Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1097/2023

ATAS/807/2023 du 23.10.2023 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1097/2023 ATAS/807/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 octobre 2023

Chambre 1

 

En la cause

A______

 

 

recourant

 

contre

CAISSE DE CHÔMAGE SIT

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. A______, né le ______ 1963, était employé de la ville du Grand-Saconnex (ci-après : la ville ou l’employeuse), en dernier lieu en qualité d’ilotier au service de la voirie à compter du 1er mars 2022.

b. Il avait été engagé le 1er mars 2002 en qualité d’ouvrier-manœuvre rattaché au service de la voirie de la ville, puis comme concierge des bâtiments communaux et nommé fonctionnaire le 1er mars 2005, comme responsable concierge au service des bâtiments dès le 1er juin 2008, et comme ilotier vert au sein du service de la voirie depuis le 12 décembre 2011.

c. Par décision du 28 février 2022, l’employeuse a mis fin au contrat de travail, avec effet au 31 mai 2022, en raison de la rupture irrémédiable du lien de confiance. L’employeuse avait appris que A______ avait été condamné pour faux dans les titres et escroquerie en septembre 2021, ce dont il ne l’avait pas informée. Il avait produit à titre de justificatifs des certificats de salaires et des décomptes de jetons de présence contrefaits au nom de la ville, de janvier à décembre 2020, faux dans les titres dans lesquels figuraient de faux montants à titre de salaires. Les infractions avaient été réalisées sous forme de coactivité et seule la convenance personnelle les avait motivées, sans considération pour les interdits en vigueur. A______ avait minimisé les faits mais avait reconnu qu’ils n’étaient pas compatibles avec l’art. 23 du statut du personnel ni avec sa qualité de fonctionnaire. Il avait déjà fait l’objet de deux mesures disciplinaires, en 2018, à savoir un avertissement et un blâme.

B. a. Le 7 septembre 2022, A______ a rempli le formulaire d’inscription au chômage, avec une date de placement à 100% dès le 1er décembre 2022.

b. Selon l’attestation de l’employeuse du 25 novembre 2022, les rapports de travail avaient duré jusqu’au 30 novembre 2022, résiliés par l’employeuse le 28 février pour le 31 mai 2022, selon le courrier de résiliation annexé, et l’employé avait été en arrêt maladie du 4 mars au 30 septembre 2022.

c. Par courrier du 11 janvier 2023, faisant suite à l’invitation du SIT caisse de chômage (ci-après : le SIT ou la caisse) du 5 janvier 2023 à prendre position, l’assuré a soutenu qu’il avait été condamné pour des faits qui n’avaient rien à voir avec son emploi, n’avait pas commis de faute professionnelle et avait toujours fait son travail correctement. La condamnation était due à des jetons de présence au Conseil municipal qu’il n’avait pas entièrement rétrocédés. Il n’avait pas contesté ces faits.

d. Par décision du 9 février 2023, le SIT a décidé d’une suspension de 40 jours de droit à l’indemnité de l’assuré, dès le 1er décembre 2022, pour être au chômage par sa propre faute.

e. Par courrier non daté, l’assuré a formé opposition à cette décision. Il pensait qu’il aurait une pénalité de quinze jours « comme c’était souvent le cas dans l’octroi de prestations ». Il n’avait pas commis de faute professionnelle, mais avait eu un litige avec la justice pour des jetons de présence concernant un engagement politique, qui avait été réglé depuis lors. Ses capacités professionnelles n’avaient pas été remises en cause par son employeuse. Il n’existait donc aucun motif pour le pénaliser de 40 jours, ce d’autant qu’il avait des charges à payer, avec un loyer et un enfant à la maison. Il demandait qu’une pénalité plus clémente soit prononcée.

f. Par décision sur opposition du 28 février 2023, le SIT a rejeté l’opposition et confirmé la décision du 9 février 2023. Il existait un lien clair entre la condamnation dont A______ avait fait l’objet et son licenciement, puisque le statut du personnel prévoyait que de tels faits ne pouvaient que mener au licenciement. En fabriquant de faux certificats de salaire et décomptes de jetons de présence, il devait se douter que cela lui couterait son poste de travail, car mentionné dans le statut, et devait donc être tenu pour responsable de son chômage.

C. a. Par acte du 25 mars 2023, A______ a formé recours à l’encontre de cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), concluant à ce que la pénalité soit réduite à 20 jours. Il avait en effet « fauté » mais il pensait avoir agi correctement et dans les temps pour toutes les démarches qu’il avait eu à faire pour bénéficier de son droit au chômage. Le SIT lui avait offert des cours, ce qui signifiait que son dossier avait été accepté et qu’il allait recevoir les indemnités dues. Pour le surplus, il a repris l’argumentation de son opposition.

b. Dans sa réponse du 12 juin 2023, le SIT a maintenu sa position.

c. L’assuré n’a pas répliqué à la suite de la réponse de la caisse et de la mise à disposition du dossier, de sorte que la cause a pu être gardée à juger.


