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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3606/2022

ATAS/832/2023 du 31.10.2023 ( AVS ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3606/2022 ATAS/832/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 31 octobre 2023

Chambre 15

 

En la cause

A______
représenté B______, mandataire

 

 

recourant

 

contre

CAISSE INTERPROFESSIONNELLE AVS DE LA FÉDÉRATION DES ENTREPRISES ROMANDES FER CIAM 106.1

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1956, exerce depuis mars 1988 la fonction d’administrateur et vice-président
de B______ (ci-après : B______), société ayant pour but l’étude, la promotion et le financement d’opérations de constructions immobilières, à l’exclusion de la gérance d’immeubles. Affilié en tant qu’indépendant auprès de la Caisse interprofessionnelle AVS de la Fédération des entreprises romandes FER CIAM 106.1 (ci-après : la caisse ou l’intimée) depuis le 1er janvier 2007, l’assuré exerce également une activité salariée auprès de B______, dans le cadre de laquelle il a obtenu un revenu de CHF 45'000.- en 2015.

b. Le 7 mars 2018, l’assuré, représenté par B______, a remis à la caisse :

-          une copie des états financiers 2013, 2014 et 2015, relatifs à son activité indépendante. Selon le compte de pertes et profits au 31 décembre 2015, il avait réalisé un revenu brut de CHF 6'372'562.-, composé de bénéfices sur opérations immobilières, revenus locatifs, honoraires et commissions. Après déduction des charges d’un montant de CHF 1'214'568.-, le résultat net de l’exercice 2015 s’était élevé à CHF 5'157'994.- ;

-          une attestation délivrée le 18 décembre 2015 par Axa Fondation LPP (ci-après : l’institution de prévoyance), selon laquelle l’assuré avait payé, en qualité de salarié, une contribution de rachat volontaire à hauteur de
CHF 300'000.- en 2015, alors que le début du rapport de prévoyance remontait au 1er octobre 2015 ;

-          une attestation délivrée le 6 janvier 2016 par l’institution de prévoyance, faisant état d’une seconde contribution de rachat volontaire effectuée en tant que salarié en 2015, d’un montant de CHF 650'000.-.

Dans sa lettre de couverture, l’assuré a invité la caisse à rendre une décision de cotisation pour les années 2013, 2014 et 2015, et attiré son attention sur les deux attestations précitées.

B. a. Le 12 mars 2018, la caisse a adressé à l’assuré une « décision provisoire » de cotisations personnelles pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2015. La décision était « provisoire » dans la mesure où la caisse restait dans l’attente de la communication, par l’autorité fiscale, de l’état définitif de la situation pour la période précitée. Une fois en possession des données fiscales correspondantes, elle rendrait une décision définitive fixant le montant des cotisations dues
au moyen d’un décompte établissant le solde entre les cotisations dues et les acomptes de cotisations versés. En l’état, le revenu brut déterminant que l’assuré avait réalisé dans le cadre de l’activité indépendante, était de CHF 5'798'200.- (soit CHF 5'798'271.- arrondi à CHF 5'790'200.-). Quant aux cotisations personnelles y relatives, elles s’élevaient à CHF 573'451.20. En tenant compte
du montant de CHF 562'245.60 déjà facturé à ce titre, le solde de cotisations personnelles que l’assuré devait à la caisse s’élevait à CHF 11'205.60 en l’état.

b. Par pli du 22 mars 2018, l’assuré a fait savoir à la caisse que la décision provisoire de cotisations personnelles pour l’année 2015 lui paraissait incorrecte, dans la mesure où le rachat de CHF 950'000.- qu’il avait effectué en matière LPP n’avait pas été déduit de son revenu déterminant.

c. Par courrier du 11 avril 2018, la caisse a informé l’assuré que pour déterminer le revenu provenant d’une activité indépendante, il y avait lieu de déduire de celui-ci les versements personnels à des institutions de prévoyance professionnelle, dans la mesure où ils correspondaient à la part habituellement prise en charge par l’employeur. Les cotisations LPP courantes et le rachat d’années de prévoyance étaient en principe déductibles au titre de versements personnels des indépendants à des institutions de prévoyance professionnelle. En l’occurrence, il ressortait des attestations de l’institution de prévoyance, annexées au courrier de l’assuré du 7 mars 2018 que c’était, non pas en qualité de personne de condition indépendante mais de salarié qu’il avait effectué des rachats de cotisations LPP en 2015. En conséquence, la caisse ne pouvait pas déduire du revenu 2015 les contributions de rachat volontaires de CHF 950'000.-.

