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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2846/2022

ATAS/804/2023 du 23.10.2023 ( LAA ) , DEPENS

Recours TF déposé le 27.11.2023, 8C_746/2023
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2846/2022 ATAS/804/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 octobre 2023

Chambre 1

 

En la cause

A______
représenté par Me Maxime CLIVAZ, avocat

 

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en 1979 a travaillé en tant que ferrailleur/chef d’équipe pour le compte de la société B______ (ci-après : l’employeur) depuis le 2 mars 2015. À ce titre, il était assuré contre les accidents professionnels et non professionnels ainsi que contre les maladies professionnelles auprès de SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS (ci-après : la SUVA ou l’intimée)

b. Le 14 septembre 2015, alors qu’il travaillait sur un chantier, il s’est coincé le pied gauche entre les ferrailles de la structure d’une dalle. Il a alors chuté et s’est foulé le pied.

c. L’assurance a pris en charge les suites de l’accident, en versant notamment des indemnités journalières correspondant à l’incapacité totale de travailler de l’assuré, dûment attestée par son médecin traitant, la docteure C______.

d. L’assuré a séjourné à la clinique romande de réadaptation (ci-après : CRR) du 10 février au 1er mars 2016. Au terme de ce séjour, les docteurs D______, spécialiste FMH en médecine physique et réhabilitation, et E______, médecin assistante au sein de cet établissement, ont adressé le 24 mars 2016 un rapport à la SUVA, retenant une incapacité totale de travailler dans toute activité ainsi que les limitations fonctionnelles suivantes : longs trajets, terrains irréguliers, échelles, escaliers. La situation n’était pas encore stabilisée et la poursuite de la physiothérapie était préconisée.

e. Le 10 octobre 2016, le docteur F______, spécialiste en chirurgie orthopédique et médecin d’arrondissement de la SUVA, a établi son rapport consécutif à l’examen final de l’assuré du 7 octobre 2016. Il a indiqué que malgré le séjour à la CRR et les nombreuses mesures de physiothérapie, une boiterie et des douleurs persistaient. L’ancienne activité de ferrailleur sur les chantiers n’était plus exigible. Une activité adaptée était en revanche exigible à temps complet et sans diminution de rendement pour autant qu’elle respecte les limitations fonctionnelles suivantes : activité professionnelle réalisée en alternance en position assise et debout, sans port de charge supérieur à 20 kg, sans déplacement répété dans les escaliers, sans devoir monter sur une échelle ou un échafaudage. Il n’y avait pas de limitation au niveau du membre inférieur droit ni des membres supérieurs.

Une indemnité pour atteinte à l’intégrité corporelle (IPAI) de 5% était en outre retenue en raison de la contusion osseuse au niveau du calcanéum et de la contusion osseuse au niveau du cuboïde, occasionnant toujours des douleurs et une limitation de la mobilité active de la cheville.

f. Par courriers du 9 novembre 2016 et du 25 juillet 2017, l’assurance a informé l’assuré de ce que, dans la mesure où son état de santé était désormais stabilisé et qu’il n’y avait plus lieu d’attendre de la poursuite du traitement une amélioration sensible, il allait être mis fin au remboursement des soins médicaux et de l’indemnité journalière au 31 mars 2017.

g. En parallèle, l’assuré qui avait déposé une demande de prestations auprès de l’office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI) a bénéficié de diverses mesures de réadaptation dont un cours de reconversion dans le dessin technique, ainsi que divers stages en entreprise.

h. Toujours avec le soutien de l’OAI, l’assuré a bénéficié d’une allocation d’initiation au travail du 1er août 2021 au 27 janvier 2022 au sein d’G______ où il a exercé en tant que projecteur-dessinateur. Suite à cette mesure il a été engagé à plein temps par cette entreprise.

i. Le 1er mars 2022, l’OAI a rendu une décision de refus de rente d’invalidité. Suite aux mesures d’ordre professionnel, l’assuré avait trouvé un emploi de dessinateur à 100% auprès d’G______, lui procurant un salaire annuel brut de CHF 75'400.-. Comparé au salaire qu’il touchait auprès de B______ en 2015, actualisé en 2020, soit CHF 84'549.-, la perte de gain s’élevait à 11%, soit un degré d’invalidité inférieur aux 40% ouvrant droit à une rente.

