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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3048/2019

ATAS/466/2022 du 13.05.2022 ( LAA ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3048/2019 ATAS/466/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 13 mai 2022

8ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié c/o Mme B______; à Onex, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Manuel MOURO

 

 

recourant

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS, sise Fluhmattstrasse 1; LUCERNE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Jeanne-Marie MONNEY

 

 

intimé

 

EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______, né en 1976, (ci-après l’assuré ou le recourant), travaillait sur des chantiers pour le compte de l’entreprise C______ SA, à Genève. A ce titre, il était assuré auprès de la SUVA contre les accidents professionnels et non professionnels.

b. Le 2 juin 2014, l’assuré a chuté d’un échafaudage.

Les médecins des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) ont diagnostiqué une fracture du pilon tibial et du péroné droits, une fracture complexe du calcanéum gauche et des fractures non déplacées de l’arc antérieur des 8ème et 9ème côtes gauches. Trois ostéosynthèses ont été pratiquées les 2 juin, 20 juin et 23 juin 2014 dans le service d’orthopédie, puis l’assuré a été transféré le 26 juin 2014 à Beau-Séjour pour réadaptation et physiothérapie en piscine. Dans la lettre de transfert du 1er juillet 2014, les médecins ont précisé que le motif d’hospitalisation était une chute d’une hauteur de 5 mètres. Un arrêt de travail à 100% a été prescrit depuis l’accident.

c. La SUVA a pris en charge le cas.

B. a. En raison d’une infection du matériel d’ostéosynthèse avec abcès au niveau du tibia distal droit, l’assuré a été admis en urgence aux HUG le 7 novembre 2014. Des lavages et drainages ont été effectués les 8 et 13 novembre 2014, sous anesthésie générale.

b. Les Drs D______, chef de clinique, unité d’orthopédie et de traumatologie du sport, et E______, médecin adjoint, service de chirurgie orthopédique, indiquaient en mars et avril 2015 que le traitement devait durer de plusieurs mois à un an et que l’incapacité de travail était toujours totale.

c. Le 30 juillet 2015, le matériel d’ostéosynthèse a été retiré du pilon tibial droit. Le 30 novembre 2015, l’assuré a subi une arthrodèse talo-tibiale et sous-talienne droite par clou transplantaire rétrograde.

d. Le 22 décembre 2015, l’assuré a été victime d’un infarctus du myocarde aigu de type STEMI et hospitalisé du 22 décembre au 29 décembre 2015 dans le service de cardiologie des HUG, avec pose d’un stent actif.

e. Dans un rapport du 7 janvier 2016, le Dr F______, chef de clinique, responsable de la consultation du pied et de la cheville, indiquait que l’état de santé n’était pas stabilisé, que le patient était dans l’impossibilité de pratiquer un travail en restant debout et qu’il fallait prévoir un arrêt de travail sur le long terme. Au vu des limitations engendrées par une arthrodèse de l’arrière du pied de la cheville à droite et une probable arthrodèse sous-talienne à gauche, une profession sédentaire comme travail de bureau serait recommandée.

f. Depuis Le 21 janvier 2016, l’assuré est suivi sur le plan psychiatrique par le
Dr G______, psychiatre et psychothérapeute, pour un état dépressif sévère.

g. Le 27 juin 2016, une arthrodèse sous-talienne gauche et AMO du calcanéum ont été pratiquées. Suite au développement d’une pseudarthrose au pied gauche, une reprise chirurgicale a eu lieu le 14 août 2017, pour ablation du matériel et cure de pseudarthrose.

h. Par décision du 13 juillet 2017, l’Office cantonal de l’assurance-invalidité
(ci-après : OAI) a reconnu l’assuré invalide à 100% et l’a mis au bénéfice d’une rente entière d’invalidité dès le 1er juin 2015.

i. L’assuré a bénéficié d’une prise en charge par le service de réadaptation de la Clinique romande de réadaptation (ci-après : CRR), où il a séjourné du
16 mai au 26 juin 2018. Dans son rapport du 3 juillet 2018, la CRR a indiqué qu’une stabilisation médicale était attendue dans un délai de 1 à 3 mois environ et retenu les limitations fonctionnelles définitives suivantes en lien avec les deux chevilles : toutes les positions contraignantes, notamment l’accroupissement, la montée et la descente de manière répétitive des escaliers et/ou échelle, la marche prolongée surtout sur terrain irrégulier et le port de charges moyen entre 15 et 17.5 kg. La capacité de travail dans l’ancienne activité est de 100% pour une longue durée. Le pronostic de réinsertion dans une activité adaptée respectant les limitations fonctionnelles est favorable et une pleine capacité est attendue dans une telle activité. Selon l’orthopédiste, le patient est devenu un douloureux chronique.