 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

3.              

3.1 Le litige porte sur le bien-fondé de la suspension du droit du recourant à l'indemnité de chômage pour une période de 40 jours pour chômage fautif.

3.2 Selon l’art. 30 al. 1 let. a LACI, il convient de sanctionner par une suspension du droit à l’indemnité de chômage celui qui est sans travail par sa propre faute. Tel est notamment le cas de l’assuré qui, par son comportement, en particulier par la violation de ses obligations contractuelles de travail, a donné à son employeur un motif de résiliation du contrat de travail (art. 44 al. 1 let. a de l’ordonnance du 31 août 1983 sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité [OACI]). En d’autres termes, il n’est pas nécessaire que l’assuré ait violé ses obligations contractuelles de travail pour qu’une suspension de son droit à l’indemnité de chômage puisse lui être infligée (arrêt du Tribunal fédéral C 254/06 du 26 novembre 2007 consid. 4.2). Il suffit que le comportement à l’origine de la résiliation ait pu être évité si l’assuré avait fait preuve de la diligence voulue, en se comportant comme si l’assurance n’existait pas (ATF 112 V 242 consid. 1). Pour qu’une sanction se justifie, il faut que le comportement de l’assuré ait causé son chômage. Un tel lien fait défaut si la résiliation est fondée essentiellement sur un autre motif que le comportement du travailleur. Il est par ailleurs indifférent que le contrat de travail ait été résilié de façon immédiate et pour de justes motifs ou à l’échéance du congé légal ou contractuel. Le comportement reproché doit toutefois être clairement établi (ATF 112 V 242 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 8C_370/2014 11 juin 2015 consid. 2.2 ; Thomas NUSSBAUMER, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Arbeitslosenversicherung, vol. XIV, 3ème éd. 2016, p. 2515 n. 837). En outre, il est nécessaire, en application de l’art. 20 let. b de la Convention n° 168 du 21 juin 1988 concernant la promotion de l’emploi et la protection contre le chômage (RS 0.822.726.8), que l’assuré ait délibérément contribué à son renvoi, c’est-à-dire qu’il ait au moins pu s’attendre à recevoir son congé et qu’il se soit ainsi rendu coupable d’un dol éventuel (arrêt du Tribunal fédéral 8C_268/2015 du 6 août 2015 consid. 4.2 et les références). Le dol simple entraîne a fortiori une sanction (cf. Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n. 24 ad art. 30 LACI). Il doit y avoir un lien de causalité juridiquement pertinent entre le motif de licenciement, c'est-à-dire le comportement fautif de l'assuré, et le chômage (Circulaire du SECO, D15).

Le chômage est notamment considéré comme fautif lorsque l'assuré, par son comportement, en particulier par la violation de ses obligations contractuelles de travail, a donné à son employeur un motif de résiliation du contrat de travail (Circulaire du SECO, D16). Le chômage est réputé fautif non seulement lorsque l'assuré enfreint ses obligations contractuelles de travail, mais aussi lorsque son comportement dans l'entreprise ou en dehors de celle-ci justifie un licenciement (Circulaire du SECO, D17).

Il suffit que le comportement général de l'assuré, au travail, mais aussi en dehors des heures de service, ait donné lieu au congédiement, même sans qu'il y ait de reproches d'ordre professionnel à faire à l'assuré, ou aussi lorsque l'employé licencié présente un caractère, dans un sens large, qui rendait les rapports de service intenables. Le chômage est imputable à une faute de l'assuré notamment en cas de violation par celui-ci d'obligations découlant du contrat de travail (arrêt C 223/05 du 16 novembre 2005, publié in SVR 2006 ALV No 15 consid. 1 p.51). Il faut cependant que l'assuré ait délibérément contribué à son renvoi et que son comportement (et non une autre circonstance) ait été la cause de son chômage ; il doit s'être rendu compte que son comportement pouvait déboucher sur un renvoi, qu'il ait ainsi commis un dol éventuel (arrêt 8C_872/2011 ; Boris RUBIN, Assurance-chômage et service public de l'emploi, 2019, n° 490 ss ; Bulletin LACI IC ch. D 16 ss).

3.3 L’art. 30 al. 3 LACI prévoit notamment que la durée de la suspension est proportionnelle à la gravité de la faute et ne peut excéder, par motif de suspension, soixante jours.

3.4 S’agissant de la quotité de la sanction, l’art. 45 al. 3 OACI prévoit trois catégories de fautes, soit les fautes légères, les fautes moyennes et les fautes graves, à sanctionner en principe d’une suspension du droit à l’indemnité de chômage pour une durée respectivement de 1 à 15 jours, de 16 à 30 jours et de 31 à 60 jours.

Selon la jurisprudence, pour fixer la sanction dans un cas concret, il y a lieu de partir de la valeur moyenne de la fourchette correspondant au degré de gravité de la faute, soit 45 jours en cas de faute grave (ATF 123 V 150 consid. 3c).

