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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/406/2023

ATAS/830/2023 du 30.10.2023 ( LAA ) , ADMIS

Recours TF déposé le 05.12.2023, 8C_769/2023
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/406/2023 ATAS/830/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 octobre 2023

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

 

 

recourante

contre

 

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1966, est employée comme secrétaire réceptionniste par le bureau d’architectes B______ depuis le 1er décembre 2019 et assurée à ce titre contre les risques accidents auprès de la Suva caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci‑après : SUVA).

b. Le 28 septembre 2021, l’assurée a été victime d’un accident. Elle a chuté, après avoir perdu connaissance. Elle a été transportée en ambulance à la consultation des urgences de la clinique des Grangettes qui a constaté des douleurs au genou droit et à la main gauche. Les radiographies de la main gauche et de la cheville et du pied droits ont exclu une fracture (rapport de la consultation des urgences adultes de la clinique des Grangettes du 7 juin 2022). L’assurée a repris le travail le 29 septembre 2021 et l’accident a été déclaré à la SUVA à cette même date.

B. a. Le 17 mars 2022, l’assurée a déclaré une rechute à la SUVA ; elle ressentait, suite à sa chute, des douleurs irradiant depuis les doigts qui avaient été fissurés jusqu’au poignet, avec perte de force.

b. Le 14 avril 2022, une radiographie du poignet gauche a conclu à l’absence de lésion traumatique et à un possible conflit ulno lunaire.

c. Le 26 avril 2022, l’assurée a indiqué qu’elle s’était fissuré l’annulaire et l’auriculaire, ce qui avait provoqué des douleurs qui s’étaient ensuite étendues jusqu’au poignet, avec une faiblesse totale et perte de force.

d. Le 22 avril 2022, le docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie de la main, a constaté, suite à un examen du 14 avril 2022, un syndrome d’hyperpression ulno-carpien avec un kyste de résorption sur le semi-lunaire ; la chute avait vraisemblablement créé une déchirure du TFCC en même temps que les fractures des 4ème et 5ème doigts de la main gauche et la pathologie actuelle était certainement due à la chute.

e. Les 5 mai et 16 juin 2022, la SUVA a informé l’assurée que la cause de la chute, soit le malaise, n’était pas imputable à l’accident.

f. Le 13 juillet 2022, la SUVA a écrit à l’assurée qu’elle confirmait la prise en charge des troubles consécutifs à l’accident du 28 septembre 2021 mais pas du malaise.

g. Le 12 août 2022, la SUVA a écrit au Dr C______ qu’elle lui garantissait la prise en charge du traitement médical.

h. Le 26 août 2022, une IRM du poignet gauche a conclu à la confirmation de signes très avancés d’un conflit ulno-carpien, d’une rupture des fibres fovéolaires du ligament triangulaire du carpe, associée à une perforation de la partie centrale du ligament triangulaire du carpe.

i. Le 1er septembre 2022, l’assurée a informé la SUVA que suite à l’IRM du 26 août 2022, une opération était prévue le 17 octobre 2022.

j. Le 6 septembre 2022, la SUVA a suspendu les prestations dès le 17 octobre 2022, date prévue pour une intervention chirurgicale par le Dr C______ et requis de celui-ci des informations complémentaires.

k. Le 22 septembre 2022, le Dr C______ a indiqué que l’assurée souffrait de douleurs et d’une perte de force du poignet gauche suite à sa chute, nécessitant une intervention chirurgicale (syndrome de compression ulno-carpien avec un cubitus long et à l’IRM un fort conflit ulno-carpien avec une lésion du ligament triangulaire).

l. Le 17 octobre 2022, le docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, médecin-conseil de la SUVA, a estimé que le conflit avancé ulno-carpien était antérieur à l’accident.

m. Le 17 octobre 2022, le Dr C______ a pratiqué une ostéotomie de raccourcissement du cubitus gauche. L’assurée a été en incapacité de travail du 17 octobre au 30 novembre 2022.