j. Le 10 août 2018, le Dr H______, médecin d’arrondissement de la SUVA, a indiqué que l’état de santé était stabilisé le 15 septembre 2018 et que la capacité de travail était de 100% avec réduction du rendement de 20% dans des activités adaptées. Le 16 août, il a précisé qu’il fallait laisser le temps à l’assuré, sur une journée ou sur la semaine de travail, de prendre des pauses à son choix, équivalentes à 20% de son temps de travail effectif, par exemple 24 minutes toutes les deux heures. Il a estimé l’atteinte à l’intégrité à 32,5%. Le
16 novembre 2018, le Dr H______ a indiqué que dans un poste de travail respectant les limitations fonctionnelles, il n’y a pas de perte de rendement.

C. a. Par décision du 28 novembre 2018, la SUVA a informé l’assuré qu’il était à même d’exercer une activité légère dans différents secteurs de l’industrie, à la condition de ne pas trop mettre à contribution sa jambe droite. Une telle activité lui permettrait de gagner un salaire résiduel de l’ordre de CHF 55’425.- ; comparé au gain de CHF 55'001.- réalisable sans l’accident, il n’en résulte pas de perte de gain, de sorte que l’assuré n’a pas droit à une rente d’invalidité. Une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 32,40%, soit CHF 40'824.- lui a été accordée.

 

b. Par l’intermédiaire de son mandataire, l’assuré a formé opposition le
11 janvier 2019.

Il a contesté la capacité de travail retenue par la SUVA, relevant que le médecin d’arrondissement avait indiqué à deux reprises une baisse de rendement de 20% sur le temps de travail effectif, soit la nécessité de prendre des pauses, avant d’affirmer, sans explication, qu’il n’y a pas de perte de rendement dans une activité adaptée. Il contestait également le revenu sans invalidité retenu, dès lors qu’en 2011, son revenu était de CHF 62'824.- et que selon l’assurance-invalidité, il aurait été de CHF 62'416.- en 2016. Il a conclu pour le surplus à l’octroi d’une IPAI de 45%.

c. Par décision du 21 juin 2019, la SUVA a partiellement admis l’opposition de l’assuré. Concernant la capacité de travail, elle a considéré que l’assuré n’avait pas apporté la preuve qu’il serait inapte à œuvrer en plein dans une activité adaptée. Les spécialistes de la CRR avaient estimé que l’interférence de facteurs non médicaux pouvait ralentir le processus de réinsertion. Le salaire sans invalidité retenu est fondé sur les renseignements fournis par l’entreprise C______ pour 2018. S’agissant en revanche de l’atteinte à l’intégrité, le médecin d’arrondissement a procédé à une nouvelle estimation et fixé l’atteinte à 37%, de sorte que l’indemnité correspondant à ce taux sera versée à l’assuré.

D. a. Par acte du 23 août 2019, l’assuré, représenté par son mandataire, a interjeté recours. Il fait valoir que les revenus sans et avec invalidité retenus par l’OAI et la SUVA divergent fortement, sans explication. Il a conclu à l’annulation de la décision querellée, à l’octroi d’une rente entière d’invalidité et à l’octroi d’une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 45 %. Il a sollicité un délai pour compléter son recours, dès lors qu’il a requis son dossier de l’OAI.

b. Dans son complément au recours du 15 septembre 2019, le recourant a indiqué qu’il ressort de l’examen du dossier de l’assurance-invalidité qu’il présente un syndrome post-traumatique en relation avec l’accident du 2 juin 2014. Depuis son accident, il a vécu un calvaire constant, multipliant les interventions chirurgicales, les rechutes et les complications. Il a dû se déplacer en chaise roulante jusqu’en 2019. Selon le Dr G______, psychiatre traitant, l’assuré est suivi depuis janvier 2016 pour un stress post-traumatique et des épisodes dépressifs sévères. Le patient n’a pas d’antécédents psychiatriques avant son accident. Plusieurs médecins attestent que le recourant présente un stress post-traumatique et des douleurs chroniques qui ont entrainé une dépression. Selon un rapport d’ENMG du 18 mai 2018, les douleurs sont compatibles avec une atteinte du nerf sural gauche. Le recourant considère que l’instruction du dossier par l’intimée est incomplète, car le lien de causalité entre l’accident et l’état psychiatrique est à tout le moins rendu vraisemblable par les avis médicaux du psychiatre traitant. Sur le plan rhumatologique, il conviendra d’établir quelle est la diminution de rendement engendrée par la fatigabilité accrue. Le recourant conclut au renvoi de la cause à l’intimée pour instruction complémentaire et mise en œuvre d’une expertise, sous suite de dépens.