B. a. Par décision du 4 avril 2022, la SUVA a refusé l’octroi d’une rente à l’assuré. Le revenu annuel brut réalisé auprès d’G______ suite au changement d’activité consécutif à l’accident (soit CHF 75'400.-) était légèrement supérieur au revenu sans invalidité fondé sur les statistiques relatives au domaine de la construction pour les tâches du niveau de compétence 2 (soit CHF 75'280.-). Il n’y avait donc pas de diminution de la capacité de gain.

Pour le surplus, une IPAI de 5% était octroyée à l’assuré.

b. Le 10 mai 2022, l’assuré s’est opposé à cette décision par l’intermédiaire de son syndicat. Le revenu sans invalidité devait être établi de la manière la plus concrète possible, soit en se référant au dernier salaire annuel brut perçu avant l’accident, actualisé, soit en 2020, CHF 84'549.-. Le degré d’invalidité s’élevait ainsi bien à 11%, comme établi par l’OAI dans sa décision du 1er mars 2022.

c. Le 27 juillet 2022, la SUVA a rejeté l’opposition de l’assuré et maintenu les termes de sa décision du 4 avril 2022. La société B______ avait été dissoute par suite de faillite en décembre 2017. L’assuré n’aurait ainsi pas pu continuer à travailler pour cette entreprise au jour de la comparaison des revenus, correspondant au 1er mai 2021, date à partir de laquelle l’assuré pouvait être considéré comme pleinement réadapté dans sa nouvelle activité de dessinateur.

Le revenu sans invalidité devait ainsi être établi sur la base des chiffres de l’enquête sur la structure des salaires 2018 (ESS 2018), soit un montant de CHF 71'544.-, correspondant au TA1-skill-level, 41-43 Construction, homme, niveau de compétence 2. Adapté à la durée de travail hebdomadaire normale en 2021 dans le secteur de la construction, soit 41.3 heures, ainsi qu’à l’évolution des salaires de 2018 à 2021, le revenu sans invalidité déterminant s’élevait à CHF 75'204.73 pour 2021. L’assuré ne subissait ainsi aucune perte de sa capacité de gain.

C. a. Le 7 septembre 2022, l’assuré a recouru contre la décision sur opposition de la SUVA, concluant à son annulation, à l’octroi d’une rente d’invalidité de 11% et au renvoi de la cause à l’intimée pour le calcul des prestations dues. Le droit suisse ne contenant aucune disposition générale selon laquelle la faillite mettrait automatiquement fin au contrat de travail, le sort de B______ n’avait pas eu d’effet sur le contrat du recourant. La société dont il était question n’ayant pour le surplus pas été radiée, il apparaissait au degré de la vraisemblance prépondérante que l’intéressé aurait continué à disposer d’un contrat de travail au jour de la décision entreprise. Dans ces circonstances, il convenait de calculer le salaire sans invalidité sur la base du dernier salaire touché par l’assuré avant l’accident, actualisé à l’année 2020, comme l’avait fait l’OAI.

Si par impossible il convenait d’établir le revenu sans invalidité sur une base statistique, le recourant concluait, à titre subsidiaire, à ce que le niveau de compétence 3 soit retenu. En effet, son statut de chef d’équipe impliquait des tâches de supervision et d’encadrement, de même que d’organisation entre les différents corps de métiers.

b. Le 19 septembre 2022, l’assurance a conclu au rejet du recours, si tant est qu’il fût recevable, l’intéressé ayant principalement présenté des conclusions constatatoires relativement au taux d’invalidité.

