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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2722/2018

ATAS/222/2022 du 09.03.2022 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2722/2018 ATAS/222/2022

 

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 9 mars 2022

8ème Chambre

 

En la cause

 

Madame A______, domiciliée à ONEX, représentée par APAS-Association pour la permanence de défense des patients et assurés

 

Recourante

 

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

Intimé

 

 


 

 


 

EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1971, de langue maternelle hongroise, ressortissante suisse, mariée, mère de deux enfants nés le ______ 1989 et le ______ 1992, titulaire d’une formation de couturière, a déposé une demande de prestations d’assurance-invalidité le 14 octobre 2015 auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé). Elle a indiqué avoir travaillé comme couturière-tailleur indépendante du 1er janvier 2001 au 3 mai 2015, mais avoir été en incapacité totale dès cette date en raison d’une cécité totale et subite de l’œil droit. Elle était traitée au service d’ophtalmologie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : les HUG) par le docteur B______ depuis le 3 mai 2015 et au service d’immunologie et d’allergologie par le docteur C______, chef de clinique, dès le 30 septembre 2015.

2.        Dans un rapport médical du 9 novembre 2015, le Dr C______, médecin chef de clinique à l’unité d’immunologie clinique des HUG, a posé le diagnostic de troubles visuels de l’œil droit d’origine indéterminée. L’assurée lui était adressée en raison d’une suspicion d’une possible étiologie immunologique à ses problèmes de vision de l’œil droit. Elle avait expliqué s’être réveillée le 3 mai avec une vision floue de l’œil droit qui ne lui permettait plus de lire. La vision s’était encore réduite ultérieurement au fur à mesure des semaines et l’assurée avait l’impression que l’œil gauche commençait à voir moins aussi. Après discussion, une étiologie auto-immune de la cécité semblait peu probable.

3.        Dans un rapport médical AI, reçu par l’OAI le 13 novembre 2015, le Dr C______ a retenu comme diagnostic ayant un effet sur la capacité de travail une cécité de l’œil droit depuis le 3 mai 2015, à la suite d’une perte soudaine de l’acuité visuelle, au pronostic incertain, sans traitement spécifique. L’incapacité de travail était totale dans l’activité habituelle de couturière, en raison de la cécité de l’œil droit et de la perte de la vision 3D, qui se manifestaient dans l’impossibilité ou la réduction de la capacité de coudre. En revanche, une activité adaptée aux limitations fonctionnelles était immédiatement possible à 60%. Il n’était pas possible de s’exprimer sur une reprise de l’activité professionnelle, respectivement une amélioration de la capacité de travail.

4.        Dans un avis du 5 décembre 2015, la doctoresse D______, médecin du service médical régional (ci-après : SMR) de l’OAI, ne s’est pas exprimée sur la capacité fonctionnelle exigible et a donné pour instruction d’interroger le docteur E______, neurologue.

5.        Dans un rapport médical du 15 février 2016, le docteur F______, médecin interne, et le professeur G______, médecin adjoint agrégé responsable de l’unité de strabologie, neuro-ophtalmologie et ophtalmo-pédiatrie, au service d’ophtalmologie des HUG, ont posé le diagnostic de cécité unilatérale droite d’étiologie inconnue sans manifestation organique ophtalmologique. En résumant, l’assurée présentait une baisse d’acuité à 0,02 accompagnée d’une mydriase qui ne se resserrait pas à la pilocarpine de 1% dans l’absence d’un déficit d’afférence du côté atteint. La réponse optocinétique au test au miroir ne soutenait pas le résultat du champ visuel et de la baisse de l’acuité visuelle. Les examens électrophysiologiques étant sensibles à la fixation n’étaient pas contributifs dans ce contexte.

6.        Le 7 mars 2016, le Dr F______ a rempli un rapport médical AI attestant comme diagnostic ayant un effet sur la capacité de travail d’une cécité unilatérale droite avec discordance clinique et paraclinique (l’examen ophtalmologique et l’IRM cérébrale étaient dans la norme), à la suite d’une baisse de l’acuité visuelle brutale avec douleurs à droite le 27 mai 2015, sans traitement hospitalier, ni cure, ni thérapie. Le pronostic était inconnu. Le Dr F______ assurait le traitement ambulatoire depuis le 17 décembre 2015 à la suite d’autres médecins du service. Un deuxième avis avait été demandé à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin à Lausanne. L’incapacité de travail était totale dans l’activité habituelle de couturière professionnelle et de pompier, en raison de l’absence de vision binoculaire et de la cécité de l’œil droit.

7.        Dans un rapport médical AI, reçu par l’OAI le 1er juin 2016, le professeur H______, médecin adjoint à l’unité de neuro-ophtalmologie de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, a exposé comme diagnostics avec effet sur la capacité de travail une perte visuelle de l’œil droit avec une composante fonctionnelle et sans substrat organique existant depuis mai 2015, une mydriase unilatérale droite de type pharmacologique existant depuis janvier 2016 et une mydriase bilatérale (toujours de type pharmacologique) existant depuis le 12 avril 2016. En mai 2015, l’assurée avait ressenti une baisse de l’acuité visuelle de l’œil droit avec sensation de brûlures et épiphora, deux jours après une intervention dans un incendie en tant que pompier volontaire. En janvier 2016, une mydriase était apparue à l’œil droit, accompagnée d’une sensation douloureuse dans l’orbite du côté droit et d’une photophobie. Lors de l’examen du 11 avril 2016 avec le Pr H______, il avait été possible d’améliorer l’acuité visuelle de l’œil droit à 80% au moyen d’un brouillage de l’œil gauche. La patiente avait ensuite été mise au bénéfice d’un traitement tonifiant d’Augentonicum et de Myrtaven. Vingt-quatre heures après le début de ce traitement, le mari de l’assurée avait envoyé une photographie de cette dernière qui présentait désormais une mydriase bilatérale. Lors de l’examen du 22 avril 2016, le Pr H______ avait constaté que l’acuité visuelle était respectivement de 10% à l’œil droit et de 15% à l’œil gauche. L’adjonction du trou sténopéique permettait d’améliorer la vision à 3/10e à droite et 5/10e à gauche. La vision des couleurs était de 0/13 à droite et 10/13 à gauche au test d’Ishibara. Rien dans l’histoire de l’assurée ne permettait de déterminer quelle était l’origine pharmacologique de la mydriase. Le traitement tonifiant avait été stoppé. L’incapacité de travail était totale et, dans l’état actuel, l’assurée ne pouvait pas travailler comme couturière (flou visuel, perte de l’accommodation). Le Pr H______ préconisait une prise en charge par un team neurologique/psychiatrique et recommandait la doctoresse I______, neurologue spécialisée dans les troubles fonctionnels non organiques. Il était impossible de répondre à la question de savoir si une reprise de l’activité professionnelle, respectivement une amélioration de la capacité de travail, étaient possibles. Faisaient partie du rapport (auquel ils étaient joints), la lettre du Pr H______ du 27 avril 2016 et divers résultats d’examens médicaux.

