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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3775/2021

ATAS/376/2022 du 28.04.2022 ( MAT ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1   canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3775/2021 ATAS/376/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 28 avril 2022

5ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié chemin B______ à LE GRAND-SACONNEX, représenté par CCSI-CENTRE DE CONTACT SUISSES-IMMIGRÉS

 

 

recourant

 

contre

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE L'INDUSTRIE ET DE LA CONSTRUCTION (CAFINCO), sise rue de Malatrex 14, GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Pierre VUILLE

 

 

intimée

EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’intéressé ou le recourant), ressortissant kosovar, né en ______1993, est le père de l’enfant C______, né le ______ 2019 à Genève. Selon l’acte de naissance établi par le service de l’état civil de Genève, en date du 25 février 2021, l’intéressé est domicilié au Kosovo, à D______ et la mère de l’enfant est Madame E______, ressortissante kosovare, née en ______1994 et dont le domicile, figurant sur l’acte de naissance est : Kosovo, à F______.

b. L’intéressé, son enfant et la mère de l’enfant sont dépourvus de titre de séjour et inconnus de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : l’OCPM).

c. En date du 28 mai 2019, l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI) a rendu une décision d’octroi de mesures médicales pour l’enfant C______, qui a été notifiée à Mme E______, à l’adresse : chemin B______, 1218 Le Grand-Saconnex.

d. Le 28 janvier 2020, la caisse d'allocations familiales de l'industrie et de la construction (CAFINCO) (ci-après : la caisse ou l’intimée) a rendu une décision d’allocations familiales notifiée à l’intéressé à l’adresse c/o G______, chemin B______, 1218 Le Grand-Saconnex. La décision octroyait les allocations familiales, dès le mois de janvier 2020 à hauteur de CHF 300.- par mois, en rapport avec l’enfant C______ né le ______ 2019 ainsi que le paiement rétroactif des allocations familiales, pour la période allant du 1er février au 31 décembre 2019, pour un montant total de CHF 3’300.-.

B. a. En date du 9 mai 2019, l’intéressé a formulé une demande d’allocation de naissance, pour l’enfant C______, auprès de la caisse. Celle-ci n’a pas donné suite à la demande de l’intéressé au motif que le domicile ou la résidence en Suisse de la mère de l’enfant pendant la durée de la grossesse n’apparaissait pas comme établi. L’intéressé a complété sa demande avec divers documents, notamment :

-        la quittance d’achat d’un abonnement mensuel uniréseau « Tout Genève » établi au nom de Mme E______ pour la période allant du 13 juin au 12 juillet 2018, puis pour les mois de septembre et octobre 2018 ;

-        une ordonnance des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) établie en date du 22 février 2019 ainsi que la quittance relative à l’achat des médicaments auprès de la pharmacie H______, à Meyrin, datée également du 22 février 2019, ;

-        la liste des prochains rendez-vous aux HUG pour les 22 juin, 3 août, 6 août, 7 septembre, et 26 octobre 2018 ;

-        une convocation à un rendez-vous pour une consultation prénatale aux HUG en date du 27 juillet 2018 ;

-        une convocation pour un rendez-vous « hyperglycémie provoquée » aux HUG en date du 13 novembre 2018 ;

-        la liste des prochains rendez-vous aux HUG du 2 octobre 2018 au 18 février 2019 ;

-        l’échographie du 2 octobre 2018 ;

-        le bulletin de versement des HUG relatif au traitement du 20 septembre 2018 ;

-        le ticket de caisse concernant des achats effectués chez « Orchestra » à Carouge, en date du 23 novembre 2018 ;

-        le livret de formation attestant que Mme E______ avait suivi des cours de français, à Genève, du 6 novembre 2017 au 21 juin 2018, du 14 septembre au 17 décembre 2018 et du 18 septembre au 21 décembre 2020.

