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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/583/2021

ATAS/230/2022 du 14.03.2022 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/583/2021 ATAS/230/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 mars 2022

6ème Chambre

 

En la cause

 

Madame A______, domiciliée à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Marc MATHEY-DORET

 

recourante

 

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1984, originaire d’Italie, titulaire d’une autorisation d’établissement C, mère de trois enfants nés les ______ 2014 et ______ 2017 (jumeaux), a exercé une activité de coiffeuse en Italie et de serveuse en Suisse, en dernier lieu comme employée de cafétéria pour B______ SA à Vernier, du 1er juin 2016 au 31 octobre 2018. Son taux d’activité dans cet emploi a débuté à 30 % pour atteindre un 70 % dès le 1er avril 2017. L’assurée a été en incapacité de travail à un taux de 50 % dès le 29 janvier 2018 et de 100 % dès le 11 mai 2018.

b. Le 26 juin 2018, l’assurée a déposé une demande de prestations d’invalidité.

B. a. Le 10 août 2018, la doctoresse C______, FMH psychiatrie et psychothérapie, a rendu un rapport médical attestant d’un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen avec syndrome somatique. Elle présentait un trouble anxieux, de la fatigue importante et un trouble du sommeil. L’incapacité de travail était totale. Elle avait présenté en juin 2014 une dépression du post partum franche ; depuis l’évolution avait des hauts et des bas assez lents.

b. Le 25 septembre 2018, la doctoresse D______, FMH psychiatrie et psychothérapie, a rendu, à la demande de la Mutuel Assurances, assureur perte de gain (La Mutuel) un rapport d’expertise. L’assurée se plaignait de fatigue physique importante et de troubles du sommeil chronicisés, trouble de l’attention et de la concentration. Le dosage sanguin du cymbalta et du seroquel étaient en dessous des normes, de sorte qu’il existait une non compliance au traitement médicamenteux. L’assurée présentait un trouble dépressif récurrent, épisode actuel léger. Une reprise de travail était possible dès le 31 octobre 2018, dans l’activité habituelle.

c. La Mutuel a cessé le versement des prestations au 31 octobre 2018 et l’assurée s’est inscrite à l’Office régional du placement (ci-après : l’ORP) le 1er novembre 2018.

d. Le 18 janvier 2019, la réadaptation professionnelle de l’Office de l’assurance-invalidité (ci-après : l’OAI) a noté qu’un entretien positif avait eu lieu avec l’ORP et qu’un test en horlogerie était envisagée, pris en charge par l’OAI. Un test d’évaluation professionnelle du 8 février 2019 de l’E______ a conclu à un résultat insatisfaisant (tests de logique et psychotechniques faibles). L’OAI a pris en charge des séances de coaching/accompagnement chez Proactif du 28 janvier au 1er mai 2019 et du 10 juin au 30 novembre 2019.

e. Le 21 février 2019, l’OAI a considéré que l’assurée présentait un statut mixte 70 % active et 30 % ménagère, dès lors qu’elle avait occupé un poste chez B______ SA à 70%.

f. L'OAI a pris en charge un cours de remise à niveau à l'académie de coiffure, du 14 mai 2019 au 14 janvier 2020.

g. Le 7 octobre 2019, la Dresse C______ a attesté d'un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen avec syndrome somatique et des lombosciatalgies. La fatigue était très importante; l’assurée était tendue, fébrile et épuisée, avec des difficultés à se concentrer. La capacité de travail était nulle. Il y avait une bonne compliance mais le monitoring présentait des taux bas (probable métabolisatrice rapide).

h. Le 10 octobre 2019, l'intervention précoce a été close, l'assurée était en incapacité de travail en raison d'une dépression (note de travail IP du 17 septembre 2019 et rapport de clôture du 10 octobre 2019).

i. Le 15 janvier 2020, la Dresse C______ a mentionné qu'elle menait une investigation d'un trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) et une investigation psychopharmacologique (probable métabolisatrice rapide).

j. Le 4 février 2020, le docteur F______, FMH cardiologie, a rempli un rapport médical AI attestant d'un suivi depuis le 28 janvier 2014 et d'une dépression récidivante, fatigue chronique, tristesse, anxiété, insomnies, parasomnies, céphalées, lombosciatalgies. Un bilan cardiologique était normal. C'était la Dresse C______ qui effectuait le suivi et attestait des arrêts de travail.

k. A la demande de l'OAI, un examen neuropsychologique de l'assurée a été effectué les 12 et 19 janvier 2020 par Mesdames G______ et H______, FSP neuropsychologie, ainsi qu'une expertise psychiatrique auprès du Dr I______. Le rapport neuropsychologique du 22 juin 2020 relève que le tableau neuropsychologique, réalisé chez cette assurée présentant des capacités de raisonnement à la limite inférieure de la norme à la WAIS-IV et bénéficiant d'un traitement de Concerta® depuis environ une année, était caractérisé au premier plan par des troubles attentionnels et une dysfonction exécutive. Toutefois, compte tenu des particularités et incohérences laissant fortement suspecter un manque d'effort régulier (la mobilisation des ressources de l'assurée lors d'efforts n'avait pas été régulière et optimale tout au long de l'examen) et/ou des éléments de surcharge, dont le caractère conscient ou non conscient ne pouvait être déterminé par les tests neuropsychologiques, la validité des résultats aux tests devait être remise en cause. Par conséquent, on ne pouvait se prononcer de manière fiable, ni sur le degré de l'atteinte, ni sur la capacité de travail, ni sur les limitations fonctionnelles sur le plan strictement cognitif. Le rapport du docteur I______ du 27 août 2020 mentionne que l'assurée se plaignait de lombalgies, de fatigue, de difficultés d'endormissement avec réveils fréquents, d'épuisement le matin. Elle avait consommé de la cocaïne et de l'héroïne dans sa jeunesse, puis avait suivi un traitement de méthadone et était abstinente depuis. Il existait une très mauvaise concordance entre les tests d'hétéro et d'auto évaluation globalement tous massivement surcotés. L’assurée ne présentait pas d'anhédonie, d'aboulie ou d’apragmatisme. Globalement dynamique, elle s'occupait de ses trois enfants, probablement de ses tâches domestiques, son époux étant cuisiniers, il préparait les repas. L'assurée était apte à s'occuper de ses trois enfants, avait des loisirs, jouait sur son natel, avait de nombreux contacts avec sa famille via WhatsApp. Elle avait quelques troubles du sommeil, probablement en raison de ses enfants, avec un sentiment subjectif d'épuisement le matin. On notait une légère surcharge pondérale sous forme d'une tendance aux grignotages. Il n'y avait aucun élément suggérant une symptomatologie dépressive cliniquement significative. On savait un épisode anamnestique en 2014 du post-partum, d'évolution favorable. Eventuellement la récurrence pouvait être retenue. Tout au plus, un trouble dépressif récurrent subclinique pouvait être évoqué. L'assurée était très dramatique, tendait à amplifier ses difficultés notamment aux tests psychométriques et était indulgente face à elle-même. La Dresse C______ se situait dans un mandat compassionnel et ne tenait pas compte des éléments objectifs. L'assurée semblait surtout vouloir se consacrer à son rôle de mère au foyer. Elle était totalement capable de travailler. Elle assumait toutes ses tâches domestiques.

