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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/279/2022

ATAS/829/2023 du 30.10.2023 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/279/2022 ATAS/829/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 octobre 2023

Chambre 3

 

 

En la cause

Madame A______
représentée par CARITAS GENÈVE

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'intéressée), de nationalités bolivienne et espagnole, employée de maison, est mère de trois enfants : B______, né le ______ 1999, C______, né le ______ 2002, et D______, né le ______ 2019. Les deux premiers enfants sont issus de l’union de l’intéressée avec Monsieur E______ (dont elle est divorcée depuis le 12 décembre 2009), le cadet de sa relation avec Monsieur F______ (son ex-compagnon).

b. L'intéressée bénéficie de prestations complémentaires familiales (ci-après : PCFam) servies par le service des prestations complémentaires (ci-après : SPC), et de subsides d'assurance-maladie.

B. a. Par décision du 26 août 2019, le SPC a nié à l’intéressée le droit aux PCFam et au subside pour la période du 1er mai au 31 août 2019, durant laquelle il a considéré que les dépenses reconnues avaient été entièrement couvertes par le revenu déterminant.

b. Le 27 septembre 2019, l'intéressée s'est opposée à cette décision, en contestant le montant de l'épargne, ainsi que la prise en compte d'une pension alimentaire potentielle concernant D______ (CHF 8'076.-) et de la pension alimentaire relative à B______ et C______ (CHF 1'210.80 au total).

c. Par décision du 15 octobre 2019, le SPC a recalculé le droit aux prestations pour la période du 1er mai au 31 octobre 2019 et reconnu à l’intéressée le droit à des PCFam de 531.- CHF/mois du 1er mai au 31 juillet 2019.

d. Par pli du 30 octobre 2019, l'intéressée a contesté cette décision, en reprenant les mêmes griefs que ceux exposés le 27 septembre.

e. Par décision du 18 décembre 2019, le SPC a recalculé le droit aux prestations pour la période du 1er septembre au 31 décembre 2019, et a reconnu à l’intéressée le droit à des PCFam d’un montant de CHF 531.- pour décembre 2019, puis de 689.- CHF/mois dès le 1er janvier 2020.

f. Par lettre du 9 janvier 2020, l'intéressée a formé opposition à cette décision, en contestant la non-prise en compte des primes d'assurance-maladie dans les dépenses reconnues à partir du 1er janvier 2020, la prise en compte d'une pension alimentaire potentielle pour D______ (CHF 8'076.-) du 1er septembre au 30 novembre 2019, et le montant des gains de son activité lucrative.

g. Par décision du 9 décembre 2021, le SPC a rejeté les oppositions des 27 septembre et 30 octobre 2019 ; quant à celle du 9 janvier 2020, il l’a décrétée partiellement sans objet et l'a rejetée pour le surplus.

Le SPC a fait remarquer que, selon le jugement de divorce bolivien du 12 décembre 2009 dont il avait eu connaissance le 27 juin 2018, l'ex-époux de l'intéressée était tenu de verser mensuellement aux deux enfants communs, B______ et C______, 700.- bolivianos. C’est la raison pour laquelle il avait retenu dans son calcul des prestations deux pensions alimentaires annuelles de CHF 605.40, correspondant à un montant annuel total de CHF 1'210.80. En effet, l'intéressée n'avait pas apporté la preuve d'éventuelles démarches entreprises aux fins de recouvrer sa créance, pas plus que du caractère irrécouvrable de celle-ci.

Quant à la pension alimentaire potentielle en faveur de D______, le SPC n’en avait plus tenu compte depuis le 1er décembre 2019, premier jour du mois de réception (le 13 décembre 2019) des justificatifs attestant des démarches entreprises par l'intéressée aux fins d'obtenir une contribution d'entretien en faveur de cet enfant ; cette pension devant toutefois être confirmée pour les périodes antérieures, du 1er mai au 30 novembre 2019.

Le SPC a ensuite détaillé ses calculs relatifs aux gains de l'activité lucrative de l'intéressée.

S’agissant des primes d'assurance-maladie, il a argué que leur omission dans les dépenses reconnues dès le 1er janvier 2020 était due à un problème informatique. Elles avaient été dûment rétablies dès cette date dans une décision du 25 juin 2020 (portant sur la période du 1er septembre 2019 au 30 juin 2020).

Enfin, la question pouvait demeurer ouverte de savoir s'il y avait lieu de mettre à jour l'épargne de l'intéressée dès le 1er mai 2019 sur la base du relevé de compte postal qu'elle avait produit à l'appui de son opposition du 27 septembre 2019, dans la mesure où, quoi qu’il en soit, le montant des prestations ne s’en trouverait pas modifié. Le SPC relevait avoir tenu compte d'une baisse de l'épargne dès le 1er septembre 2019 tant dans sa décision du 15 octobre 2019 que dans celle du 18 décembre 2019.

C. a. Par acte du 25 janvier 2022, l'intéressée a interjeté contre la décision sur opposition du 9 décembre 2021 un recours (enregistré sous le numéro de cause A/279/2022). Elle conclut, sous suite de dépens, à l’annulation de la décision et à ce qu’il ne soit tenu compte, ni des pensions alimentaires pour B______ et C______ dès le 1er juin 2018, ni de celles concernant D______ pour la période du 1er mai au 30 novembre 2019.

La recourante allègue que B______ et C______, adultes, sont à sa charge, car en études, que leur père n'a jamais versé les pensions mensuelles de 350.- bolivianos par enfant auxquelles il avait été condamné lors du divorce, raison pour laquelle elle a, par l'intermédiaire de ses parents, déposé une action en recouvrement en Bolivie en 2018, qui n'a cependant pas encore abouti.