E. a. Par mémoire de réponse du 15 mars 2021, la SUVA a conclu au rejet du recours. Elle relève en premier lieu que l’absence du lien de causalité entre les troubles psychiques et l’accident n’a pas été contestée au stade de l’opposition, de sorte que la décision est entrée en force sur ce point. Quoi qu’il en soit, l’examen des exigences applicables en matière de causalité confirme que les troubles psychiatriques ne sont pas du ressort de l’assureur accidents. L’accident doit être qualifié de gravité moyenne stricto sensu et le cumul de trois critères pour admettre le lien de causalité n’est pas rempli. Seules les douleurs et l’incapacité de travail peuvent entrer en considération, mais ils ne sont pas suffisamment prégnants pour que l’accident soit tenu pour la cause adéquate des troubles psychiques de l’assuré. Sur le plan rhumatologique, l’intimée expose que dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles, il bénéficierait dans tous les cas de suffisamment de pauses, de sorte qu’aucune baisse de rendement ne peut être retenue. Aucun des médecins ayant suivi le recourant n’atteste d’une baisse de rendement. L’intimée a produit une appréciation psychiatrique établie à sa demande le 5 mars 2021 par le Dr I______. Analysant le cas sur dossier à la lumière des rapports médicaux du psychiatre traitant, le Dr I______ considère qu’un épisode dépressif léger est justifié au regard des critères de la CIM-10, mais qu’il existe des doutes quant au degré de gravité. Du point de vue de la psychiatrie des assurances, le fait qu’une éventuelle symptomatologie dépressive à supposer chez l’assuré entraîne certaines restrictions au niveau des fonctions psychiques est compréhensible, mais une perte totale de la capacité de travail due aux troubles psychiques telle qu’attestée par le Dr G______ n’est pas soutenable. En présence des doutes existant quant à l’évaluation du diagnostic du psychiatre traitant et de l’incapacité de travail qui en résulte, une évaluation d’expert serait à recommander si cela s’avère pertinent.

b. Par réplique du 7 juillet 2021, le recourant fait grief à l’intimée de ne pas s’être préoccupée du volet psychiatrique et de n’avoir pas instruit cet aspect, alors même qu’elle était en possession du dossier de l’assurance-invalidité et en particulier des rapports du Dr G______ qui mentionnait le suivre depuis janvier 2016 dans un contexte de stress post-traumatique et d’épisodes dépressifs sévères. Le 26 mai 2017, l’OAI a communiqué son dossier à l’intimée, dont les déterminations du psychiatre traitant concernant les séquelles post-traumatiques psychiques. Le recourant relève que le médecin conseil psychiatre de l’intimée reconnaît qu’une expertise est nécessaire pour trancher la question de la gravité des troubles. Le recourant soutient en substance que le degré de gravité de l’accident est rempli, au vu notamment du rapport des HUG qui mentionne bien une chute de 5 mètres et non 4, avec réception sur les deux membres et les jambes brisées en de multiples morceaux. Il rappelle qu’il s’est déplacé en chaise roulante pendant 4 ans. Enfin, il allègue que ce n’est pas moins de six critères jurisprudentiels qui sont remplis pour admettre la causalité adéquate (gravité des lésions, lésions sévères des deux jambes, complications, durée anormalement longue du traitement médical, multiples interventions, infections, thromboses, persistance des douleurs physiques, etc.).

Concernant les revenus sans invalidité, l’intimée n’a pas expliqué son calcul ni le changement intervenu dans l’appréciation du médecin conseil relative au rendement et n’a procédé à aucun abattement sur le revenu d’invalide. Le recourant conteste également le taux retenu pour l’IPAI. Il a conclu préalablement à la mise en œuvre d’une expertise rhumatologique et psychiatrique et à l’octroi d’une rente entière d’invalidité.

c. Dans sa duplique du 9 septembre 2021, l’intimée relève que le revenu d’invalide a été déterminé sur la base des DPT, de sorte qu’il n’y a pas à effectuer un abattement. Pour le surplus, elle persiste dans ses conclusions.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la chambre de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 82a LPGA ; RO 2020 5137 ; FF 2018 1597 ; erratum de la CdR de l’Ass. féd. du 19 mai 2021, publié le 18 juin 2021 in RO 2021 358).