d. Selon une communication fiscale du 28 janvier 2021 (intitulée « Détail Sedex […] »), transmise à la caisse et établissant la taxation définitive de l’assuré pour l’année 2015, les données de base relatives à sa situation se présentaient comme suit :

 

Contribuable

Conjoint

Revenu TSE (salaire)

0

0

Revenu indépendant (avec activité accessoire)

5'157'994

0

Revenu rente (NA)

0

0

Revenu principal agricole

0

0

Capital investi

3'843'381

0

Fortune

0

0

Revenus perçus à l’étranger ?

 

 

Rente pont employeur

0

0

Rachat LPP

0

0

e. Par décision définitive du 11 février 2021, la caisse a annulé et remplacé sa décision provisoire du 12 juin 2019 sur la base de la taxation fiscale définitive pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2015. Il convenait de prendre en considération un revenu de CHF 5'157'994.-. Après déduction de CHF 19'222.- (soit le montant correspondant à un intérêt de 0.50% sur le capital investi de
CHF 3'843'381.-, arrondi au millier supérieur), le revenu net sans cotisation était de CHF 5'138'774.-. Sur celui-ci, les cotisations personnelles AVS 2015 dues
se montaient à CHF 552'005.-. En additionnant ces deux montants, on obtenait
un revenu brut (non arrondi) de CHF 5'690'779.-, correspondant à un revenu déterminant de CHF 5'690'700.-. Sachant que l’assuré s’était déjà vu facturer
CHF 573'451.20 à titre de cotisations personnelles et que celles-ci s’élevaient en réalité à CHF 562'875.- (soit 9.7% du revenu déterminant pour les cotisations AVS, respectivement 1%, 2.4% et 0.041% pour la contribution aux frais d’administration, la contribution personnelle à la caisse d’allocations familiales
et les cotisations personnelles d’assurance-maternité), il existait une différence annuelle de CHF 10'576.20 en faveur de l’assuré, acomptes impayés non compris.

f. Par courrier du 23 février 2021, l’assuré a déposé une « réclamation » contre cette décision en soutenant que celle-ci était erronée en tant qu’elle omettait de déduire de son revenu le rachat d’années de prévoyance effectué pour la somme de CHF 950'000.- en 2015.

g. Le 10 mars 2021, la caisse a réagi à ce courrier en faisant observer à l’assuré qu’il ressortait des attestations de son institution de prévoyance que les rachats de CHF 300'000.- et CHF 650'000.- qu’il avait effectués en 2015 l’avaient été à titre de salarié et non pas d’indépendant. En conséquence, la décision du 11 février 2021 était maintenue. Il lui était cependant loisible de demander qu’une décision sujette à recours lui soit notifiée.

h. Par pli du 23 mars 2021 à la caisse, l’assuré a relevé que celle-ci avait indiqué dans son courrier du 11 avril 2018 que les rachats d’années de cotisations étaient déductibles en tant que versements personnels des indépendants à des institutions de prévoyance professionnelle. Puisqu’il avait effectué un rachat d’années de cotisations en prélevant CHF 950'000.- sur son bénéfice d’indépendant, c’était donc bien en tant qu’indépendant qu’il avait effectué le rachat litigieux. Aussi incombait-il à la caisse d’en tirer les conséquences.

L’assuré a joint à son courrier son certificat de salaire 2015, attestant qu’il avait perçu un revenu de CHF 45'000.- dans le cadre de son activité dépendante en faveur de B______.

i. Selon une communication fiscale du 26 mai 2021, transmise à la caisse et établissant une « taxation définitive rectificative » de l’assuré pour l’année 2015, le capital investi par le contribuable s’élevait, non pas à CHF 3'843'381.- (comme annoncé antérieurement), mais à CHF 3'820'272.-. Pour le reste, les données de la précédente communication, du 28 janvier 2021, demeuraient inchangées.

j. Sur la base de cette nouvelle communication, la caisse a rendu, le 28 mai 2021, une décision rectificative de cotisations personnelles pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2015, fixant à CHF 562'894.20 le montant des cotisations dues par l’assuré. Compte tenu du montant de CHF 562'875.- déjà facturé à ce titre, l’assuré lui devait la différence (CHF 19.20).

k. Le 8 juin 2021, l’assuré a formé opposition à cette décision en renvoyant aux arguments exposés dans ses précédents courriers.

l. Par décision du 19 octobre 2022, la caisse a rejeté cette opposition.