l. Le 9 septembre 2020, les Docteurs J______ et K______, du Service médical régional AI (ci-après : le SMR), ont retenus une capacité de travail totale de l’assurée dans l'activité habituelle depuis toujours.

m. Par projet du 11 septembre 2020, l’OAI a rejeté la demande de prestations, l’atteinte à la santé n’étant pas invalidante.

n. Le 17 septembre 2020, la Dresse C______ a écrit à l’OAI qu’il convenait de reconsidérer la situation de l’assurée, laquelle présentait une vulnérabilité au stress, une fatigue très importante, un trouble du sommeil persistant et des difficultés à se concentrer. Le traitement au Concerta l’avait aidée à trouver un peu de calme et avoir des activités plus organisées au cour de la journée.

o. Le 13 octobre 2020, la Dresse C______ et Monsieur L______, psychologue, ont écrit à l’OAI. L’assurée semblait présenter un problème de métabolisation des traitements, de sorte qu’il était erroné de conclure, comme le faisait le Dr I______, à une non compliance ; les symptômes persistants au niveau affectif et cognitif impactaient son quotidien ; elle présentait une alexithymie favorisant des difficultés psychiatriques chroniques (capacités limitées de conscience et de traitement émotionnel). Une réadaptation professionnelle devait être envisagée vers un travail au calme, sans trop de stimulation sensorielle, sinon une deuxième expertise psychiatrique serait opportune, par un cabinet non soumis à controverse.

p. Le 16 janvier 2021, le docteur M______, du SMR a estimé que les avis de la Dresse C______ n’apportaient pas de nouvel élément médical objectivant une modification notable de l’état de santé, ce d’autant qu’elle proposait une réadaptation professionnelle.

q. Par décision du 18 janvier 2021, l’OAI a rejeté la demande de prestations, au motif que l’assurée ne présentait pas d’incapacité de travail.

C. a. Le 18 février 2021, l’assurée, représentée par un avocat, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision précitée, en concluant à son annulation, principalemen,t à l’ordonnance d’une expertise psychiatrique et à l’octroi d’une rente d’invalidité totale, subsidiairement au renvoi de la cause à l’OAI pour instruction complémentaire et nouvelle décision. Le Dr I______ ne présentait pas les garanties de rigueur scientifique, d’intégrité et d’impartialité pour une expertise médicale. Le Dr I______ présupposait que les troubles du sommeil étaient dûs aux enfants, alors que sa fatigue chronique préexistait à la naissance des jumeaux et que le post-partum de 2014 avait évolué favorablement ; il suggérait qu’il suffisait d’un peu de bonne volonté pour mener une vie ordinaire, or elle avait sollicité l’aide de l’IMAD pour s’occuper de ses enfants ; ses troubles du sommeil étaient très graves, contrairement à ce que disait le Dr I______. Il supposait qu’elle avait beaucoup de connaissance et amis, de nombreux loisirs, il minimisait ses plaintes ; le test de Beck confirmait la dépression et les tests Spielberg et VKP montraient une anxiété trop élevée et les troubles de la personnalité n’étaient pas discutés. Elle n’avait pas été informée qu’un test neuropsychologique allait être effectué, de sorte que le bilan neuropsychologique était vicié. Le SMR avait par ailleurs requis des tests que le Dr I______ avait écartés. Enfin, le diagnostic de trouble dépressif récurrent était posé par tous les intervenants depuis 2014, sauf par le Dr I______. Le rapport du Dr I______ était non probant.

b. Le 25 février 2021, la Dresse N______, du SMR, a rendu un avis confirmant la valeur probante de l’expertise du Dr I______.

c. Le 15 mars 2021, la recourante a communiqué un rapport du 9 mars 2021 de Madame O______, psychologue, concluant, après une évaluation (tests et examen clinique) à la présence d’un syndrome d’Asperger.

d. Le 18 mars 2021, l’OAI a relevé que les tests que le SMR avait demandés avaient bien été faits, selon le bilan neuropsychologique du 22 juin 2020 et s’est rallié à un avis du SMR du 18 mars 2021, selon lequel il était étonnant qu’un syndrome d’Asperger soit mentionné, alors qu’il n’avait jamais été évoqué auparavant et qu’il avait été évalué sur la base d’auto-questionnaires subjectifs ; un tel syndrome n’était pas nécessairement incapacitant et, en l’occurrence, la recourante avait pu se former, fonder une famille et travailler.

e. Le 30 mars 2021, la recourante a répliqué. Le TDAH et le syndrome d’Asperger étaient susceptibles de jouer un rôle dans l’incapacité de travail et d’expliquer certains symptômes ; il convenait d’instruire le dossier sur cet aspect.

f. Le 26 avril 2021, la chambre de céans a entendu la recourante en audience de comparution personnelle, laquelle a notamment déclaré qu’elle souffrait d’un épuisement total et de fatigue persistante, que certains jours elle n’arrivait même pas à se lever, qu’elle avait du mal à supporter le bruit et la lumière, qu’elle souffrait de ces symptômes déjà avant d’avoir des enfants et qu’elle avait également de la dépression et de l’anxiété.

Son avocat a déclaré que le statut mixte 70 % active était contesté.

g. La chambre de céans a confié une expertise judiciaire au docteur P______, FMH psychiatrie et psychothérapie, avec la réalisation d’un examen neurologique, en considérant ce qui suit.

En l’occurrence, l’intimé a ordonné une expertise psychiatrique auprès du Dr I______. Celui-ci ne retient, concernant la recourante, que quelques troubles du sommeil, probablement en raison des enfants, avec un sentiment d’épuisement subjectif le matin et épisode de post partum en 2014 d’évolution favorable ainsi qu’une personnalité passive dépendante non incapacitante. Or, la valeur probante du rapport d’expertise du Dr I______ est sérieusement mise en doute par les rapports de la Dresse C______, psychiatre traitante, laquelle atteste chez la recourante, qu’elle suit depuis 2014, un trouble récurrent, épisode actuel moyen avec syndrome somatique (lombosciatalgies graves), de l’anxiété, de la tension, de la fébrilité avec une fatigue très importante (trouble du sommeil persistant), des difficultés à se concentrer et une fragilité face au stress ; une décompensation dépressive était à craindre en cas d’exposition à des situations stressogênes ; les tentatives de travail s’étaient soldées par des rechutes. Une alexithymie augmentait la vulnérabilité au stress et favorisait la persistance des troubles de l’humeur dont les ressources psychiques étaient épuisées. Par ailleurs, le Dr I______ émet des suppositions sans les étayer, notamment par l’anamnèse, ce qui démontre un manque de sérieux et de rigueur dans l’analyse de la situation de la recourante. Il estime en effet que des causes extra-médicales sont probablement au premier plan, en émettant l’hypothèse que la recourante semble surtout vouloir se consacrer à son rôle de mère au foyer et que des questions économiques sont probablement au premier plan (expertise p. 28) ; il mentionne que le manque de coopération parait être un choix de sa part (expertise p. 27) et enfin que la recourante a probablement été surprotégée par ses parents, en particulier sa mère, étant la cadette (expertise p. 24). En outre, le Dr I______ estime que la recourante est globalement dynamique (expertise p. 22), alors qu’elle se plaint principalement d’épuisement. Il retient, contrairement aux pièces du dossier, que c’est au terme de son congé maternité qu’elle s’est retrouvée en incapacité de travail, dès le 19 janvier 2018 (expertise pp. 9 et 24). Or, il ressort du journal mensuel de B______ SA que la recourante a été absente pour maladie, de façon continue, depuis le 19 juin 2017 déjà, étant relevé que le journal mensuel n’a pas été fourni pour la période juin 2016 - mai 2017, de sorte qu’on ne connait pas avec précision la période totale d’incapacité de travail de la recourante. Enfin, le Dr I______ relève l’absence d’intérêt à la prise de Concerta pour une mère au foyer, ce médicament n’ayant d’ailleurs par modifié le fonctionnement au quotidien de la recourante (expertise p. 25). Or, la Dresse C______ a relevé que ce traitement avait aidé la recourante à retrouver un peu de calme, à avoir des activités plus organisées au cour de la journée et à mieux gérer ses enfants (rapport du 17 septembre 2020).

