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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4438/2020

ATAS/191/2022 du 03.03.2022 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4438/2020 ATAS/191/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 3 mars 2022

5ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié c/o M. B______, à PLAN-LES-OUATES, représenté par le syndicat UNIA

 

 

recourant

 

contre

UNIA CAISSE DE CHÔMAGE, sise CDC-Centre de compétences romand, LAUSANNE

 

 

intimée

 


EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant) a été engagé par la société C______ SA (ci-après : ISS ou l’employeur), en date du 1er novembre 2018, en qualité de « handyman ».

b. En février 2019, il a adressé à son employeur un courriel dans lequel il se plaignait d’être victime d’actes de harcèlement physique et moral de la part de son supérieur hiérarchique, Monsieur D______, et ce depuis le mois de novembre 2018. Des pourparlers se sont engagés entre l’assuré et son employeur, qui ont abouti à une discussion entre l’assuré, son supérieur hiérarchique et deux autres cadres, dont Madame E______, employée aux ressources humaines, afin d’essayer de résoudre les problèmes existants.

c. Sur la suite des événements, les versions divergent, l’assuré exposant qu’on lui avait forcé la main pour le faire changer de poste et se débarrasser de lui, alors que son employeur alléguait que les problèmes avaient été aplanis, suite à la réunion tripartite, afin de poursuivre une collaboration professionnelle cordiale.

d. Par courriel du 27 mars 2019 adressé à Mme E______, l’assuré a reproché à cette dernière de lui avoir proposé un contrat de durée déterminée de six mois et de l’avoir informé qu’après cela, « Il n’y aurait plus de mission pour lui », concluant « à bon entendeur : solutionner le problème d’une façon rapide (s’en débarrasser de moi au plus vite [sic]) ». Il expliquait qu’il n’avait pas signé ce contrat car il trouvait que c’était une façon déloyale de le mettre à la porte, après avoir dénoncé un cas de mobbing et il trouvait triste qu’une enseigne d’un tel prestige le traite de cette façon. Dans un second courriel, du 28 mars 2019, le recourant a reproché à Mme E______ d’avoir menti en écrivant des propos qui n’étaient jamais sortis de sa bouche. Il reprochait également à Mme E______ de protéger M. D______ et d’avoir joué « un sacré théâtre en exposant que vous ne virez pas les collaborateurs qui travaillent bien sans raison (sic) ». Il poursuivait en lui reprochant d’avoir mené « une pure manœuvre » pour se débarrasser de lui d’une façon facile, sans bruit et « laisser sans validité son contrat fixe actuel », ajoutant que « c’était malhonnête de sa part et une honte pour une société telle que ISS ». Il mentionnait qu’il irait aussi loin qu’il le faudrait pour dénoncer tout ce qu’on était en train de lui faire et confirmait que la « lettre bidon » de Mme E______ n’avait aucune validité pour lui, qu’il ne l’acceptait pas et n’acceptait pas un tel accord. Il reprochait encore à son employeur de l’avoir mis dans un poste de conciergerie et nettoyage qui n’avait rien à voir avec son contrat, pour le « faire tomber psychologiquement ».

e. Par courrier du 15 avril 2019, l’employeur a déploré le ton utilisé par l’assuré dans ses emails, les qualifiant d’offensifs et de peu respectueux de sa hiérarchie. Par ailleurs, l’employeur a confirmé, en substance, que le recourant avait demandé une séparation d’un commun accord en présence de témoins ayant participé à l’entretien du 22 mars 2019 ; que l’employeur n’avait pas demandé à l’assuré de signer un autre contrat, le contrat actuel faisant foi ; que c’était à la demande de l’assuré que ce dernier avait été transféré ; que l’employeur avait essayé de trouver une solution pragmatique pour répondre à sa requête et que l’assuré semblait avoir été satisfait de cette possibilité ; que le badge lui avait été demandé en retour en raison du fait que l’assuré ne devait plus travailler sur le site du précédent client (Société Générale). L’employeur concluait en espérant néanmoins pouvoir compter sur le sens des responsabilités et sur la collaboration loyale de l’assuré, afin de continuer les rapports de travail.