8.        Une imagerie par résonance magnétique (ci-après : IRM) a été effectuée le 27 juin 2016. Selon les docteurs J______, médecin chef de clinique en radiologie, et K______, médecin interne en radiologie, l’IRM cérébrale était d’aspect superposable au comparatif et dans la norme pour l’âge.

9.        Dans un rapport médical du 16 août 2016, la Dresse I______, cheffe de clinique au département des neurosciences cliniques des HUG, a retenu les diagnostics de trouble neurologique fonctionnel probable (baisse de l’acuité visuelle de l’œil droit et hémisyndrome sensitivo-moteur droit fluctuant) et de mydriase aréactive bilatérale pharmacologique. Le 3 mai 2015, dans les suites d’une intervention en tant que pompier, l’assurée avait présenté l’apparition brusque au réveil d’une baisse de l’acuité visuelle de l’œil droit pour laquelle un bilan étendu n’avait pas révélé de pathologie oculaire ni cérébrale, avec mise en évidence de signes positifs pour un trouble neurologique fonctionnel, à savoir une nette amélioration de la vision lors de manipulation optique. Depuis lors, de façon intermittente, l’assurée remarquait un engourdissement au niveau de sa jambe droite et parfois de son bras droit. S’était surajoutée, quelques mois plus tard, une symptomatologie de mydriase aréactive d’abord uniquement de l’œil droit puis bilatérale dans les vingt-quatre heures suivant l’examen neuro-ophtalmologique et la prescription de Myrtaven et Augentonicum collyre. Il n’y avait pas d’autres plaintes neurologiques. Sur le plan psychiatrique, l’assurée avait eu lors de son arrivée en Suisse, un suivi psychiatrique ambulatoire mais en gardait une très mauvaise expérience. Un trouble neurologique fonctionnel pouvait survenir dans les suites d’un traumatisme mineur physique ou psychologique. La prise en charge résidait en une adaptation du symptôme physique et un soutien psychologique, qui paraissait à la Dresse I______ nécessaire également pour le problème de mydriase. La Dresse I______ restait à disposition pour organiser le suivi psychiatrique si l’assurée se décidait à l’entreprendre ou pour la revoir si de nouveaux symptômes neurologiques latéralisés devaient apparaître, notamment dans le cas d’une réapparition des troubles sensitifs hémicorporels droits.

10.    Le 22 septembre 2016, la doctoresse L______, spécialiste FMH en médecine interne générale et médecin traitant de l’assurée, a rempli un rapport médical AI pour l’examen du droit de l’assurée à une rente. Elle a attesté comme diagnostic ayant un effet sur la capacité de travail une diminution de l’acuité visuelle sévère de l’œil droit à 10% (mai 2015) et une mydriase fixe bilatérale avec défaut d’accommodation (côté droit en janvier 2016 et côté gauche en mai 2016), ainsi que comme diagnostic sans effet sur la capacité de travail la présence d’un fragment intra-articulaire de la cheville gauche post-traumatique (2016). L’assurée était dans l’impossibilité de lire et d’effectuer des travaux de précision. Elle souffrait de douleurs secondaires aux phénomènes d’éblouissement et de céphalées de tension liées à la malvoyance. Elle avait également des vertiges du fait de l’impossibilité de fixer avec netteté. Elle se sentait diminuée, limitée et son moral était très fluctuant avec des épisodes de grande anxiété. Le pronostic était réservé car l’atteinte oculaire était sévère et, comme aucune étiologie n’avait été trouvée, il n’y avait pas de traitement spécifique. L’incapacité de travail était totale depuis le 3 mai 2015. Il n’existait pas d’activité adaptée possible. L’on ne pouvait pas s’attendre à une reprise de l’activité professionnelle, respectivement à une amélioration de la capacité de travail.

11.    Dans un avis médical du 28 mars 2017, les docteurs M______ et N______, médecins du SMR, ont relaté une discussion téléphonique du 23 mars 2017 avec la Dresse L______, dont il résultait que cette dernière considérait que la capacité de travail était nulle mais que celle-ci pouvait être réévaluée dans le cadre d’un atelier professionnel. L’assurée était suivie au cabinet tous les deux mois et bénéficiait d’un traitement pour ses angoisses. La Dresse L______ estimait que l’assurée n’avait pas de trouble de la personnalité. Étant donné que les seuls diagnostics retenus par les médecins spécialistes, après toutes les investigations, étaient des troubles fonctionnels ophtalmologiques et neurologiques, ils proposaient d’organiser une expertise psychiatrique.

12.    Dans un courrier du 29 mars 2017, le Pr H______ a expliqué répondre aux questions qu’il avait reçues par message électronique du 27 mars 2017 de la part des docteurs N______ et O______ du SMR. Il a expliqué que le type d’atteinte ophtalmologique que présentait l’assurée pouvait être assimilé à un syndrome de conversion. Une expertise psychiatrique était pertinente. En revanche, un nouvel examen ophtalmologique ne semblait pas indiqué. Dans le cadre de sa consultation spécialisée en neuro-ophtalmologie, il voyait des patients présentant une composante fonctionnelle non organique surajoutée de manière hebdomadaire (un à cinq patients par semaine). La présentation clinique variait d’un patient à un autre.

13.    Dans un rapport médical du 26 juin 2017, le docteur P______, spécialiste FMH oto-rhino-laryngologie, a posé les diagnostics de déficit vestibulaire périphérique à gauche et de surdité de perception bilatérale.

14.    A la demande de l’OAI, le docteur Q______, spécialiste FMH psychiatrie et psychothérapie, a rendu le 15 décembre 2017 un rapport d’expertise, à la suite d’un examen clinique en psychiatrie du 21 septembre 2017 qui avait duré une heure et dix minutes.