b. Par courriers de son mandataire, datés des 16 mars, 15 avril et 11 juin 2021, l’intéressé a persisté dans sa demande d’allocation de naissance, considérant qu’il avait suffisamment démontré le domicile et la résidence de Mme E______ sur le territoire de Genève, pendant les neuf mois de grossesse.

c. La caisse a demandé à l’intéressé de fournir d’autres documents permettant d’établir le domicile de Mme E______ à Genève, en particulier les documents suivants : une preuve d’affiliation de Mme E______ à son assurance-maladie et la preuve du paiement des cotisations y relatives, une attestation de domicile et une copie du contrat de bail ou de sous-location et la preuve de paiement du loyer.

d. L’intéressé n’a pas été en mesure de fournir les documents demandés par la caisse et a requis, par courrier de son mandataire du 11 juin 2021, que la caisse rende une décision formelle sur la demande d’allocation de naissance.

C. a. Par décision du 21 juillet 2021, la caisse a refusé d’octroyer une allocation de naissance au motif qu’il n’était pas établi que la mère de l’enfant avait son domicile à Genève durant la grossesse.

b. Par courrier de son mandataire, daté du 27 août 2021, l’intéressé s’est opposé à la décision de refus en invoquant que la notion de domiciliation comprenait l’intention de s’établir et ne dépendait pas uniquement du statut de la personne tel qu’il était déterminé par les autorités. Il fallait tenir compte de l’ensemble de ses conditions de vie, du centre de son existence, du lieu ou du pays où se focalisaient un maximum d’éléments concernant sa vie personnelle, sociale et professionnelle, de sorte que l’intensité des liens avec ce centre l’emportât sur les liens existants avec d’autres endroits ou pays.

c. Par décision sur opposition du 5 octobre 2021, la caisse a rejeté l’opposition de l’intéressé et confirmé sa décision du 21 juillet 2021, pour les motifs déjà exposés, soit que l’intéressé n’avait pas été en mesure de fournir les documents requis permettant d’établir le domicile ou la résidence en Suisse, pendant la durée de la grossesse de la mère de l’enfant.

D. a. Par acte de son mandataire, déposé auprès du greffe de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) en date du 5 novembre 2021, l’intéressé a recouru contre la décision sur opposition du 5 octobre 2021. Il était exposé que l’ensemble des documents qui avaient été transmis à la caisse montraient que la mère de l’enfant était domiciliée depuis l’année 2017 à Genève et donc pendant les neuf mois de grossesse jusqu’à l’accouchement de l’enfant en date du 17 février 2019, à la maternité de Genève. Il était également rappelé que la famille percevait déjà les allocations familiales depuis le jour de sa naissance. L’argumentation déjà exposée sur le centre de l’existence et les éléments relatifs à la vie personnelle, sociale et familiale de la mère était rappelée et le recourant concluait à ce qu’il soit dit que la mère avait droit à l’allocation de naissance en faveur de l’enfant C______.

b. Par réponse postée le 31 janvier 2022, l’intimée a conclu à ce que le recourant soit débouté de toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens. L’argumentation déjà exposée dans la décision querellée était rappelée, l’intimée considérait qu’aucun des documents qui avaient été fournis par l’intéressé ne concernait la domiciliation de la mère et ne permettait de corroborer son adresse durant sa grossesse ; en particulier, il n’y avait aucune attestation de domicile, contrat de bail ou d’une éventuelle sous-location, preuve de paiement de loyers ou des charges relatives à un logement à Genève. Le fait que la mère avait accouché à Genève ne confirmait pas qu’il y avait un domicile à ce même endroit, en l’absence de pièces justificatives. La caisse considérait que la mère aurait ainsi aisément pu être domiciliée en France ou dans un autre pays et être venue à Genève uniquement pour accoucher. Aucun élément ne permettait non plus d’établir que le centre de toutes les relations et des intérêts de la mère s’était trouvé à Genève durant sa grossesse. Concernant le versement des allocations familiales, l’intimée rappelait que ces dernières n’entraînaient pas automatiquement l’octroi d’une prime de naissance dès lors que le critère cumulatif du domicile et de la résidence faisait défaut. La caisse exposait qu’elle s’était alignée sur la décision de l’OAI pour octroyer les allocations familiales, alors même que ladite décision reposait sur des critères plus larges que ceux requis pour le versement d’une prime de naissance.