4.             Le 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. Dans la mesure où l'accident est survenu avant cette date, le droit du recourant aux prestations d'assurance est soumis à l'ancien droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2). Les dispositions légales seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2016.

5.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

6.             Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d’invalidité, singulièrement sur l’évaluation de son degré d’invalidité compte tenu de ses atteintes à la santé découlant de l’accident du 2 juin 2014, sur la détermination des revenus avec et sans invalidité ainsi que sur le taux de l’IPAI.

7.             Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA; ATF 129 V 402 consid. 2.1, ATF 122 V 230 consid. 1 et les références).

La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé: il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1, ATF 119 V 335 consid. 1 et ATF 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le droit à des prestations de l'assurance-accidents suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident et l'atteinte à la santé. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2 et ATF 125 V 456 consid. 5a et les références). En présence d'une atteinte à la santé physique, le problème de la causalité adéquate ne se pose toutefois guère, car l'assureur-accidents répond aussi des complications les plus singulières et les plus graves qui ne se produisent habituellement pas selon l'expérience médicale (ATF 118 V 286 consid. 3a et ATF 117 V 359 consid. 5d/bb; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 351/04 du 14 février 2006 consid. 3.2). En revanche, il en va autrement lorsque des symptômes, bien qu'apparaissant en relation de causalité naturelle avec un événement accidentel, ne sont pas objectivables du point de vue organique. Dans ce cas, il y a lieu d'examiner le caractère adéquat du lien de causalité en se fondant sur le déroulement de l'événement accidentel, compte tenu, selon les circonstances, de certains critères en relation avec cet événement
(ATF 117 V 359 consid. 6; ATF 117 V 369 consid. 4b; ATF 115 V 133 consid. 6; ATF 115 V 403 consid. 5). En présence de troubles psychiques apparus après un accident, on examine les critères de la causalité adéquate en excluant les aspects psychiques (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa; ATF 115 V 403 consid. 5c/aa), tandis qu'en présence d'un traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale (ATF 117 V 359 consid. 6a), d'un traumatisme analogue à la colonne cervicale (SVR 1995 UV n° 23 consid. 2) ou d'un traumatisme cranio-cérébral
(ATF 117 V 369 consid. 4b), on peut renoncer à distinguer les éléments physiques des éléments psychiques (sur l'ensemble de la question, ATF 127 V 102
consid. 5b/bb et SVR 2007 UV n° 8 p. 27 consid. 2 et les références).

En application de la pratique sur les conséquences psychiques des accidents (ATF 115 V 133), l’examen de ces critères doit se faire au moment où l'on ne peut plus attendre de la continuation du traitement médical en rapport avec l'atteinte physique une amélioration de l'état de santé de l'assuré, ce qui correspond à la clôture du cas selon l'art. 19 al. 1 LAA (arrêt du Tribunal fédéral 8C_683/2017 du 24 juillet 2018 consid. 5).

8.             Aux termes de l'art. 10 al. 1 LAA, l'assuré a droit au traitement médical approprié des lésions résultant de l'accident. S'il est totalement ou partiellement incapable de travailler (art. 6 LPGA) à la suite de l'accident, il a droit à une indemnité
journalière. Le droit à l'indemnité prend naissance le troisième jour qui suit celui de l'accident et s'éteint dès que l'assuré a recouvré sa pleine capacité de travail, dès qu'une rente est versée ou dès que l'assuré décède (art. 16 al. 2 LAA). Enfin, si
l'assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins par suite de l'accident, il a droit à une rente d'invalidité (art. 18 al. 1 LAA). Le droit à la rente prend naissance dès qu'il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l'état de l'assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l'assurance-invalidité ont été menées à terme (art. 19 al. 1, 1ère phrase, LAA).