Quant au père de D______, dont elle s'est séparée entre février et mars 2019, il a régulièrement repoussé les différentes démarches, les visites à son enfant, ainsi que sa participation financière. Il a notamment retardé l'obtention des documents espagnols nécessaires à la reconnaissance et à l'établissement du certificat de naissance, qui n'a ainsi pu se faire qu’en date du 29 août 2019. Il ne s'est pas présenté au rendez-vous fixé auprès de son mandataire pour la signature de la convention d'entretien. Fin septembre 2019, elle a finalement contacté le service de la protection des mineurs, qui l'a adressée à un avocat en vue d'une action alimentaire, laquelle a été introduite en décembre 2019. Après quoi, le Tribunal de première instance (ci‑après : TPI) a rendu un jugement le 11 mai 2021, fixant la pension à 1'000.- CHF/mois, sans effet rétroactif.

La recourante considère avoir effectué les démarches nécessaires avec une relative célérité. Elle en tire la conclusion que la pension potentielle concernant D______ ne devrait pas être prise en compte, d'autant qu'on ne peut lui reprocher d'avoir cherché au préalable un accord extra-judiciaire avec le père pour maintenir le dialogue, dans l'intérêt de leur enfant.

S'agissant des contributions d'entretien pour B______ et C______, la recourante relève que les démarches pour les recouvrer sont complexes, du fait que le père demeure en Bolivie. Elle reste dans l'attente d'une décision des autorités boliviennes et demande que, dans l'intervalle, ces montants ne soient pas non plus pris en compte dans le calcul de ses prestations.

b. Invité à se déterminer, dans sa réponse du 18 février 2022, l'intimé a conclu au rejet du recours.

Il considère que le caractère irrécouvrable des contributions dues à B______ et C______ n'est pas prouvé, les démarches entreprises n'ayant pas encore abouti. Il n’y a donc pas lieu d'en faire abstraction dans le calcul des prestations, d’autant moins que cela pourrait entraîner, dans l'hypothèse où elles seraient finalement versées par le père, une demande de restitution de prestations.

S'agissant de D______, l'intimé souligne que la recourante n'a produit la première preuve de ses démarches aux fins d'obtenir une contribution d'entretien en sa faveur qu’en date du 13 décembre 2019, raison pour laquelle il n’a exclu cet élément des calculs qu'à partir du 1er décembre 2019. L'intimé constate au demeurant que la pension alimentaire fixée pour D______ dans le jugement du TPI du 11 mai 2021 (12'000.- CHF/an, soit 1'000.- CHF/mois) est nettement supérieure à celle retenue dans le calcul des prestations du 1er mai au 30 novembre 2019.

D. a. Par décision du 29 mars 2022, le SPC a réclamé à l'intéressée le remboursement de CHF 19'640.-, correspondant aux PCFam versées à tort du 1er décembre 2019 au 31 mars 2022, résultant de la mise à jour rétroactive des bourses d'études des enfants B______ et C______ dès le 1er septembre 2021, d’une part, de la prise en compte rétroactive d'une pension alimentaire pour D______ dès le 1er décembre 2019, d’autre part.

b. Par pli du 25 avril 2022, l'intéressée a contesté cette décision, en faisant valoir que le père de D______ n'avait versé une contribution d'entretien qu’à compter de juin 2020 à hauteur de 400.- CHF/mois, augmentée à 500.- CHF/mois en octobre 2020. Elle a joint des extraits de son compte postal.

c. Par décision du 24 mai 2022, le SPC a recalculé le droit aux prestations de l’intéressée pour la période du 1er janvier 2020 au 31 mai 2022, en tenant compte de la mise à jour des gains d'activité lucrative et des indemnités de l'assurance‑chômage dès le 1er janvier 2021. Il a requis de l'intéressée la restitution d'un trop‑perçu de CHF 1'417.-.

d. Par courrier du 13 juin 2022, l'intéressée s'est opposée à cette décision, au motif qu'elle ne tenait pas compte des griefs soulevés dans l'opposition du 25 octobre (recte : avril) 2022.

e. Par décision du 24 juin 2022, le SPC a rejeté les oppositions des 25 avril et 13 juin 2022.

Il a indiqué avoir, dans la décision du 29 mars 2022, tenu compte d'une pension alimentaire mensuelle de CHF 500.- concernant D______ du 1er décembre 2019 au 30 avril 2022 (recte : 2021), soit un montant annualisé de CHF 6'000.-, puis d'une pension alimentaire mensuelle de CHF 1'000.-, soit un montant annualisé de CHF 12'000.- dès le 1er mai 2022 (recte : 2021).

Pour ce faire, il s'était fondé sur le jugement du TPI du 11 mai 2021 qui lui avait été transmis le 3 février 2022. Il ressortait du dispositif dudit jugement que M.  P, père de D______, avait notamment été condamné à verser CHF 1'000.- à titre de contribution d'entretien, en faveur de son enfant, par mois et d'avance, dès le prononcé du jugement et jusqu'au 31 août 2023. Par ailleurs, à teneur du même jugement (p. 4), M. F______ avait déclaré avoir versé à l'intéressée, depuis leur séparation 500.-, CHF/mois en faveur de leur fils, de main à main, puis par virements bancaires. Le jugement mentionnait en p. 8 que le principe desdits versements de CHF 500.- avait été admis, seule leur régularité avait été contestée.

Le SPC en tirait la conclusion qu'il avait à juste titre retenu une pension alimentaire de 500.- CHF/mois du 1er décembre 2019 au 30 avril 2021 et une pension annuelle de CHF 12'000.- dès le 1er mai 2022 (recte : 2021).

Le SPC estimait par ailleurs que des versements antérieurs à juin 2021 avaient pu être effectués de main à main, même postérieurement au 2 juin 2020, date à partir de laquelle l'intéressée apportait la première preuve, dans le cadre de son opposition du 25 avril 2022, d'un versement de CHF 400.- sur son compte postal.

De surcroît, en dépit des versements mensuels de CHF 400.- figurant sur les relevés postaux de l'intéressée entre le 2 juin et le 3 septembre 2020, la prise en compte d'une contribution d'entretien mensuelle de CHF 500.- dans le calcul des prestations du 1er décembre 2019 au 30 avril 2021 ne paraissait pas excessive, dès lors qu'une contribution d'entretien correspondant au double de cette somme avait été fixée dans le jugement du TPI du 11 mai 2021, laissant supposer que M. F______ était vraisemblablement en mesure de verser une somme mensuelle supérieure à CHF 400.- (voire à CHF 500.-) à son fils sans entamer son minimum vital.