c. Par réplique du 21 février 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions. La chambre de céans a demandé, par courrier du 3 mars 2022, que le recourant produise une pièce démontrant l’affiliation de la mère à une assurance-maladie, à défaut, d’indiquer les raisons pour lesquelles elle n’était pas affiliée et qui ou quelle assurance avait pris en charge les frais des contrôles médicaux liés à la grossesse et à l’accouchement de l’enfant C______.

d. Par courrier du 22 mars 2021, le mandataire du recourant a exposé que la mère n’avait pas pu encore s’affilier à l’assurance de base, selon la LAMal en raison de l’absence d’une autorisation de séjour et d’une attestation de domicile de l’OCPM. Il était souligné qu’il était souvent très ardu pour les personnes adultes dans cette situation de contracter une assurance-maladie car les caisses demandaient des attestations de séjour officiel. S’agissant des frais de contrôles médicaux liés à la grossesse et l’accouchement de l’enfant, le service social de la maternité avait sollicité des fondations privées, pour la couverture de certains frais et pour les autres, un arrangement financier avait été accordé à la mère de l’enfant.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

f. Les autres faits seront exposés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

 

1.             La chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les allocations familiales, du 24 mars 2006 (LAFam - RS 836.2). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. e de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), sur les contestations prévues à l'art. 38A de la loi cantonale sur les allocations familiales du 1er mars 1996 (LAF - J 5 10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux allocations familiales, à moins que la LAFam n’y déroge expressément (cf. art. 1 LAFam). Selon l’art. 22 LAFam, en dérogation à l’art. 58 al. 1 et 2 LPGA, les décisions prises par les caisses de compensation pour allocations familiales peuvent faire l’objet d’un recours devant le tribunal des assurances du canton dont le régime d’allocations familiales est applicable.

3.             S’agissant du droit cantonal, la LAF et son règlement d’exécution (RAF - J 5 10.01) sont applicables au cas d’espèce. L'art. 2B LAF prévoit que les prestations sont régies par la LAFam, la LPGA et la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10) dans la mesure où la LAFam ou la LAF y renvoie.

4.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA.

Sur le plan matériel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 1 consid. 1 ; ATF 127 V 467 consid. 1 et les références). En ce qui concerne en revanche la procédure, et à défaut de règles transitoires contraires, le nouveau droit s'applique sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b ; ATF 112 V 360 consid. 4a; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b).

Déposé après le 1er janvier 2021, le recours sera donc traité sous l'angle du nouveau droit de la LPGA (cf. ATAS/360/2021 du 15 avril 2021 consid. 3).

5.             Interjeté en temps utile contre la décision sur opposition rendue par l’intimée (art. 60 LAFam ; art. 38A LAF) et dans le respect des exigences de forme et de contenu prévues par la loi (art. 61 let. b LPGA ; art. 89B al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]), le recours est recevable.

6.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision sur opposition niant le droit du recourant à l’allocation de naissance pour son enfant.

7.              

7.1 En droit fédéral, les allocations familiales sont des prestations en espèces, uniques ou périodiques, destinées à compenser partiellement la charge financière représentée par un ou plusieurs enfants (art. 2 LAFam). L'allocation familiale comprend l'allocation pour enfant (qui est octroyée dès et y compris le mois de la naissance de celui-ci, jusqu'à la fin du mois au cours duquel il atteint l'âge de 16 ans) et l'allocation de formation professionnelle (qui est octroyée au plus tard, en cas de formation, jusqu'à l'âge de 25 ans ; art. 3 al. 1 LAFam). Selon l'art. 3 al. 2 LAFam, les cantons peuvent notamment prévoir dans leur régime d'allocations familiales une allocation de naissance et une allocation d'adoption. Les dispositions de la LAFam sont également applicables à ces allocations. Toute autre prestation est réglée et financée en dehors du régime des allocations familiales.