Au vu de ce qui précède, le rapport d’expertise du Dr I______ ne peut se voir reconnaitre de valeur probante, de sorte qu’une instruction médicale complémentaire se justifie.

h. Le 27 août 2021, Monsieur Q______, psychologue, spécialiste FSP en neuropsychologie et psychothérapie, a rendu un rapport d’examen neuropsychologique. Cet examen conclut à la présence d’un fléchissement exécutif retentissant sur des fonctions chargées en facteur exécutif, à savoir la mémoire de travail, l’attention divisée et, dans une moindre mesure, l’attention sélective. La mémoire épisodique est préservée. Le fléchissement exécutif et des difficultés en mémoire de travail était compatible avec un TDAH. Des difficultés exécutives et en mémoire de travail étaient fréquentes dans les troubles anxieux, l’assurée se plaignant d’états d’anxiété importants au quotidien. Les troubles mis en évidence étaient légers n’induisant, en principe, des limitations que dans des tâches exigeantes au plan cognitif sous la forme d’une perte de rendement de l’ordre de 10%. Les atteintes neuropsychologiques n’avaient pas d’impact significatif sur la capacité à assumer des activités professionnelles manuelles plutôt répétitives du niveau des activités antérieures, qui étaient au demeurant compatibles avec le niveau global déficience intellectuelle et cognitive de l’assurée. La capacité de travail était totale du point de vue neuropsychologique.

i. Le 17 septembre 2021, l’assurée a communiqué un rapport de radiographie de la colonne lombaire effectuée en raison de lombalgies gauches et une convocation pour le 15 septembre 2021 pour une consultation de sénologie. Elle a indiqué que les atteintes physiques avaient de lourdes répercussion sur sa santé psychique et impactaient sa capacité de travail.

j. Le 5 octobre 2021, le Dr P______ a rendu son rapport d’expertise.

Il a posé les diagnostics de trouble dépressif caractérisé, épisode récurrent, léger (F33.0) (296.31), de trouble panique F41.0 (300.01), d’agoraphobie F4010 (300.22), d’anxiété sociale F40.10 (300.23), de trouble obsessionnel-compulsif (F42 (300.3), de handicap intellectuel léger F70 (317), de trouble de l’usage des sédatifs, hypnotiques et anxiolytiques, léger F13.10 (305.40), de dépendance aux opiacés, cocaïne, cannabis, alcool, de personnalité dépendante, décompensée F60.7 (301.6), de personnalité évitante, décompensée F60.6 (301.82), de personnalité borderline, traits décompensés F60.3 (301.83) et de personnalité obsessionnelle-compulsive, traits décompensés F60.5 (301.4).

Les diagnostics interagissaient entre eux en s’amplifiant mutuellement. Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : thymie instable avec une perte partielle de l’énergie vitale, de l’endurance, du plaisir, associée à une culpabilité importante poussant l’assurée à l’hyperactivité, anxiété morbide avec une anticipation négative et une inquiétude permanente, baisse notable de la capacité adaptative face à tout nouvel évènement, anxiété sociale rendant difficiles de nombreuses interactions sociales et notamment professionnelles, conduite agoraphobique avec un impact sur les déplacements et au contact avec la foule, dévalorisation associée à une faible affirmation de soi, rendant le contact avec la clientèle difficile, baisse de l’autonomie induite par le besoin d’être très souvent rassurée par son entourage, attitude manichéenne, incapacité à définir des objectifs réalistes, conduite de « tout ou rien » conduisant à l’épuisement à brève échéance, attitude aggravée par la présence de traits perfectionnistes, de léger déficit intellectuel ayant un impact sur les capacités d’apprentissage et sur l’adaptation en général.

La nette majorité des limitations était apparue vers 2018. Elle présentait une incapacité de travail de 50% dès le 29 janvier 2018 et de 100% dès le 11 mai 2018 ; avec des mesures de réhabilitation, on pouvait envisager un retour à temps partiel à 50%, à une activité professionnelle bien choisie.

k. Le 10 novembre 2021, la recourante a observé que le rapport d’expertise judiciaire était probant, qu’elle présentait une incapacité de travail de 50% dès le 29 janvier 2018 et totale dès le 11 mai 2018 et que les mesures envisagées par l’expert étaient celles qui devaient être octroyées cumulativement à une rente d’invalidité. On pouvait se demander si le rapport du Dr I______ ne violait pas les dispositions pénales sur les faux rapports.

l. Le 9 novembre 2021, le SMR a rendu un avis médical, selon lequel les conclusions du Dr P______ ne pouvaient être suivies.

m. Le 10 novembre 2021, l’OAI a conclu au rejet du recours ; au vu de la description de la vie quotidienne de la recourante, le critère de la gravité de l’atteinte n’était pas réalisé.

n. Le 25 novembre 2021, la recourante a persisté dans son recours

EN DROIT

1.         

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705). En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références). En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

1.3 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d’invalidité, singulièrement sur l’évaluation de sa capacité de travail.

3.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

4.         

2.   

3.   

4.   

4.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c; ATF 102 V 165 consid. 3.1; VSI 2001 p. 223 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

4.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

4.3 Ces indicateurs sont classés comme suit :

I. Catégorie « degré de gravité fonctionnelle »

Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l’instrument de base de l’analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 4.3).

A. Axe « atteinte à la santé »

1. Caractère prononcé des éléments et des symptômes pertinents pour le diagnostic

Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.1).

L'influence d'une atteinte à la santé sur la capacité de travail est davantage déterminante que sa qualification en matière d'assurance-invalidité (ATF 142 V 106 consid. 4.4). Diagnostiquer une atteinte à la santé, soit identifier une maladie d'après ses symptômes, équivaut à l'appréciation d'une situation médicale déterminée qui, selon les médecins consultés, peut aboutir à des résultats différents en raison précisément de la marge d'appréciation inhérente à la science médicale (ATF 145 V 361 consid. 4.1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_212/2020 du 4 septembre 2020 consid. 4.2 et 9C_762/2019 du 16 juin 2020 consid. 5.2).