Le SPC a fait remarquer que l'intéressée aurait pu éviter que la demande de restitution du 29 mars 2022 soit aussi importante en l'avisant à temps des contributions d'entretien qu'elle percevait pour D______, conformément à son obligation de renseigner. Or, le jugement du TPI du 11 mai 2021 ne lui avait été transmis qu’en date du 3 février 2022 et ce, alors même que toute pension alimentaire potentielle avait été supprimée du calcul des prestations dès le 1er décembre 2019 (cf. décision du 18 décembre 2019) dans l'attente de l'issue des démarches alors attestées aux fins d'obtenir la fixation d'une contribution d'entretien pour D______. L'intéressée ne pouvait pas ignorer que ce jugement occasionnerait une correction rétroactive du calcul de ses prestations et qu'elle était tenue d'en informer l'autorité sans délai. L'intéressée n'avait pas non plus averti le SPC des versements que M. F______ effectuait déjà en faveur de son enfant, avant qu'une action alimentaire ne fût intentée à son encontre.

E. a. Par acte du 29 août 2022, l'intéressée a interjeté recours contre la décision sur opposition du 24 juin 2022 un recours (enregistré sous le numéro de cause A/2726/2022) en concluant, sous suite de frais et dépens, à ce qu’il soit constaté qu’elle n’a reçu pour D______ aucune contribution d'entretien pour la période du 1er décembre 2019 au 31 mai 2020, et une contribution de CHF 400.- du 1er juin au 30 septembre 2020.

La recourante allègue que M. F______ n'a commencé à lui verser une contribution d'entretien de 400.- CHF/mois qu'à partir de juin 2020, comme l'attestent les extraits de son compte postal, augmentée à 500.- CHF/mois à compter d’octobre 2020.

Elle fait valoir qu'aucun élément ne démontre qu'elle aurait reçu une contribution alimentaire du 1er décembre 2019 au 31 mai 2020. L'intimé se base sur un allégué de M. F______ qui ressort du jugement du TPI du 11 mai 2021, dans lequel il est mentionné que le père a déclaré avoir versé CHF 400.- dès la séparation. Cependant, le TPI n'a pas confirmé ce fait. Par conséquent, il faut faire abstraction de toute contribution d'entretien pour la période s'étendant du 1er décembre 2019 au 31 mai 2020.

En ce qui concerne la période du 1er juin au 30 septembre 2020, la recourante s'étonne que l'intimé, sans preuve, affirme que des versements ont été effectués de main en main et qu'il prenne en compte une pension de CHF 500.- alors que, selon les décomptes bancaires, elle n'a reçu que CHF 400.-, grâce à un accord extra-judiciaire.

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 14 septembre 2022, a conclu au rejet du recours.

c. Le 10 octobre 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions.

F. a. Une audience d'enquêtes s'est tenue le 13 octobre 2022 (dans les causes A/279/2022 et A/2726/2022).

M. F______, père de D______, a déclaré avoir versé pour son fils D______ d'abord CHF 400.-, puis CHF 500.-, puis 1'000.- CHF/mois, sans pouvoir se souvenir des dates exactes. Le plus souvent, il avait agi par versement postal, mais aussi, quelquefois, de main à main. La recourante a démenti ces propos, alléguant qu’il ne lui avait rien versé avant juin 2020. Sur quoi, M. F______ a répété qu'il ne se souvenait pas exactement des dates, mais qu'il avait conservé les quittances chez lui.

L'intimé s'est, de son côté, référé aux p. 4 et 8 du jugement du 11 mai 2021, dont il ressort que M. F______ a indiqué verser 500.- CHF/mois, fait qui a été admis dans son principe, mais contesté quant à sa régularité.

La Cour de céans a relevé qu’il ressort de la p. 2 de ce même jugement qu’il a été indiqué, lors d'une audience du 15 septembre 2020, que M. F______ avait versé 400.- CHF/mois pour D______ et qu'il était prêt à augmenter cette somme à 500.- CHF/mois.

L'intimé a expliqué que s'il a retenu un montant de CHF 500.- depuis décembre 2019, c'est parce qu’à compter de ce moment-là, le TPI a fixé le montant de la contribution à 1000.- CHF/mois. Il ne lui paraissait donc pas excessif de retenir la moitié.

La recourante a maintenu n'avoir rien reçu du 1er décembre 2019 au 31 mai 2020, puis seulement CHF 400.- du 1er juin au 30 septembre 2020.

À l'issue de l’audition du père de D______, un délai a été imparti à l’intéressée pour transmettre à la Cour de céans tous les justificatifs des versements effectués en faveur de son fils.

S’agissant des contributions concernant C______ et B______, la recourante a déclaré que le montant fixé et réclamé à leur père équivalait à environ 45.- CHF/mois par enfant. Le père avait contesté la décision, plus particulièrement le montant qui lui était réclamé à titre rétroactif, au motif qu'il aurait déjà payé plus que ce qu'il devait. Une procédure était en cours, dont elle ignorait combien de temps elle durerait. Elle avait mandaté sur place un avocat qui assistait sa mère, Madame G______. Elle avait produit en pièce 3 un document du Tribunal qui attestait des dites démarches. Selon elle, son ex-mari fait tout pour gagner du temps. Il a fait défaut plusieurs fois aux convocations du Tribunal. En attendant l'issue de la procédure, le versement rétroactif n'est pas intervenu, en raison de l'effet suspensif.

L'intimé a indiqué se baser sur le jugement bolivien qui fait état de 700.‑ bolivianos pour les deux enfants, ce qui correspond au montant de CHF 45.- par enfant environ. Pour le surplus, il a souligné une fois encore que, si l’on excluait ces montants des calculs, la recourante s'exposerait à une demande en restitution importante lorsque la pension viendrait à lui être versée.

La recourante a indiqué ne plus contester ni les gains de son activité lucrative, ni la prise en compte des primes d'assurance-maladie.