En tant que l’assuré faisait valoir qu’il avait prélevé le montant de CHF 950'000.- sur ses revenus d’indépendant, il s’agissait là d’un argument qui n’était pas pertinent pour prétendre à une déduction sur le revenu de l’activité indépendante. En effet, la déductibilité concernait les versements effectués à titre personnel par des indépendants dans le cadre de leur prévoyance professionnelle facultative. Or, cette condition n’était pas réalisée dans le cas concret. C’était donc à bon droit que la caisse avait calculé les cotisations personnelles 2015 d’un montant total de CHF 562'894.20 sur la base de la dernière communication fiscale du 26 mai 2021 – laquelle n’admettait aucun rachat LPP en lien avec l’activité indépendante de l’assuré, et liait la caisse –, sans tenir compte du rachat d’années de prévoyance que l’assuré avait effectué à hauteur de CHF 950'000.- en lien avec son activité salariée.

C. a. Le 1er novembre 2022, l’assuré, toujours représenté par B______, a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d’un recours contre cette décision, concluant en substance à sa réformation, en ce sens que les rachats d’années de prévoyance qu’il avait effectués en 2015 devaient être déduits intégralement du revenu de son activité indépendante et
le montant des cotisations personnelles adapté en conséquence. À l’appui de sa position, il a réitéré pour l’essentiel les arguments présentés dans ses précédents courriers à la caisse.

b. Par réponse du 22 décembre 2022, la caisse a conclu au rejet du recours en faisant valoir qu’il importait peu que les rachats – en qualité de salarié – aient été effectués au moyen des revenus provenant de l’activité indépendante du recourant. Ce qui était décisif pour la déductibilité litigieuse, c’était le point de savoir si le rachat d’années de cotisations manquantes avait été effectué dans le cadre de la prévoyance professionnelle facultative pour les indépendants. Or, ceci ne ressortait ni des attestations de l’institution de prévoyance, ni des communications fiscales qui ne mentionnaient aucun rachat LPP. C’était donc au recourant qu’il incombait de prouver que ces communications fiscales étaient erronées. Force était cependant de constater que le recourant avait expliqué de façon constante, et confirmé dans son recours, que le rapport de prévoyance professionnelle (sur lequel portaient les rachats litigieux) avait été établi dans le cadre de son activité salariée.

c. Par réplique du 24 janvier 2023, le recourant a précisé qu’il était promoteur immobilier indépendant depuis des décennies, et également coactionnaire de B______. Lorsqu’en 2015, les actionnaires avaient décidé de devenir des salariés de B______, ils avaient créé simultanément un fonds de prévoyance. Dans ce contexte, le recourant avait décidé d’effectuer un important rachat qu’il avait versé à ce fonds de prévoyance. De son point de vue, ce dernier élément demeurait sans incidence sur la qualité des rachats, ceux-ci étant déductibles pour les raisons déjà indiquées.

d. Par courrier du 22 septembre 2023, la chambre de céans a signalé au recourant qu’il ne ressortait pas du dossier qu’il ait contesté l’avis de taxation 2015. Dans le cas contraire, il était invité à lui transmettre la dernière décision rendue par l’administration fiscale concernant 2015.

e. Par pli du 16 octobre 2023, le recourant a transmis à la chambre de céans une copie de l’avis de taxation 2015 des époux C______, daté du 31 mars 2021. Ce document portait en déduction du revenu brut du couple notamment un montant de CHF 950'000.- à titre de rachat de la prévoyance professionnelle.

f. Le 18 octobre 2023, une copie de ce courrier a été transmise, pour information, à l’intimée.

g. Les autres faits seront exposés, si nécessaire, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ – E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS – RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et celles du titre IVA (soit les art. 89B à 89l) de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10), complétées par les autres dispositions de la LPA en tant que ses articles précités n’y dérogent pas (art. 89A LPA), les dispositions spécifiques que la LAVS contient sur la procédure restant réservées (art. 1 al. 1 LAVS).