Selon l'art. 4 al. 1 LAFam, donnent droit aux allocations les enfants avec lesquels l'ayant droit a un lien de filiation en vertu du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) (let. a), les enfants du conjoint de l'ayant droit (let. b), les enfants recueillis (let. c) et les frères, sœurs et petits-enfants de l'ayant droit, s'il en assume l'entretien de manière prépondérante (let. d). Le Conseil fédéral règle les modalités (al. 2).

L'art. 4 al. 1 let. a LAFam vise les enfants nés de parents mariés ou non et les enfants adoptés (directives pour l'application de la LAFam [ci-après : DAFam], état au 1er janvier 2021, ch. 230).

7.2 En application de la délégation de compétence prévue à l'art. 3 al. 3 LAFam, le Conseil fédéral a fixé à l’art. 2 de l'ordonnance du 31 octobre 2007 sur les allocations familiales (OAFam - RS 836.21), les conditions de versement de l'allocation de naissance comme suit :

« 1 Un droit à l’allocation de naissance existe lorsque le régime cantonal d’allocations familiales prévoit une allocation de naissance.

2 Lorsque seule une personne a droit à l’allocation de naissance, celle-ci lui est versée, même si une autre personne a un droit prioritaire aux allocations familiales pour le même enfant.

3 L’allocation de naissance est versée :

a.       si un droit aux allocations familiales existe selon la LAFam, et

b.      si la mère a eu son domicile ou sa résidence habituelle au sens de l’art. 13 de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales en Suisse durant les neuf mois précédant la naissance de l’enfant ; si la naissance se produit avant terme, la durée requise du domicile ou de la résidence habituelle en Suisse est réduite conformément à l’art. 27 du règlement du 24 novembre 2004 sur les allocations pour perte de gain.

4 Lorsque plusieurs personnes peuvent faire valoir un droit à l’allocation de naissance pour le même enfant, le droit à cette prestation appartient à la personne qui a droit aux allocations familiales pour cet enfant. Si l’allocation de naissance du second ayant droit est plus élevée, ce dernier a droit au versement de la différence » (art. 2 OAFam).

7.3 S'agissant du droit cantonal genevois, sont soumis à la LAF notamment les salariés au service d'un employeur tenu de s'affilier à une caisse d'allocations familiales en application de l'art. 23 al. 1 LAF (art. 2 let. b LAF).

Aux termes de l'art. 3 al. 1 LAF, une personne assujettie à la LAF peut bénéficier des prestations pour les enfants avec lesquels elle a un lien de filiation en vertu du CC (let. a), les enfants du conjoint ou du partenaire enregistré (let. b) et les enfants recueillis (let. c), ainsi que ses frères, sœurs et petits-enfants si elle en assume l'entretien de manière prépondérante (let. d).

Les allocations familiales sont des prestations sociales en espèces, uniques ou périodiques, indépendantes du salaire, du revenu ou du degré d'activité, destinées à participer partiellement à la charge financière représentée par un ou plusieurs enfants (art. 4 al. 1 LAF). Elles doivent être affectées exclusivement à l'entretien du ou des enfants (art. 4 al. 2 LAF). Elles comprennent l'allocation de naissance (let. a), l'allocation d'accueil (let. b), l'allocation pour enfant (let. c) et l'allocation de formation (let. d).

Selon l’art. 5 LAF, « l'allocation de naissance est une prestation unique accordée selon les conditions prévues par la loi fédérale et ses dispositions d'exécution », et selon l’art. 6 LAF, « l'allocation d'accueil est une prestation unique accordée pour l'enfant mineur placé en vue d'adoption dans une famille domiciliée en Suisse et qui y réside habituellement. Elle est accordée selon les conditions prévues par la loi fédérale et ses dispositions d'exécution ».  

