Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/4146/2021

ATAS/449/2022 du 28.04.2022 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4146/2021 ATAS/449/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 28 avril 2022

3ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié c/o Mme B______, à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Sébastien LORENTZ

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


 

 

EN FAIT

 

A. a. En avril 2015, Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1968, a déposé une demande de prestations auprès de l’office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI).

b. Dans le cadre de l’instruction du dossier, une expertise pluridisciplinaire comportant des volets cardiologique, psychiatrique, neurologique et un examen neuropsychologique a été effectué à la polyclinique médicale universitaire (PMU) de Lausanne en date du 6 février 2018. Il a été conclu que l’analyse ne permettait pas de valider une atteinte psychiatrique sévère telle que postulée dans le dossier médical. Seule une symptomatologie dépressive légère pouvait être retenue, susceptible, s’agissant d’une activité hautement exigeante sur le plan intellectuel, d’infléchir légèrement le rendement de l’assuré, à hauteur de 20%.

c. Le 20 mars 2018, l’OAI a adressé à l’assuré un projet de décision dont il ressortait qu’il se proposait de lui nier le droit à toute prestation.

d. L’assuré a alors produit de nouvelles pièces médicales faisant état d’une aggravation de son état de santé, notamment psychique, raison pour laquelle l’OAI a repris l’instruction du dossier.

e. Le 17 décembre 2020, le Service médical régional de l’AI (SMR) a retenu qu’une expertise psychiatrique avec bilan neuropsychologique incluant des tests de validation des symptômes était nécessaire, un examen neuropsychologique du 22 octobre 2020 ayant montré une amplification ne permettant pas au SMR de suivre les conclusions du psychiatre traitant.

f. Par communication du 8 février 2021, l’OAI en a informé l’assuré.

g. Celui-ci a contesté le principe même de l’expertise par courrier du 10 mars 2021.

h. Le 24 février 2021, l’assuré a été convoqué pour un rendez-vous fixé au 16 mars 2021, auquel il n’a pu se rendre car hospitalisé la veille.

i. Le 27 août 2021, l’OAI a informé l’assuré que l’examen de son droit aux prestations nécessitait une expertise médicale psychiatrique dont il entendait confier le mandat au docteur C______. Un délai de douze jours était accordé à l’assuré pour faire parvenir à l’OAI d’éventuelles questions supplémentaires et/ou motifs pertinents de récusation.

j. Le 29 septembre 2021, l’assuré a été convoqué pour une expertise fixée au 2 novembre 2021.

k. Le 19 octobre 2021, l’assuré a demandé la récusation de l’expert.

l. Par décision incidente du 25 octobre 2021, l’OAI a rejeté cette demande, considérée comme intervenue tardivement. Il a maintenu l’expertise auprès du médecin désigné.

m. Par courrier du 11 novembre 2021, l’expert a informé l’OAI que, contre toute attente, l’assuré s’était présenté au rendez-vous prévu le 2 novembre 2021 pourtant annulé, porteur d’un courrier de son avocat dont l’expert indiquait qu’il concluait que les conditions pour réaliser l’expertise n’étaient plus remplies. Il se récusait dès lors définitivement dans ce dossier.

B. a. Par écriture du 6 décembre 2021, l’assuré a interjeté recours contre la décision du 25 octobre 2021 en concluant à son annulation ; à ce qu’il soit dit et constaté que l’OAI doit prendre en compte l’ensemble de ses problèmes de santé, en particulier ses problèmes cardiaques ; à ce qu’il soit dit et constaté qu’aucune expertise n’était nécessaire à l’évaluation de sa capacité de travail et à ce qu’il soit dit et constaté que sa capacité de travail dans une activité adaptée est de 20 à 30% et lui ouvre droit à une rente de trois-quarts.

En substance, le recourant fait valoir que deux atteintes à la santé ont été identifiées par ses médecins traitants, l’une psychiatrique, l’autre cardiaque. Au début de l’instruction de sa demande, les problèmes cardiaques étaient secondaires, la principale atteinte étant d’ordre psychiatrique. Selon lui, ces atteintes ne sont pas complexes et sont très bien délimitées. Jusqu’au 20 mars 2018, son état de santé a été fluctuant ; il s’est dégradé depuis lors (ses problèmes cardiaques sont notamment devenus plus fréquents).

Le recourant allègue que ses médecins sont opposés à une expertise psychiatrique en raison des risques cardiovasculaires que celle-ci lui ferait courir, d’autant que la responsabilité civile et pénale « indiscutable » de l’expert serait engagée.

Selon le recourant toujours, les éléments médicaux récents versés au dossier suffisent pour conclure à une atteinte « indiscutable » à sa capacité de travail, même dans une activité adaptée. Une expertise n’est donc pas nécessaire et irait au-delà de ce qui peut raisonnablement être exigé de lui. Ce serait de la « maltraitance institutionnelle ».

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 23 décembre 2021, a conclu au rejet du recours.

S’agissant de l’allégation selon laquelle les médecins de l’assuré s’opposeraient à l’expertise en raison des risques des problèmes cardiovasculaires que celle-ci ferait courir à leur patient, l’intimé fait remarquer que, selon le SMR, d’une part, les pièces médicales produites ne contrindiquent pas un déplacement pour se rendre auprès de l’expert, d’autre part, le cardiologue traitant indiquait que sur le plan cardiologique son patient ne présentait pas de limitation objective l’empêchant de se déplacer. Dès lors, aucun motif médical n’empêche le patient de se rendre et de se soumettre à une expertise psychiatrique.