2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers

Le déroulement et l'issue d'un traitement médical sont en règle générale aussi d'importants indicateurs concernant le degré de gravité du trouble psychique évalué. Il en va de même du déroulement et de l'issue d'une mesure de réadaptation professionnelle. Ainsi, l'échec définitif d'une thérapie médicalement indiquée et réalisée selon les règles de l'art de même que l'échec d'une mesure de réadaptation - malgré une coopération optimale de l'assuré - sont en principe considérés comme des indices sérieux d'une atteinte invalidante à la santé. A l'inverse, le défaut de coopération optimale conduit plutôt à nier le caractère invalidant du trouble en question. Le résultat de l'appréciation dépend toutefois de l'ensemble des circonstances individuelles du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2.1.3 et la référence).

 

 

3. Comorbidités

La présence de comorbidités ou troubles concomitants est un indicateur à prendre en considération en relation avec le degré de gravité fonctionnel (arrêt du Tribunal fédéral 9C_650/2019 du 11 mai 2020 consid. 3.3 et la référence). On ne saurait toutefois inférer la réalisation concrète de l'indicateur "comorbidité" et, partant, un indice suggérant la gravité et le caractère invalidant de l'atteinte à la santé, de la seule existence de maladies psychiatriques et somatiques concomitantes. Encore faut-il examiner si l'interaction de ces troubles ayant valeur de maladie prive l'assuré de certaines ressources (arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3 et le référence). Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Une atteinte qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidante en tant que telle (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2010 du 28 avril 2010 consid. 2.2.2, in : RSAS 2011 IV n° 17, p. 44) n’est pas une comorbidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1040/2010 du 6 juin 2011 consid. 3.4.2.1, in : RSAS 2012 IV n° 1, p. 1) mais doit à la rigueur être prise en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Ainsi, un trouble dépressif réactionnel au trouble somatoforme ne perd pas toute signification en tant que facteur d’affaiblissement potentiel des ressources, mais doit être pris en considération dans l’approche globale (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3).

Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)

Le « complexe personnalité » englobe, à côté des formes classiques du diagnostic de la personnalité qui vise à saisir la structure et les troubles de la personnalité, le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du moi » qui désignent des capacités inhérentes à la personnalité, permettant des déductions sur la gravité de l’atteinte à la santé et de la capacité de travail (par exemple : auto-perception et perception d’autrui, contrôle de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation; cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Etant donné que l’évaluation de la personnalité est davantage dépendante de la perception du médecin examinateur que l’analyse d’autres indicateurs, les exigences de motivation sont plus élevées (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2).

Le Tribunal fédéral a estimé qu’un assuré présentait des ressources personnelles et adaptatives suffisantes, au vu notamment de la description positive qu’il avait donnée de sa personnalité, sans diminution de l'estime ou de la confiance en soi et sans peur de l'avenir (arrêt du Tribunal fédéral 8C_584/2016 du 30 juin 2017 consid. 5.2).

C. Axe « contexte social »

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie (ATF 141 V 281 consid. 4.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3).

Lors de l'examen des ressources que peut procurer le contexte social et familial pour surmonter l'atteinte à la santé ou ses effets, il y a lieu de tenir compte notamment de l'existence d'une structure quotidienne et d'un cercle de proches [ ]. Le contexte familial est susceptible de fournir des ressources à la personne assurée pour surmonter son atteinte à la santé ou les effets de cette dernière sur sa capacité de travail, nonobstant le fait que son attitude peut rendre plus difficile les relations interfamiliales (arrêt du Tribunal fédéral 9C_717/2019 du 30 septembre 2020 consid. 6.2.5.3). Toutefois, des ressources préservées ne sauraient être inférées de relations maintenues avec certains membres de la famille dont la personne assurée est dépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2020 du 22 octobre 2020 consid. 5.2).

II. Catégorie « cohérence »

Il convient ensuite d’examiner si les conséquences qui sont tirées de l’analyse des indicateurs de la catégorie « degré de gravité fonctionnel » résistent à l’examen sous l’angle de la catégorie « cohérence ». Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l’assuré (ATF 141 V 281 consid. 4.4). A ce titre, il convient notamment d’examiner si les limitations fonctionnelles se manifestent de la même manière dans la vie professionnelle et dans la vie privée, de comparer les niveaux d’activité sociale avant et après l’atteinte à la santé ou d’analyser la mesure dans laquelle les traitements et les mesures de réadaptation sont mis à profit ou négligés. Dans ce contexte, un comportement incohérent est un indice que les limitations évoquées seraient dues à d’autres raisons qu’une atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.3).

A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie

Il s’agit ici de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu’ici doit désormais être interprété de telle sorte qu’il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé (ATF 141 V 281 consid. 4.4.1).

B. Poids de la souffrance révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation

L'interruption de toute thérapie médicalement indiquée sur le plan psychique et le refus de participer à des mesures de réadaptation d'ordre professionnel sont des indices importants que l’assuré ne présente pas une évolution consolidée de la douleur et que les limitations invoquées sont dues à d'autres motifs qu'à son atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_569/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.5.2).

La prise en compte d’options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d’évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons qu’à l'atteinte à la santé assurée (ATF 141 V 281 consid. 4.4.2).

5.         

5.   

5.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

5.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

5.3 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

5.4 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI; ATF 142 V 58 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

6.       

6.   

6.1 Le point de départ de l'évaluation prévue pour les troubles somatoformes douloureux (ATF 141 V 281), les troubles dépressifs (ATF 143 V 409), les autres troubles psychiques (ATF 143 V 418) et les troubles mentaux du comportement liés à l’utilisation de substances psychoactives (ATF 145 V 215) est l'ensemble des éléments médicaux et constatations y relatives. Les experts doivent motiver le diagnostic psychique de telle manière que l'organe d'application du droit puisse comprendre non seulement si les critères de classification sont remplis (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1), mais également si la pathologie diagnostiquée présente un degré de gravité susceptible d'occasionner des limitations dans les fonctions de la vie courante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_551/2019 du 24 avril 2020 consid. 4.1 et la référence).

6.2 Dans un arrêt de principe du 2 décembre 2019 (ATF 145 V 361), le Tribunal fédéral, à la lumière de l'ATF 141 V 281, a notamment posé une délimitation, entre l'examen (libre), par les autorités chargées de l'application du droit, de l'admission d'une incapacité de travail par l'expert psychiatre, d'une part, et une appréciation juridique parallèle inadmissible, d'autre part.

Selon le Tribunal fédéral, dans tous les cas, l’administration et, en cas de recours, le juge, doivent examiner si et dans quelle mesure les experts ont suffisamment et de manière compréhensible étayé leur évaluation de l'incapacité de travail, en tenant compte des indicateurs pertinents (questions de preuve). À cette fin, les experts doivent établir un lien avec la partie précédente de l'expertise médico-psychiatrique (avec extraits du dossier, anamnèse, constatations, diagnostics, etc.), c'est-à-dire qu'ils doivent se référer en détails aux résultats médico-psychiatriques des examens et explorations cliniques menés dans les règles de l’art qui relèvent de leur compétence. Le médecin doit donc exposer de manière détaillée les raisons médico-psychiatriques pour lesquelles les éléments constatés sont susceptibles de restreindre la capacité fonctionnelle et les ressources psychiques en termes qualitatifs, quantitatifs et temporels (ATF 143 V 418 consid. 6).

