 2020, le Dr D______ a contesté l'expertise de la Dresse E______, en répondant aux questions formulées par le mandataire de l'assuré.

f. Par décision du 11 décembre 2020, l'OAI a nié le droit de l'assuré à toute prestation.

C. a. Par acte du 13 janvier 2021, l'assuré, représenté par sa curatrice qui est également avocate, a interjeté recours par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS ou chambre de céans) contre cette décision, concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à l'octroi d'une rente, subsidiairement au renvoi de la cause à l'intimé pour instruction complémentaire.

b. Dans sa réponse du 10 février 2021, l'intimé a conclu au rejet du recours.

c. Par courrier du 5 mars 2021, le recourant a demandé un délai à fin octobre 2021 pour produire des documents médicaux permettant de rendre plausible l'aggravation de son état de santé.

d. Par écritures du 24 mars 2021, l'intimé s'est opposé à une suspension de la procédure jusqu'à fin octobre 2021.

e. Après que la chambre de céans ait octroyé au recourant le délai requis pour produire de nouvelles preuves, celui-ci l'a informée le 25 octobre 2021 qu'il n'avait pas de documents complémentaires à transmettre.

f. Sur demande de la chambre de céans, la Dresse E______ a informé la chambre de céans, par courrier posté le 25 juillet 2022, qu'une nouvelle expertise psychiatrique devrait être réalisée, ainsi qu'un examen neuropsychologique avec validation des symptômes pour confirmer ou infirmer l'impact de la dépendance éthylique qui s'était probablement aggravée après l'entretien d'expertise.

g. Par écritures du 5 septembre 2022, le recourant a requis la mise en œuvre d'une expertise judiciaire. Quant à l'intimé, il a persisté dans ses conclusions, par écritures du 21 septembre 2022, sur la base d'un avis du SMR du 19 septembre écoulé.

h. Par ordonnance du 14 mars 2023, la chambre de céans a mis en œuvre une expertise judiciaire et l'a confiée au docteur G______, psychiatre-psychothérapeute FMH.

i. Dans son rapport du 29 août 2023, l'expert judiciaire, ainsi que Monsieur H______, psychologue spécialisé FMH en neuropsychologie, qui a procédé à un bilan neuropsychologique, ont diagnostiqué une démence sans précision et un trouble de l'usage d'alcool grave. La capacité de travail était nulle dans toute activité depuis août 2014.

j. Dans sa détermination du 6 octobre 2023, le recourant s'est rallié aux conclusions de l'expertise et a persisté dans ses conclusions.

k. Dans son avis médical du 3 novembre 2023, le SMR a admis qu'au jour de l'expertise, l'incapacité de travail était totale dans toute activité, mais a considéré qu'il n'était pas établi que cette incapacité existait déjà depuis 2014, dès lors que la démence évoluait de façon progressive et semblait être postérieure à 2018. Il a ainsi jugé nécessaire de poser des questions supplémentaires à l'expert, portant sur les diagnostics en relation avec l'incapacité de travail totale retenue, sur le moment à partir duquel des signes objectifs incapacitants de démence étaient présents et les raisons précises pour lesquelles il s'écartait des conclusions de la Dresse E______.

l. À la même date, l'intimé a sollicité une instruction complémentaire dans le sens de l'avis médical précité du SMR.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pendant la période du 18 décembre au 2 janvier inclusivement (art. 38 al. 4 let. c LPGA et art. 89C let. c LPA), le recours est recevable.

3.             Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI et de la LPGA du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705), y compris les ordonnances correspondantes, sont entrées en vigueur.

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle qui était en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l’état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur (cf. ATF 148 V 174 consid. 4.1).

4.             L'objet du litige est la question de savoir si l'état de santé du recourant s'est aggravé après le rejet de sa première demande de prestations, par décision du 18 avril 2016, au point de lui ouvrir le droit à une rente, et dans l'affirmative à partir de quelle date une rente est due.

5.             Lorsque l’administration entre en matière sur une nouvelle demande, après avoir nié le droit à une prestation [cf. art. 87 al. 3 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201)], l’examen matériel doit être effectué de manière analogue à celui d'un cas de révision au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA (ATF 133 V 108 consid. 5 et les références ; ATF 130 V 343 consid. 3.5.2 et les références; ATF 130 V 71 consid. 3.2 et les références; cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_899/2015 du 4 mars 2016 consid. 4.1 et les références). 