Enfin, l'intimé a rendu la recourante attentive au fait que, s'agissant des mois durant lesquels elle indique n'avoir rien reçu pour D______, il pourrait prendre en compte les montants maximums avancés par le service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires (ci-après : SCARPA), soit CHF 8'076.- par année.

b. Le 20 octobre 2022, M. F______ a produit les copies des récépissés attestant de versements qu'il avait effectués.

c. Le 2 novembre 2022, à la demande de la Cour de céans, Me CECCONI, conseil de D______ dans la procédure par-devant le TPI, a transmis la copie des procès‑verbaux des audiences des 15 septembre 2020 et 12 janvier 2021.

d. Par écriture du 16 novembre 2022, l'intimé a persisté dans ses conclusions dans la cause A/2726/2022.

Il soutient que les procès-verbaux des audiences des 15 septembre 2020 et 12 janvier 2021 n'apportent pas d'élément nouveau permettant de compléter ou éclaircir la teneur du jugement du TPI du 11 mai 2021 quant aux contributions d'entretien versées par M. F______ en faveur de D______, durant les périodes où le montant et/ou le versement est contesté par la recourante, du 1er décembre 2019 au 30 septembre 2020.

Il en va de même des récépissés postaux, à l'exception de deux d'entre eux concernant l'année 2019, qui font chacun état d'un versement de CHF 1'000.- et portent, l'un, la date du 15 août 2019, l'autre, le tampon partiellement illisible « 9.19-10 » apportant la preuve d'un versement en septembre 2019, les deux versements en question étant intervenus antérieurement aux périodes litigieuses, et a priori, antérieurement à la séparation de la recourante et de M. F______.

Le nom du destinataire de ces deux versements « B______ » n'est toutefois pas celui de la recourante, et le compte postal crédité mentionné sur les deux récépissés est celui du fils aîné de la recourante, B______, qui n'est pas le fils de M. F______. Les causes des deux versements de CHF 1'000.- effectués en 2019 par M. F______ sur le compte postal de B______ restent floues et le lien entre ces sommes et l'entretien de D______ n'est pas manifeste en l'état.

e. Par écriture du 28 novembre 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions en dans la cause A/2726/2022.

Elle affirme que, contrairement aux dires de l'intimé, il ne ressort pas du jugement du TPI du 11 mai 2021 qu'elle a reconnu avoir reçu une pension alimentaire de M. F______ avant juin 2020. Si le père a effectivement déclaré devant le TPI avoir versé, depuis la séparation, 500.- CHF/mois en faveur de D______, d’abord de main à main, puis par virements bancaires, il n’est pas mentionné que la mère aurait confirmé ces allégations. Le TPI a retenu que le principe des versements de CHF 500.- avait été admis par la recourante durant la procédure, ce qu'elle ne conteste pas. Par contre, le jugement ne précise pas la date à partir de laquelle le principe des versements de CHF 500.- a été admis.

La recourante rappelle avoir reconnu, lors de l'audience du 15 septembre 2020, qu'à cette période, soit après juin 2020, elle recevait 400.- CHF/mois de M. F______, comme elle l'a exposé dans son recours du 29 août 2022. En outre, il ressort du procès-verbal de l'audience du 12 janvier 2021 que les parties n'ont pas fait mention de contributions d'entretien déjà versées à l'époque de cette audience. Elle en tire la conclusion qu'on ne peut retenir qu'elle a reconnu devant le TPI avoir reçu de M. F______ une contribution d'entretien avant juin 2020, ni que le TPI l'a établi.

Quant aux récépissés postaux, seuls deux d'entre eux, datés du 15 août 2019, respectivement de septembre 2019 concernent des versements antérieurs à juin 2020. Or, ces deux documents attestent de deux versements de CHF 1'000.- en faveur de B______, sans rapport avec l'entretien de D______. Il s'agit du remboursement d'un prêt de CHF 2'000.- que le fils aîné a accordé à M. F______ pour la rénovation d'un appartement en Espagne.

f. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25) concernant les PCFam au sens de l’art. 36A LPCC en vigueur depuis le 1er novembre 2012.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Selon l’art. 1A al. 2 LPCC, les PCFam sont régies par les dispositions figurant aux titres IIA et III de la LPCC (let. a), les dispositions de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI du 6 octobre 2006 (loi sur les prestations complémentaires ; LPC ‑ RS 831.30) auxquelles la LPCC renvoie expressément, les dispositions d'exécution de la loi fédérale désignées par règlement du Conseil d'État (let. b) et la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830) ainsi que ses dispositions d'exécution (let. c).

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où les recours (des 25 janvier et 29 août 2022) ont été interjetés postérieurement au 1er janvier 2021, ils sont soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.             Interjetés dans les forme (art. 61 let. b LPGA) et délai prévus par la loi (art. 56 al. 1 et 60 LPGA ; art. 43 LPCC), compte tenu de la suspension des délais pendant la période du 18 décembre au 2 janvier inclusivement (art. 38 al. 4 let. c LPGA ; art. 43B let. c LPCC) s'agissant du recours formé le 25 janvier 2022 contre la décision sur opposition du 9 décembre 2021 (cause A/279/2022), et compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA ; art. 43B let. b LPCC) s’agissant du recours du 29 août 2022 contre la décision sur opposition du 24 juin 2022 (cause A/2726/2022), les recours sont recevables, sous réserve de ce qui fait l'objet du considérant 6.2 ci‑dessous.

5.              

5.1 Aux termes de l'art. 70 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

5.2 En l'occurrence, les questions juridiques qui se posent dans les deux recours interjetés (causes A/279/2022 et A/2726/2022) opposant les mêmes parties, sont identiques. Partant, il se justifie de joindre ces deux causes sous le numéro de procédure A/279/2022.

6.              

6.1 En procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent en principe être examinés et jugés que les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement d'une manière qui la lie sous la forme d'une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l’objet de la contestation qui peut être déféré en justice par la voie d'un recours. Le juge n'entre donc pas en matière, sauf exception, sur des conclusions qui vont au-delà de l’objet de la contestation (ATF 144 II 359 consid. 4.3 et les références ; ATF 134 V 418 consid. 5.2.1 et les références).