Sur le fond, il était souligné que : la société B______ avait été dissoute par suite de faillite le 15 décembre 2017 ; la procédure de faillite avait été suspendue faute d’actif le 22 mars 2018, la société avait été liquidée sommairement le 19 avril 2018 et radiée du registre du commerce le 6 décembre 2018. Le Tribunal de première instance n’avait ordonné sa réinscription que le 12 septembre 2019, soit dix mois après la radiation. Dans ces circonstances, le recourant ne pouvait soutenir de manière crédible qu’il aurait continué à être engagé aux mêmes conditions par une société ne disposant pas de suffisamment d’actifs pour payer ses créanciers et qui n’avait pas existé de décembre 2018 à septembre 2019. Dans ces circonstances, c’était à juste titre que le salaire sans invalidité avait été calculé sur une base statistique plutôt que sur le dernier salaire avant l’accident.

Concernant pour le surplus la prise en compte des statistiques relatives au niveau de compétence 3, elle n’était nullement justifiée. Ni le parcours professionnel du recourant, ni sa formation ne lui permettait de prétendre à la qualification de chef d’équipe tant selon la convention collective cantonale que nationale. En outre, même s’il convenait de retenir que le recourant pouvait se prévaloir d’une expérience professionnelle en tant que ferrailleur et chef d’équipe, il y aurait de toute manière lieu de retenir un niveau de compétence 2 et non 3.

c. Le 12 octobre 2022, le recourant a persisté dans les termes et conclusions de son recours.

d. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.


 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.             Le 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. Dans la mesure où l'accident est survenu avant cette date, le droit du recourant aux prestations d'assurance est soumis à l'ancien droit (cf. al. 1 des dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2). Les dispositions légales seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2016.

5.              

5.1 L’intimée émet des doutes quant à la recevabilité du recours du fait qu’il comporte des conclusions constatatoires alors que des conclusions condamnatoires ou formatrices sont possibles.

Selon l'art. 61 let. b LPGA, l'acte de recours doit contenir un exposé succinct des faits et des motifs invoqués, ainsi que les conclusions.

Les conclusions constatatoires sont en principe irrecevables, faute d’intérêt digne de protection au recours, lorsque le recourant peut obtenir en sa faveur un jugement condamnatoire ou formateur (ATF 135 I 119 consid. 4). Toutefois, les conclusions doivent s’interpréter à la lumière des motifs du recours (ibidem).

Les conclusions principales du recourant se présentent comme suit :

-          Déclarer le recours recevable ;

-          Annuler la décision de la SUVA du 27 juillet 2022 ;

-          Constater que le taux d’invalidité de Monsieur A______ est de 11% et l’atteinte à l’intégrité corporelle de 5% ;

-          Renvoyer la cause à la SUVA pour l’octroi d’une rente d’invalidité en conséquence ;

-          Condamner la SUVA à lui verser une indemnité équitable pour la présente procédure ;

-          Débouter la SUVA de toutes autres ou contraires conclusions.

Il est clair, à la lecture des motifs du recours que le recourant conteste la manière dont son taux d’invalidité a été calculée, qu’il requiert qu’un taux d’invalidité de 11% lui soit reconnu et que son droit à la rente soit calculé par l’intimée sur la base de ce taux.

Lues à la lumière des motifs du recours, cette conclusion est recevable.

Il n’en va pas de même concernant l’IPAI, dans la mesure où le recourant conclut, à cet égard, à la confirmation de la décision litigieuse, soit l’octroi de 5%. Un intérêt digne de protection fait ainsi défaut et cette partie de la conclusion est ainsi irrecevable, de sorte que l’octroi d’une IPAI de 5% tel que prévu par la décision sur opposition du 27 juillet 2022 est ainsi définitive.

5.2 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

6.             Le litige porte sur le calcul de l’invalidité du recourant par l’intimée et conséquemment sur l’existence d’un droit à une rente d’invalidité.

7.              

7.1 Si l'assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10 % au moins par suite d’un accident, il a droit à une rente d'invalidité (art. 18 al. 1 aLAA). Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA; méthode ordinaire de la comparaison des revenus).

Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1); seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain; de plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2).