L’assurée était peu pusillanime par rapport à ses troubles. Elle gardait un sens des réalités et une capacité de jugement intacts. Sa capacité relationnelle et son aptitude à nouer des relations sociales étaient restées intactes, même si, pendant les derniers mois, elle avait été dans un processus d’autoprotection et s’était plutôt repliée sur elle-même au niveau du cercle amical. Elle avait une particulièrement bonne gestion de ses impulsions et de l’affect. Son estime d’elle-même était néanmoins très largement entamée avec une blessure narcissique majeure. Elle avait des qualités intellectuelles et des ressources psychiques importantes. Elle était également dans un cercle familial qui se préoccupait de son état et de sa santé. Plus particulièrement son mari était extrêmement attentif à ce qui se déroulait autour de l’assurée.

Le Dr Q______ a constaté que, si la symptomatologie pouvait être compatible avec un trouble dissociatif, le symptôme de mydriase aréactive était l’argument de poids qui orienterait le diagnostic plutôt vers une cause organique, étant donné qu’une mydriase bilatérale non réactive était souvent due à une atteinte rétinienne ou du nerf optique. Aussi, le trouble de la vision décrit (avec une vision périphérique extrêmement perturbée au bénéfice d’une vision centrale circulaire de meilleure qualité) correspondait aux notions connues de physiologie de la vision et laissait supposer qu’il pouvait y avoir une cohérence avec un trouble neurologique spécifique qui n’était pas encore étiqueté en tant que tel. Un trouble dissociatif ne pouvait avoir de diagnostic posé de façon certaine qu’en l’absence absolue de toute symptomatologie somatique associée. Sur un plan purement fonctionnel et de son retentissement, le trouble était grave et représentait un déficit important, indépendamment de l’étiologie. Les limitations fonctionnelles induites par le trouble étaient majeures car tout se passait comme s’il existait une cécité quasiment complète. Il n’y avait pas d’élément qui laissait évoquer la possibilité d’une exagération ou d’une simulation que ce soit de façon avérée ou ressentie. Le Dr Q______ a retenu comme possible le diagnostic de trouble moteur dissociatif (cécité psychogène) F44.4, en dehors de l’existence d’un trouble neurologique associé (la mydriase bilatérale), mais en l’état, aucun diagnostic psychiatrique de certitude ne pouvait être posé.

L’assurée semblait globalement être d’une parfaite compliance aux traitements qui lui étaient proposés. Il a considéré qu’une prise en charge psychothérapique était tout à fait adaptée, que l’opportunité d’une hypnothérapie pouvait être discutée et qu’il convenait de vérifier à nouveau s’il n’existait pas de substratum organique. Le tableau clinique était incomplet plus qu’incohérent et il apparaissait important de relancer un examen et un bilan ophtalmologiques de façon régulière, au moins trimestriels ou semestriels. Il convenait probablement de réévaluer, en fonction de modifications du tableau clinique, l’état psychique de l’assurée. Étant donné qu’il n’existait pas, au jour de l’expertise et en l’état, de diagnostic somatique ophtalmologique de certitude et qu’il était impossible, compte tenu des éléments qui étaient fournis, de poser un diagnostic de conversion, il convenait de surveiller et réévaluer la situation. En cas d’élément nouveau au niveau sémiologique, il fallait réévaluer la position diagnostique, tant au niveau somatique que psychique. Ceci entraînait une incapacité à envisager un quelconque pronostic au moment de l’expertise.

De par l’importance du déficit sensoriel, l’assurée se retrouvait limitée dans tous types d’activités et dans sa propre autonomie. Tant dans l’activité exercée que dans toute autre activité, la capacité de travail avait diminué de façon drastique depuis le 3 mai 2015 et, depuis que la cécité s’était bilatéralisée, la capacité était de 0%, étant donné que le déficit sensoriel de la vision était, même s’il n’était pas certainement d’origine psychique, une réalité clinique incontestable, objectivée à plusieurs reprises dans le dossier et corroborée lors de l’entretien d’expertise.

15.    Au retour du rapport d’expertise, la doctoresse R______, médecin du SMR, a établi un rapport le 6 février 2018. Après avoir résumé les divers rapports figurant au dossier, elle a exposé que, dans un contexte de trouble visuel sans substrat organique, l’expertise du Dr Q______ permettait d’éliminer l’existence d’une atteinte psychiatrique incapacitante. L’expert évoquait le diagnostic de trouble moteur dissociatif (cécité psychogène) (F44.4) et celui d’un trouble de la personnalité du registre histrionique (dont les critères était cependant incomplets et l’intensité légère). Il avait noté que l’assurée disposait de qualités intellectuelles et de ressources psychiques importantes pour dépasser ses symptômes. Ses interactions relationnelles et sociales restaient intactes, son réseau social étant aidant. L’expert avait déterminé l’exigibilité en s’appuyant sur son appréciation des volets ophtalmologique et neurologie, qui ne relevaient pourtant pas de son domaine de compétence. Dans ce contexte, le SMR ne pouvait pas suivre les conclusions de l’expert lorsque les évaluations de la capacité de travail étaient motivées par le déficit sensoriel « même s’il n’[était] certainement pas d’origine psychique » [recte, « même s’il n’[était] pas certainement d’origine psychique »]. Au final, l’assurée présentait un trouble visuel fonctionnel, qui avait été multi-investigué par les spécialistes, sans mettre en évidence de substrat organique. L’expertise psychiatrique ne retrouvait pas de psychopathologie incapacitante. L’assurée disposait de bonnes ressources adaptatives. Dans ce contexte, aucune atteinte incapacitante au sens de l’AI ne pouvait être reconnue et la capacité de travail de l’assurée restait entière dans toute activité depuis toujours.

16.    Dans un projet de décision du 26 février 2018, l’OAI a retenu qu’à l’issue de l’instruction médicale, l’assurée ne présentait pas d’atteinte à la santé incapacitante au sens de l’AI, raison pour laquelle les conditions d’octroi de prestations de l’AI n’étaient pas réunies.

17.    Par courrier du 9 avril 2018, l’association pour la permanence de défense des patients et assurés (ci-après : l’APAS) a informé l’OAI de sa constitution pour la défense des intérêts de l’assurée, qui s’opposait au projet de décision, concluant à l’octroi d’une rente entière, subsidiairement à la réalisation d’une expertise médicale pluridisciplinaire psychiatrique, ophtalmologique et neurologique. Le SMR ne pouvait pas s’écarter des conclusions de l’expertise du Dr Q______ sans motiver sa position. Le cas échéant, il lui incombait de réaliser une expertise pluridisciplinaire ophtalmologique, neurologique et psychiatrique. Le Dr Q______ indiquait explicitement qu’il ne pouvait pas retenir le diagnostic de conversion parce qu’il existait un substrat organique du fait de la mydriase permanente. Dès lors, soit l’assurée avait un trouble ophtalmologique complexe dont l’étiologie n’était pas encore élucidée ; soit le trouble ophtalmologique n’était pas d’origine organique, elle avait un trouble de conversion et il s’agissait d’une maladie psychiatrique grave, même si le diagnostic ne pouvait pas encore être posé avant l’élucidation du trouble ophtalmologique. Dans les deux cas, sa capacité de travail était nulle dans toute activité.