3.5 En tant qu’autorité de surveillance, le Secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO) a adopté un barème indicatif à l’intention des organes d’exécution (Bulletin LACI IC). Un tel barème constitue un instrument précieux pour les organes d’exécution lors de la fixation de la sanction et contribue à une application plus égalitaire des sanctions dans les différents cantons. Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d’apprécier le comportement de l’assuré compte tenu de toutes les circonstances – tant objectives que subjectives – du cas d’espèce et de fixer la sanction en fonction de la faute (arrêt du Tribunal fédéral 8C_425/2014 du 12 août 2014 consid. 5.1).

3.6 La durée de la suspension est fixée en tenant compte de toutes les circonstances du cas particulier, telles que le mobile, les circonstances personnelles (l’âge, l’état civil, l’état de santé, une dépendance éventuelle, l’environnement social, le niveau de formation, les connaissances linguistiques, etc.), des circonstances particulières (le comportement de l’employeur ou des collègues de travail, le climat de travail, etc.), de fausses hypothèses quant à l’état de fait (par exemple quant à la certitude d’obtenir un nouvel emploi (Bulletin LACI IC, D64)).

3.7 Parmi l'abondante casuistique relative aux sanctions prononcées dans les cas visés par l'art. 44 al. 1 let. a OACI, on peut notamment citer les exemples suivants : 31 jours pour un assuré ayant à plusieurs reprises falsifié le pointage de ses heures de travail, ce qui a conduit à son licenciement immédiat (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 154/03 du 16 février 2004) ; sanction réduite à 45 jours pour un employé ayant détourné des cartes concours remplies par son entreprise pour les faire valoir lui-même, obtenant ainsi 13 plaques de chocolat et privant son employeur du remboursement des frais d’affranchissement à hauteur de CHF 7.-, détruisant ainsi la relation de confiance, ce qui justifiait un licenciement avec effet immédiat (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 189/06 du 16 novembre 2006).

3.8 Une preuve absolue n'est pas requise en matière d'assurances sociales. L'administration et le juge fondent leur décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute le cas échéant d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références).

4.              

4.1 En l’espèce, la caisse a considéré que l’assuré était responsable de sa situation de chômage, raison pour laquelle elle lui a infligé une sanction. Le recourant – qui admet les faits pour lesquels il a été condamné pénalement – a dans un premier temps nié qu’ils étaient en lien avec son licenciement, pour ensuite conclure à ce que la sanction soit réduite à 20 jours, pour tenir compte de sa situation personnelle.

4.2 Aux termes de la lettre de licenciement, l’employeuse a mis fin aux rapports de travail avec le recourant parce que ce dernier avait adopté un comportement contraire à ses statuts, impliquant une rupture irrémédiable du lien de confiance, en lien avec les faux dans les titres dans lesquels il était impliqué.

Le recourant n’allègue pas qu’il aurait contesté devant les autorités compétentes que le motif de son licenciement était fondé et il a renoncé à le soutenir dans son recours, se contentant de relever qu’il n’avait pas mis en péril son travail et ses capacités professionnelles ni la vie de quiconque en danger.

En tout état, au regard des principes rappelés plus haut, et du comportement reproché au recourant, il convient de retenir que c’est en raison de son comportement que le recourant a été licencié de son emploi.

4.3  Le comportement fautif de l'assuré doit être sanctionné par une suspension du droit à l'indemnité.

4.4 Se pose la question de la proportionnalité de la sanction prononcée, soit de 40 jours de suspension du droit à l'indemnité de chômage.

Le recourant est resté au service de l’employeuse durant vingt ans, mais a fait l’objet d’un avertissement, puis d’un blâme en 2018. On ne peut donc pas retenir qu’il ait travaillé à l’entière satisfaction de l’employeuse.

A cela s’ajoute les motifs qui ont mené à son licenciement, soit la production de certificats de salaires et des décomptes de jetons de présence contrefaits au nom de son employeuse pour l’ensemble de l’année 2020, pour lesquels il a été condamné sur le plan pénal.

A ce propos, le recourant n’avance aucun motif qui permettrait de considérer que sa faute était de gravité moyenne et justifierait ainsi la réduction de la sanction à 20 jours, l’argument des charges qu’il doit assumer n’étant pas pertinent, et c’est sans abuser de son pouvoir d’appréciation que l’intimée a considéré que la faute était grave, au regard tant des sanctions précédant le licenciement que des motivations du recourant dans les faits ayant conduit à son licenciement.

Il convient certes également de tenir compte des circonstances du cas particulier, soit en particulier le respect du délai de congé par l’employeuse et l’ancienneté du recourant. Or, l’intimée a tenu compte de ces éléments en réduisant la durée de la sanction de la médiane de la faute grave (45 jours) à 40 jours. Compte tenu de la casuistique des sanctions exposée ci-avant, une telle sanction dans l’exercice du droit à l’indemnité n’apparaît pas critiquable.

5.             Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.

6.             Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA).

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Stefanie FELLER

 

La présidente

 

 

 

 

Fabienne MICHON RIEBEN

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le