6.2 En l'espèce, dans la décision sur opposition du 9 décembre 2021, qui détermine l'objet de la contestation, l'intimé a tenu compte d'une pension alimentaire potentielle pour D______ du 1er mai au 30 novembre 2019, et de pensions alimentaires pour B______ et C______ dès le 1er mai 2019. Dès lors, la conclusion de la recourante tendant à l'exclusion des pensions alimentaires pour B______ et C______ dès le 1er juin 2018 est irrecevable en tant qu’elle concerne la période du 1er juin 2018 au 30 avril 2019 (cause A/279/2022), sur laquelle ne portent pas les décisions litigieuses.

Ceci étant dit, au vu des conclusions et motifs des recours, le litige porte uniquement sur le point de savoir si c'est à juste titre que l'intimé a tenu compte de pensions alimentaires pour B______ et C______ (CHF 1'210.80) dès le 1er mai 2019, et d'une pension alimentaire hypothétique pour D______ (CHF 8'076.-) du 1er mai au 30 novembre 2019 (cause A/279/2022), et exigé la restitution de PCFam résultant notamment de la prise en compte d'une pension alimentaire pour D______ de CHF 6'000.- du 1er décembre 2019 au 30 avril 2021 et de CHF 12'000.- du 1er mai 2021 au 31 mai 2022 (cause A/2726/2022).

7.              

7.1 La couverture des besoins vitaux en matière d’assurance-vieillesse et survivants et d’invalidité est une tâche incombant conjointement à la Confédération et aux cantons (art. 112a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101).

Ce principe se trouve concrétisé par l’art. 2 al. 1 LPC, selon lequel la Confédération et les cantons accordent aux personnes qui remplissent les conditions fixées aux art. 4 à 6 LPC des prestations complémentaires destinées à la couverture des besoins vitaux.

L’art. 2 al. 2 phr. 1 LPC prévoit en outre que les cantons peuvent allouer des prestations allant au-delà de celles qui sont prévues par la LPC et fixer les conditions d’octroi de ces prestations. Ils disposent d’une entière autonomie pour prévoir et régler des aides supplémentaires, pour le financement desquelles, toutefois, ils ne reçoivent pas de contributions de la Confédération ni, en vertu de l’art. 2 al. 2 phr. 2 LPC, ne peuvent percevoir de cotisations patronales (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, 2015, n. 1 ss ad art. 2 LPC).

7.2 Le canton de Genève prévoit ainsi deux types de prestations sociales, en complément ou en marge des prestations complémentaires prévues par la LPC, ciblant deux catégories distinctes de bénéficiaires : d’une part, les personnes âgées, les conjoints ou partenaires enregistrés survivants, les orphelins et les invalides – bénéficiaires pouvant prétendre le cas échéant au versement de prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité (art. 1 al. 1 et 2 à 36 LPCC) –, d’autre part, les familles avec enfant(s) – bénéficiaires pouvant cas échéant prétendre au versement de prestations complémentaires cantonales pour les familles, appelées prestations complémentaires familiales (art. 1 al. 2 et 36A à 36I LPCC ; ATAS/783/2022 du 9 septembre 2022 consid. 5.2).

8.              

8.1 L'art. 1 al. 2 LPCC prévoit que les familles avec enfant(s) ont droit à un revenu minimum cantonal d'aide sociale, qui leur est garanti par le versement de prestations complémentaires cantonales pour les familles (ou PCFam).

8.2 Ont ainsi droit aux PCFam, selon l'art. 36A al. 1 LPCC dans sa teneur depuis le 1er août 2020, les personnes qui, cumulativement, ont leur domicile et leur résidence habituelle sur le territoire de la République et canton de Genève depuis cinq ans au moins au moment du dépôt de la demande de prestations (let. a) ; vivent en ménage commun avec des enfants de moins de 18 ans, respectivement 25 ans si l'enfant poursuit une formation donnant droit à une allocation de formation professionnelle au sens de l'art. 3 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les allocations familiales du 24 mars 2006 (let. b) ; exercent une activité lucrative salariée (let. c) ; ne font pas l'objet d'une taxation d'office par l'administration fiscale cantonale (let. d) et répondent aux autres conditions prévues par la LPCC (let. e).

8.3 Le montant annuel des PCFam correspond à la part des dépenses reconnues au sens de l'art. 36F LPCC qui excède le revenu déterminant au sens de l'art. 36E LPCC, mais ne doit pas dépasser le montant prévu à l'art. 15 al. 2 LPCC (art. 36D al. 1 LPCC). Les dépenses reconnues et les revenus déterminants des membres du groupe familial sont additionnés (art. 36D al. 2 LPCC).

9.              

9.1 Les PCFam ont été introduites dans la législation genevoise par une loi du 11 février 2011 modifiant la LPCC, dès le 1er novembre 2012. L'exposé des motifs du projet de loi considéré (ci-après : PL 10600) comporte notamment l'explication suivante à leur sujet : « Ce projet de loi vise précisément à améliorer la condition économique des familles pauvres. La PCFam qui leur est destinée, ajoutée au revenu du travail, leur permettra d'assumer les dépenses liées à leurs besoins de base. Grâce au caractère temporaire de cette aide financière et aux mesures d'incitation à l'emploi qu'elle associe, le risque d'enlisement dans le piège de l'aide sociale à long terme et de l'endettement sera largement écarté. En effet, le revenu hypothétique étant pris en compte dans le calcul des prestations, il constitue un encouragement très fort à reprendre un emploi ou augmenter son taux d'activité » (MGC 2009-2010 III A 2828 ; ATAS/161/2021 du 18 février 2021 consid. 8a).