18.    Dans un rapport du 9 avril 2018, la Dresse L______ a exposé que, selon l’expertise médicale du Dr Q______, si les diagnostics restaient hypothétiques, l’atteinte à la fonctionnalité professionnelle et privée était attestée avec une incapacité de travail à 100%. Si l’assurée avait un trouble ophtalmologique complexe, d’étiologie non encore élucidée, sa capacité de travail était nulle dans tout métier. Si elle avait un trouble de conversion, il s’agissait d’une maladie psychiatrique grave dont le pronostic restait réservé et, de toute façon, sa capacité de travail était nulle. Dans son résumé, la Dresse R______ déformait toutes les conclusions des rapports médicaux et concluait à une absence d’incapacité de travail. Il était inadmissible qu’elle ne tienne pas compte, comme elle le faisait, du rapport du Dr Q______, qui était d’ailleurs très bien explicatif concernant les origines du trouble et les répercussions dans la vie réelle.

19.    Par courrier du 17 avril 2018, l’assurée, représentée par l’APAS, a transmis à l’OAI le rapport de la Dresse L______ du 9 avril 2018, qui se référant aux éléments médicaux déjà au dossier, expliquait que l’assurée était en incapacité de travail totale, soit en raison d’un trouble ophtalmologique complexe non encore élucidé, soit en raison d’un trouble de conversion.

20.    Dans un avis du 11 juin 2018, la Dresse R______ a rappelé qu’au plan somatique, aucune atteinte à la santé au sens de l’AI ne pouvait être retenue et que l’expertise psychiatrique réalisée le 15 décembre 2017 ne retenait pas de psychopathologie incapacitante au sens de l’AI. Elle a considéré que, dans le rapport du 9 avril 2018, la Dresse L______ n’apportait pas de nouveaux éléments médicaux parlant pour une aggravation objective et durable de l’état de santé de l’assurée. Dès lors, les éléments apportés par cette dernière en procédure d’audition n’étaient pas de nature à modifier les conclusions du rapport SMR du 6 février 2018.

21.    Par décision du 22 juin 2018, l’OAI a confirmé sa position et rejeté la demande de prestations.

22.    Par acte du 15 août 2018, l’assurée, représentée par l’APAS, a formé recours à l’encontre de la décision précitée du 22 juin 2018, concluant principalement à son annulation et à la reconnaissance du droit à toutes les prestations de l’assurance invalidité, sous suite de frais et dépens, et subsidiairement à la réalisation d’une expertise médicale bi-disciplinaire ophtalmologique et psychiatrique ainsi qu’à l’audition des Drs Q______ et L______. L’expertise médicale qui avait été effectuée sur mandat de l’OAI avait conclu à une capacité de travail nulle de l’assurée. Elle remplissait toutes les conditions pour se voir reconnaître une valeur probante. Dès lors, il fallait suivre ses conclusions, reconnaître l’incapacité totale de travailler de la recourante dans toute activité et le droit aux prestations de l’assurance-invalidité.

23.    L’intimé a répondu au recours le 30 août 2018, concluant à son rejet et à la confirmation de la décision attaquée. L’expert psychiatrique ne posait aucun diagnostic de manière certaine : les diagnostics étaient évoqués, incertains, possibles. La reconnaissance de l’existence d’un trouble psychiatrique supposait d’abord la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant lege artis sur les critères d’un système de classification reconnu. La recourante présentait un trouble qui n’avait pas pu être objectivé, ni sur le plan somatique (malgré de nombreuses investigations dans diverses spécialisations), ni sur le plan psychiatrique. Dès lors, l’atteinte ne pouvait pas être considérée comme incapacitante.

24.    La recourante a répliqué le 13 septembre 2018, persistant dans ses conclusions. Elle ne pouvait pas être maintenue, tel au purgatoire, entre un diagnostic ophtalmologique qui, en l’état de la science, ne semblait pas pouvoir être posé, et un diagnostic psychiatrique, qui était un diagnostic d’exclusion et qui ne pouvait pas être posé en la présence de la moindre organicité de l’atteinte.

25.    L’intimé a dupliqué le 18 septembre 2018, persistant dans ses conclusions. En l’absence de diagnostic objectif posé de manière certaine par un spécialiste, il n’était pas possible de reconnaître l’existence d’une atteinte incapacitante. En l’absence de résultats sur le plan somatique, le seul diagnostic de trouble non organique ne suffisait pas pour justifier un droit à des prestations d’assurance sociale. Il incombait à l’expert psychiatre, dans le cadre de son large examen, d’indiquer à l’administration (et au juge) si et dans quelle mesure un assuré disposait de ressources psychiques qui – eu égard également aux critères pertinents – lui permettaient de surmonter ses douleurs. En l’espèce, hormis le trouble de la vue, la recourante ne présentait ni atteinte somatique, ni trouble de la personnalité, ni d’autre trouble psychiatrique.

26.    Par courrier du 9 octobre 2018, la recourante a fait part que la position tenue par l’OAI requérait la réalisation d’une nouvelle expertise judiciaire. Elle persistait dans ses conclusions.

27.    Par courrier du 15 octobre 2018, l’intimé a observé que sa position n’était pas qu’une expertise médicale devait être réalisée. Au contraire, il niait la nécessité d’une telle expertise. Sur le plan ophtalmologique, un bilan étendu avait déjà été réalisé par plusieurs spécialistes, qui excluaient tous l’existence d’un substrat organique pouvant expliquer la cécité. S’agissant du volet psychiatrique, une expertise avait déjà été réalisée et ne retenait aucun diagnostic de manière objective et certaine. En l’absence de diagnostic, une quelconque analyse selon les critères jurisprudentiels tombait à faux. Quand bien même, le rapport d’expertise contenait suffisamment d’éléments pour déterminer que, juridiquement également, la recourante ne présentait pas d’atteinte invalidante. L’intimé persistait dans ses conclusions.

