Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3956/2021

ATAS/392/2022 du 02.05.2022 ( LPP ) , PARTAGE LPP

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3956/2021 ATAS/392/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 2 mai 2022

6ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à 01200 Valserhône, FRANCE

Monsieur B______, domicilié à 01200 Bellegarde-sur-Valserine, FRANCE

 

demanderesse

demandeur

contre

 

FONDATION DE LIBRE PASSAGE DE LA BANQUE MIGROS, sise Seidengasse 12, ZURICH

 

 

défenderesse

 


EN FAIT

 

A. a. Par jugement du 8 mars 2021, le juge aux affaires familiales du Tribunal judiciaire d’Annecy (France) a prononcé le divorce de Monsieur B______ (ci-après : le demandeur), né le ______ 1970, et de Madame A______ (ci-après : la demanderesse), née le ______ 1968, mariés le ______ 1997. La requête de divorce a été introduite le 15 décembre 2014 par le demandeur.

b. Ce jugement mentionne ce qui suit : « Monsieur B______ justifie d’une indemnité de libre passage (2ème pilier) au 31 décembre 2017 de 276 668 CHF étant précisé que si l’article 63 LDIP prévoit désormais une compétence exclusive des autorités suisses sur les avoir suisses avec en principe une non reconnaissance des décisions étrangères ayant statué sur le partage du 2ème pilier, Madame A______ peut néanmoins prétendre à un partage par moitié ».

c. Ce jugement a été reconnu et déclaré exécutoire en Suisse par jugement du Tribunal de première instance du 16 septembre 2021.

B. a. Le 15 novembre 2021, la demanderesse a requis auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice le partage des avoirs de prévoyance LPP (2ème pilier) de son ex-époux, en retenant non pas la date de l’introduction de la demande de divorce mais celle du jugement de divorce du 8 mars 2021.

b. Le 9 décembre 2021, le demandeur a indiqué qu’il était d’accord avec le partage par moitié de ses avoirs du 2ème pilier, en relevant que le jugement de divorce avait pris effet au 21 mai 2015, date de l’ordonnance de non conciliation et non pas le 8 mars 2021.

c. Le 27 décembre 2021, la fondation de libre passage de la BANQUE MIGROS a indiqué qu’elle avait reçu, le 25 septembre 2018, CHF 293'781.- pour le compte du demandeur, en provenance de la caisse de pension de C______.

d. Le 7 janvier 2022, la caisse de pension de C______ a attesté d’une affiliation le 1er juillet 2014 et d’une prestation de libre passage de CHF 215'264.75 au 15 décembre 2014, dont un avoir de vieillesse selon la LPP de CHF 80'330.90. Elle avait reçu, le 15 juillet 2014, la prestation de libre passage du demandeur de la part de la caisse de pension de la société D______ SA, auprès de laquelle le demandeur avait travaillé du 1er janvier 2001 au 30 juin 2014.

e. Le 10 janvier 2022, la demanderesse a indiqué qu’elle n’avait jamais exercé d’activité en Suisse et qu’elle était assurée auprès de la caisse des assurances retraite française.

f. Le 3 février 2022, la chambre de céans a indiqué aux demandeurs que la prestation de libre de passage acquise au 15 décembre 2014 par le demandeur était de CHF 215'264.75 et qu’un montant de CHF 107'632.340 revenait à la demanderesse.

g. A la demande de la chambre de céans, la caisse de pensions C______ a encore confirmé, le 24 mars 2022, que la part obligatoire selon la LPP du demandeur était, au 15 décembre 2014, de CHF 80'330.90.

h. Le 14 février 2022, la demanderesse a indiqué que la part obligatoire pouvait lui être versée auprès la fondation institution supplétive LPP.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce, ainsi qu’aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du Code des obligations [CO - RS 220]; art. 52, 56a, al. 1, et art. 73 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 [LPP - RS 831.40]; art. 142 du Code civil [CC - RS 210]).

1.2 Au 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification des art. 122 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) concernant le partage des prestations de sortie des ex-époux, ainsi que des art. 280 ss du Code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et 22 ss de la loi fédérale sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 17 décembre 1993 (loi sur le libre passage, LFLP - RS 831.42).

Le jugement de divorce exécutoire ayant été rendu après l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2017, des nouvelles dispositions relatives au partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce, la chambre de céans applique les dispositions légales dans leur nouvelle teneur (art. 7d Tit. fin. CC).

2.              