1.3 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA – E 5 10]). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

2.             Est litigieux le point de savoir si le recourant peut exiger de l’intimée qu’elle réduise le montant de ses cotisations personnelles d’indépendant en prenant pour base le revenu de son activité indépendante de 2015, diminué d’un montant de CHF 950'000.- qu’il a consacré la même année à un rachat LPP effectué « en qualité de salarié » selon l’attestation de l’institution de prévoyance.

 

3.              

3.1 Selon l’art. 9 al. 1 LAVS, le revenu d’une activité indépendante comprend tout revenu du travail autre que la rémunération pour un travail accompli dans une situation indépendante.

L’art. 17 du règlement sur l’assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS – RS 831.101) précise qu’est réputé revenu provenant d’une activité indépendante au sens de l’art. 9 al. 1 LAVS, tout revenu acquis dans une situation indépendante provenant de l’exploitation d’une entreprise commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou sylvicole, de l’exercice d’une profession libérale ou de toute autre activité, y compris les bénéfices en capital et les bénéfices réalisés lors du transfert d’éléments de fortune au sens de l’art. 18 al. 2 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD –
RS 642.11), et les bénéfices provenant de l’aliénation d’immeubles agricoles
ou sylvicoles conformément à l’art. 18 al. 4 LIFD, à l’exception des revenus provenant de participations déclarées comme fortune commerciale selon l’art. 18 al. 2 LIFD.

Ainsi, dans la mesure où la LAVS et son règlement d’exécution ne prévoient pas de dispositions contraires, tous les revenus imposables provenant d’une activité lucrative indépendante sont en principe également soumis à l’obligation de cotiser (ATF 124 V 250 consid. 3.2).

3.2 Pour établir le revenu provenant d’une activité lucrative indépendante, on déduit du revenu global (revenu brut) les déductions autorisées par l’art. 9 al. 1 let. a à e LAVS. La nature et l’importance des déductions sont déterminées conformément aux dispositions en matière d’impôt fédéral direct (art. 18 al. 1 RAVS). Sont toutefois seuls déductibles les éléments énumérés à l’art. 9 al. 2
let. a à e LAVS. Cela signifie que les autres déductions sur le revenu, prévues par la LIFD n’entrent pas en considération et qu’en tant que les communications fiscales s’écartent des principes de la LAVS, elles ne lient pas les caisses de compensation (RCC 1986 p. 233 consid. 3 ; Michel VALTERIO, Droit de l’assurance-vieillesse et survivants [AVS] et de l’assurance-invalidité [AI], 2011, p. 139, n. 440 ; sur la portée de la force contraignante des communications fiscales : cf. ci-après : consid. 3.3).

3.2.1 Aux termes de l’art. 9 al. 2 LAVS, pour déterminer le revenu provenant d’une activité indépendante, sont notamment déduits du revenu brut les versements personnels à des institutions de prévoyance professionnelle, dans la mesure où ils correspondent à la part habituellement prise en charge par l’employeur (let. e).