28.    Par courrier du 22 janvier 2021, la chambre de céans a informé les parties de son intention de mettre en œuvre une expertise bi-disciplinaire ophtalmologique et psychiatrique et de la confier à la doctoresse S______, sous la supervision si nécessaire du Dr T______,– centre d’ophtalmologie et du glaucome à Lausanne, et au docteur U______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. Elle leur a communiqué les questions qu'elle avait l'intention de poser aux experts, en leur impartissant un délai pour faire valoir une éventuelle cause de récusation et se déterminer sur les questions.

29.    Le 2 février 2021, l’intimé a informé la chambre de céans qu’il n'avait pas de motifs de récusation contre les experts annoncés. Sur indication du SMR, il a demandé de poser aux experts une question supplémentaire, visant la description précise du déroulement d’une journée « ordinaire » de l’assurée.

30.    Par courrier du 11 février 2021, la recourante a informé la chambre de céans qu’elle n’avait pas de motif de récusation à faire valoir contre les experts et qu’elle souhaitait l’ajout de quatre questions au mandat d’expertise, c’est-à-dire si d’un point de vue ophtalmologique sa cécité quasi-totale pouvait s’expliquer par des raisons organiques qui n’étaient pas encore connues en l’état de la science et si le diagnostic psychiatrique de trouble de conversion pouvait être posé même en présence d’une atteinte organique expliquant une partie de la symptomatologie ; en cas de réponse négative à ces deux questions, comment évaluer, de manière bidisciplinaire et consensuelle, les diagnostics à poser et les limitations fonctionnelles ; enfin, d’un point de vue fonctionnel, et selon une analyse bidisciplinaire et consensuelle, quelles étaient les limitations de l’assurée.

31.    Par courriers du 12 février 2021, la chambre de céans a remis à chacune des parties la détermination de l’autre.

32.    Par ordonnance du 10 mars 2021 (ATAS/188/2021), la chambre de céans a ordonné une expertise bidisciplinaire de la recourante qu’elle a confiée à la Dresse S______, sous la supervision si nécessaire du Dr T______, et au Dr U______, considérant que le rapport d’expertise du Dr Q______ montrait la nécessité de combiner l’appréciation des volets somatique et psychique, compte tenu du fait que les doutes de l’expert sur l’absence de cause organique avaient joué un rôle important dans le fait qu’il n’avait pas retenu de diagnostic psychiatrique. Dès lors, la décision contestée reposait sur une instruction insuffisante pour permettre à la chambre de céans de trancher le litige, même sous l'angle de la vraisemblance prépondérante.

33.    Le rapport d’expertise établi le 4 août 2021 par la Dresse S______ contient un résumé du dossier médical de la recourante, une anamnèse, une description des plaintes actuelles de cette dernière, un résumé de ses données subjectives, une description de sa journée ordinaire actuelle, ainsi que les constatations faites lors d’un examen clinique. L’experte n’a pas posé de diagnostic ophtalmologique, étant donné qu’elle n’avait pas pu mettre en évidence d’atteinte organique pouvant expliquer les plaintes de la recourante avec un degré de probabilité suffisant. Elle a relevé une discordance entre les éléments subjectifs et objectifs de l’évaluation clinique ophtalmique, qui mettait en question la gravité de l’atteinte visuelle. Il n’était donc pas possible d’évaluer avec certitude dans quelle mesure la recourante présentait des limitations fonctionnelles. Une exclusion absolue d’une atteinte à la santé significative ne pouvait pas être retenue avec certitude. Néanmoins, la présence de causes organiques non détectées malgré un bilan extensif clinique et paraclinique paraissait peu probable.

34.    Le rapport d’expertise établi le 4 août 2021 par le Dr U______ contient un résumé du dossier médical de la recourante, une anamnèse comprenant l’histoire personnelle et médicale ainsi que la description de la vie quotidienne actuelle, une énumération des plaintes actuelles de la recourante et les constatations objectives de l’expert. Ce dernier n’a pas retenu de diagnostic avec répercussion sur la capacité de travail, au motif que son examen n’avait pas pu établir l’existence d’une atteinte psychiatrique pouvant expliquer les troubles visuels persistants dont se plaignait la recourante, à savoir une baisse de l’acuité visuelle et une mydriase avec ses conséquences fonctionnelles. Il a écarté le diagnostic de trouble dissociatif (ou de conversion) notamment au motif que, d’une part, ni le dossier ni son examen n’avaient mis en évidence de facteur de stress ayant pu déclencher la cécité et que, d’autre part, un tel diagnostic n’entrait pas en considération pour la mydriase bilatérale et ses conséquences du fait qu’il ne pouvait pas concerner la musculature relevant du système nerveux autonome. Il a également exclu le diagnostic de trouble factice parce que, d’une part, il n’était pas avéré que la recourante consommait des produits de type atropinique pour provoquer volontairement une mydriase et que, d’autre part, il n’avait pas d’arguments pour dire que la recourante recherchait assidûment le statut de malade avec un besoin de prestations médicales répétées. Dès lors, ne retenant pas de diagnostic psychiatrique avec répercussion sur la capacité de travail, il a considéré discutable la conclusion du Dr Q______ qui avait admis une incapacité de travail totale. Il a en revanche retenu le diagnostic sans répercussion sur la capacité de travail de probable stress post-traumatique (F43.1) après un viol à l’adolescence. L’atteinte était chronique, de degré modéré et sans relation avec les troubles visuels dont se plaignait la recourante.

35.    Selon l’appréciation consensuelle des experts, l’appréciation de l’acuité visuelle était avant tout subjective et dépendait de la volonté du sujet. Sur ce point, il existait des discordances entre les données subjectives et objectives, aussi bien lors de l’examen du Pr. H______ que lors de l’examen effectué dans le cadre de l’expertise. Cela entamait la fiabilité des résultats des examens pratiqués. Pour ce qui était de la mydriase bilatérale, qui contribuait fortement à la gêne visuelle fonctionnelle (flou et effet d’éblouissement), elle était due, selon toute vraisemblance, à l’effet d’une substance pharmacologique exogène que les experts n’avaient pas pu identifier. Au vu de ces constatations, les experts ne pouvaient pas retenir avec un degré de probabilité suffisant l’existence d’atteintes ophtalmologiques organiques ou psychiatriques expliquant les plaintes et par conséquent limitant objectivement la capacité de travail. La sévérité des troubles visuels n’avait pas pu être établie. Une observation en milieu compétent en matière de troubles neurologiques fonctionnels et pouvant contrôler l’apport de substances pharmacologiques exogènes pouvait peut-être contribuer à clarifier la nature et l’importance des atteintes.