6.3 En ce qui concerne l'évaluation du caractère invalidant des affections psychosomatiques et psychiques, l'appréciation de la capacité de travail par un médecin psychiatre est soumise à un contrôle (libre) des organes chargés de l'application du droit à la lumière de l'ATF 141 V 281 (ATF 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_585/2019 du 3 juin 2020 consid. 2 et les références). Il peut ainsi arriver que les organes d'application du droit se distancient de l'évaluation médicale de la capacité de travail établie par l’expertise sans que celle-ci ne perde sa valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_128/2018 du 17 juillet 2018 consid. 2.2 et les références).

L’expert psychiatre doit fonder l’incapacité de travail sur la base des indicateurs standards définis par la jurisprudence. A cet égard, compte tenu du dossier, de l’anamnèse, des constatations et des diagnostics, l’expert doit exposer des raisons médico-psychiatriques justifiant les limitations fonctionnelles de l’assurée et les ressources psychologiques qualitativement, quantitativement et temporellement (ATF 143 V 418). A titre d’exemple, un état dépressif chronique de degré léger à moyen ne justifie pas à lui seul une incapacité de travail. L’expert doit exposer dans quelle mesure en raison de ses constatations (tristesse, désespoir, manque de motivation, fatigue, troubles de la concentration et de l’attention, diminution de la capacité d’adaptation, etc.), la capacité de travail est réduite. Par ailleurs, il doit vérifier la plausibilité de celle-ci au regard des autres activités personnelles, familiales et sociales de l’assurée. A défaut, il y a lieu de s’écarter des conclusions de l’expert (ATF 145 V 361).

En droit des assurances sociales, ce n’est pas la gravité d’une maladie qui est déterminante, mais ses conséquences sur la capacité de travail. L’importance des limitations fonctionnelles sur les plans social, professionnel et autre détermine la gravité d’une atteinte. Le degré de gravité fonctionnelle se recoupe partiellement avec les données médicales portant sur le diagnostic (ATF 143 V 418). En principe, seul un trouble psychique grave est invalidant, bien qu’il ne permette pas de conclure automatiquement à l’existence d’une limitation fonctionnelle importante (ATF 143 V 418). Un trouble dépressif léger à moyen sans comorbidité psychiatrique ne constitue généralement pas un trouble psychique grave. A cet égard, il appartient à l’expert d’exposer de manière compréhensible pour quelles raisons une dépression légère à moyenne entraine des limitations fonctionnelles sur la capacité de travail malgré un bon traitement médical (ATF 143 V 409 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_280/2021 du 17 novembre 2021).

En fin de compte, la question décisive est toujours celle des répercussions fonctionnelles d’un trouble. La preuve d’une incapacité de travail de longue durée et significative liée à l’état de santé ne peut être considérée comme rapportée que si, dans le cadre d’un examen global, les éléments de preuve pertinents donnent une image cohérente de l’existence de limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n’est pas le cas, la preuve d’une limitation invalidante de la capacité de travail n’est rapportée et l’absence de preuve doit être supportée par la personne concernée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_423/2019 du 7 février 2020, consid. 3.2.2 et les références).

7.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

8.             Les frais qui découlent de la mise en œuvre d'une expertise judiciaire pluridisciplinaire confiée à un Centre d'observation médicale de l'assurance-invalidité (COMAI) peuvent le cas échéant être mis à la charge de l'assurance-invalidité (cf. ATF 139 V 496 consid. 4.3). En effet, lorsque l'autorité judiciaire de première instance décide de confier la réalisation d'une expertise judiciaire pluridisciplinaire à un COMAI parce qu'elle estime que l'instruction menée par l'autorité administrative est insuffisante (au sens du consid. 4.4.1.4 de l'ATF 137 V 210), elle intervient dans les faits en lieu et place de l'autorité administrative qui aurait dû, en principe, mettre en œuvre cette mesure d'instruction dans le cadre de la procédure administrative. Dans ces conditions, les frais de l'expertise ne constituent pas des frais de justice au sens de l'art. 69 al. 1 bis LAI, mais des frais relatifs à la procédure administrative au sens de l'art. 45 LPGA qui doivent être pris en charge par l'assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_312/2016 du 13 mars 2017 consid. 6.2). Cette règle, qu'il convient également d'appliquer dans son principe aux expertises judiciaires mono et bidisciplinaires (cf. ATF 139 V 349 consid. 5.4), ne saurait entraîner la mise systématique des frais d'une expertise judiciaire à la charge de l'autorité administrative. Encore faut-il que l'autorité administrative ait procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire serve à pallier les manquements commis dans la phase d'instruction administrative. En d'autres mots, il doit exister un lien entre les défauts de l'instruction administrative et la nécessité de mettre en œuvre une expertise judiciaire (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2). Tel est notamment le cas lorsque l'autorité administrative a laissé subsister, sans la lever par des explications objectivement fondées, une contradiction manifeste entre les différents points de vue médicaux rapportés au dossier, lorsqu'elle a laissé ouverte une ou plusieurs questions nécessaires à l'appréciation de la situation médicale ou lorsqu'elle a pris en considération une expertise qui ne remplissait manifestement pas les exigences jurisprudentielles relatives à la valeur probante de ce genre de documents (voir par exemple arrêt du Tribunal fédéral 8C_71/2013 du 27 juin 2013 consid. 2). En revanche, lorsque l'autorité administrative a respecté le principe inquisitoire et fondé son opinion sur des éléments objectifs convergents ou sur les conclusions d'une expertise qui répondait aux réquisits jurisprudentiels, la mise à sa charge des frais d'une expertise judiciaire ordonnée par l'autorité judiciaire de première instance, pour quelque motif que ce soit (à la suite par exemple de la production de nouveaux rapports médicaux ou d'une expertise privée), ne saurait se justifier (ATF 139 V 496 précité consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 8C_312/2016 du 13 mars 2017 consid. 6.3).

7.              

8.              

9.              

9.             En l’occurrence, la chambre de céans a ordonné une expertise psychiatrique judiciaire, celle du Dr I______ ayant été écartée.

9.1 Fondé sur les pièces du dossier, comprenant un entretien approfondi avec la recourante, une anamnèse complète, la description des plaintes de la recourante, posant des diagnostics clairs et proposant une analyse approfondie du cas, le rapport d’expertise du Dr P______ répond aux réquisits jurisprudentiels précités pour qu’il lui soit reconnu une pleine valeur probante, sous réserve de la fixation du taux de la capacité de travail, comme il sera expliqué ci-après.

L’expert conclut à une incapacité de travail de la recourante de 50% dès le 29 janvier 2018 et de 100% dès le 11 mai 2018, dans toute activité. Une éventuelle activité adaptée était envisageable à un taux maximum de 50% et uniquement après la mise en œuvre de mesures de réhabilitation de l’intimée.