Jusqu'à la fin de l'année 1996, la déduction prévue à l'art. 9 al. 2 let. e LAVS était réglée à l'art. 18 al. 3 RAVS (en vigueur jusqu'au 31 décembre 1996). Selon cette disposition, devaient être déduits du revenu brut les versements personnels à des institutions de la prévoyance professionnelle, dans la mesure où ils correspondent à la part habituellement prise en charge par l'employeur ; les autorités fiscales cantonales établissent les déductions en application des dispositions en matière d'impôt fédéral direct. L’ancien art. 18 al. 3 RAVS, entré en vigueur le 1er janvier 1987, partait du constat que les cotisations réglementaires versées par l’employeur (en faveur de son personnel) à des institutions de prévoyance étaient exceptées
du salaire déterminant versé à ses employés (cf. l’art. 8 let. a RAVS). Il en allait différemment pour les personnes exerçant une activité lucrative indépendante, qui avaient la possibilité de s'assurer à titre facultatif conformément aux art. 4 et 44 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 (LPP – RS 831.40) : ces personnes devaient supporter seules la charge de leurs cotisations personnelles au deuxième pilier. Ces cotisations n'étaient pas considérées comme des dépenses autorisées par l'usage commercial. Elles ne pouvaient donc pas être déduites du revenu déterminant lors du calcul des cotisations AVS/AI/APG des indépendants. Le principe de l'égalité de traitement entre salariés et indépendants exigeait toutefois que de telles cotisations fussent reconnues dans l'AVS, au moins partiellement, comme une dépense autorisée par l'usage commercial. Aussi, le Conseil fédéral a-t-il décidé, par l'adoption de l'ancien art. 18 al. 3 RAVS, de permettre une déduction à ce titre. Si l'indépendant est en même temps un employeur et s'il prend à sa charge, en cette qualité, une part (par ex. 60 pour cent) de la totalité des cotisations dues au deuxième pilier par ses salariés, cet indépendant doit pouvoir déduire de son revenu brut, dans la même mesure et au titre d'une dépense autorisée par l'usage commercial, les cotisations qu'il a personnellement versées pour lui-même au deuxième pilier. Pour les indépendants n'ayant pas de salariés à leur service, qui s'assurent à titre facultatif, une telle comparaison n'est toutefois pas possible. Dans de tels cas, il était équitable d'appliquer par analogie l'art. 66 al. 1 LPP : la moitié de ses cotisations serait désormais considérée comme une dépense commercialement justifiée et déductible (ATF 132 V 209 consid. 4.1 et 4.2).

3.2.2 Par la suite (à partir du 1er janvier 1997), l’ancien art. 18 al. 3 RAVS a été intégré dans la LAVS, mais uniquement pour des raisons de clarté, afin que toutes les déductions du revenu d'une activité indépendante admissibles soient énumérées dans la loi (message du 5 mars 1990 sur la 10e révision de l'assurance-vieillesse et survivants [FF 1990 II 1, p. 85] ; cf. aussi VSI 1996 p. 23). La modification de l'art. 9 al. 2 let. e LAVS proposée par le Conseil fédéral n'a donné lieu à aucune discussion lors des débats parlementaires (BO 1991 CE 257 s., 1993 CN 251 ; cf. consid. 2.2.2 de l'arrêt du 13 mai 2003, H 113/01, non publié dans l'ATF 129 V 293).

3.2.3 Les cotisations des employeurs aux institutions de prévoyance sont considérées comme des charges d’exploitation pour les impôts directs de la Confédération, des cantons et des communes (art. 81 al. 1 LPP). Selon l'art. 66
al. 1 LPP (voir aussi l'art. 331 al. 3 CO), la somme des cotisations (contribution) de l'employeur doit être au moins égale à la somme des cotisations de tous les salariés ; la contribution de l'employeur ne peut être fixée plus haut qu'avec son assentiment. En droit fiscal, cette réglementation s'applique par analogie aux déductions des indépendants qui n'occupent pas de personnel : 50% des contributions versées par l'indépendant au deuxième pilier représentent la « part employeur » et 50% la « part employé ». Le contribuable de condition indépendante ne peut donc porter au débit de son compte de résultat que les versements qui correspondent à la « part employeur », la « part salariale » de sa propre contribution de prévoyance étant déductible à titre privé selon l’art. 33
let. d LIFD, c’est-à-dire sans charger le compte de résultat (ATF 132 V 209 consid. 5.1 et les références ; Gladys LAFFELY MAILLARD, in Yves NOËL, Florence AUBRY-GIRARDIN [éd.], Commentaire romand de la loi sur l’impôt fédéral direct, 2ème éd. 2017, n. 40 ad art. 27 LIFD). Puisqu’ils sont en principe facultatifs et en principe dus exclusivement par l’assuré, les rachats d’années de cotisations pour combler des lacunes de prévoyance dans le 2ème pilier par un employeur ou par un salarié (cf. ci-après : consid. 3.2.4) ne représentent pas des charges d’exploitation au sens de l’art. 81 al. 1 LPP, mais des prestations de salarié (ou « dépenses privées ») déductibles exclusivement en vertu de l’art. 33 let. d LIFD (ATF 129 V 293 consid. 3.2.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.45/2003 du 29 juillet 2004 consid. 4.1 et les arrêts cités ; Peter LOCHER, Kommentar zum Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, 2ème éd. 2019, n. 74 ad art. 27 LIFD ; LAFFELY MAILLARD, op. cit., n. 40 ad art. 27 LIFD).