L’art. 17 al. 1er LPGA dispose que si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Il convient ici de relever que l’entrée en vigueur de l’art. 17 LPGA, le 1er janvier 2003, n’a pas apporté de modification aux principes jurisprudentiels développés sous le régime de l’ancien art. 41 LAI, de sorte que ceux-ci demeurent applicables par analogie (ATF 130 V 343 consid. 3.5).

Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3; ATF 130 V 343 consid. 3.5). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s'améliore grâce à une accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 141 V 9 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2015 consid. 4.1). Il n'y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3; ATF 112 V 371 consid. 2b; ATF 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l'art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références). Un changement de jurisprudence n'est pas un motif de révision (ATF 129 V 200 consid. 1.2).

Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. C’est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4; ATF 130 V 343 consid. 3.5.2).

6.              

6.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

6.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

6.3 Selon les art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

7.              

7.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

7.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

7.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

7.3.1 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

7.3.2 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

7.3.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

8.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

9.             Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b; ATF 122 V 157 consid. 1d).

9.1 Le point de départ de l'évaluation prévue pour les troubles somatoformes douloureux (ATF 141 V 281), les troubles dépressifs (ATF 143 V 409), les autres troubles psychiques (ATF 143 V 418) et les troubles mentaux du comportement liés à l'utilisation de substances psychoactives (ATF 145 V 215) est l'ensemble des éléments médicaux et constatations y relatives. Les experts doivent motiver le diagnostic psychique de telle manière que l'organe d'application du droit puisse comprendre non seulement si les critères de classification sont remplis (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1), mais également si la pathologie diagnostiquée présente un degré de gravité susceptible d'occasionner des limitations dans les fonctions de la vie courante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_551/2019 du 24 avril 2020 consid. 4.1 et la référence).

9.2 Dans un arrêt de principe du 2 décembre 2019 (ATF 145 V 361), le Tribunal fédéral, à la lumière de l'ATF 141 V 281, a notamment posé une délimitation, entre l'examen (libre), par les autorités chargées de l'application du droit, de l'admission d'une incapacité de travail par l'expert psychiatre, d'une part, et une appréciation juridique parallèle inadmissible, d'autre part.

Selon le Tribunal fédéral, dans tous les cas, l'administration et, en cas de recours, le juge, doivent examiner si et dans quelle mesure les experts ont suffisamment et de manière compréhensible étayé leur évaluation de l'incapacité de travail, en tenant compte des indicateurs pertinents (questions de preuve). À cette fin, les experts doivent établir un lien avec la partie précédente de l'expertise médico-psychiatrique (avec extraits du dossier, anamnèse, constatations, diagnostics, etc.), c'est-à-dire qu'ils doivent se référer en détails aux résultats médico-psychiatriques des examens et explorations cliniques menés dans les règles de l'art qui relèvent de leur compétence. Le médecin doit donc exposer de manière détaillée les raisons médico-psychiatriques pour lesquelles les éléments constatés sont susceptibles de restreindre la capacité fonctionnelle et les ressources psychiques en termes qualitatifs, quantitatifs et temporels (ATF 143 V 418 consid. 6). À titre d'exemple, dans le cadre de troubles dépressifs récurrents de degrés légers à modérés qui sont souvent au premier plan dans l'examen de l'invalidité au sens de l'AI, cela signifie qu'il ne suffit pas que l'expert psychiatre déduise directement de l'épisode dépressif diagnostiqué une incapacité de travail, quel qu'en soit le degré ; il doit bien plutôt démontrer si et dans quelle mesure les constatations qu'il a faites (tristesse, désespoir, manque de dynamisme, fatigue, troubles de la concentration et de l'attention, diminution de la capacité d'adaptation, etc.), limitent la capacité de travail, en tenant compte - à des fins de comparaison, de contrôle et de plausibilité - des autres activités personnelles, familiales et sociales de la personne requérant une rente. Si les experts s'acquittent de cette tâche de manière convaincante, en tenant compte des éléments de preuve établis par l'ATF 141 V 281, l'évaluation des répercussions de l'atteinte psychique sera également valable du point de vue des organes chargés de l'application du droit, que ce soit l'administration ou le juge. À défaut, il se justifie, juridiquement, de s'en écarter (ATF 145 V 361 consid. 4.3 et la référence).