9.2 La prise en compte de revenus potentiels pour déterminer le droit aux PCFam est prévue dans plusieurs situations, dans le but d'inciter les requérants et bénéficiaires de PCFam à faire usage de leurs possibilités de se procurer des revenus et de conférer à ces prestations un caractère subsidiaire (cf. art. 36E al. 2 et 3 LPCC lorsque les adultes composant le groupe familial n'exercent une activité lucrative qu'à temps partiel ou que l'un d'eux n'en exerce pas). Cela n'est d'ailleurs pas propre aux seules PCFam. Selon l'art. 11 LPC, auquel l'art. 36E al. 1 LPCC renvoie pour le calcul du revenu déterminant, les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s'est dessaisi sont compris dans les revenus déterminants (art. 11 al. 1 let. g LPC ‒ abrogé avec effet au 1er janvier 2021 [RO 2020 585] ; cf. art. 11a LPC en vigueur depuis le 1er janvier 2021). Aussi l'art. 19 al. 1 du règlement relatif aux prestations complémentaires familiales du 27 juin 2012 (RPCFam - J 4 25.04) prévoit-il que lorsqu'un ayant droit ou un membre du groupe familial renonce à des éléments de revenus ou renonce à faire valoir un droit à un revenu, il est tenu compte d'un revenu hypothétique, conformément à l'art. 11 al. 1 let. g LPC (ATAS/161/2021 précité consid. 8b).

9.3 Selon l'art. 36E al. 6 LPCC, lorsque l'ayant droit, son conjoint ou son partenaire enregistré renonce à faire valoir un droit à une pension alimentaire, pour lui-même ou en faveur d'un enfant, il est tenu compte d'une pension alimentaire hypothétique, dont le montant correspond aux avances maximales prévues par la législation cantonale en matière d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires.

L'exposé des motifs du PL 10600 commente cette disposition comme suit :

« En vertu de l'article 11 de la loi fédérale, applicable par le renvoi de l'article 36E, alinéa 1, il faut considérer comme revenus tous les éléments de revenu et de fortune auxquels il a été renoncé, y compris la pension alimentaire. Si une telle pension est fixée par jugement, son montant sera intégré dans le calcul de la prestation. Dans un but incitatif, la présente disposition exige la prise en compte d'une pension alimentaire hypothétique lorsque la personne renonce à en faire fixer une par jugement ou qu'elle renonce à exiger le paiement de sa pension et ne s'adresse pas non plus au SCARPA. Dans ces cas, le calcul de sa prestation complémentaire familiale prendra en compte une pension hypothétique de CHF 673.- par mois et par enfant et de CHF 833.- par mois pour le conjoint. Cette disposition ne sera bien entendu pas applicable lorsque le créancier d'une pension alimentaire est dans l'impossibilité de la réclamer (par exemple lorsque le débiteur est parti pour une destination inconnue) » (MGC 2009-2010 III A 2852 ; ATAS/161/2021 précité consid. 8c).

9.4 L'art. 19 al. 2 RPCFam donne des indications sur le montant à intégrer dans le revenu du groupe familial, à titre de revenu hypothétique, dans deux hypothèses, à savoir celle dans laquelle une contribution d'entretien est due par les parents en vertu du code civil suisse à un ayant droit sous contrat d'apprentissage, âgé de moins de 25 ans, vivant dans son propre ménage (let. a), et celle d'un jeune adulte âgé de plus de 16 ans, mais de moins de 18 ans, ne poursuivant aucune formation ou études (let. b).

Cette disposition porte sur des situations qui ne font pas l'objet de la présente procédure.

9.5 Le règlement d’application de la loi sur l’avance et le recouvrement des pensions alimentaires du 2 juin 1986 dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 2009 au 5 avril 2022 (RARPA - E 1 25.01), auquel y est notamment fait référence à l’art. 36E al. 6 LPCC, prescrit, à son art. 4 al. 1, que le montant de l'avance en faveur d'un enfant correspond à celui de la pension fixée par le jugement ou la convention, mais au maximum à CHF 673.- par mois et par enfant. L'art. 2 al. 1 RARPA, dans sa teneur en vigueur depuis le 6 avril 2022, prévoit que le montant de l'avance en faveur d'un enfant correspond à celui de la pension fixée par le titre d'entretien, mais au maximum à CHF 673.- par mois et par enfant.

9.6 Dans un arrêt ATAS/783/2022 du 9 septembre 2022, la Cour de céans a considéré que l’art. 36E al. 6 LPCC constitue uniquement une lex specialis par rapport à l’art. 11 al. 1 let. g LPC en ce qui concerne le montant à prendre en considération – forfaitaire dans le cas des PCFam et calculé en fonction de la capacité contributive du débiteur en matière de prestations complémentaires fédérales –, la question de savoir s’il y a renonciation à une contribution alimentaire se déterminant de manière identique dans les deux cas.

9.7 Selon la jurisprudence fédérale relative à la prise en compte des pensions alimentaires dues à des assurés requérant des prestations complémentaires, le revenu déterminant le droit aux prestations complémentaires revenant à une femme séparée ou divorcée comprend les contributions d'entretien qui ont fait l'objet de la convention relative aux effets accessoires du divorce ou qui ont été fixées par le juge, sans égard au fait que ces contributions sont ou non effectivement versées par le mari ou l'ex-conjoint. C'est uniquement dans les cas où le caractère irrécouvrable de la créance en paiement des contributions alimentaires est établi que de telles contributions ne sont pas prises en compte dans le revenu déterminant. En règle générale, on considère qu'une créance en paiement des contributions alimentaires est irrécouvrable seulement lorsque son titulaire a épuisé tous les moyens de droit utiles à son recouvrement (arrêts du Tribunal fédéral P.55/06 du 22 octobre 2007 ; P.12/01 du 9 août 2001, avec réf. à RCC 1991 p. 143ss).

On peut toutefois s'écarter de cette règle – et admettre le caractère irrécouvrable d'une créance même en l'absence de démarches en vue de son recouvrement – s'il est clairement établi que le débiteur n'est pas en mesure de faire face à son obligation (arrêt du Tribunal fédéral P.68/02 du 11 février 2004). Un tel fait peut ressortir en particulier d'une attestation officielle (établie par exemple par l'autorité fiscale ou par l'office des poursuites) relative au revenu et à la fortune du débiteur de la pension alimentaire (Pra 1998 Nr 12 p. 72 consid. 4 ; SVR 1996 EL 20 p. 59 consid. 4 et les arrêts cités). En effet, lorsque sur la base de ces preuves, il peut être établi que les pensions alimentaires sont irrécouvrables pour leur titulaire, on ne saurait exiger de sa part qu'il entreprenne une procédure de recouvrement, voire un procès civil, dans la mesure où ces démarches apparaîtraient comme dénuées de sens et ne changeraient, selon toute vraisemblance, rien au caractère irrécouvrable de la prétention. La preuve du caractère irrécouvrable de la créance incombe au bénéficiaire de prestations complémentaires ; toutefois, pour établir les faits permettant d'admettre l'absence ou le manque partiel de revenu ou de fortune déterminants, il y a lieu de se fonder sur la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale (ATF 121 V 204 consid. 6).