3.2.4 Selon l’art. 79b al. 1 LPP, l’institution de prévoyance ne peut permettre
le rachat que jusqu’à hauteur des prestations réglementaires. L’art. 60a de l’ordonnance sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 18 avril 1984 [OPP 2 ; RS 831.441.1] précise que le calcul du rachat doit
se fonder sur les mêmes principes professionnellement reconnus que la détermination du plan de prévoyance (art. 1g).

Dans la mesure où les statuts ou les règlements de l'institution de prévoyance le prévoient expressément, l'employeur peut verser, en sus des contributions ordinaires au fonds de prévoyance, des contributions extraordinaires uniques dans le but de racheter des années de cotisation des employés ou afin d'alimenter un fonds de réserve ou les moyens à la libre disposition de l'institution de prévoyance. Tant le financement que la mise en œuvre de la prévoyance obligatoire et surobligatoire doivent être fixés à l'avance dans les statuts et les règlements selon des critères schématiques et objectifs et respecter, en particulier, les principes d'adéquation, de collectivité (solidarité), d'égalité de traitement, de planification ainsi que d'assurance (cf. art. 1 al. 3 LPP et 1a à 1h OPP 2). Dans
la même mesure que l'employeur, l'employé peut également s'acquitter de contributions de rachat. Ce financement doit aussi être fixé à l'avance selon les mêmes critères schématiques et objectifs et respecter les mêmes principes que ceux cités ci-dessus. À défaut, les déductions au titre de rachats de deuxième pilier ne sont pas admissibles en matière d’impôt fédéral direct (arrêt du Tribunal fédéral 2C_748/2016 du 6 février 2017 consid. 5.2 ss). Conformément à l’art. 18 al. 1 RAVS, ces mêmes conditions régissent également la déductibilité des versements personnels à des institutions de prévoyance, prévue à l’art. 9 al. 2 let. e LAVS, à ceci près que seules les contributions de rachat LPP versées par un indépendant, affilié à titre facultatif à la LPP, peuvent être déduites et ce, à concurrence de la moitié de ces versements (ATF 133 V 563 consid. 2.4.5 ; cf. cependant ci-après : consid. 3.2.5).

3.2.5 Il est admis que la « part employé », en principe déductible en droit fiscal comme déduction personnelle (art. 33 al. 1 let. d LIFD), ne l'est pas en droit de l'AVS : pour la personne de condition indépendante n'occupant pas de salariés, la déduction est admissible jusqu'à concurrence de 50%, à l'instar de la déduction autorisée en droit fiscal au titre de dépense admise par l'usage commercial. Cette part de 50% est considérée comme la part habituellement prise en charge par l'employeur au sens de l'art. 9 al. 2 let. e LAVS et l'ancien art. 18 al. 3 RAVS. Pour le surplus, la LAVS ne prévoit pas la possibilité de déduire la « part employé » au titre de déduction personnelle ou sociale (ATF 132 V 209
consid. 5.2). On précisera en outre qu’en permettant seulement aux indépendants (et non pas aux salariés) la déductibilité de 50% des rachats LPP du revenu déterminant, l’art. 9 al. 2 let. e LAVS aménage, en faveur des indépendants, un privilège par rapport aux salariés quant aux revenus soumis à l’AVS (LAFFELY MAILLARD, op. cit., n. 40 ad art. 27 LIFD). Dans un arrêt du 1er mars 2016, le Tribunal fédéral a précisé que dès lors que l’art. 9 al. 2 let. e LAVS vise à réaliser l’égalité entre travailleurs indépendants et salariés (cf. ci-dessus : consid. 3.2.1) et que les contributions de rachat LPP versées par un salarié – peu importe leur montant et leur provenance (héritage par ex.) – ne sont pas déductibles de son salaire (salaire déterminant ; art. 5 al. 2 LAVS) et ne réduisent donc pas le substrat des cotisations AVS, ce serait aller au-delà de l’objectif d’égalité précité que de permettre à un indépendant de faire valoir, à titre de déduction selon l’art. 9 al. 2 let. e LAVS, une contribution de rachat LPP supérieure ou égale au revenu de son activité indépendante, réduisant ainsi à néant le substrat des cotisations AVS. Aussi est-il approprié de limiter la déduction maximale autorisée selon l’art. 9
al. 2 let. e LAVS à la moitié du revenu de l’activité indépendante, conformément à la part de 50% habituellement prise en charge par l’employeur (cf. ATF 142 V 169 consid. 4.3).