9.3 En ce qui concerne l'évaluation du caractère invalidant des affections psychosomatiques et psychiques, l'appréciation de la capacité de travail par un médecin psychiatre est soumise à un contrôle (libre) des organes chargés de l'application du droit à la lumière de l'ATF 141 V 281 (ATF 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_585/2019 du 3 juin 2020 consid. 2 et les références). Il peut ainsi arriver que les organes d'application du droit se distancient de l'évaluation médicale de la capacité de travail établie par l'expertise sans que celle-ci ne perde sa valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_128/2018 du 17 juillet 2018 consid. 2.2 et les références). Du point de vue juridique, il est même nécessaire de s'écarter de l'appréciation médicale de la capacité de travail si l'évaluation n'est pas suffisamment motivée et compréhensible au vu des indicateurs pertinents, ou n'est pas convaincante du point de vue des éléments de preuve instaurés par l'ATF 141 V 281. S'écarter de l'évaluation médicale est alors admissible, du point de vue juridique, sans que d'autres investigations médicales ne soient nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_832/2019 du 6 mai 2020 consid. 2.2). Toutefois, lorsque l'administration ou le juge, au terme de son appréciation des preuves, parvient à la conclusion que le rapport d'expertise évalue la capacité de travail en fonction des critères de médecine des assurances établis dans l'ATF 141 V 281 et qu'il satisfait en outre aux exigences générales en matière de preuves (ATF 134 V 231 consid. 5.1), il a force probante et ses conclusions sur la capacité de travail doivent être suivies par les organes d'application de la loi. Une appréciation juridique parallèle libre en fonction de la grille d'évaluation normative et structurée ne doit pas être entreprise (cf. ATF 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_213/2020 du 19 mai 2020 consid. 4.3 et les références).

En fin de compte, la question décisive est toujours celle des répercussions fonctionnelles d'un trouble. La preuve d'une incapacité de travail de longue durée et significative liée à l'état de santé ne peut être considérée comme rapportée que si, dans le cadre d'un examen global, les éléments de preuve pertinents donnent une image cohérente de l'existence de limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation invalidante de la capacité de travail n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_423/2019 du 7 février 2020 consid. 3.2.2 et les références).

10.          

10.1 Le recourant a fait l'objet d'une première expertise psychiatrique en juin et juillet 2015. Dans leur rapport du 14 octobre 2015, les Drs B______ et C______ retiennent un trouble dépressif récurrent, actuellement en rémission, et des troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation de l'alcool, actuellement en rémission. L'hygiène et la tenue vestimentaire du recourant sont correctes. Il présente une légère difficulté de concentration dans les tâches non routinières. La capacité de travail dans l'activité habituelle est nulle, mais elle est entre 80 et 100% dans des activités routinières, après un emploi en réinsertion.

10.2 Puis, une curatelle de représentation et de gestion a été instaurée en faveur du recourant le 18 mai 2018, à la demande du frère de celui-ci.

10.3 Dans son rapport d'examen neuropsychologique et psychiatrique du 3 décembre 2018, le Dr D______ constate une incapacité de travail totale en raison d'un trouble de la personnalité multiple et complexe décompensé.

Selon le rapport du 18 novembre 2019 du Dr D______, le recourant est notamment négligé, peu collaborant, désinvolte, impulsif, démotivé et apathique. Ses émotions sont instables et inadéquates avec un dysfonctionnement externalisé comprenant des problèmes comportementaux et une désinhibition comportementale. Néanmoins, il rapporte un niveau élevé de bien-être psychologique et un large panel d'expériences positives et contradictoires. Le recourant n'a aucune capacité d'établir des contacts avec des tiers, en l'absence avérée de compétences sociales et en présence d'un tempérament impulsif imprévisible. Il est ainsi très isolé. Il n'arrive que difficilement à prendre soin de lui et présente des difficultés majeures de concentration.

10.4 Dans son expertise du 21 septembre 2020, la Dresse E______ conclut à une capacité de travail totale, en considérant qu'aucun des troubles psychiatriques diagnostiqués (trouble anxieux et dépressif mixte, trouble de la personnalité mixte non décompensé, dépendance primaire éthylique, utilisation épisodique) n'a une répercussion sur la capacité de travail, en l'absence de suivi et de traitement psychiatriques. La dépendance éthylique est primaire. Elle retient également que le recourant a de bonnes capacités et ressources personnelles, sur la base de ses déclarations.