2.1 Selon l'art. 22 LFLP, en cas de divorce, les prestations de sortie et les parts de rente sont partagées conformément aux art. 122 à 124e du CC et 280 et 281 du CPC; les art. 3 à 5 LFLP s'appliquent par analogie au montant à transférer. À teneur de l’art. 22a al. 1 LFLP, pour chaque conjoint, la prestation de sortie à partager correspond à la différence entre la prestation de sortie, augmentée des avoirs de libre passage existant éventuellement au jour de l'introduction de la procédure de divorce, et la prestation de sortie augmentée des avoirs de libre passage existant éventuellement au moment de la conclusion du mariage. Pour ce calcul, on ajoute à la prestation de sortie et à l'avoir de libre passage existant au moment de la conclusion du mariage les intérêts dus au jour de l'introduction de la procédure de divorce. Les paiements en espèces et les versements en capital effectués durant le mariage ne sont pas pris en compte.

2.2 Selon l’art. 25a al. 1 LFLP, si une décision concernant le partage de la prévoyance professionnelle en application de l’art. 280 ou 281 CPC s’avère impossible à prendre durant la procédure de divorce, le juge du lieu du divorce compétent au sens de l’art. 73, al. 1, LPP exécute d’office, après que l’affaire lui a été transmise (art. 281, al. 3, CPC), le partage sur la base de la clé de répartition déterminée par le juge du divorce. S’il s’agit d’une action en complément d’un jugement de divorce étranger, le lieu de l’action en complément est considéré comme lieu du divorce (art. 64 de la LF du 18 décembre 1987 sur le droit international privé).

3.              

3.1 Selon l’art. 64 al. 1bis de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP), pour connaître du partage de prétentions de prévoyance professionnelle envers une institution suisse de prévoyance professionnelle, la compétence des tribunaux suisses est exclusive. En l’absence de compétence au sens de l’al. 1, les tribunaux suisses du siège de l’institution de prévoyance sont compétents.

Selon l’art. 65 al. 1 LDIP, les décisions étrangères de divorce ou de séparation de corps sont reconnues en Suisse lorsqu’elles ont été rendues dans l’Etat du domicile ou de la résidence habituelle, ou dans l’Etat national de l’un des époux, ou si elles sont reconnues dans un de ces Etats.

3.2 Le juge compétent en matière de divorce l’est également pour se prononcer sur le partage des prétentions de prévoyance professionnelle lorsque le divorce a été prononcé à l’étranger, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice n’étant compétente que subsidiairement pour exécuter ledit partage, sur la base de la clé de répartition des prestations de prévoyance professionnelle décidée par le juge du divorce (ATAS/938/2019 du 15 octobre 2019).

Le principe est que si le montant des prestations de sortie est fixé, c’est le Tribunal du divorce qui doit par conséquent statuer directement sur les questions relatives à la prévoyance professionnelle, même si les époux ne sont pas d’accord sur le mode du partage (commentaire du CPC ad art. 281).

4.              

4.1 En l’occurrence, le jugement de divorce français du 8 mars 2021 a été déclaré exécutoire en Suisse par jugement du Tribunal de première instance du 16 septembre 2021. Il prévoit le partage par moitié des avoirs de la prévoyance professionnelle du demandeur. Il convient en conséquence de déterminer le montant à partager.

4.2 Conformément à l’art. 22a al. 1 LFLP les dates pertinentes sont celles du mariage et de l’introduction de la demande de divorce, soit en l’espèce respectivement les 31 mai 1997 et 15 décembre 2014. A cette dernière date, la prestation de sortie du demandeur constituée depuis le mariage était de CHF 215'264.75. En conséquence, la demanderesse a droit à la moitié de ce montant, soit CHF 107'632.40.

4.3 Selon l’art. 5 al. 1 let. a LFLP - applicable aux ex-époux par renvoi de l’art. 22 LFLP – la prestation peut être versée en espèces en faveur de celui qui quitte définitivement la Suisse, l’art. 25 f étant réservé.

Selon l’art. 25f al. 1 LFLP, l’assuré ne peut exiger le paiement en espèces de l’avoir de vieillesse visé à l’art. 5, al. 1, let a, qu’il a acquis selon l’art. 15 LPP, au moment de sa sortie de l’institution de prévoyance s’il continue à être obligatoirement assuré contre les risques vieillesse, décès et invalidité selon les dispositions légales d’un Etat membre de la communauté européenne (lettre a), s’il continue à être obligatoirement assuré contre les risques vieillesse, décès et invalidité selon les dispositions légales de l’Islande et de la Norvège (lettre b) et s’il réside au Liechtenstein (lettre c).