36.    Par courrier du 5 octobre 2021, l’intimé a fait valoir que l’expertise bi-disciplinaire était probante, en s’appuyant sur l’avis médical du SMR du 27 septembre 2021. Celui-ci considérait en outre que les conclusions des experts étaient en accord avec la précédente appréciation du SMR. L’intimé a affirmé qu’en l’absence de diagnostic, posé dans les règles de l’art par des spécialistes, entravant les capacités de travail et de gain, la décision litigieuse devait être confirmée.

37.    Par courrier du 9 décembre 2021, la recourante a contesté la valeur probante de l’expertise bi-disciplinaire. Une nouvelle expertise bi-disciplinaire respectant les critères de l’ATF 141 V 281 devait être réalisée, subsidiairement les experts déjà nommés devaient compléter leurs expertises selon cette jurisprudence.

38.    Par courriers du 4 janvier 2022, la chambre de céans a remis à chacune des parties la détermination de l’autre.

39.    La cause a été gardée à juger le 7 février 2021.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Toutefois, les modifications légales contenues dans la LPGA constituent, en règle générale, une version formalisée dans la loi de la jurisprudence relative aux notions correspondantes avant l'entrée en vigueur de la LPGA ; il n'en découle aucune modification du point de vue de leur contenu, de sorte que la jurisprudence développée à leur propos peut être reprise et appliquée (ATF 130 V 343 consid. 3).

3.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b LPA), le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

4.        Le litige porte sur le droit de la recourante aux prestations de l’assurance-invalidité, notamment à une rente d'invalidité.

5.        Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain. De plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

6.        Depuis le 1er janvier 2022, en vertu de l'art. 28b al. 3 LAI, l'assuré a droit à une rente entière s'il est invalide à 70% au moins. Il a droit à un quart de rente s'il est invalide à 40% (art. 28b al. 4 LAI). Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité (art. 28b al. 2 LAI). Pour un taux d’invalidité inférieur à 50%, la quotité de la rente est dégressive de 2,5% d’une rente entière pour chaque pourcent inférieur de taux d’invalidité. Ainsi, avec un taux d’invalidité de 49%, la quotité de la rente est de 47,5% d’une rente entière ; avec un taux d’invalidité de 48%, elle est de 45%, et ainsi de suite jusqu’au quart de rente avec un taux d’invalidité de 40% (art. 28b al. 4 LAI).

En vertu de l'art. 28 al. 2 LAI, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, l'assuré a droit à une rente entière s'il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s'il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s'il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L'atteinte à la santé n'est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

7.        Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 102 V 165 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

En 2017, le Tribunal fédéral a modifié sa pratique lors de l'examen du droit à une rente d'invalidité en cas de troubles psychiques. La jurisprudence développée pour les troubles somatoformes douloureux, selon laquelle il y a lieu d'examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d'une procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs (ATF 141 V 281), s'applique dorénavant à toutes les maladies psychiques. En effet, celles-ci ne peuvent en principe être déterminées ou prouvées sur la base de critères objectifs que de manière limitée. La question des effets fonctionnels d'un trouble doit dès lors être au centre. La preuve d'une invalidité ouvrant le droit à une rente ne peut en principe être considérée comme rapportée que lorsqu'il existe une cohérence au niveau des limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation de la capacité de travail invalidante n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée (ATF 143 V 409 consid. 4.5 et ATF 143 V 418 consid. 6 et 7).

Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d'un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

Il convient dorénavant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs limitant les capacités fonctionnelles et, d'autre part, les potentiels de compensation (ressources), à l'aide des indicateurs suivants :

a. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l'étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic. Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l'atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés.

b. Il convient encore d'examiner le succès du traitement et de la réadaptation ou la résistance à ces derniers. Ce critère est un indicateur important pour apprécier le degré de gravité. L'échec définitif d'un traitement indiqué, réalisé lege artis sur un assuré qui coopère de manière optimale, permet de conclure à un pronostic négatif. Si le traitement ne correspond pas ou plus aux connaissances médicales actuelles ou paraît inapproprié dans le cas d'espèce, on ne peut rien en déduire s'agissant du degré de gravité de la pathologie. Les troubles psychiques sont invalidants lorsqu'ils sont graves et ne peuvent pas ou plus être traités médicalement. Des déductions sur le degré de gravité d'une atteinte à la santé peuvent être tirées non seulement du traitement médical mais aussi de la réadaptation.

c. La comorbidité psychique ne doit être prise en considération qu'en fonction de son importance concrète dans le cas d'espèce, par exemple pour juger si elle prive l'assuré de ressources. Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l'influence du trouble psychique avec l'ensemble des pathologies concomitantes. Un trouble qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidant en tant que tel n'est pas une comorbidité, mais doit à la rigueur être pris en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité.

d. Il convient ensuite d'accorder une importance accrue au complexe de personnalité de l'assuré (développement et structure de la personnalité, fonctions psychiques fondamentales). Le concept de ce qu'on appelle les « fonctions complexes du Moi » (conscience de soi et de l'autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation) entre aussi en considération. Comme les diagnostics relevant des troubles de la personnalité sont, plus que d'autres indicateurs, dépendants du médecin examinateur, les exigences de motivation sont particulièrement élevées.

e. Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles ne doivent pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l'assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut s'assurer qu'une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d'autres difficultés de vie.

f. Il s'agit, encore, de se demander si l'atteinte à la santé limite l'assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l'exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l'assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d'activité sociale de l'assuré avant et après la survenance de l'atteinte à la santé.

g. Il faut examiner ensuite la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, pour évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n'est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l'absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d'une incapacité (inévitable) de l'assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s'appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d'autres raisons que l'atteinte à la santé assurée.

8.        Le juge vérifie librement si l'expert médical a exclusivement tenu compte des déficits fonctionnels résultant de l'atteinte à la santé et si son évaluation de l'exigibilité repose sur une base objective.

La reconnaissance de l'existence d'une atteinte à la santé psychique suppose la présence d'un diagnostic émanent d'un expert (psychiatre) et s'appuyant selon les règles de l'art sur les critères d'un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 et 141 V 281 consid. 2.2 et 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_841/2016 du 30 novembre 2017 consid. 4.5.2).

