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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2613/2023

ATAS/838/2023 du 30.10.2023 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2613/2023 ATAS/838/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 octobre 2023

Chambre 6

 

En la cause

A______

 

recourant

contre

 

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1987, s’est inscrit à l’office régional de placement (ci-après : ORP) le 19 mai 2022.

b. Du 25 juillet au 12 août 2022, l’assuré a participé à un programme Profil Emploi.

c. Du 1er décembre 2022 au 31 mai 2023, l’assuré a suivi un stage de requalification (emploi temporaire fédéral) auprès de B______, à un taux de 100%.

B. a. Par courriel du 19 janvier 2023, l’assuré a été convoqué par son conseiller en personnel à un entretien de conseil par visioconférence le 24 janvier 2023 à 8h.

b. Par courriel du 26 janvier 2023, l’assuré a informé l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) que son absence à l’entretien de conseil était due à une erreur d’organisation et à un problème technique de l’ORP, le SMS de rappel envoyé normalement par celui-ci ne lui étant pas parvenu.

c. Par courrier du 20 février 2023, l’OCE a renoncé à prononcer une sanction à l’égard de l’assuré, vu qu’il s’agissait d’un unique manquement envers l’assurance-chômage.

d. L’assuré n’a pas répondu à un appel en visioconférence pour un entretien de conseil prévu le 26 mai 2023 à 9h.

e. Par courriel du 26 mai 2023 à 13h22, l’assuré s’est excusé auprès de son conseiller en personnel pour avoir oublié l’entretien de conseil du même jour.

f. Par courriel du 26 mai 2023 à 14h41, l’OCE a informé l’assuré que son dossier lui avait été transmis par l’ORP en raison de son absence à un entretien de conseil du 26 mai 2023 à 9h.

g. Par courriel du 2 juin 2023, l’assuré a derechef indiqué qu’il avait oublié de se présenter en raison d’un problème technique avec son calendrier.

h. Par décision du 12 juillet 2023, l’OCE a suspendu le droit de l’assuré à l’indemnité journalière pendant une durée de 5 jours, au motif qu’il ne s’était pas présenté à l’entretien de conseil du 26 mai 2023.

i. Le 12 juillet 2023, l’assuré s’est opposé à la décision précitée, en faisant valoir sa situation financière difficile.

j. Par décision du 20 juillet 2023, l’OCE a rejeté l’opposition de l’assuré.

C. a. Le 18 août 2023, l’assuré a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision précitée, en faisant valoir que l’absence à l’entretien de conseil du 24 janvier 2023 était en partie imputable à une erreur de l’ORP, qu’il s’était engagé fortement dans la recherche d’un emploi et dans diverses mesures et que la sanction avait un impact financier considérable.

b. Le 5 septembre 2023, l’OCE a conclu au rejet du recours.

c. Le 25 septembre 2023, le recourant a répliqué, en soulignant qu’il s’était spontanément excusé pour son absence du 26 mai 2023, que l’absence à l’entretien de conseil de janvier 2023 ne lui était que partiellement imputable et qu’il avait pris au sérieux ses obligations de chômeur.

d. Le 6 octobre 2023, l’OCE a dupliqué, en relevant que le recourant reconnaissait que l’absence à l’entretien de conseil du 24 janvier 2023 était due à une erreur d’organisation.

 

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ ; RS E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA ; RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI ; RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

3.             L'objet du litige porte sur la suspension de 5 jours du droit à l'indemnité du recourant.

4.             Selon l’art. 17 al. 1 LACI, l’assuré qui fait valoir des prestations d’assurance doit, avec l’assistance de l’Office du travail compétent, entreprendre tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage ou l’abréger. Il lui incombe, en particulier, de chercher du travail, au besoin en dehors de la profession qu’il exerçait précédemment. Il doit pouvoir apporter la preuve des efforts qu'il a fournis.

Selon l’art. 17 al. 3 let. b LACI, l’assuré a l’obligation, lorsque l’autorité compétente le lui enjoint, de participer aux entretiens de conseil, aux réunions d’information et aux consultations spécialisées.

L'article 22 de l’ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (ordonnance sur l’assurance-chômage, OACI - RS 837.02) prévoit que le premier entretien de conseil et de contrôle doit avoir lieu au plus tard quinze jours après que l’assuré s’est présenté à la commune ou à l’office compétent en vue du placement (al. 1) ; l’office compétent a au moins un entretien de conseil et de contrôle par mois avec chaque assuré. Lors de cet entretien, il contrôle l’aptitude au placement de l’assuré et examine si celui-ci est disposé à être placé (al. 2) ; l’office compétent convoque à un entretien de conseil et de contrôle tous les deux mois au moins les assurés qui exercent une activité à plein temps leur procurant un gain intermédiaire ou une activité bénévole relevant de l’art. 15, al. 4, LACI (al. 3) ; il convient avec l’assuré de la manière dont il pourra être atteint en règle générale dans le délai d’un jour (al. 4).