3.2.6 En résumé, en droit de l’AVS, les contributions de rachat LPP versées par un salarié ne sont pas déductibles de son salaire. En revanche, les rachats d’années de cotisations par un employeur ou par une personne indépendante sans
employés dans le cadre de la prévoyance professionnelle facultative (art. 4 et
44 LPP) peuvent constituer, dans une certaine mesure, des versements personnels à des institutions de prévoyance déductibles au sens de l’art. 9 al. 2 let. e LAVS (ATF 129 V 293 consid. 3). Pour la déduction des versements personnels au
2ème pilier, il n’existe aucune différence essentielle entre les indépendants
qui emploient du personnel et ceux qui n’en emploient pas (ATF 136 V 16
consid. 5.2.3). De ce fait, seule la moitié des versements personnels au 2ème pilier (moitié qui ne saurait toutefois dépasser le 50% du revenu de l’activité indépendante ; cf. l’ATF 142 V 169 précité) peut être portée en déduction du revenu de l’activité indépendante et ceci, indépendamment du fait que les employeurs, sur la base d’une obligation statutaire ou réglementaire, assument plus de 50% de la totalité des cotisations des employés et/ou qu’ils participent au rachat d’années de cotisations (ATF 136 V 16 consid. 5.3 ; Michel VALTERIO, op. cit., p. 141, n. 450).

3.2.7 Selon les Directives sur les cotisations des travailleurs indépendants et des personnes sans activité lucrative dans l’AVS, AI et APG (ci-après : DIN), les sommes affectées au rachat des prestations réglementaires (art. 79b LPP) sont déductibles à 50%, mais au maximum à concurrence de la moitié du revenu de l’activité indépendante communiqué par les autorités fiscales (DIN, n° 1115).

Les autorités fiscales cantonales établissent les sommes de rachat autorisées selon l’art. 79b LPP et le règlement déterminant et les mentionnent séparément dans la communication fiscale. La caisse de compensation déduit du revenu de l’activité lucrative indépendante la part déductible selon le n° 1115 des sommes de rachat communiquées par les autorités fiscales (DIN, n° 1116).

3.3 Selon l’art. 9 al. 3 LAVS, le revenu provenant d’une activité indépendante et le capital propre engagé dans l’entreprise sont déterminés par les autorités fiscales cantonales et communiqués aux caisses de compensation.

Aux termes de l’art. 23 al. 4 RAVS, les caisses de compensation sont liées par les données des autorités fiscales cantonales.

Les données des autorités fiscales, qui ont des implications sur le plan fiscal, sont en principe contraignantes pour les autorités de l'AVS en ce qui concerne le point de savoir s'il existe un revenu provenant d'une activité lucrative et, le cas échéant, si celui-ci résulte d'une activité lucrative indépendante ou dépendante. Les autorités de l'AVS doivent procéder à leurs propres investigations plus approfondies seulement s'il existe des doutes sérieux quant à l'exactitude de la communication fiscale (ATF 147 V 114 consid. 3.4.2 et les références). Toute taxation fiscale est donc présumée conforme à la réalité ; cette présomption ne peut être infirmée que par des faits. Dès lors que les caisses de compensation sont liées par les données fiscales, et que le juge des assurances sociales examine, en principe, uniquement la décision de la caisse quant à sa légalité, le juge ne saurait s'écarter des décisions de taxation entrées en force que si celles-ci contiennent des erreurs manifestes et dûment prouvées, qu'il est possible de rectifier d'emblée, ou s'il s'impose de tenir compte d'éléments de fait sans pertinence en matière fiscale mais déterminants sur le plan des assurances sociales. De simples doutes sur l'exactitude d'une taxation fiscale ne suffisent pas. La détermination du revenu est en effet une tâche qui incombe aux autorités fiscales, et il n'appartient pas au juge des assurances sociales de procéder lui-même à une taxation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_441/2015 du 19 février 2016 consid. 6.4). Le travailleur indépendant doit donc faire valoir ses droits en matière de taxation – avec les effets que celle-ci peut avoir sur le calcul des cotisations AVS – en premier lieu dans la procédure judiciaire fiscale (ATF 110 V 83 consid. 4 et 369 consid. 2a).