7.2 Selon l'art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu'il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l'état de l'assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l'assurance-invalidité ont été menées à terme.

8.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références; ATF 126 V 353 consid. 5b et les références; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6. 1 et la référence).

9.              

9.1 Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA). En règle ordinaire, il s'agit de chiffrer aussi exactement que possible ces deux revenus et de les confronter l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité. Dans la mesure où ils ne peuvent être chiffrés exactement, ils doivent être estimés d'après les éléments connus dans le cas particulier, après quoi l'on compare entre elles les valeurs approximatives ainsi obtenues (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 137 V 334 consid. 3.3.1).

9.2 Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 consid. 4.1 et les références).

9.3 Pour déterminer le revenu sans invalidité, il convient d'établir ce que l'assuré aurait, au degré de la vraisemblance prépondérante, réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas devenu invalide. Le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus concrète possible. Partant de la présomption que l'assuré aurait continué d'exercer son activité sans la survenance de son invalidité, ce revenu se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par l'assuré avant l'atteinte à la santé, en prenant en compte également l'évolution des salaires jusqu'au moment de la naissance du droit à la rente (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 et les références; ATF 135 V 297 consid. 5.1 et les références; ATF 134 V 322 consid. 4.1 et les références). Toutefois, lorsque la perte de l'emploi est due à des motifs étrangers à l'invalidité, le salaire doit être établi sur la base de valeurs moyennes. Autrement dit, dans un tel cas, n'est pas déterminant pour la fixation du revenu hypothétique de la personne valide le salaire que la personne assurée réaliserait actuellement auprès de son ancien employeur, mais bien plutôt celui qu'elle réaliserait si elle n'était pas devenue invalide (arrêt du Tribunal fédéral 8C_50/2022 du 11 août 2022 consid. 5.1.1 et la référence).

9.3.1 Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières qu'il peut se justifier qu'on s'en écarte et qu'on recoure aux données statistiques résultant de l'Enquête suisse sur la structure des salaires édité par l'Office fédéral de la statistique. Tel sera le cas lorsqu'on ne dispose d'aucun renseignement au sujet de la dernière activité professionnelle de l'assuré, ou si le dernier salaire que celui-ci a perçu ne correspond manifestement pas à ce qu'il aurait été en mesure de réaliser, selon toute vraisemblance, en tant que personne valide; par exemple, lorsqu'avant d'être reconnu définitivement incapable de travailler, l'assuré était au chômage, ou rencontrait d'ores et déjà des difficultés professionnelles en raison d'une dégradation progressive de son état de santé, ou encore percevait une rémunération inférieure aux normes de salaire usuelles. On peut également songer à la situation dans laquelle le poste de travail de l'assuré avant la survenance de l'atteinte à la santé n'existe plus au moment déterminant de l'évaluation de l'invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_238/2008 du 5 janvier 2009 consid. 3).

Lorsque la jurisprudence précise qu'il y a lieu de recourir aux données salariales statistiques quand le poste de travail qu'occupait la personne assurée avant la survenance de l'atteinte à la santé n'existe plus au moment déterminant de l'évaluation de l'invalidité, elle envisage la situation où l'activité en question n'a plus d'existence avérée sur le marché général du travail. Dans la mesure toutefois où la profession concernée n'est pas tombée en désuétude, rien ne justifie de s'écarter du montant du dernier salaire réalisé par la personne assurée. L'éventuelle faillite ultérieure du dernier employeur ne saurait ainsi constituer une circonstance propre à influencer le degré d'invalidité, donc le droit à la rente, et, partant, à motiver une révision de celle-ci au sens de l'art. 17 LPGA. Mises à part les complications administratives évidentes qu'une telle obligation engendrerait, elle ne serait pas conforme au principe de l'égalité de traitement entre assurés, puisqu'elle aurait pour effet de lier le droit aux prestations de la personne assurée à un facteur aléatoire, à savoir la pérennité de l'activité de son ancien employeur. (arrêt du Tribunal fédéral 9C_238/2008 du 5 janvier 2009, consid. 4.1).