f. Par email du 3 mai 2019 adressé à Mme E______, Monsieur F______ l’a informée d’un incident qui venait de se produire dans les locaux de la société J______. En substance, il était exposé qu'alors qu’il travaillait sur le site, l’assuré s’était énervé, se plaignant qu’on lui avait volé son téléphone portable, après quoi il s’était assis sur une chaise située dans la réception de la société J______, puis avait tapé du poing sur un meuble et avait commencé à se plaindre du fait qu’on lui reprochait de ne pas bien faire son travail, intimant à l’un des employés, un certain G______, de « fermer sa gueule » et déclarant à un autre employé qu’il « n’avait pas de couilles », après quoi le ton était monté et il avait menacé physiquement le dénommé G______, en lui disant « Vas-y, crie-moi encore dessus, tu vas voir ». Suite à cette altercation, l’employeur a, le même jour, résilié les rapports de travail de l’assuré avec effet au 30 juin 2019. L’assuré s’est opposé au licenciement, alléguant avoir été victime d’un congé représailles, alors que son employeur motivait le licenciement par l’état d’esprit extrêmement négatif de l’assuré, des propos offensifs non acceptables et un comportement inapproprié sur le site d’un client (J______), ce qui avait conduit à une rupture du lien de confiance.

g. L’assuré s’est inscrit auprès de la caisse de chômage UNIA (ci-après : la caisse ou l’intimée) aux fins de percevoir des indemnités de chômage, dès le 1er juillet 2019.

h. Questionné sur les motifs de son licenciement, l’assuré a exposé avoir été victime d’un congé représailles, suite à la dénonciation des actes de harcèlement dont il faisait l’objet.

i. En date du 24 décembre 2019, l’assuré a déposé une requête de conciliation à l’encontre de son employeur, par-devant le tribunal des prud’hommes, en faisant valoir qu’il avait été victime d’un licenciement abusif.

B. a. Par décision du 19 novembre 2019, la caisse a suspendu le droit aux indemnités de chômage de l’assuré, pour une durée de 16 jours, dès le 1er juillet 2019, au motif que ce dernier était sans travail par sa faute.

b. Suite à l’opposition du mandataire de l’assuré, la caisse a questionné l’employeur sur les conditions du licenciement. Selon l’employeur, un autre poste avait été proposé à l’assuré, de manière provisoire, dans l’attente de trouver une solution plus pérenne, mais l’assuré l’avait refusé. Par la suite, plusieurs échanges de courriels entre l’assuré et l’employeur avaient démontré que l’assuré avait un comportement qui n’était pas admissible, ce qui avait justifié son licenciement.

c. La caisse a décidé de suspendre la procédure d’opposition jusqu’à droit connu sur la procédure pendante auprès du tribunal des prud’hommes.

d. Le mandataire de l’assuré a informé la caisse, par courrier du 6 mai 2020, qu’aucun accord n’avait été trouvé avec l’employeur, lors de l’audience de conciliation, à la suite de quoi l’assuré avait décidé de ne pas déposer de demande en paiement devant le tribunal des prud’hommes, même s’il considérait avoir été victime d’un licenciement abusif.

e. Par décision du 14 août 2020, la caisse a mis fin à la suspension de la procédure d’opposition, a rejeté cette dernière et a confirmé la décision du 19 novembre 2019, soit la suspension du paiement des indemnités de chômage pour une durée de 16 jours en raison du fait que le comportement inadéquat de l’assuré vis-à-vis de son supérieur hiérarchique était démontré par pièces et que l’assuré avait ainsi pris le risque de voir son contrat de travail résilié, s’exposant ainsi à la possibilité d’une sanction pour faute de gravité moyenne. Correspondant à la limite inférieure du barème des sanctions du Secrétariat d’État à l’économie (ci-après : barème SECO), la quotité de la sanction respectait, selon la caisse, le principe de proportionnalité.

C. a. Par acte interjeté en date du 16 septembre 2020 par le mandataire de l’assuré, ce dernier a recouru contre la décision sur opposition du 14 août 2020, concluant à son annulation, subsidiairement à la réduction de la sanction, à hauteur du nombre de jours minimum fixé par le barème pour faute légère. L’assuré alléguait que son employeur n’avait pas pris les mesures qui s’imposaient pour protéger sa personnalité ou s’enquérir de sa détresse émotionnelle et il s’était senti humilié d’avoir été forcé d’accepter une proposition de contrat de durée déterminée, ce qui revenait à péjorer ses conditions de travail et le précariser, l’humilier et porter une atteinte supplémentaire à sa personnalité.

b. Par réponse du 7 octobre 2020, la caisse a conclu au rejet du recours, d’une part parce que le contrat de durée indéterminée était resté en vigueur et qu’il n’y avait donc pas eu de congé-modification, et d’autre part parce que la proposition de changer de poste de travail était justifiée par le souci de l’employeur d’éviter à l’assuré de devoir collaborer avec un supérieur hiérarchique avec lequel il ne s’entendait pas. De ce fait, la sanction était justifiée et la caisse avait tenu compte de l’ensemble des éléments pour considérer qu’il s’agissait d’une faute de gravité moyenne et prononcer une sanction correspondant au minimum de jours de suspension pour une telle faute.