5.              

5.1 L’art. 30 al. 1 LACI dispose que le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu notamment lorsqu’il est établi que celui-ci ne fait pas tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail convenable (let. c), n’observe pas les prescriptions de contrôle du chômage ou les instructions de l’autorité compétente, notamment refuse un travail convenable, ne se présente pas à une mesure de marché du travail ou l’interrompt sans motif valable, ou encore compromet ou empêche, par son comportement, le déroulement de la mesure ou la réalisation de son but (let. d).

La durée de la suspension est proportionnelle à la gravité de la faute (art. 30 al. 3 LACI). L’OACI prévoit trois catégories de fautes (légères, moyennes et graves) et, pour chacune de ces catégories, une durée minimale et maximale de suspension, qui est de 1 à 15 jours en cas de faute légère, de 16 à 30 jours en cas de faute moyenne, et 31 à 60 jours en cas de faute grave (art. 45 al. 3 OACI). La présence d'antécédents permet de retenir la faute grave, même pour des manquements qui, pris isolément, relèveraient de la faute moyenne ou de la faute légère (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, ch. 114 et 120 ad art. 30). Par ailleurs, des antécédents remontant à moins de deux ans justifient une prolongation de la durée de suspension (art. 45 al. 5 OACI).

5.2 En tant qu'autorité de surveillance, le Secrétariat d’État à l’économie (ci‑après : SECO) a adopté un barème indicatif à l'intention de l'autorité cantonale et des ORP (Bulletin LACI n° D79). Un tel barème constitue un instrument précieux pour les organes d'exécution lors de la fixation de la sanction et contribue à une application plus égalitaire des sanctions dans les différents cantons. Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d'apprécier le comportement de l'assuré compte tenu de toutes les circonstances – tant objectives que subjectives – du cas d'espèce et de fixer la sanction en fonction de la faute notamment des circonstances personnelles, en particulier celles qui ont trait au comportement de l’intéressé au regard de ses devoirs généraux d’assuré qui fait valoir son droit à des prestations (arrêts du Tribunal fédéral 8C_425/2014 du 12 août 2014, consid. 5.1 ; 8C 763/2017 du 30 octobre 2018). Il résulte du barème précité que lorsque l’assuré n’observe pas les instructions de l’OCE, en ne se rendant notamment pas à un entretien de conseil, sans excuse valable, l’autorité doit infliger une sanction de 5 à 8 jours lors du premier manquement et de 9 à 15 jours lors du second manquement (Bulletin LACI/IC n° D79 ch. 3A).

6.             La quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 8C_194/2013 du 26 septembre 2013 consid. 5.2). Le pouvoir d’examen de la chambre de céans n’est pas limité dans à la violation du droit (y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation), mais s’étend également à l’opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l’opportunité de la décision en cause, l’examen du tribunal porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l’autorité, dans un cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d’appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n’aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Le juge des assurances sociales ne peut toutefois, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l’administration ; il doit s’appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_758/2017 du 19 octobre 2018 consid. 4.3 ; Boris RUBIN, Commentaire de la Loi sur l'assurance-chômage – 2014 - n. 110 ad art. 30).

7.              

7.1 Une sommation préalable n'est en principe pas obligatoire en cas de suspension du droit à l'indemnité. En cas de manquement, une sanction doit être prononcée. Le seul cas de figure où le principe de l'avertissement préalable doit être observé est celui de l'absence isolée à un entretien de l'ORP, lorsqu'il s'agit de l'unique manquement et que le chômeur prend par ailleurs ses obligations au sérieux. Dans tous les autres cas, il n'y a pas de place pour un avertissement, même si le comportement de l'assuré est par ailleurs irréprochable (Boris RUBIN op. cit. ch. 17 ad art. 30). En application du principe de proportionnalité, il ne pourra être sanctionné que si l'on peut déduire de son comportement de l'indifférence ou un manque d'intérêt. En revanche, s'il a manqué un rendez-vous consécutivement à une erreur ou à une inattention de sa part, une sanction ne se justifie pas, pour autant que l'on puisse déduire de son comportement général qu'il prend au sérieux les prescriptions de l'ORP. Lorsque le comportement général du chômeur est irréprochable, il importe peu, en cas d'absence isolée à un entretien, qu'il se soit excusé immédiatement après. Ce qui est déterminant, c'est qu'il ait réagi aussi rapidement que la situation le permettait, c’est-à-dire dès qu'il a été en mesure de se rendre compte de son erreur (Boris RUBIN op. cit ch. 50 ad art. 30).