10.         Selon l'art. 24 al. 1 RPCFam, en lien avec l'art. 36I LPCC, la prestation complémentaire annuelle doit être augmentée, réduite ou supprimée : lorsque les dépenses reconnues, les revenus déterminants et la fortune subissent une diminution ou une augmentation pour une durée qui sera vraisemblablement longue ; sont déterminants les dépenses nouvelles et les revenus nouveaux et durables, convertis sur une année, ainsi que la fortune existant à la date à laquelle le changement intervient (let. c).

Selon l'art. 24 al. 2 RPCFam, la nouvelle décision doit porter effet dès la date suivante : dans les cas prévus par l'al. 1 let. c, dès le début du mois au cours duquel le changement a été annoncé, mais au plus tôt à partir du mois dans lequel celui-ci est survenu et au plus tard dès le début du mois qui suit celui au cours duquel la nouvelle décision a été rendue ; la créance en restitution est réservée lorsque l'obligation de renseigner a été violée (let. d).

11.         Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

12.          

12.1 En l'espèce, l'intimé a retenu, dans ses calculs, des pensions alimentaires pour B______ et C______ de CHF 1'210.80 au total dès le 1er mai 2019, et une pension alimentaire hypothétique pour D______ de CHF 8'076.- du 1er mai au 30 novembre 2019 (cause A/279/2022), ainsi qu'une pension alimentaire pour D______ de CHF 6'000.- du 1er décembre 2019 au 30 avril 2021 et de CHF 12'000.- du 1er mai 2021 au 31 mai 2022 (cause A/2726/2022).

12.2 Il ressort de la traduction en français de la demande de versement de la contribution financière déposée à la Cour supérieure de justice du district de Santa Cruz en Bolivie le 3 mai 2018 (dossier intimé pièce 16) que le père de B______ et C______ ne s'est pas acquitté de son obligation de verser la contribution d'entretien en faveur de ses deux enfants, ce qui a motivé cette demande de versement pour un montant total de 62'300.- bolivianos (89 mois à raison de 700.‑ bolivianos) pour la période du 1er novembre 2010 au 1er avril 2018, antérieure à la période ici litigieuse (qui débute le 1er mai 2019).

Le montant de CHF 1'210.80 retenu par l'intimé correspond à la contre-valeur annuelle de 700 bolivianos par mois (soit CHF 100.90 pour les deux enfants [dossier intimé pièce 11] × 12 mois = 1'210.80).

Quand bien même, lors de l'audience du 13 octobre 2022, la recourante a déclaré que la procédure [auprès de la Cour supérieure de justice du district de Santa Cruz] était encore en cours et que son ex-époux, le père de B______ et C______, contestait le montant rétroactif qui lui était réclamé, force est de constater qu'elle n'a produit aucun document émanant des autorités fiscales ou de poursuites en Bolivie attestant que le père n'est pas en mesure de remplir son obligation d'entretien envers B______ et C______. Aux dires mêmes de la recourante, son ex-époux a été condamné lors de leur divorce [en décembre 2009] à verser des pensions mensuelles de 350.- bolivianos par enfant.

La recourante n'a donc pas démontré le caractère irrécouvrable de la contribution à l'entretien de B______ et C______.

Ceci étant, on rappellera qu’en droit suisse, contrairement à l'enfant majeur dont le droit à l'entretien dépend de la réalisation des conditions de l'art. 277 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) et revêt ainsi un caractère exceptionnel, l'enfant mineur se voit conférer par la loi un droit à l'entretien de la naissance jusqu'à la majorité (art. 277 al. 1 CC ; ATF 137 III 586 consid. 1.2) ‒ fixée à 18 ans révolus (art. 14 CC). L'obligation d'entretien des père et mère à l'égard de leur enfant majeur, prévue par l'art. 277 al. 2 CC, dépend expressément de l'ensemble des circonstances et notamment des relations personnelles entre les parties (arrêt du Tribunal fédéral 5A_129/2021 du 31 mai 2021 consid. 3.1).

Or, les pièces au dossier n'indiquent pas la durée de l'obligation d'entretien du père envers B______ et C______, qui avaient 19 ans, respectivement 17 ans, au 1er mai 2019, début de la période ici litigieuse.

En d'autres termes, l'intimé peut inclure dans les calculs les pensions alimentaires pour B______ et C______ dès le 1er mai 2019 pour autant qu'elles soient bien dues par leur père à compter de cette date selon le droit bolivien. Il convient donc d'annuler la décision sur opposition du 9 décembre 2021 et de renvoyer la cause A/279/2022 à l'intimé pour qu'il procède à des investigations complémentaires sur ce point avant de statuer à nouveau.

12.3 En ce qui concerne la pension alimentaire pour D______, il ressort du jugement du TPI du 11 mai 2021 (dossier intimé pièce 149) que le père, M. F______, a notamment été condamné à verser à la recourante (mère), à titre de contribution à l'entretien de D______, outre les allocations familiales ou d'études éventuellement versées, avec effet au prononcé dudit jugement, CHF 1'000.- jusqu'au 31 août 2023 (ch. 4 du dispositif). Le TPI a par ailleurs dit que les contributions d'entretien versées jusqu'au prononcé du jugement demeuraient acquises à la recourante (ch. 5 du dispositif).

Lors d'une audience par-devant le TPI le 15 septembre 2020, le père a déclaré qu'il versait CHF 400.- par mois à la recourante et qu'il était d'accord d'augmenter cette somme à CHF 500.-.