Le conjoint ayant droit peut exiger le paiement en espèces lors de la répartition de l’avoir de libre passage dans le cadre du partage de la prévoyance en cas de divorce, s’il remplit l’une des conditions de l’art 5 LFLP ou si un cas de prévoyance s’est déjà produit à son égard. Dans les deux cas, la loi sur le libre passage prévoit l’application par analogie des art 3 à 5 LFLP. L’assuré peut exiger le paiement en espèces de la prestation de sortie lorsqu’il quitte définitivement la Suisse. Suite à la première révision de la LFLP, entrée en vigueur le 1er janvier 2005, l’art. 5a LFLP a été abrogé et une réserve a été introduite à l’art. 5 al. 1 let a LFLP : le paiement en espèces n’est pas possible dans les cas prévus à l’art 25f LFLP. Le paiement en espèces est exclu si le preneur de prévoyance, malgré un départ définitif de Suisse, continue à être obligatoirement assuré dans un Etat membre de l’Union européenne, en Islande ou en Norvège contre les risques vieillesse, décès et invalidité, ou s’il réside au Liechtenstein. A contrario, l’assuré bénéficie d’un droit au paiement en espèces suite à son départ de Suisse, au cas où il n’élit pas domicile au Liechtenstein et n’est assuré obligatoirement ni dans un Etat membre de l’Union européenne ni en Islande ou en Norvège. Cette restriction apportée au paiement en espèces n’est valable que pour le domaine de la prévoyance professionnelle obligatoire. Dans le domaine surobligatoire, un paiement en espèces reste possible, même si l’assuré, après avoir définitivement quitté la Suisse, est obligatoirement couvert dans les pays mentionnés à l’art. 25f al. 1 let. a et b LFLP ou réside au Liechtenstein (let. c) (GEISER Thomas, SENTI Christoph, CASS - Commentaire des assurances sociales suisses. 2e édition. 2020, p. 2114 et 2119).

4.4 En l’occurrence, compte tenu d’un avoir de vieillesse selon la LPP du demandeur au 15 décembre 2014 de CHF 80'330.90, l’avoir total dû à la demanderesse comprend un avoir selon la LPP de CHF 40'165.45.

Au vu de ce qui précède, et compte tenu du domicile et de l’affiliation en France de la demanderesse, un montant limité à CHF 67'466.95 (soit CHF 107'632.40 – CHF 40'165.45) peut être versé en espèces à la demanderesse.

En revanche, la part correspondant à l’avoir selon la LPP, obligatoire, de CHF 40'165.45 devra être versé sur un compte à ouvrir auprès de la Fondation institution supplétive LPP.

5.             Conformément à la jurisprudence, depuis le jour déterminant pour le partage jusqu'au moment du transfert de la prestation de sortie ou de la demeure, le conjoint divorcé bénéficiaire de cette prestation a droit à des intérêts compensatoires sur le montant de celle-ci. Le taux d’intérêt compensatoire doit, s'agissant de l'avoir de prévoyance obligatoire, correspondre au taux minimal fixé à l'art. 12 OPP 2 (auquel renvoient les art. 26 al. 3 LFLP, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2016, et art. 8a al. 1 OLP); si le règlement de l'institution de prévoyance prévoit un taux d'intérêt supérieur pour l'avoir de vieillesse, ce taux est alors applicable. Pour la part surobligatoire, le taux d'intérêt applicable à l'avoir de prévoyance surobligatoire est fixé librement par l'institution de prévoyance et peut être inférieur au taux minimal fixé par la LPP. Si le règlement ne fixe aucun taux d'intérêt, il se justifie d'appliquer à titre subsidiaire le taux d'intérêt minimal selon l'art. 12 OPP 2 (ATF 129 V 255 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_149/2017 du 10 octobre 2017).

Aucun émolument ne sera perçu, la procédure étant gratuite (art. 73 al. 2 LPP et 89H al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10).

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

1.        Invite la fondation de libre passage de la BANQUE MIGROS à transférer, du compte de libre passage N° 63.______ de Monsieur B______, n° AVS 756.______, la somme de CHF 67'466.95 en faveur de Madame A______ sur son compte bancaire auprès de BNP PARIBAS, au nom de Madame A______, IBAN FR76______, BNPAFRPPXXX, agence de domiciliation BNPPARB ST GENIS POUILLY (02795), ainsi que des intérêts compensatoires au sens des considérants, dès le 15 décembre 2014 jusqu'au moment du transfert.

2.        Invite la fondation de libre passage de la BANQUE MIGROS à transférer CHF 40'165.45 sur un compte à ouvrir au nom de Madame A______ auprès de la Fondation institution supplétive LPP, ainsi que des intérêts compensatoires au sens des considérants, dès le 15 décembre 2014 jusqu'au moment du transfert.

3.        L’y condamne en tant que de besoin.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le

Copie à la Fondation institution supplétive LPP de Zurich