10.5 Les constatations de l'experte sont contredites par le Dr D______ dans son courrier du 23 novembre 2020, dans lequel il relève en particulier que l'état du recourant est fluctuant. Ce médecin a pu observer les indices de gravité de l'atteinte psychiatrique à plusieurs reprises depuis 2018. La dépendance éthylique est secondaire. Le recourant n'est pas en mesure de gérer son quotidien de manière autonome, raison pour laquelle il est sous curatelle. Il n'a quasi aucune ressource personnelle ni relation familiale ou amicale. La capacité de travail est nulle. Néanmoins, le recourant minimise et nie toutes les difficultés et présente un optimisme quasi délirant de sa situation. S'il a abandonné les traitements, cela tient au fait qu'il a une auto-évaluation fortement déficitaire. Son état d'hygiène est lamentable. Enfin, il est suivi chez ce médecin depuis août 2018. Toutefois, durant la crise Covid-19, quelques rendez-vous avaient dû être annulés.

10.6 Confrontée à l'appréciation précitée du Dr D______, la Dresse E______ admet qu'une nouvelle expertise est nécessaire, tout en émettant l'hypothèse que l'impact de la dépendance éthylique s'est probablement aggravée après ses entretiens avec le recourant.

10.7 Dans l'expertise judiciaire du 29 août 2023, le Dr G______ et le neuropsychologue émettent les diagnostics de démence sans précision et de trouble de l'usage d'alcool grave, après avoir soumis le recourant à un examen neuropsychologique. L'incapacité de travail est totale dans toute activité depuis août 2014. L'expert judiciaire ne retient à ce stade pas de trouble de la personnalité schizoïde en raison de l'atteinte neuropsychiatrique qui est susceptible de modifier la personnalité.

Selon l'expert judiciaire, les incohérences sont multiples entre les expertises successives et les rapports du Dr D______, ainsi que la présentation idyllique et sans problème particulier par le recourant de sa situation et la réalité observée dans sa présentation d'hygiène (sévèrement négligée avec vêtements tâchés et dégageant une odeur nécessitant d'ouvrir les fenêtres) et en général par l'expert, le neuropsychologue et la curatrice. Le recourant laisse entendre que tout va bien, n'a aucune plainte, nie d'être malade et d'avoir besoin d'aide, à part de sa curatrice qui l'a par ailleurs accompagné à l'entretien.

L'examen neuropsychologique met notamment en évidence des troubles exécutifs, comportementaux et cognitifs sévères, ainsi qu'une atteinte mnésique sévère avec des confabulations. Il s'agit d'un tableau d'atteinte globale, d'intensité légère à modérée, mais avec des troubles intenses au niveau exécutif, correspondant à une démence de degré modéré. Les limitations sont sévères et entravent tous les aspects du fonctionnement cognitif nécessaires pour gérer la vie et une activité professionnelle. L'atteinte est évolutive et la dégradation évidente depuis 2018. Le recourant est incapable de contrôler sa consommation d'alcool et un placement en milieu spécialisé serait probablement approprié.

Selon l'expert judiciaire, il est probable que le recourant souffrait d'une dépression récurrente par le passé et d'une personnalité schizoïde. Il présente un déni massif par rapport à sa maladie et il semble même qu'il manque de capacité de discernement. La consommation d'alcool est déniée, mais confirmée par les résultats de laboratoire.

11.         L'expertise judiciaire repose sur la connaissance du dossier médical complet et des renseignements donnés par la curatrice du recourant, nommée en 2018, prend en considération les plaintes, est fondée sur un examen médical consciencieux et un bilan neuropsychologique. Ses conclusions sont bien motivées et convaincantes. L'expert examine également la gravité et la plausibilité des troubles psychiatriques sur la base des indicateurs jurisprudentiels. Partant une pleine valeur probante peut en principe être reconnue à cette expertise.

12.         L'intimé ne conteste pas l'incapacité de travail totale dans toute activité au moment de l'expertise judiciaire, mais estime que celle-ci est incomplète, dans la mesure où elle ne permet pas de se prononcer sur l'évolution des diagnostics et leur impact sur la capacité de travail depuis 2018.

12.1 En premier lieu, l'intimé estime que l'expert judiciaire devrait indiquer quels sont les diagnostics en relation avec l'incapacité de travail.