n. Par décision du 17 octobre 2022, l’intimée a refusé de prendre en charge l’intervention chirurgicale au motif qu’il n’y avait pas de causalité entre l’accident et les troubles aux doigts gauches.

o. Le 15 novembre 2022, le Dr C______ a écrit à la SUVA qu’il existait une concordance temporelle entre l’accident et la gêne douloureuse constatée et requis une révision de la position de la SUVA ; l’assurée s’est opposée à la décision de la SUVA du 17 octobre 2022.

p. Le 12 janvier 2023, le docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie, médecin-conseil de la SUVA, a rendu une appréciation médicale selon laquelle l’intervention du 17 octobre 2022 avait porté sur les déformations préexistantes à l’accident (fort conflit ulno-carpien sur cubitus long avec compression significative ulno-carpienne) ; le Dr C______ n’avait pas réparé le ligament, seule atteinte en lien avec l’accident. Il a confirmé l’appréciation du Dr D______.

q. Par décision du « 13 décembre 2022 », notifiée le 13 janvier 2023, la SUVA a rejeté l’opposition de l’assurée, sur la base de l’appréciation du Dr E______.

C. a. Le 27 janvier 2023, l’assurée a requis de la SUVA une reconsidération de sa décision ; celle-ci a transmis ce courrier à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice comme objet de sa compétence et un recours a été enregistré.

Le 31 janvier 2023, l’assurée a écrit au Tribunal civil que toutes les douleurs et son handicap étaient dus à sa chute, lequel a transmis ce courrier à la chambre de céans.

b. Le 20 février 2023, la SUVA a conclu au rejet du recours.

c. Le 3 mars 2023, l’assurée a répliqué, en persistant dans la teneur de son recours. Elle avait, suite à la confirmation de prise en charge par la SUVA le 22 juillet 2022, effectué une IRM et diverses consultations auprès du Dr C______.

d. Le 24 mars 2023, la SUVA a indiqué qu’elle avait pris en charge les frais médicaux jusqu’au 16 octobre 2022.

e. Le 12 juin 2023, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle.

f. Le 16 juin 2023, la SUVA a dupliqué, en relevant que le Dr C______ avait pratiqué un raccourcissement d’un os trop long, ce qui n’était manifestement pas d’origine traumatique, et que l’atteinte ligamentaire n’avait pas été corrigée.

g. À la demande de la chambre de céans, le Dr C______ a donné des informations complémentaires le 31 août 2023.

Il avait posé les diagnostics de déchirure du TFCC du poignet gauche et syndrome d’hyperpression ulno-carpien, en lien de causalité probable avec l’accident ; il existait une prédisposition anatomique par un cubitus un peu long. L’accident avait décompensé l’inégalité de longueur entre le radius et le cubitus ; il avait pratiqué un raccourcissement de l’ulna qui se pratiquait aussi pour une situation post-traumatique ou pour traiter une lésion du TFCC ; cette intervention avait stabilisé l’articulation et souvent suffisait à retendre le TFCC ou ses restes et les stabilisateurs secondaires, ce qui semblait avoir été le cas lors de l’opération ; la lésion du TFCC comportait une déchirure qu’on observait dans les traumatismes ; l’ostéotomie permettait de résoudre les deux problèmes. L’intervention était en lien probable avec l’accident. Les Drs D______ et E______ n’étaient pas chirurgiens de la main et peu familiers des problèmes ligamentaires du poignet. L’ostéotomie de l’ulna pouvait suffire à stabiliser l’articulation, sans toucher directement au ligament.

h. Le 21 septembre 2023, le Dr E______ a rendu un avis, selon lequel il y avait un état préexistant, sans fracture radiale, le TFCC n’avait pas été abordé et l’intervention corrigeait des pathologies morphologiques antérieures à l’accident.

i. Le 22 septembre 2023, la SUVA s’est ralliée à l’appréciation du Dr E______.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

1.3 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

2.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

3.             Le litige porte sur le droit de la recourante aux prestations de l’intimée, au-delà du 16 octobre 2022, en lien avec son accident du 28 septembre 2021.