Ce diagnostic doit être justifié médicalement de telle manière que les personnes chargées d'appliquer le droit puissent vérifier que les critères de classification ont été effectivement respectés. Il suppose l'existence de limitations fonctionnelles dans tous les domaines de la vie (tant professionnelle que privée). Les médecins doivent en outre prendre en considération les critères d'exclusion de ce diagnostic retenus par la jurisprudence (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1. et 2.2). Ainsi, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, on conclura, en règle ordinaire, à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit à des prestations d'assurance. Au nombre des situations envisagées figurent la discordance entre les difficultés décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses difficultés dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, les grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact (cf. ATF 131 V 49 consid. 1.2).

En l'absence de diagnostic psychiatrique, une appréciation en fonction de la grille d'évaluation normative et structurée selon l'ATF 141 V 281 n'a pas à être effectuée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).

9.        a. La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d'assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

b. Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

10.    Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

a. Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4.6; arrêt du Tribunal fédéral 9C_301/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3).

b. Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI; ATF 142 V 58 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

c. En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

d. Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

Le but d'une expertise pluridisciplinaire est d'apprécier toutes les atteintes à la santé et leurs conséquences sur la capacité de travail (ATF 137 V 210). Toutefois, il est parfois difficile de distinguer les atteintes à la santé des facteurs étrangers à l'invalidité. Dans ce cadre, l'appréciation globale et consensuelle des experts ayant participé à l'expertise est souhaitable, sans être obligatoire. De même, le fait qu'une partie de l'expertise pluridisciplinaire ne soit pas convaincante ne signifie pas nécessairement que toute l'expertise ait perdu toute valeur probante. Une expertise pluridisciplinaire peut avoir une pleine valeur probante malgré l’absence de rapport consensuel final des experts (arrêt du Tribunal fédéral 8C_747/2016 du 21 mars 2017).

11.    Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

12.    Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3).

Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l'administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

13.    En l’espèce, il convient de déterminer en premier lieu la valeur probante de l’expertise judiciaire bi-disciplinaire qui a fait l’objet de plusieurs critiques de la part de la recourante.

a. La recourante estime que, si l’experte ophtalmologique exclut l’existence d’une origine organique de la cécité, elle ne met pas pour autant en doute les déclarations de la recourante quant à l’existence d’une importante atteinte visuelle. Elle ajoute que les deux experts excluent l’existence de toute simulation de la recourante et qu’ils concluent à l’existence d’un trouble visuel d’origine non-organique fonctionnel.

La chambre de céans constate que l’experte ophtalmologique a relevé une discordance entre les éléments subjectifs et objectifs de l’évaluation clinique ophtalmique, qui mettait en question la gravité de l’atteinte visuelle. L’importante atteinte visuelle qu’invoque la recourante n’a dès lors pas été confirmée par l’expertise ophtalmologique, qui retient plutôt qu’il n’a pas été possible d’évaluer avec certitude dans quelle mesure la recourante présentait des limitations fonctionnelles. Similairement, dans leur appréciation consensuelle, les experts ont conclu qu’ils ne pouvaient pas retenir avec un degré de probabilité suffisant l’existence d’atteintes ophtalmologiques organiques ou psychiatriques expliquant les plaintes et par conséquent limitant objectivement la capacité de travail. La sévérité des troubles visuels n’avait pas pu être établie. Il en résulte que la lecture de l’expertise bidisciplinaire que la recourante propose ne correspond pas au texte et au sens des rapports d’expertise : les experts ont discuté la question de savoir si la recourante souffrait d’une importante atteinte visuelle mais ils n’ont pas confirmé celle-ci, ne retenant finalement aucun diagnostic avec répercussion sur la capacité de travail.

b. La recourante considère que les experts auraient dû apprécier son cas selon la grille d’évaluation résultant de l'ATF 141 V 281.

Contrairement à ce que soutient la recourante, son cas n'avait pas à être examiné à l'aune de l'ATF 141 V 281. Il appartient effectivement au médecin de retenir - ou non - le diagnostic en fonction de critères médicaux et non jurisprudentiels (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.1 p. 285 et la référence) et au juge d'en évaluer le caractère invalidant au regard des indicateurs développés par la jurisprudence (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.1.1 in initio p. 285). En l'absence de diagnostic psychiatrique, une appréciation en fonction de la grille d'évaluation normative et structurée selon l'arrêt cité n'a pas à être effectuée.

c. Selon la recourante, les experts ont recommandé des traitements et investigations complémentaires, soit, en ce qui concerne le volet psychique, un traitement psychiatrique pour l’état de stress post-traumatique et, en ce qui concerne l’aspect ophtalmologique, une évaluation dans un service de basse vision, une évaluation pour une réadaptation professionnelle et un essai de traitement par pilocarpine 2% pendant une période de surveillance. Elle est d’avis que les conclusions de l’expertise doivent être revues une fois ces mesures d’investigation supplémentaires réalisées.

Le rapport d’expertise psychiatrique indique que la recourante peut faire appel à une démarche psychothérapeutique spécialisée, ciblée sur l’état de stress post-traumatique, si elle le souhaite. Un tel traitement est peut-être souhaitable et pourrait contribuer à améliorer le sommeil de la recourante, mais il n’est pas nécessaire et n’aurait pas d’impact sur la capacité de travail, étant donné que l’état de stress post-traumatique n’a pas de répercussions sur celle-ci. La réticence de la recourante à s’engager dans un tel traitement est au demeurant décrite comme compréhensible et légitime. En revanche, quant aux symptômes visuels, en l’absence de participation psychiatrique établie, un traitement psychiatrique n’apparaît pas utile. Dans ce contexte, un traitement psychiatrique pour le stress post-traumatique n’est pas susceptible de modifier les conclusions de l’expertise psychiatrique.

Le rapport d’expertise ophtalmologique énonce qu’il n’y a pas de traitement spécifique qui pourrait être appliqué au cas de la recourante. En outre, la présence de causes organiques non détectées malgré un bilan extensif clinique et paraclinique paraît peu probable. L’évaluation dans un service de basse vision, l’évaluation pour une réadaptation professionnelle et l’essai de traitement par pilocarpine 2% pendant une période de surveillance ont été mentionnés par l’experte à titre éventuel, dans la mesure où la discordance relevée entre les éléments subjectifs et objectifs de l’évaluation clinique ophtalmique mettait en question la gravité de l’atteinte visuelle et il n’avait pas été possible d’évaluer avec certitude dans quelle mesure la recourante présentait des limitations fonctionnelles. Dès lors, les évaluations et traitement auxquels se réfère la recourante ne sont pas susceptibles de modifier les conclusions de l’expertise ophtalmologique.