Toutefois, l'expert indique de façon claire et convaincante que les atteintes incapacitantes au moment de l'expertise sont une démence et un trouble de l'usage d'alcool grave. Auparavant, le recourant présentait également un trouble de la personnalité schizoïde et une dépression récurrente, ainsi que les premiers signes de démence. Dans la mesure où l'expert judiciaire retient une totale incapacité de travail depuis 2014, il a donc considéré que ces diagnostics sont incapacitants.

12.2 L'intimé demande également que l'expert précise depuis quand l'assuré présente des signes objectifs incapacitants de démence, en particulier sur la base de l'examen neuropsychologique de décembre 2018.

En admettant une incapacité de travail totale depuis 2014, l'expert s'est fondé sur le rapport médical de la Dresse I______ du 21 août 2014. Celle-ci avait demandé une évaluation neuropsychologique, laquelle conclut à des troubles neuropsychologiques moyens à graves empêchant toute activité professionnelle. Il semble donc que les premiers signes qui ont mené à la démence étaient déjà présents en 2014. Mais il est vrai que l'examen neuropsychologique du 3 décembre 2018 du Dr D______ et de Mme J______, psychologue, ne semble pas mettre en évidence des signes de démence. Cet examen montre toutefois déjà une précipitation à l'abord de différentes tâches, une tendance à la persévération et à une difficulté en mémoire épisodique péjorée par le manque d'incitation volontaire du recourant.

Selon M. H______, la précipitation dans l'action et le défaut d'incitation se sont nettement aggravés depuis lors. Ce neuropsychologue souligne :

"… le défaut d'incitation est probablement à l'origine de l'incurie observée chez cet expertisé (négligence de soi notamment); le fait de toujours porter les mêmes vêtements sales alors que des habits propres sont à disposition (information donnée par [la curatrice]) constitue une possible stéréotypie comportementale elle aussi typique des atteintes exécutives (frontales). Les troubles du cours de l'action, et notamment la désinhibition qui se traduit par la précipitation dans l'action, rendent illusoires que [le recourant] parvienne à contrôler sa consommation d'alcool."

Ainsi, les premiers signes de démence étaient déjà présents en 2014 et 2018. Toutefois, indépendamment de ce diagnostic, le recourant souffrait à cette époque d'un trouble dépressif récurrent et d'un trouble de la personnalité schizoïde, selon l'expertise judiciaire, engendrant également une incapacité de travail totale.

Quoi qu'il en soit, peu importe le diagnostic retenu, dans la mesure où est déterminante la répercussion des troubles psychiques sur la capacité de travail.

Certes, la Dresse E______ ne constate aucune atteinte psychiatrique incapacitante dans son expertise du 21 septembre 2020. Toutefois, de l'avis de la Cour de céans, une valeur probante ne peut être reconnue à cette expertise. En effet, la Dresse E______ n'a pas procédé à une anamnèse auprès de tiers, notamment du médecin traitant. De ce fait, elle retient dans son expertise qu'il n'y a pas de retentissement significatif des plaintes du recourant dans les activités de sa vie quotidienne et du ménage, celui-ci gérant son quotidien sans difficulté avec l'aide de son curateur qui s'occupe de tâches administratives complexes. Le recourant déclare qu'il se promène avant de s'occuper de l'ensemble des tâches ménagères, des courses et des repas, ainsi que des tâches administratives simples, sans l'aide d'un tiers. Le reste de la journée, il passe son temps à lire, à regarder des vidéos, à faire du vélo, à jouer au bridge et à surfer sur internet. Il a un chat et se promène parfois en famille ou avec des amis. La Dresse E______ mentionne en outre n'avoir trouvé aucune incohérence "chez un assuré authentique qui n'exagère pas les activités possibles et ses plaintes", tout en ajoutant que la seule discordance est une demande de prestations d'invalidité en l'absence de limitations fonctionnelles objectivables. À cet égard, le recourant explique ne plus vouloir travailler en raison de son âge avancé, après une longue pause professionnelle, et de la nécessité de récupérer après ses abus éthyliques (au moins six bières par jour, deux jours par semaine). Par contre, elle constate une discordance importante entre les troubles dépressifs récurrents sévères décrits par le psychiatre traitant dans le passé ou le trouble de la personnalité décompensé avec une incapacité de travail totale, alors que le recourant arrive à gérer son quotidien sans difficultés, conduit la voiture et entretient des relations positives avec sa famille et ses amis, tout en ayant diverses activités de loisir. En raison du fait que la dépendance éthylique et le trouble de personnalité n'ont pas empêché le recourant dans le passé de travailler sans limitations et de mener différentes activités durant une journée-type, cette experte juge un examen neuropsychologique inutile. Enfin, le pronostic est bon, mais pourrait être amélioré par un suivi psychiatrique régulier avec une prise en charge du trouble de la personnalité et par un sevrage éthylique.