9.2 L’expert a effectué une analyse des indicateurs jurisprudentiels pertinents.

9.2.1 S’agissant de la gravité des diagnostics, il a souligné que ceux-ci interagissent entre eux, ce qui amplifie leurs effets. La recourante, qui a un passé de onze ans de toxicomanie, présente une hyperactivité, suivie d’épuisement qui s’inscrit dans le contexte de la personnalité borderline décompensée au fonctionnement dichotomique et la culpabilité sous-jacente la pousse au dépassement de ses limites (expertise Dr P______, page 63). Les troubles obsessionnels compulsifs entraînent la nécessité d’effectuer des rituels de deux heures par jour. L’ensemble des troubles de la personnalité est qualifié de grave et décompensé (expertise Dr P______, page 66). Elle est victime environ dix fois par mois de crises de panique, l’agoraphobie engendre des limitations (déplacement, autonomie, la foule) et elle présente une anxiété sociale sévère et des symptômes thymiques majeurs, y compris des symptômes anxieux (une tristesse fluctuante, une anhédonie partielle, une dévalorisation avec une perte importante de la confiance en soi, une culpabilité illogique et envahissante, une irritabilité, des troubles du sommeil globaux avec un sommeil non récupérateur, une fatigue, une anxiété morbide, psychique et neurovégétative, associées à une anxiété généralisée et à une conduite obsessionnelle-compulsive ainsi que des somatisations algiques - expertise Dr P______, page 58). Elle présente ainsi plusieurs limitations fonctionnelles, soit une perte partielle de l’énergie vitale, de l’endurance, une hyperactivité, une baisse notable de la résistance au stress, une anticipation négative et une inquiétude permanente, une baisse de la capacité adaptative, des interactions sociales et professionnelles difficiles, des déplacements et un contact avec la foule difficile, une dévalorisation avec faible estime de soi rendant le contact avec la clientèle difficile, une baisse de l’autonomie, une incapacité à définir des objectifs réalistes, une attitude conduisant à un épuisement et des capacités d’apprentissage réduites. La description de la gravité des troubles ainsi que le phénomène d’amplification permettent de conclure que les troubles psychiques présentent un degré de gravité susceptible d’occasionner des limitations. Au vu de cette description, la recourante présente une atteinte à la santé psychique d’un degré important, soit un degré de gravité qui permet d’admettre une atteinte à la santé pertinente, sans motif d’exclusion, avec un degré de gravité fonctionnel qui a un impact sur sa capacité de travail.

9.2.2 S’agissant du traitement, il apparait que la recourante est très investie dans son traitement médical et donne à l’expert l’impression d’adhérer à celui-ci, l’estimant très utile (expertise du Dr P______, page 55). L’analyse du taux plasmatique montre d’ailleurs une bonne adhésion (pour la médication psychotrope) et témoigne d’une bonne compliance au traitement (expertise du Dr P______, page 68). L’antidépresseur a probablement fait diminuer la prise des hypnotiques et anxiolytiques, dont les taux plasmatiques sont faibles. Elle présente même une certaine résistance à l’ensemble des traitements administrés puisqu’elle en prend depuis quinze ans, à des doses thérapeutiques, sans rémission complète et durable (expertise du Dr P______, page 59). Au demeurant, la recourante a montré un engagement et une bonne compliance au traitement.

9.2.3 S’agissant du contexte social, l’expert a relevé que la recourante est bien entourée par son mari, sa sœur (en France), une amie et le reste de la famille (en Italie). Son compagnon joue le rôle de substitut rassurant du père (expertise du Dr P______, page 79). La recourante dispose ainsi de certaines ressources du contexte social et familial. A cet égard cependant, la prise en charge des trois enfants est un facteur de stress et d’épuisement et la recourante a présenté des crises d’angoisse et une décompensation majeure dans le post-partum, de sorte que l’environnement familial, soutenant, est aussi une cause de l’épuisement de ses ressources ; ce constat ressort aussi de la déclaration de la recourante lors de l’audience du 26 avril 2021, puiqu’elle a indiqué avoir de la peine à gérer ses enfants en raison de la fatigue (procès-verbal d’audience du 26 avril 2021).

9.2.4 S’agissant de la catégorie cohérence, l’expert a considéré que le tableau est cohérent et que l’évolution clinique est celle que l’on peut attendre lors de l’association de ce type de diagnostics et qu’il n’y a pas de discordance (expertise du Dr P______, page 69). La recourante parvient avec peine à assurer son ménage et sa famille, assistée de son époux. Elle n’exagère pas ses symptômes, elle n’est ni démonstrative, ni revendicatrice et montre une excellente adhésion à son traitement (expertise du Dr P______, page 69).

9.2.5 S’agissant des comorbidités, l’expert a constaté que l’état dépressif chronique est accompagné d’un trouble panique, d’agoraphobie, d’anxiété sociale et d’un trouble obsessionnel compulsif, qui aggravent le tableau clinique.

9.2.6 S’agissant du complexe de la personnalité, l’expert a étayé de manière convaincante la présence de personnalité dépendante décompensée, évitante décompensée, borderline, compulsive avec des traits décompensés. Il a estimé que l’ensemble des troubles de la personnalité peut être qualifié de grave et décompensé (expertise du Dr P______, page 66). La toxicomanie qui a duré au moins onze ans a fortement accentué la décompensation de la personnalité et a gravé des stigmates négatifs profonds dans l’esprit de la recourante (expertise du Dr P______, page 79).

9.2.7 Au demeurant, les indicateurs précités démontrent que la recourante présente des diagnostics qui ont un impact certain sur sa capacité de travail. S’agissant du taux de celle-ci, il convient encore d’analyser l’indicateur du potentiel de réadaptation de la recourante. A cet égard, la recourante estime elle-même être capable d’exercer une activité à un taux partiel de 4 à 5h par jour, en travaillant dans un environnement adapté, au calme, stable, avec peu de stimulation, comme du classement d’archives ou de documents (expertise du Dr P______, page 46). L’avis de la recourante sur sa propre capacité de travail va dans le sens de la présence de ressources suffisantes chez celle-ci pour envisager une réinsertion à temps partiel dans le monde du travail ; l’expert souligne d’ailleurs qu’elle garde toujours l’envie de se réinsérer (expertise du Dr P______, page 70), se montre motivée par une réhabilitation socio-professionnelle dans une activité adaptée, ce qui démontre qu’elle a des ressources résiduelles qui peuvent être mobilisées (expertise du Dr P______, page 71). L’expert souligne aussi qu’il serait possible de songer à un retour à temps partiel à une activité professionnelle bien choisie, avec des mesures de réhabilitation. Il cite comme activité adaptée celle de surveillance, de saisie de données, de magasinage léger, effectuée de manière autonome (expertise du Dr P______, page 72). Le pronostic pour une reprise d’activité à 50% est favorable (expertise du Dr P______, page 74). A cet égard, le Tribunal fédéral a souligné que la volonté d’une assurée de continuer à se former démontrait les ressources et l’absence de résistance à la réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 8C_518/2021 du 16 décembre 2021). Il en est de même en l’espèce, de sorte que l’analyse du critère de la réadaptation penche pour la présence d’une capacité de travail chez la recourante de 50% dans une activité adaptée. L’expert estime qu’un coaching est nécessaire pour que la recourante puisse se réinsérer à un taux de 50%. Cependant, au vu des activités que l’expert a lui-même citées, soit une activité de surveillance, de saisie de données, de magasinage léger, sans contact avec la clientèle, il n’y a pas de motif à considérer que la recourante ne pourrait pas débuter par elle-même, soit sans séances de coaching, une telle activité, qualifiée d’adaptée à ses limitations fonctionnelles.