4.             En l’espèce, il est constant que le recourant réalise l’essentiel de ses revenus en tant qu’indépendant et qu’il exerce, depuis octobre 2015, une activité salariée en faveur de B______. Il ne ressort toutefois ni des allégations de l’intéressé, ni des pièces du dossier – en particulier des attestations de l’institution de prévoyance des 18 décembre 2015 et 6 janvier 2016, qui ne sont pas contestées – que ce serait en tant qu’indépendant qu’il se serait affilié, à titre facultatif, à une institution de prévoyance en 2015, aux conditions prévues par les art. 4 et 44 LPP. Il apparaît bien plutôt que ce n’est pas « en qualité d’indépendant » (cf. la rubrique ad hoc, restée vierge dans les deux attestations précitées), mais de « salarié » qu’il a cotisé dès octobre 2015 auprès de l’institution de prévoyance et versé deux contributions de rachats volontaires de CHF 300'000.-, respectivement CHF 650'000.-. Dans ces conditions, et en l’absence de remise en cause de la communication fiscale du 26 mai 2021 par le recourant, ce document apparaît tout sauf entaché d’une erreur manifeste en tant qu’il ne fait mention d’aucun rachat LPP en 2015. Le fait que l’avis de taxation 2015 des époux C______, daté du 31 mars 2021, admette une déduction à hauteur de CHF 950'000.- du revenu brut à titre de rachat de la prévoyance professionnelle n’y change rien puisqu’il s’agit là d’une déduction à titre privé, dépourvue d’effets en droit de l’AVS (cf. ci-dessus : consid. 3.2.3 à 3.2.5). Il s’ensuit que l’intimée était en principe fondée à ne pas déduire du revenu de l’activité lucrative indépendante – communiqué par l’administration fiscale cantonale (AFC) – le 50% des sommes affectées au rachat de prestations réglementaires LPP.

Le recourant fait certes valoir qu’indépendamment de l’absence de toute mention d’un rachat LPP dans la communication de l’AFC, de tels rachats, à concurrence de CHF 950'000.-, « ont pu être prélevés » sur le bénéfice net de CHF 5'157'994.- (communiqué par l’AFC et pris pour base par l’intimée pour le calcul des cotisations AVS/AI/APG d’indépendant de l’intéressé). Force est toutefois de constater que ce montant de CHF 5'157'994.- correspond, au franc près, au résultat net de l’exercice tel qu’il ressort du compte de pertes et profits au 31 décembre 2015 (cf. pièce 1 intimée). Or, le recourant n’explique pas en quoi les charges mentionnées dans cette pièce comptable seraient lacunaires, notamment au regard des principes exposés ci-dessus (consid. 3.2.3). Pour le reste, il importe peu de savoir que les rachats litigieux aient été effectués, comme le recourant l’allègue, au moyen de ses revenus d’indépendant (cf. ci-dessus : consid. 3.2.5). En effet, une telle affectation des revenus d’indépendant ne change rien au caractère dépendant de l’activité qu’il exerce depuis octobre 2015 en faveur de B______, pas plus qu’elle ne modifie le type d’affiliation au 2ème pilier lié à cette activité (assurance des salariés, obligatoire selon les art. 2 et 7 LPP ou facultative selon les art. 1j al. 1 let. c et 1j al. 4 OPP 2). En conséquence, le recourant ne saurait exiger de l’intimée que la somme des contributions de rachats LPP volontaires, à hauteur de CHF 950'000.- (ni d’ailleurs la seule moitié de ce montant), soit déduite du revenu brut de son activité indépendante en 2015. Pour le surplus, les calculs de la décision litigieuse ne sont pas contestés et n’apparaissent pas non plus contestables.

5.             Compte tenu de ce qui précède, le recours est rejeté.

6.             La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).

 

*****

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le