Or, dans sa détermination du 23 novembre 2020 sur cette expertise, le Dr D______, indique notamment que le recourant n'est pas en mesure de gérer son quotidien de manière autonome, raison pour laquelle il est sous curatelle, et qu'il n'a quasi aucune ressource personnelle ni relation familiale ou amicale, si bien qu'il est très isolé. S'il ne travaille plus depuis 2013, c'est uniquement à cause de ses maladies psychiques. Il minimise et nie ses difficultés et présente un optimisme quasi délirant de sa situation. Il a essayé plusieurs traitements, mais les a à chaque fois abandonnés, son auto-évaluation étant fortement déficitaire. Son état d'hygiène est lamentable. Il est par ailleurs faux qu'il n'y a aucun suivi psychiatrique, le recourant consultant le Dr D______ régulièrement depuis 2018, même s'il est vrai que, durant la crise du Covid, quelques rendez-vous ont dû être annulés.

Cela étant, il s'avère que, déjà au moment de l'expertise de la Dresse E______, le recourant n'était plus en mesure de s'occuper de lui-même et vivait dans un isolement social quasi total. La curatrice le confirme dans le cadre de l'expertise judiciaire (p. 51). Une évaluation fondée sur les seules déclarations du recourant, alors que celui-ci est dans le déni voire fabule, n'a donc aucune valeur probante en l'occurrence.

12.3 L'intimé requiert enfin que l'expert judiciaire précise pourquoi il s'écarte des conclusions de l'expertise de la Dresse E______.

Il est vrai que l'expert judiciaire ne précise pas, dans sa réponse à cette question, pourquoi il ne partage pas les conclusions de cette experte. Il ajoute uniquement que "L'expertisé est incapable de fonctionner, mais en raison de la démence doublée de l'éthylisme chronique". Cependant, dans la mesure où sa conclusion contredit celle de la Dresse E______, pour des raisons expliquées dans son expertise, d'autres précisions ne sont pas nécessaires, à moins de vouloir répéter ses explications figurant dans le corps de l'expertise.

12.4 Au vu de ce qui précède, une expertise complémentaire n'est pas indiquée, l'expertise judiciaire étant complète et convaincante.

12.5 Sur la base de cette expertise, une aggravation de l'état de santé du recourant, postérieurement à la décision du 18 avril 2016, doit être admise, au plus tard en mai 2018 lorsque le recourant a été mis sous tutelle. Son incapacité de travail est totale.

13.         Dès lors que le recourant a déposé une demande de prestations en septembre 2019, son droit à la rente peut naître au plus tôt six mois après, soit en mars 2020 (art. 29 al. 1 LAI), pour autant qu'il présente une incapacité de travail moyenne de 40% au moins pendant une année à cette date.

En l'occurrence, l'expert judiciaire constate une incapacité de travail de 100% depuis août 2014. Par ailleurs, le recourant a été mis sous curatelle en mai 2018. Partant, l'existence d'une incapacité de travail d'une année au moins doit être admise en mars 2020.

Par conséquent, une rente entière est à reconnaître au recourant dès cette dernière date.

14.         Ainsi, le recours sera admis, la décision annulée et le recourant mis au bénéfice d'une rente entière dès mars 2020.

15.         Un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge de l'intimé qui succombe.

16.         Le recourant, représenté par son curateur, a droit à des dépens, qui seront fixés à CHF 2'500.- (art. 61 let. g LPGA). En effet, selon la jurisprudence, l’avocat désigné comme curateur qui mène avec succès le procès de son protégé peut prétendre à des dépens, s’il obtient gain de cause (ATF 124 V 338 consid. 4).

 

***


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision du 11 décembre 2020.

4.        Met le recourant au bénéfice d'une rente d'invalidité entière dès mars 2020.

5.        Lui octroie une indemnité de CHF 2’500.-, à titre de dépens, à la charge de l’intimé.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente suppléante

 

 

 

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le