L'allocation pour enfant est une prestation mensuelle ; elle est octroyée à partir du début du mois de la naissance de celui-ci et jusqu’à la fin du mois au cours duquel il atteint l’âge de 16 ans (art. 7 al. 1 LAF).

L'allocation de naissance ou d'accueil est, depuis le 1er janvier 2012, de CHF 2'000.- (art. 8 al. 1 LAF) et l'allocation pour enfant de CHF 300.- par mois jusqu'à 16 ans (art. 8 al. 2 let. a LAF).

Les allocations familiales sont payées, en général, au bénéficiaire (art. 11 al. 1 LAF).

7.4 Selon les DAFam, sous titre « 2.3.2 Conditions spécifiques à l’allocation de naissance », ch. 219, l’allocation de naissance est versée dès lors que l’enfant est né vivant ou, si l’enfant est mort-né ou décédé à la naissance, dès lors que la grossesse a duré au moins vingt-trois semaines. La mère doit avoir son domicile ou son lieu de résidence habituelle en Suisse au sens de l’art. 13 LPGA. Ainsi, une femme qui met au monde un enfant en Suisse à l’occasion d’un séjour temporaire ne remplit pas cette condition (ch. 220). À teneur du ch. 221, le délai de carence est de neuf mois, par analogie avec ce que prévoit le régime des allocations pour perte de gain en cas de maternité. À la naissance de l’enfant, la mère doit donc être domiciliée ou avoir sa résidence habituelle en Suisse depuis neuf mois au moins.

8.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

9.             En l’espèce, il n’est pas contesté que l’épouse du recourant n’est pas inscrite auprès de l’OCPM et n’est pas officiellement domiciliée à Genève, pas plus que le recourant.

9.1 Les dispositions de la LAFam et les DAFam renvoient à l’art. 13 LPGA pour ce qui est de la notion de domicile et de la résidence habituelle en Suisse. Ainsi, le domicile d’une personne est déterminé selon les art. 23 à 26 CC (art. 13 al. 1) et une personne est réputée avoir sa résidence habituelle au lieu où elle séjourne un certain temps même si la durée de ce séjour est d’emblée limitée (art. 13 al. 2).

La condition supplémentaire posée par le Conseil fédéral à l'octroi de l'allocation de naissance, soit la nécessité pour la mère d'avoir son domicile en Suisse durant les neuf mois précédant la naissance, permet d'éviter d'éventuels abus de personnes qui viendraient en Suisse pour accoucher et ainsi bénéficier de l'allocation de naissance.

Dans son message relatif à l'initiative populaire « Pour de plus justes allocations pour enfant », le Conseil fédéral a souligné que « les allocations pour enfant sont la principale forme des allocations familiales, auxquelles se rattachent aussi les allocations de formation, de naissance et de ménage. Elles constituent une des pierres angulaires de la politique familiale, avec d’autres mesures de compensation des charges familiales (allégements fiscaux, bonifications pour tâches éducatives dans l’AVS, réductions de primes dans l’assurance-maladie, bourses, prestations en cas de besoin ou prestations complémentaires aux parents, etc.) » (FF 2004 1195, p. 1201).

Dans son avis complémentaire du 10 novembre 2004 sur le rapport complémentaire de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 8 septembre 2004, le Conseil fédéral a confirmé que les allocations familiales constituent un élément essentiel de la politique familiale, qui facilite pour les parents la décision d’avoir des enfants et apporte aux familles le soutien nécessaire (FF 2004 6513, p. 6514).

Le 28 juin 2000 (FF 2000 4422, p. 4425), le Conseil fédéral a déclaré que le but de l’allocation de naissance est de « couvrir les coûts des soins liés à la grossesse et à la naissance ».

Dans un arrêt du 11 juillet 2019 (605 2018 155), la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg a du reste considéré, en citant expressément cette phrase, que la condition posée à l’art. 2 al. 3 let. b OAFam ne pouvait être réalisée que par la mère à l’exclusion du père. L’octroi d’une allocation de naissance étant liée à la grossesse et à l’accouchement, il ne s’agissait pas d’une condition personnelle qui pourrait être remplie indifféremment par la mère ou par le père et qui serait imposée arbitrairement à la mère et pas au père.