10.         En l’espèce, le recourant reproche à l’intimée d’avoir calculé le revenu sans invalidité de manière abstraite, sur la base des statistiques de l’ESS, alors qu’il aurait dû l’être de manière concrète en se fondant sur le dernier salaire du recourant, actualisé.

Ce grief est fondé. La situation est identique à celle examinée dans l’arrêt 9C_238/2008 précité et la faillite ultérieure de l’employeur ne justifie pas de s’écarter du dernier salaire touché par l’intéressé pour procéder au calcul du revenu sans invalidité. Celui-ci s’élevait à CHF 81'900.- par an en 2015 selon son contrat de travail.

Conformément à la jurisprudence, il y a lieu d'adapter ce montant à l'évolution des salaires nominaux jusqu'au moment de la naissance du droit (éventuel) à la rente (consid. 10.3.3 ci-dessus ; ATF 143 V 295 consid. 4.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_659/2022 du 2 mai 2023 consid. 7.2), soit en l’espèce jusqu’à l’année 2022, correspondant au terme des mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité (art. 19 al. 1 LAA).

Selon le tableau T1.93 publié par l'OFS, les salaires nominaux des hommes ont évolué comme suit : + 0.6% en 2016, + 0. 4% en 2017, + 0.5 en 2018, + 0.9% en 2019, + 0.8% en 2020, - 0.7% en 2021, et + 1.1% en 2022. Ainsi, le revenu sans invalidité s'élève à CHF 84'885.55 (81'900.00 + 491.40 en 2016 = 82'391.40 + 329.57 en 2017 = 82'720.97 + 413.60 en 2018 = 83'134.57 + 748,21 en 2019 = 83’882.78 + 671.06 en 2020 = 84'553.84 – 591.87 en 2021 = 83'961.97 + 923.58 en 2022 = 84'885.55).

Le revenu avec invalidité, établi pour sa part sur la base des revenus concrètement réalisés par le recourant au terme des mesures de réadaptation n’est pas litigieux. Il s’élève à CHF 75'400.-, conformément au contrat de travail du 22 juillet 2021 que le recourant a signé avec la société G______. Une partie de ce salaire a été prise en charge par l’OAI jusqu’au 27 janvier 2022 par le biais d’une allocation d’initiation au travail qui a constitué la dernière mesure de réadaptation.

Comparé au revenu sans invalidité, il s’ensuit une perte de gain de CHF 9'485.55 (CHF 84'885.55 – CHF 75'400) et un taux d’invalidité de 11.17% (9'485.55 x 100 / 84'885.55), qui doit être arrondi à 11% (ATF 130 V 121 consid. 3.2). Par conséquent et dans la mesure où il est établi et non contesté par les parties que l’invalidité est exclusivement due à l’accident, c’est un degré d’invalidité de 11% que l’intimée aurait dû prendre en considération, ce qui ouvre le droit au versement d’une rente au taux de 11 %.

11.         Il convient ainsi d'admettre partiellement le recours, d'annuler la décision sur opposition du 27 juillet 2022 en tant qu’elle refuse toute rente au recourant et de constater que ce dernier a droit à une rente d'invalidité de 11% à compter du 28 janvier 2022.

12.         Assisté par un mandataire professionnellement qualifié et obtenant gain de cause, le recourant a droit à des dépens, qui seront fixés à CHF 2'000.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émolument et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA – E 5 10.03]).

13.         Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let.fbis LPGA a contrario).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

1.      Admet le recours dans la mesure de sa recevabilité.

2.      Annule la décision sur opposition du 27 juillet 2022 en tant qu’elle refuse au recourant une rente d’invalidité.

3.      Dit que le recourant a droit à une rente d'invalidité de 11% dès le 28 janvier 2022.

4.      Alloue une indemnité de CHF 2'000.- au recourant à charge de l'intimée.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Stefanie FELLER

 

La présidente

 

 

 

 

Fabienne MICHON RIEBEN

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le