4.             Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA ; ATF 129 V 402 consid. 2.1 ; ATF 122 V 230 consid. 1 et les références).

4.1 Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé : il suffit qu’associer éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1, ATF 119 V 335 consid. 1 et ATF 118 V 286 consid. 1b et les références).

4.2 Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc » ; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; RAMA 1999 n° U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.

4.3 Une fois que le lien de causalité naturelle a été établi au degré de la vraisemblance prépondérante, l’obligation de prester de l’assureur cesse lorsque l'accident ne constitue pas (plus) la cause naturelle et adéquate du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine) (RAMA 1994 n° U 206 p. 328 consid. 3b ; RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) selon le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 ; RAMA 2000 n° U 363 p. 46).

4.4 En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident. Lorsqu'un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l'assurance-accidents d'allouer des prestations cesse si l'accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine). À contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il s'est manifesté à l'occasion de l'accident ou a été aggravé par ce dernier (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références). En principe, on examinera si l'atteinte à la santé est encore imputable à l'accident ou ne l'est plus (statu quo ante ou statu quo sine) sur le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 129 V 177 consid. 3.1 et les références), étant précisé que le fardeau de la preuve de la disparition du lien de causalité appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (ATF 146 V 51 précité consid. 5.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_606/2021 du 5 juillet 2022 consid. 3.2).

5.              

5.1 Les prestations d'assurance sont également allouées en cas de rechutes et de séquelles tardives (art. 11 de l’ordonnance sur l'assurance-accidents, du 20 décembre 1982 - OLAA ; RS 832.202). Selon la jurisprudence, les rechutes et les séquelles tardives ont ceci en commun qu'elles sont attribuables à une atteinte à la santé qui, en apparence seulement, mais non dans les faits, était considérée comme guérie. Il y a rechute lorsque c'est la même atteinte qui se manifeste à nouveau. On parle de séquelles tardives lorsqu'une atteinte apparemment guérie produit, au cours d'un laps de temps prolongé, des modifications organiques ou psychiques qui conduisent souvent à un état pathologique différent (ATF 123 V 137 consid. 3a ; 118 V 293 consid. 2c et les références).

5.2 Les rechutes et suites tardives se rattachent donc par définition à un événement accidentel effectif. Corrélativement, elles ne peuvent faire naître une obligation de l'assureur-accidents (initial) de verser des prestations que s'il existe un lien de causalité naturelle et adéquate entre les nouvelles plaintes de l'intéressé et l'atteinte à la santé causée à l'époque par l'accident assuré (ATF 118 V 296 consid. 2c et les références ; RAMA 2006 n° U 570 p. 74 consid. 1.5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 80/05 du 18 novembre 2005 consid.1.1).

6.              

6.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

6.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

6.2.1 Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères : s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 et les références ; ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).

6.2.2 Une appréciation médicale, respectivement une expertise médicale établie sur la base d'un dossier n’est pas en soi sans valeur probante. Une expertise médicale établie sur la base d'un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d'appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l'assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d). L’importance de l’examen personnel de l’assuré par l’expert n’est reléguée au second plan que lorsqu’il s’agit, pour l’essentiel, de porter un jugement sur des éléments d’ordre médical déjà établis et que des investigations médicales nouvelles s’avèrent superflues. En pareil cas, une expertise médicale effectuée uniquement sur la base d’un dossier peut se voir reconnaître une pleine valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_681/2011 du 27 juin 2012 consid. 4.1 et les références).

6.2.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

6.2.4 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; SVR 2008 IV n. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).

7.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

8.             En l’occurrence, l’intimée a mis un terme à ses prestations au 16 octobre 2022, au motif que, selon l’avis de son médecin-conseil, le Dr E______, l’intervention chirurgicale du 17 octobre 2022 n’était pas en lien avec l’accident.

La recourante a contesté cette appréciation, en se fondant sur l’avis de son médecin traitant, le Dr C______.