9.2 Dans un arrêt de principe du 25 novembre 2021 (ATAS/1241/2021), la chambre de céans a comblé une lacune en considérant, dans un cas de gestation pour autrui, que la condition du domicile en Suisse pouvait être exceptionnellement remplie par le père, seul représentant légal, dès lors que le couple avait eu recours aux services d’une mère porteuse résidant à l’étranger pendant la durée de la grossesse. Toutefois, il s’agit d’un état de fait différent qui ne saurait être appliqué par analogie.

Il résulte de ce qui précède que, dans le cas d’espèce, il est impératif de se fonder sur le critère du domicile et de la résidence habituelle de la mère pendant les neuf mois précédant la naissance de l’enfant.

Étant précisé que l’octroi des allocations familiales n’implique pas la résidence ou le domicile en Suisse pendant le délai de carence de neuf mois et ne peut donc pas être allégué pour obtenir un droit automatique à l’allocation de naissance.

9.3 Selon l’art. 23 CC, le domicile de toute personne est au lieu où elle réside avec l’intention de s’y établir ( ).

S’agissant de la résidence habituelle, il faut que la personne concernée ait effectivement sa résidence dans le lieu en cause et la volonté de conserver celle-ci au moment déterminant ; le centre de toutes ses relations doit en outre se trouver en Suisse (Commentaire romand de la loi sur la partie générale des assurances sociales, Margit MOSER-SZELESS, ad art. 13, N 23 à 26, 2018, Bâle).

9.4 Comme le relève l’intimée, le recourant n’a pas été en mesure de produire la moindre pièce faisant état d’une résidence de la mère, en Suisse, pendant la période de carence de neuf mois, qui s’étend de mi-mai 2018 à mi-février 2019.

Les pièces produites se rapportent à des visites médicales, certes rapprochées et nombreuses, mais qui ne démontrent pas l’existence d’une résidence en Suisse, étant rappelé que la première consultation prénatale aux HUG date du 21 juin 2018, soit moins de huit mois avant la date de l’accouchement.

Les quittances d’achat pour un abonnement mensuel uniréseau « Tout Genève », au nom de l’épouse, pour la période allant du 13 juin au 12 juillet 2018, ne permettent pas non plus de conclure à l’existence d’une résidence habituelle, ce d’autant moins que ledit abonnement n’a été prolongé par la suite que du 12 septembre au 11 novembre 2018, ce qui serait plutôt un indice d’une présence discontinue de l’épouse à Genève.

Enfin, les quittances concernant le suivi des cours de français démontrent, dans une certaine mesure, la présence de la mère de l’enfant à Genève, aux dates indiquées, mais pas sa résidence habituelle.

Ainsi, comme le fait valoir l’intimée, l’épouse du recourant pouvait résider en France et se rendre régulièrement en Suisse pour les consultations liées à sa grossesse ou pouvait être hébergée par son frère, à titre temporaire, pour se rendre aux consultations convenues avec les HUG.

On ne saurait donc écarter l’hypothèse selon laquelle la mère de l’enfant s’est rendue à des consultations, voire a suivi des cours de français à Genève, sans être résidente et encore moins domiciliée en Suisse.

À cet égard, on peut s’étonner de l’absence d’attestation faisant état d’une location ou d’une sous-location, voire d’une co-location à Genève, pendant le délai de carence, de paiement de factures liées à un logis, et encore d’offre de témoignage.

9.5 Au vu de l’absence de résidence, il n’est pas nécessaire d’examiner la condition subjective concernant la volonté de s’établir.

10.         Compte tenu de ce qui précède, la chambre de céans considère que la condition de la résidence habituelle ou du domicile en Suisse pendant les neuf mois précédant l’accouchement n’est pas démontrée au degré de la vraisemblance prépondérante et ne peut que rejeter le recours.

 

11.         Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA).

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le