9.3 A vu de ce qui précède, il existe en l’espèce des raisons valables de s’écarter de la conclusion de l’expertise judiciaire, dans le sens que la recourante doit être reconnue, après analyse des indicateurs pertinents jurisprudentiels précités, incapable d’exercer ses anciennes activités de coiffeuse et serveuse et, capable d’exercer une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, à un taux de 50%, depuis le 29 janvier 2018 (étant constaté qu’antérieurement à cette date, la recourante travaillait effectivement à un taux de 70%).

10.         Le SMR, suivi par l’intimé, ont émis des critiques à l’égard du rapport d’expertise judiciaire, lesquels ne sont toutefois pas à même de mettre en doute la valeur probante de celui-ci.

10.   

10.1 En premier lieu, le SMR relève que le trouble dépressif est d’intensité légère, sans répercussion sur les fonctions cognitives. A cet égard, la légèreté du trouble dépressif a effectivement été constatée par l’expert judiciaire, lequel a également intégré les conclusions de l’examen neuropsychologique qu’il a fait effectuer, selon lequel, s’agissant de la dépression, il n’était pas retrouvé de ralentissement, ni de troubles en mémoire épisodiques, fréquents chez les personnes souffrant d’épisodes dépressifs d’une intensité certaine (rapport d’examen neurologique du Dr R______, page 8). Il a relevé que la prise constante d’un antidépresseur depuis quinze ans a atténué les graves fluctuations thymiques, mais plusieurs épisodes thymiques majeurs (3-4) sont survenus ces dernières années, soit depuis 2014 ; le trouble thymique est ainsi récurrent, avec des rechutes fréquentes et durables compte tenu du traitement, la recourante étant dans une rémission partielle d’un état dépressif chronique d’une gravité supérieure. Elle présente de nombreux symptômes dépressifs et anxieux. La remarque du SMR va ainsi dans le sens des constatations de l’expert judiciaire, lequel ne retient pas que l’épisode dépressif léger est à lui seul incapacitant, mais relève par contre que les diagnostics interagissent entre eux en s’amplifiant mutuellement.

10.2 Ensuite, le SMR relève que le trouble de la personnalité n’est pas décompensé, qu’il n’y a pas de décompensation dépressive sévère et que la recourante est abstinente, sans rechute, depuis bientôt dix ans, sans hospitalisation et en s’occupant avec soin de ses enfants. Cette critique n’est pas étayée. En effet, l’expert judiciaire a expliqué comment se traduit la dépendance de la recourante à l’égard de son entourage et comment, dès 2018, la personnalité dépendante est clairement décompensée, tout comme la présence d’une personnalité évitante décompensée, dès l’an 2000, avec des stigmates psychiques de la toxicomanie, entrainant une inhibition sociale importante avec de la phobie sociale et de l’agoraphobie ; enfin, il a relevé la présence de nombreux traits morbides décompensés de la personnalité borderline, conduisant à une hyperactivité épuisante, une anticipation abandonnique et une dépendance aux benzodiazépines ainsi qu’à des fluctuations de l’humeur. Enfin, la personnalité obsessionnelle compulsive comprend des traits décompensés et est handicapante. Or, le SMR n’explique pas en quoi l’absence d’une décompensation dépressive sévère et d’une hospitalisation en milieu psychiatrique impliquerait l’absence d’une décompensation des personnalités précitées. Quant à la dépendance, si la recourante est abstinente depuis bientôt dix ans, l’expert judiciaire relève néanmoins une dépendance aux benzodiazépines depuis des années, sans que la recourante ne puisse s’en passer. Enfin, le SMR affirme que la recourante s’occupe avec soin de ses enfants. A cet égard, l’expert judiciaire mentionne que la recourante a présenté, après la naissance de son premier enfant en juin 2014, une dépression de post-partum qui a perduré, avec un mal-être important, des pleurs, un épuisement et la nécessité d’être aidée, avec une rémission partielle vers l’été 2015 et une dégradation en 2016 ; une nouvelle dépression de post-partum s’est produite après la naissance des jumeaux, en septembre 2017, nécessitant une nouvelle aide pendant plusieurs mois ; à la reprise du travail en février 2018, une recrudescence des symptômes dépressifs et anxieux est survenue, avec une hyper agitation et un épuisement ; enfin, depuis la mi-mai 2020, la recourante ne supporte pas le confinement avec ses enfants, présente un mal-être, des pleurs, une irritabilité constante, une grande nervosité et un épuisement ; elle est à bout de force, totalement épuisée et irritable. La recourante se plaint d’un épuisement avec le sentiment de culpabilité important de ne pas être une bonne mère et il existe une atteinte importante par rapport à la gestion du quotidien. Compte tenu de cette description, le constat du SMR, selon lequel la recourante s’occuperait avec soin de ses enfants, est relativisé par les limitations décrites ci-dessus, auxquelles la recourante est confrontée dans la gestion de sa vie de famille. La critique du SMR n’est ainsi pas convaincante.

10.3 Le SRM relève que les troubles anxieux sont attestés par des autotests subjectifs, sans mise en évidence de manifestations anxieuses objectives. A cet égard, l’expert relève une anxiété morbide, psychique et neurovégétative associée à une anxiété généralisée ; il a relevé des plaintes du registre de l’anxiété généralisée (soucis disproportionnels, somatisations algiques, fatigue, troubles cognitifs, troubles du sommeil). Il y a une baisse notable de la résistance au stress et une anticipation négative avec une inquiétude permanente. Cela dit, l’expert judiciaire n’a pas retenu de diagnostic autonome d’une anxiété généralisée, vu la coexistence de ces symptômes avec des symptômes thymiques majeurs. En revanche, un diagnostic d’anxiété sociale est posé, par le constat d’une phobie sociale importante. Ainsi, même si l’expert judiciaire a constaté l’absence de signes majeurs d’anxiété neurovégétative, il a étayé la présence d’une anxiété généralisée et sociale par d’autres éléments convaincants, en relevant également, dans le status et les constatations objectives, que la recourante a été victime de tension et de crises d’angoisse ayant nécessité l’augmentation de sa médication, au moment où la date de l’examen d’expertise a été fixée, ce qui conforte également la présence d’une anxiété certaine. Elle présente également des symptômes anxieux sous forme de crises d’angoisse. L’expert judiciaire relève ainsi que le test de Spielberger effectué par le Dr I______ montre un degré d’anxiété élevé qui n’a pas été pris en compte par cet expert. Les éléments décrits par l’expert judiciaire sont ainsi suffisants pour tenir comme avérée la présence de symptômes d’une anxiété généralisée et sociale chez la recourante.