Cependant, le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente au sens de l'art. 19 al. 1 LAA (art. 19 al. 1, 2ème phrase, LAA). Il cesse également s'il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l'état de santé de l'assuré et qu'aucune mesure de réadaptation de l'assurance-invalidité n'entre en considération, mais qu'aucune rente n'est allouée parce que l'assuré présente un taux d'invalidité inférieur au seuil de 10% prévu par l'art. 18 al. 1 LAA (cf. ATF 134 V 109 consid. 4.1; ATF 133 V 57 consid. 6.6.2). Autrement dit, l'assureur-accidents est tenu d'octroyer une indemnité journalière et de prendre en charge le traitement médical aussi longtemps qu'il y a lieu d'attendre une amélioration notable de l'état de santé. Si une telle amélioration ne peut plus être envisagée, il doit clore le cas (arrêt du Tribunal fédéral 8C_589/2018 du 4 juillet 2019 consid. 4.2).

9.             Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA). La comparaison des revenus s'effectue, en règle générale, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V 29 consid. 1 p. 30; voir également SVR 2010 IV n° 11 p. 35, 9C_236/2009, consid. 3.1).  

De jurisprudence constante, pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente en tenant compte des modifications éventuelles survenues jusqu'au moment de la décision de l'assureur social qui ont des conséquences sur le droit à la rente (ATF 129 V 222 consid. 4.1 p. 223; ATF 128 V 174). En vertu de l'art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance lorsqu'il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l'état de l'assuré. 

10.         La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes suffisants quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 9C_301/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3).

11.         Le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

12.         En l’espèce, suite à une chute d’une hauteur de 5 mètres (et non de 4 mètres comme le soutient l’intimée) telle que rapportée par les médecins des HUG dès son hospitalisation, le recourant a subi une fracture du pilon tibial droit et du péroné droit, une fracture complexe du calcanéum gauche et des fractures non déplacées de l’arc antérieur des 8ème et 9ème côtes à gauche. L’évolution s’est avérée compliquée, avec pas moins de huit interventions, une infection, des thromboses veineuses profondes bilatérales et une arthrose post-traumatique. Le recourant a dû se déplacer en chaise roulante durant plusieurs années. Du point de vue médical, il n’est pas contesté que le recourant ne peut plus exercer son activité antérieure au regard des séquelles physiques suite à l’accident. Une fois l’état de santé stabilisé, en 2018, tous les médecins s’accordent à dire que seule une activité adaptée aux limitations fonctionnelles peut être exercée, à avoir une activité évitant toutes les positions contraignantes pour les chevilles, notamment la montée et la descente de manière répétitive des escaliers et/ou échelle, la marche prolongée surtout sur un terrain irrégulier et le port de charges entre 15 et 17.5 kg. Une activité sédentaire est recommandée, étant précisé que le recourant souffre de douleurs chroniques et de troubles sensitifs aux membres inférieurs, ainsi que les médecins de la CRR l’ont attesté, avec un traitement antalgique lourd.

Selon l’intimée, une telle activité est exigible à 100%, sans diminution de rendement selon son médecin conseil, ce que le recourant conteste. A cet égard, force est de constater que le médecin conseil a, dans un premier temps, évoqué une diminution de rendement de 20% dans une activité adaptée, étant donné la nécessité de faire souvent des pauses. Questionné à nouveau par l’intimée, le médecin conseil a ensuite affirmé que l’activité adaptée était exigible à 100%, sans retenir une diminution de rendement. Il n’a toutefois pas motivé ni expliqué sa volte-face. Quant aux médecins qui ont suivi le recourant, ils ne se sont pas prononcés sur une éventuelle diminution de rendement.

Dans un deuxième grief, le recourant fait valoir que l’intimée n’a pas investigué le volet psychique, malgré les certificats médicaux établis par son psychiatre.

Il y a lieu de relever que le Dr G______ indiquait dans son rapport médical du
29 mars 2019 suivre le recourant depuis janvier 2016, dans un contexte de stress post-traumatique et d’épisodes dépressifs sévères. Dans son avis du 11 avril 2017, le médecin SMR fait notamment référence à un rapport médical du
7 décembre 2016 du psychiatre qui indique que son patient présente un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère, sans symptôme psychotique. Selon le
Dr G______, les limitations fonctionnelles psychiatriques constatées sont en rapport avec l’accident et se manifestent par une tristesse, des idées noires et un manque d’énergie avec découragement. La capacité de travail était de 0 %.