8.1 Le Dr E______ a relevé qu’il existait un état préexistant, soit un conflit ulno-carpien, traduit par un cubitus plus long que le radius et que, dans la mesure où l’atteinte centrale du TFCC n’avait pas été traitée par l’intervention chirurgicale, celle-ci s’était en réalité limitée à réparer une atteinte congénitale, sans lien avec l’accident.

8.2 Cet avis ne peut être retenu comme probant, au vu des explications convaincantes et étayées données par le Dr C______. En effet, celui-ci relève, tout comme le Dr E______, que la recourante a présenté un état antérieur par la présence d’une inégalité de longueur entre le radius et le cubitus, même s’il explique que le cubitus peut aussi migrer distalement après un traumatisme lésant les éléments stabilisateurs entre le radius et le cubitus. L’accident avait cependant décompensé cet état préexistant. En effet, celui-ci aurait très bien pu être toléré encore plusieurs mois. Par ailleurs, la lésion du TFCC comportait une déchirure à son insertion dans la fovéa comme on l’observait en général dans les traumatismes. En l’occurrence, le mécanisme de l’accident avec une chute violente de la recourante, les lésions constatées et la déchirure du TFCC rendaient probable le lien de causalité avec l’accident. L’ostéotomie de raccourcissement de l’ulna avait été pratiquée pour diminuer la pression sur le compartiment ulno-carpien du poignet où se situaient le TFCC et le semi-ulnaire, ce qui se pratiquait aussi pour une situation post-traumatique ; l’articulation étant stable après ce geste chirurgical, il n’avait pas eu besoin de pratiquer de geste sur le ligament triangulaire.

Au demeurant, le Dr C______ a constaté la présence d’une lésion traumatique du TFCC, laquelle a été traitée chirurgicalement, au moyen d’une intervention indirecte, soit par une ostéotomie de raccourcissement de l’ulna qui diminue la pression sur le TFCC, intervention dont la littérature médicale et l’expertise du Dr C______ indiquent qu’elle suffit à rétablir une stabilité articulaire.

À cet égard, le Dr E______ se limite à affirmer que l’idée de corriger, par une ostéotomie seule, une lésion ligamentaire est intéressante mais n’empêche pas que les atteintes sont préalables à l’événement, tout en soulignant qu’il ne parle pas de l’atteinte du TFCC. Par cette affirmation, le Dr E______ semble admettre une atteinte au TFCC d’origine traumatique, sans expliquer en quoi l’avis du Dr C______ n’est pas convaincant quant à l’option thérapeutique choisie pour traiter cette lésion.

8.3 Au vu de ce qui précède, il convient de retenir que l’avis du Dr C______, qui est spécialiste de la chirurgie de la main, spécialisation dont ne bénéficie pas le Dr E______, permet de considérer que l’intervention du 17 octobre 2022 a corrigé, au degré de la vraisemblance prépondérante, tant un état pathologique antérieur - décompensé par l’accident - qu’une lésion traumatique du TFCC, survenue suite à cet accident, lequel, comme le relève le Dr C______, a été d’une certaine violence, la recourante ayant chuté, après avoir perdu connaissance, sur les mains et la face (cf. déclaration d’accident et procès-verbal de l’audience du 12 juin 2023).

8.4 Compte tenu de l’art. 36 LAA précité, la totalité de l’intervention chirurgicale est à la charge de l’intimée, ainsi que les frais médicaux liés aux suites de cette intervention et les indemnités journalières en lien avec l’incapacité de travail de la recourante.

9.             Partant, le recours sera admis et la décision litigieuse annulée. Il sera dit que l’intimée doit prendre à sa charge les suites de l’accident du 28 septembre 2021 au-delà du 16 octobre 2022.

La recourante, qui n’est pas représentée en justice et qui n’a pas allégué avoir déployé des efforts dépassant la mesure de ce que tout un chacun consacre à la gestion courante de ses affaires, n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision de l’intimée du 13 décembre 2022.

4.        Condamne l’intimée à prendre en charge les suites de l’accident du 28 septembre 2021 au-delà du 16 octobre 2022, dans le sens des considérants.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le