10.4 Enfin, le SMR soutient que l’analyse du quotidien de la recourante ne permet pas de mettre en évidence des limitations ; les atteintes psychiatriques n’ont aucune répercussion sur son quotidien et sont ainsi tout au plus légères ; quant à l’intimé, il se borne à écarter le critère de gravité des troubles psychiques au vu de la description de la vie quotidienne de la recourante. A cet égard, et contrairement à l’avis du SMR et de l’intimé, l’expert judiciaire a décrit un quotidien de la recourante limité par les atteintes psychiques constatées. En effet, la recourante, qui présente des problèmes du sommeil, doit, deux fois par semaine, se recoucher le matin, dans le silence et le noir en raison d’un important épuisement ; elle assume toutes les tâches ménagères mais doit, en raison de son degré d’asthénie, les fractionner ; elle peut se rendre dans un centre commercial, sans les enfants, mais souffre de la foule et du bruit. Il existe une atteinte importante par rapport à la gestion du quotidien, même en l’absence d’une activité professionnelle. Des crises d’angoisse sont fréquentes. Tout nouvel événement est source d’une forte montée d’anxiété. Il existe un repli social et une culpabilité illogique persistante. L’anxiété sociale rend difficile de nombreuses interactions sociales, la conduite agoraphobique a un impact sur les déplacements et le contact lié à la foule, l’autonomie est abaissée ; elle ne peut pas conduire sur l’autoroute, ni se déplacer en train ; elle est, en raison de son trouble obsessionnel compulsif, amenée à effectuer des rituels de vérification à son domicile qui lui prennent deux heures par jour ; enfin, la période de semi-confinement, en 2020, a entrainé un mal-être, des pleurs, une irritabilité constante, une grande nervosité et un épuisement qui interfèrent dans la gestion du quotidien. Entendue en audience, la recourante a, dans le même sens, indiqué qu’elle souffre d’un épuisement total et d’une fatigue persistante et que, certains jours, elle n’arrive même pas à se lever. Au vu de cette description, il y a lieu de retenir que le quotidien de la recourante est bien affecté par ses troubles psychiques, de sorte qu’on ne saurait retenir, comme le fait le SMR, un degré seulement léger de gravité des troubles.

10.5 Au demeurant, les conclusions du rapport d’expertise judicaire, probantes, peuvent être suivies, sous réserve de la reconnaissance d’une incapacité de travail totale de la recourante depuis le 11 mai 2018, une capacité de travail de 50% devait être reconnue à la recourante depuis le 29 janvier 2018 dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles, laquelle a perduré au-delà du 11 mai 2018.

11.         S’agissant du calcul du degré d’invalidité, il convient de constater que le statut de la recourante, mixte, de 70% active et 30% ménagère, est admis par cette dernière.

11.   

11.1 Selon l’art. 27bis RAI en vigueur depuis le 1er janvier 2018, pour les personnes qui exercent une activité lucrative à temps partiel et accomplissent par ailleurs des travaux habituels visés à l'art. 7, al. 2, de la loi, le taux d'invalidité est déterminé par l'addition des taux suivants : a. le taux d'invalidité en lien avec l'activité lucrative; b. le taux d'invalidité en lien avec les travaux habituels (al. 2). Le calcul du taux d'invalidité en lien avec l'activité lucrative est régi par l'art. 16 LPGA, étant entendu que : a. le revenu que l'assuré aurait pu obtenir de l'activité lucrative exercée à temps partiel, s'il n'était pas invalide, est extrapolé pour la même activité lucrative exercée à plein temps; b. la perte de gain exprimée en pourcentage est pondérée au moyen du taux d'occupation qu'aurait l'assuré s'il n'était pas invalide (al. 3). Pour le calcul du taux d'invalidité en lien avec les travaux habituels, on établit le pourcentage que représentent les limitations dans les travaux habituels par rapport à la situation si l'assuré n'était pas invalide. Ce pourcentage est pondéré au moyen de la différence entre le taux d'occupation visé à l'al. 3, let. b, et une activité lucrative exercée à plein temps (al. 4).

Sous l’empire de l’art. 27bis al. 2 à 4 RAI modifié, le calcul du taux d’invalidité pour la partie concernant l’activité lucrative demeure régi par l’art. 16 LPGA. L’élément nouveau est que le revenu sans invalidité n’est plus déterminé sur la base du revenu correspondant au taux d’occupation de l’assuré, mais est désormais extrapolé pour la même activité lucrative exercée à plein temps. La détermination du revenu d’invalide est, quant à elle, inchangée. La perte de gain exprimée en pourcentage du revenu sans invalidité est ensuite pondérée au moyen du taux d’occupation auquel l’assuré travaillerait s’il n’était pas invalide.

Le taux d’invalidité en lien avec les travaux habituels est, comme c’était le cas auparavant, déterminé au moyen de la méthode de comparaison des types d’activités prévue à l’art. 28a al. 2 LAI. De même que pour les assurés qui accomplissent des travaux habituels à plein temps, l’invalidité est calculée en fonction de l’incapacité de l’assuré à accomplir ses travaux habituels. La limitation ainsi obtenue est pondérée au moyen de la différence entre le taux d’occupation de l’activité lucrative et une activité à plein temps. Le taux d’invalidité total est obtenu en additionnant les deux taux d’invalidité pondérés (cf. Ralph LEUENBERGER, Gisela MAURO, Changements dans la méthode mixte, in Sécurité sociale/CHSS n° 1/2018 p. 45).

Pour évaluer l'invalidité des assurés travaillant dans le ménage, l'administration procède à une enquête sur les activités ménagères et fixe l'empêchement dans chacune des activités habituelles conformément à la circulaire concernant l'invalidité et l'impotence de l'assurance-invalidité. Aux conditions posées par la jurisprudence (ATF 128 V 93) une telle enquête a valeur probante.

11.2 En l’occurrence, vu le statut mixte de la recourante, le calcul du degré d’invalidité doit être effectué, d’une part, sur la base d’une capacité de travail de 50% de la recourante depuis le 29 janvier 2018, dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, d’autre part, sur la base de sa capacité ménagère.

Dans la mesure où aucune enquête ménagère ne figure au dossier, la cause doit être renvoyée à l’intimé pour effectuer une telle enquête. Il conviendra également que l’intimé détermine le revenu avant et après invalidité, celui-ci en fonction des activités encore exigibles de la recourante, ainsi que l’abattement éventuellement justifié sur le revenu d’invalide, et calcule le degré d’invalidité de la recourante.

12.         Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis, la décision litigieuse annulée et la cause sera renvoyée à l’intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision, dans le sens des considérants.

13.         Vu le caractère non probant de l’expertise du Dr I______, il se justifie de mettre à la charge de l’intimé les frais de l’expertise judiciaire en CHF 14'000.-.

La recourante, obtenant partiellement gain de cause et étant assistée d'un conseil, a droit à des dépens qui seront fixés à CHF 3'000.- et mis à la charge de l'intimé (art. 61 let. g LPGA).

Par ailleurs, un émolument de CHF 200.- est mis à charge de l’intimé.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant préparatoirement

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision de l’intimé du 18 janvier 2021.

4.        Renvoie la cause à l’intimé, dans le sens des considérants.

5.        Alloue à la recourante une indemnité de CHF 3'000.- pour ses dépens, à charge de l'intimé.

6.        Met les frais de l’expertise judiciaire en CHF 14'000.- à charge de l’intimé.

7.        Met un émolument de CHF 200.- à charge de l’intimé.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le