Force est de constater que l’intimée n’a procédé à aucune investigation sur le plan psychiatrique. Dans sa décision du 28 novembre 2018, elle a indiqué que si des troubles psychiques devaient aussi réduire la capacité de gain, elle ne pourrait pas en répondre dans la mesure où de tels troubles n’apparaissent pas en relation de causalité naturelle et adéquate avec l’accident assuré, ce qui ne constitue pas une motivation suffisante. Dans la décision sur opposition querellée, elle ne s’est pas prononcée sur ce point, alléguant que le recourant ne l’a pas contesté.

Le recourant soutient en revanche qu’il avait contesté la décision dans son ensemble, en faisant référence à son état de santé général, ce que l’on peut admettre au regard des griefs formulés dans son opposition.

Dans le cadre de la procédure de recours, l’intimée a produit une appréciation psychiatrique et s’est prononcée de manière détaillée sur la causalité, ce qui est discutable. La chambre de céans relève en effet que dans ses conclusions, le psychiatre est d’avis qu’en présence de doutes, une évaluation d’expert est à recommander.

Quoi qu’il en soit, au vu de l’instruction lacunaire, la chambre de céans n’est pas en mesure, en l’état actuel du dossier, de tirer des conclusions définitives sur la capacité de travail du recourant dans une activité adaptée résultant des conséquences de l’accident. Il convient en effet de tenir compte d’une éventuelle diminution de rendement due notamment à la fatigabilité en raison des douleurs chroniques et, possiblement, aux séquelles psychiques, ce qui reste à déterminer.

Au vu de ce qui précède, la cause sera renvoyée à l’intimée pour instruction complémentaire sous forme d’une expertise psychiatrique et somatique (rhumatologique et/ou orthopédique).

12.1 Le recourant conteste le revenu sans invalidité retenu par l’intimée, soit
CHF 55'001.-. pour l’année 2018. Il reproche à l’intimée de n’avoir pas clarifié les données communiquées par l’employeur, qui ont varié sensiblement, et relève que dans sa première décision du 3 octobre 2016, l’OAI a pris en compte le salaire de 2011, qu’il a réactualisé à 2015, soit CHF 64'416.-.

La chambre de céans considère que le montant retenu par l’intimée est sous-estimé. En effet, il ressort du rassemblement des comptes individuels du recourant qu’il a perçu un salaire de CHF 62'824.- en 2011, CHF 58'783.- en 2012,
CHF 53'185.- en 2013, soit une moyenne de CHF 58'264.- sur les trois dernières années avant l’accident. En outre, les fiches de salaire de 2013 et 2014 mentionnent un salaire horaire moyen de CHF 27.43 et l’on constate des différences entre les heures de travail payées CHF 22.85 et les heures du temps de déplacement payées CHF 27.43. On ne saurait par conséquent se fonder sur les déclarations de l’employeur, dès lors que le revenu varie en fonction des heures travaillées et des heures de déplacement. De plus, il n’est pas exclu que le recourant aurait pu réaliser un gain identique à celui réalisé en 2011 chez le même employeur, s’il n’était pas devenu invalide.

A défaut de données plus précises de l'employeur, la chambre de céans considère qu’il est plus juste de prendre en compte la moyenne des revenus des trois dernières années avant l’accident, à savoir CHF 58'264.-, et de réactualiser ce revenu jusqu’au moment de l’ouverture du droit à la rente en 2018, année où l’état de santé du recourant doit être considéré comme stabilisé.

13.         Le recourant conteste encore le degré de l’atteinte à l’intégrité. La chambre de céans ne tranchera pas ce point, dès lors qu’il appartiendra aux experts de réexaminer le degré de l’atteinte à l’intégrité.

14.         Au vu de ce qui précède, la cause est renvoyée à l’intimée pour instruction complémentaire et mise en œuvre d’une expertise psychiatrique, rhumatologique et/ou orthopédique. Les experts se prononceront notamment sur le lien de causalité, les limitations fonctionnelles, la capacité de travail dans une activité adaptée, l’éventuelle diminution de rendement et sur le taux de l’IPAI.

15.         Par conséquent, le recours sera admis et la décision querellée annulée.

Le recourant obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 4'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet et annule la décision litigieuse.

3.        Renvoie la cause à l’intimée pour instruction complémentaire dans le sens des considérants et nouvelle décision.

4.        Condamne l’intimée à payer au recourant la somme de CHF 4’000 .- à titre de participation à ses frais et dépens ainsi qu’à ceux de son mandataire.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marguerite MFEGUE AYMON

 

La présidente

 

 

 

 

Juliana BALDÉ

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le