De même, dans leur appréciation consensuelle, les experts n’indiquent pas la nécessité de traitements ou d’évaluations complémentaires, le mandat d’expertise les autorisant au demeurant à les ordonner eux-mêmes si nécessaire. Une observation en milieu compétent en matière de troubles neurologiques fonctionnels et pouvant contrôler l’apport de substances pharmacologiques exogènes pouvait peut-être contribuer à clarifier la nature et l’importance des atteintes. Elle a toutefois été indiquée à titre éventuel uniquement, notamment pour confirmer l’origine selon toute vraisemblance exogène, mais que les experts n’avaient pas pu identifier, de la mydriase bilatérale. Cela étant, les conclusions de l’expertise bi-disciplinaire, selon lesquelles les experts n’ont pas pu retenir avec un degré de probabilité suffisant l’existence d’atteintes ophtalmologiques organiques ou psychiatriques expliquant les plaintes et par conséquent limitant objectivement la capacité de travail en raison notamment de discordances entre les données subjectives et objectives au sujet de l’acuité visuelle, demeurent. Elles ne sont pas susceptibles d’être affectées par les investigations ou traitements complémentaires auxquels se réfère la recourante.

d. Pour le surplus, l’expertise bi-disciplinaire répond formellement à tous les réquisits exigés par la jurisprudence pour se voir reconnaître une pleine valeur probante.

14.    Les experts n’ont pas pu retenir avec un degré de probabilité suffisant l’existence d’atteintes ophtalmologiques organiques ou psychiatriques expliquant les plaintes et par conséquent limitant objectivement la capacité de travail. Il en résulte que la recourante ne remplit pas la condition d’une incapacité de travail de 40% au moins pendant un an, au sens des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, qui pourrait lui ouvrir le droit à une rente d’invalidité.

15.    Mal fondé, le recours doit être rejeté.

Un émolument de CHF 200.- est mis à la charge de la recourante (art. 69 al. 1bis LAI).

16.    A l’ATF 137 V 210 consid. 4.4.2, le Tribunal fédéral a indiqué que les frais qui découlaient de la mise en œuvre d'une expertise médicale judiciaire mono-, bi- ou pluridisciplinaire pouvaient le cas échéant être mis à la charge d'un assureur social. En effet, lorsque l'autorité judiciaire de première instance décidait de confier la réalisation d'une expertise judiciaire pluridisciplinaire à un ou plusieurs experts ou à un centre d'expertise parce qu'elle estimait que l'instruction menée par l'autorité administrative était insuffisante (au sens du consid. 4.4.1.4 de l'ATF 137 V 210), elle intervenait dans les faits en lieu et place de l'autorité administrative qui aurait dû, en principe, mettre en œuvre cette mesure d'instruction dans le cadre de la procédure administrative. Dans ces conditions, les frais de l'expertise ne constituaient pas des frais de justice, mais des frais relatifs à la procédure administrative au sens de l'art. 45 LPGA qui devaient être pris en charge par l'assureur social (ATF 137 V 210 consid. 4.4). Cette règle, qu'il convient également d'appliquer, dans son principe, aux expertises judiciaires mono- et bidisciplinaires (cf. ATF 139 V 349 consid. 5.4), ne saurait entraîner la mise systématique des frais d'une expertise judiciaire à la charge de l'autorité administrative. Encore faut-il que l'autorité administrative ait procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire serve à pallier les manquements commis dans la phase d'instruction administrative. En d'autres mots, il doit exister un lien entre les défauts de l'instruction administrative et la nécessité de mettre en œuvre une expertise judiciaire (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2). Tel est notamment le cas lorsque l'autorité administrative a laissé subsister, sans la lever par des explications objectivement fondées, une contradiction manifeste entre les différents points de vue médicaux rapportés au dossier (ATF 135 V 465 consid. 4.4; voir également ATF 139 V 225 consid. 4 et arrêt du Tribunal fédéral 8C_71/2013 du 27 juin 2013 consid. 2), lorsqu'elle a laissé ouverte une ou plusieurs questions nécessaires à l'appréciation de la situation médicale ou lorsqu'elle a pris en considération une expertise qui ne remplissait manifestement pas les exigences jurisprudentielles relatives à la valeur probante de ce genre de documents (ATF 125 V 351 consid. 3a). En revanche, lorsque l'autorité administrative a respecté le principe inquisitoire et fondé son opinion sur des éléments objectifs convergents ou sur les conclusions d'une expertise qui répondait aux réquisits jurisprudentiels, la mise à sa charge des frais d'une expertise judiciaire ordonnée par l'autorité judiciaire de première instance, pour quelque motif que ce soit (à la suite par exemple de la production de nouveaux rapports médicaux ou d'une expertise privée), ne saurait se justifier (ATF 134 V 496 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 9C_803/2013 du 13 février 2014 consid. 4.1).

17.    En l’occurrence, dans son rapport d’expertise du 15 décembre 2017, le Dr Q______ a considéré qu’il n’existait pas, au jour de l’expertise et en l’état, de diagnostic certain, ni somatique, ni psychiatrique, et il convenait de surveiller et de réévaluer la situation. Cela étant, le déficit sensoriel de la vision était une réalité clinique incontestable, objectivée à plusieurs reprises dans le dossier et corroborée lors de l’entretien d’expertise. Tout en ne retenant pas de diagnostic psychiatrique avec répercussion sur la capacité de travail, le Dr Q______ admettait une incapacité de travail totale. Dans ces circonstances, le SMR ne pouvait, sans effectuer d'acte d'instruction complémentaire, estimer que l'instruction du dossier permettait de statuer en pleine connaissance de cause, et retenir qu’il n’existait pas d’atteinte à la santé incapacitante au sens de l’AI. La décision contestée reposait sur une instruction insuffisante pour permettre à la chambre de céans de trancher le litige, même sous l'angle de la vraisemblance prépondérante. Les frais de l'expertise judiciaire doivent par conséquent être pris en charge par l'intimé.

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

 

A la forme :

1.             Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.             Le rejette.

3.             Met un émolument de CHF 200.- à la charge de la recourante.

4.             Met les frais d'expertise judiciaire d'un montant total de CHF 12'302,80 à la charge de l'intimé.

5.             Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La Greffière

 

 

 

Marguerite MFEGUE AYMON

 

Le Président suppléant

 

 

 

Giuseppe DONATIELLO

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le