L’intimé fait remarquer que, dès lors, seule reste litigieuse la question de la nécessité de l’expertise, l’expert s’étant lui-même définitivement récusé. Il relève que, sur le plan somatique, le cardiologue traitant indique, dans son rapport du 5 mars 2019, que le recourant dispose d’une pleine capacité de travail dans toute activité n’exigeant pas d’efforts physiques importants. Le neurologue, quant à lui, retient des incapacités de travail variables, uniquement en lien avec des critères psychiques.

b. Par écriture du 3 février 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Il argue n’avoir pas été informé de l’annulation de l’expertise et s’y être rendu contre l’avis de ses médecins, ce qui démontre sa bonne foi. L’annulation de l’expertise a été reçue dans l’étude de son conseil le 4 novembre 2021 seulement, soit deux jours après l’expertise. Il s’insurge pour le surplus de la durée de l’instruction.

c. Une audience de comparution personnelle s’est tenue en date du 1er mars 2022.

L’assuré a soutenu qu’il lui serait extrêmement difficile de se soumettre à une expertise de plusieurs heures qui, selon lui, engendrera pour lui un stress entraînant un risque vital. Il serait rassuré de pouvoir se rendre chez un expert sis à Genève, accompagné d'une personne de confiance et que l'expertise, plutôt que de durer plusieurs heures, soit fractionnée.

L’intimé a rappelé que l'expert est seul maître de la méthodologie qu'il applique. Pour le reste, il s’est dit ouvert à la désignation d’un expert situé dans le canton ; il appartiendra de décider s'il accepte de fractionner ses entretiens.

À l’issue de l’audience, un délai a été accordé à l’intimé pour soumettre à la Cour un ou plusieurs noms d’experts potentiels susceptibles d’accepter les conditions susmentionnées (notamment le fractionnement de l’examen).

d. Par courrier du 29 mars 2022, l’intimé a proposé le Professeur D______ ou le Dr E______.

e. Par écriture du 14 avril 2022, le recourant a indiqué n’avoir aucun motif de récusation à faire valoir contre l’un ou l’autre et annoncé qu’il se rendrait à l’expertise accompagné d’une personne de confiance.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021, est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la Cour de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 82a LPGA).

4.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

5.              

5.1 En procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent être examinés et jugés, en principe, que les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement, d'une manière qui la lie sous la forme d'une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l'objet de la contestation qui peut être déféré en justice par voie de recours. En revanche, dans la mesure où aucune décision n'a été rendue, la contestation n'a pas d'objet, et un jugement sur le fond ne peut pas être prononcé (ATF 131 V 164 consid. 2.1; ATF 125 V 413 consid. 1a; arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 126/06 du 15 juillet 2007 consid. 3.1). Le juge n'entre donc pas en matière, en règle générale, sur des conclusions qui vont au-delà de l'objet de la contestation (ATF 125 V 413 consid. 1a; arrêt du Tribunal fédéral 8C_164/2009 du 18 mars 2010 consid. 2.1).

5.2 De jurisprudence constante, le juge apprécie en règle générale la légalité des décisions entreprises d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1). Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent en principe faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1; ATF 130 V 130 consid. 2.1). Même s'il a été rendu postérieurement à la date déterminante, un rapport médical doit cependant être pris en considération, dans la mesure où il a trait à la situation antérieure à cette date (cf. ATF 99 V 98 consid. 4 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 9C_259/2018 du 25 juillet 2018 consid. 4.2).

5.3 En l’occurrence, l’objet du litige se limite en réalité à la question du bien-fondé de la décision de l’OAI de déclarer la demande de récusation formulée le 19 octobre 2021 par l’assuré irrecevable pour cause de tardiveté, soit bien au-delà du délai de douze jours qui lui avait été accordé le 27 août 2021, de sorte que la demande de récusation a été formulée tardivement, ce que le recourant ne conteste au demeurant pas. Le recours apparaît dès lors manifestement infondé.

Quoi qu’il en soit, la question de la récusation du Dr C______ est désormais devenue sans objet, le médecin en question ayant depuis lors pris la décision de se récuser lui-même.

Pour le reste, les conclusions du recourant relatives au fond du litige sont irrecevables à ce stade de la procédure.

Au vu des développements intervenus en audience et depuis lors, il convient de renvoyer la cause à l’intimé à charge pour ce dernier de mettre sur pied l’expertise psychiatrique à laquelle le recourant a déclaré être prêt à se soumettre. Dite expertise sera confiée soit au Prof. D______, soit au Dr E______, contre lesquels l’assuré a d’ores et déjà indiqué n’avoir aucun motif de récusation à faire valoir. L’assuré se présentera en temps et heure, accompagné s’il le souhaite d’une personne de confiance, qui sera tenue de ne pas intervenir lors de l’examen. L’expert reste seul maître de la méthodologie qui sera appliquée, mais devra en revanche veiller à fractionner son examen en deux parties au moins.

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Renvoie la cause à l’intimé à charge pour celui-ci de mettre sur pied l’expertise psychiatrique préconisée par le SMR.

4.        Prend acte de l’engagement du recourant de se soumettre à l’examen susmentionné.

5.        Lui rappelle son obligation de collaborer à l’instruction de la cause.

6.        Donne acte aux parties de leur accord de mandater soit le Prof. D______, soit le Dr E______.

7.        Dit que l’expert mandaté devra fractionner son examen en deux parties au moins.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Marie-Catherine SECHAUD

 

La présidente

 

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le