La copie des récépissés produite par M. F______ le 20 octobre 2022, ainsi que les extraits de compte de la recourante confirment que la seconde a reçu du premier : CHF 400.- les 2 juin, 7 juillet, 4 août et 3 septembre 2020, CHF 500.- les 6 octobre, 2 et 30 novembre, 29 décembre 2020, 2 février, 8 mars, 7 avril et 5 mai 2021, CHF 1'000.- les 5 et 27 juillet, 1er septembre, 6 octobre, 15 novembre, 13 et 21 décembre 2021, 3 février et 9 mars 2022.

Dans sa réponse du 26 octobre 2020 à l'action alimentaire du 24 juillet 2020 (dossier intimé pièce 149), M. F______ a allégué avoir payé directement en mains de la recourante des montants variant entre CHF 400.- et CHF 500.- depuis la naissance de D______ et commencé à effectuer des virements postaux au moment où la mère prétendait ne rien recevoir (p. 6).

La recourante conteste avoir reçu une contribution à l'entretien de D______ avant le 2 juin 2020.

En droit suisse, lorsque la filiation a été établie après la naissance, en particulier à la suite d'une action en paternité (art. 261ss CC) ‒ comme en l'espèce, M. F______ a reconnu son fils D______, né le 20 avril 2019, le 29 août 2019 ‒, le droit à l'entretien remonte à la naissance, mais cet entretien ne peut être réclamé que pour l'année qui précède l'ouverture de l'action (art. 279 al. 1 CC). Une telle solution, qui repose sur le postulat que l'entretien ne peut, en principe, pas être demandé pour le passé (in praeteritum non vivitur), a pour conséquence que le défendeur recherché après des années n'a pas à payer l'entretien rétroactivement jusqu'à la naissance, mais au plus jusqu'à une année avant l'action (arrêt du Tribunal fédéral 5A_ 230/2017 du 21 novembre 2017 consid. 5.3 et les références). La possibilité d'une rétroactivité d'une année vise à laisser le temps à l'enfant de trouver une solution amiable avec le parent débirentier et lui éviter de pâtir du fait qu'il n'agit pas immédiatement à l'encontre de son parent (arrêt du Tribunal fédéral 5A_971/2020 du 19 novembre 2021 consid. 5.2.3.2 et les références).

Le jugement du TPI du 11 mai 2021 n'a pas fait l'objet d'un appel auprès de la Cour de justice. Autrement dit, la recourante a renoncé à une pension alimentaire en faveur de son fils D______ pour la période de juillet 2019, précédant l'ouverture de l'action alimentaire déposée le 24 juillet 2020, au 31 mai 2020.

Au vu de ce qui précède, c'est à tort que l'intimé a pris en compte une pension alimentaire hypothétique de CHF 8'076.- (au sens de l'art. 36E al. 6 LPCC en lien avec l'art. 4 al. 1 RARPA) pour les mois de mai et juin 2019, puisque le père ne peut être condamné à verser une contribution à l'entretien de D______ pour cette période.

Par contre, c'est à juste titre que l'intimé a tenu compte d'une pension alimentaire hypothétique de CHF 8'076.- de juillet à novembre 2019, étant relevé que le montant retenu par l'intimé à ce titre du 1er décembre 2019 au 31 mai 2020 (CHF 6'000.-, inférieur à CHF 8'076.-) est favorable à la recourante.

Pour la période de juin à septembre 2020, dans la mesure où le juge civil a condamné M. F______ à verser une contribution alimentaire de CHF 1000.- avec effet au jour du prononcé du jugement le 11 mai 2021 (et non pas à partir du mois du prononcé du jugement), jusqu'au 31 août 2023 (pour ce montant-ci), et dit que les contributions d'entretien versées jusqu'au prononcé du jugement demeuraient acquises à la recourante, on peut admettre qu'il a approuvé les contributions d'entretien versées par M. F______ en faveur de l'enfant D______ jusqu'au 11 mai 2021. Dès lors que la recourante a reçu à ce titre 400.- CHF/mois de juin à septembre 2020, et 500.- CHF/mois d'octobre 2020 au 5 mai 2021, soit avant le prononcé du jugement, l'intimé aurait dû comptabiliser dans ses calculs un montant de CHF 4'800.- (400.- × 12) et non pas de CHF 6'000.- (500.- × 12) de juin à septembre 2020, et un montant de CHF 6'000.- et non pas de CHF 12'000.- pour le mois de mai 2021, étant précisé que c'est à juste titre qu'il a tenu compte d'une pension alimentaire de CHF 6'000.- d'octobre 2020 à avril 2021, et de CHF 12'000.- de juin 2021 à mai 2022.

L'intimé devra donc revoir ses calculs conformément au consid. 12.3 ci-dessus.

13.         En conséquence, les recours sont partiellement admis, les décisions sur oppositions des 9 décembre 2021 et 24 juin 2022 annulées et les causes A/279/2022 et A/2726/2022 renvoyées à l'intimé pour qu'il statue à nouveau dans le sens des considérants.

14.         La recourante, représentée par le service juridique de CARITAS GENÈVE, a droit à une indemnité de procédure à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]), fixée à CHF 2'000.-.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

Préalablement :

1.        Ordonne la jonction des causes A/279/2022 et A/2726/2022 sous le numéro de procédure A/279/2022.

À la forme :

2.        Déclare irrecevable la conclusion de la recourante en tant qu'elle porte sur l'exclusion des pensions alimentaires pour les enfants B______ et C______ du 1er juin 2018 au 30 avril 2019 (cause A/279/2022).

3.        Déclare les recours recevables pour le surplus.

Au fond :

4.        Les admet partiellement.

5.        Annule les décisions sur oppositions des 9 décembre 2021 et 24 juin 2022.

6.        Renvoie les causes à l'intimé pour qu'il statue à nouveau dans le sens des considérants.

7.        Alloue à la recourante une indemnité de CHF 2'000.- à titre de dépens, à la charge de l'intimé.

8.        Dit que la procédure est gratuite.

9.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF ‑ RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

Christine RAVIER

 

La présidente

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le