7.2 Selon la jurisprudence, l'assuré qui a oublié de se rendre à un entretien et qui s'en excuse spontanément, ne peut être suspendu dans l'exercice de son droit à l'indemnité s'il prend par ailleurs ses obligations de chômeur et de bénéficiaire de prestations très au sérieux. Tel est le cas, notamment, s'il a rempli de façon irréprochable ses obligations à l'égard de l'assurance-chômage durant les douze mois précédant cet oubli (arrêts 8C 447/2008 du 16 octobre 2008 consid. 5.1, in DTA 2009 p. 271 ; 8C 675/2014 du 12 décembre 2014 consid. 3 ; 8C 834/2010 du 11 mai 2011 consid. 2.3 ; 8C 469/2010 du 9 février 2011 consid. 2.2). Il suffit que l'assuré ait déjà commis une faute, de quelque nature qu'elle soit, sanctionnée ou non, pour qu'une sanction se justifie en cas d'absence injustifiée (DTA 2013 p. 185 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C 777/2017 du 2 août 2018).

8.             En ce qui concerne la preuve, le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

9.              

9.1 En l’occurrence, l’intimé a prononcé une suspension de droit à l’indemnité du recourant de 5 jours, au motif qu’il n’avait pas répondu à un appel en vue d’un entretien de conseil par visioconférence le 26 mai 2023 à 9h et que ce manquement était précédé d’un premier en date du 24 janvier 2023.

Le recourant se prévaut d’un simple oubli, dont il s’est excusé rapidement, et souligne qu’il a toujours pris au sérieux ses obligations de chômeur. Il relève que le premier manquement est partiellement dû à une défaillance technique du système de rappel des rendez-vous de l’ORP.

9.2 S’agissant de l’absence du recourant à l’entretien de conseil du 26 mai 2023 à 9h, le recourant a indiqué qu’il s’agissait d’un oubli. Il a présenté spontanément ses excuses à son conseiller en placement par mail du même jour envoyé à 13h22. Par ailleurs, il n’est pas contesté par l’intimé que le recourant s’est parfaitement conformé à ses obligations de chômeur depuis son inscription à l’ORP le 19 mai 2022, en participant avec engagement à un programme Profil Emploi du 25 juillet au 12 août 2022 chez C______, lequel a relevé qu’il avait participé avec attention aux ateliers et toujours rendu les documents demandés dans les délais (pièce intimé n° 15) ainsi qu’à un stage de requalification de six mois à l’issue duquel B______ a établi le 25 juillet 2023 un certificat de travail élogieux (chargé recourant).

Les excuses rapides et spontanées du recourant ainsi que son comportement démontrent une prise au sérieux de ses obligations de chômeur depuis son inscription à l’ORP.

En revanche, le recourant a commis un premier manquement en oubliant de répondre à un entretien de conseil par visioconférence le 24 janvier 2023, lequel n’a pas fait l’objet d’une sanction de la part de l’intimé, au motif qu’il s’agissait d’un unique manquement.

En conséquence, le recourant ne saurait bénéficier, pour l’oubli du 26 mai 2023, d’une exonération de toute sanction.

Il y a cependant lieu de relever que le recourant a souligné qu’il avait certes oublié l’entretien du 24 janvier 2023, mais que l’ORP ne lui avait pas envoyé le SMS de rappel qui lui parvenait habituellement. L’intimé n’a pas contesté le fait que le SMS de rappel précité n’avait pas été envoyé au recourant avant l’entretien du 24 janvier 2023. En conséquence, il convient de retenir que tel est le cas.

Au demeurant, il y a lieu d’admettre que la faute du recourant, soit l’oubli du 24 janvier 2023, doit être relativisée dès lors qu’aucun rappel du rendez-vous n’a été communiqué au recourant, conformément à la procédure habituelle.

Dans cette mesure et en présence, lors du second manquement, des excuses spontanées du recourant et du strict respect de ses obligations de chômeur, une suspension de 5 jours du droit à l’indemnité du recourant parait disproportionnée. Celle-ci sera réduite à 3 jours.

10.         Partant, le recours sera partiellement admis, la décision litigieuse réformée dans le sens d’une réduction de la suspension du droit à l’indemnité du recourant à une durée de 3 jours.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Réforme la décision de l’intimé du 20 juillet 2023 et réduit la suspension du droit à l’indemnité du recourant à une durée de 3 jours.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le