c. Par courrier du 21 juin 2021, le mandataire du recourant a renoncé à répliquer et a confirmé les conclusions prises dans le mémoire de recours.

d. Lors de l’audience de comparution personnelle et d’enquêtes du 9 décembre 2021, le recourant a exposé que son nouveau chef, M. D______, avait de l'animosité à son égard et lui avait fait un croche-pied puis l’avait poussé, pendant qu’il nettoyait une salle de réunion. Deux semaines plus tard, il l’avait attendu, caché derrière la porte du local de pause et lui avait fait une clé d’étranglement en rigolant. De même, dans ses discours lors des pauses, M. D______ avait tendance à décrédibiliser le recourant, notamment devant les autres personnes. Il avait senti que M. E______ le considérait peut-être comme une menace pour son poste. Lors de la réunion destinée à aplanir les tensions, Mme E______ leur avait demandé de repartir sur de bonnes bases, de se respecter mutuellement et d’essayer de s’accorder à l'avenir. Environ deux semaines plus tard, il avait été convoqué à un nouveau rendez-vous avec Mme E______, qui l’avait informé qu'on allait le retirer du site de la banque Société Générale et qu’il serait envoyé sur un autre site auprès de l’entreprise J______, mais qu'après cela, selon ses dires « il n'y aurait pas de suite ». À l'issue de cet entretien, il avait eu l'impression qu'on essayait de modifier son contrat de travail de manière illégitime, car il allait passer d'un contrat de durée indéterminée à un contrat de durée déterminée de six mois. Son ressenti était que lors de cette réunion, on avait voulu le conduire sur la voie de la sortie.

Alors que le Président de la chambre de céans lui faisait remarquer qu'à la lecture du courrier du 26 mars 2019, par lequel l'employeur avait confirmé la teneur de l'entretien, l'employeur ne proposait pas de résilier le contrat de durée indéterminée du recourant, mais proposait un transfert sur un autre site pour une durée déterminée, soit du 25 mars au 30 juin 2019, ce qui ne revenait pas à transformer un contrat de durée indéterminée en un contrat de durée déterminée, mais à déplacer l’assuré sur un autre site, pendant six mois, afin qu’il ne soit plus en contact avec M. D______, avec qui ses rapports ne s'étaient pas améliorés, le recourant a rétorqué qu’il ne trouvait pas normal qu’on le change de site et qu’il ne fasse plus ses travaux de nettoyage, uniquement parce que les choses se passaient mal avec M. D______. Il maintenait sa version selon laquelle, lors de son entretien avec Mme E______, on lui avait dit qu'après la mission chez J______, il n'y aurait plus de place pour lui car « il n'y avait plus de contrats ».

À la question de savoir pour quelle raison le recourant n’avait pas introduit une demande en paiement, contre son employeur, après l'échec de la conciliation au tribunal des prud'hommes, il répondait qu’il n’avait plus d’énergie ; il était alors en dépression, ce qu’il pouvait confirmer par un certificat médical de la doctoresse H______, du CAPPI K______, qu’il s’engageait à transmettre à la chambre de céans.

Il précisait qu’il avait consulté la Dresse H______ six mois après avoir été licencié et qu’il continuait de la consulter, à raison de deux fois par mois, et prenait des antidépresseurs, soit du Cipralex 10 mg, depuis environ six mois.

Entendue en qualité de témoin, Madame I______, qui travaillait à l’époque des faits au sein du service du personnel de l’employeur, a expliqué que Mme E______ avait quitté l’employeur, raison pour laquelle elle n’était pas venue témoigner. Mme I______ exposait qu’à l’époque des faits, elle avait été chargée de faire signer les contrats de travail avec l’assuré, précisant qu’il y avait eu, tout d'abord, un contrat de durée déterminée qui avait été établi du 11 juin 2018 au 5 octobre 2018, en qualité d'auxiliaire. Le contrat de durée déterminée avait ensuite été prolongé jusqu'au 12 octobre 2018, par lettre du 12 septembre 2018. Le contrat de durée indéterminée avait été établi le 5 octobre 2018 et prévoyait une entrée en vigueur le 1er novembre 2018 en reprenant l'ancienneté au 11 juin 2018. Le témoin confirmait qu’au début, les choses se passaient bien avec le recourant puisque le contrat de durée déterminée avait ensuite été transformé en contrat de durée indéterminée. Le témoin confirmait également qu’on ne lui avait pas demandé de préparer un nouveau contrat de durée déterminée qui aurait dû faire suite au contrat de durée indéterminée du recourant, selon les explications de ce dernier.

Le témoin confirmait que M. D______ était toujours en activité auprès de l’employeur et qu’en ce qui concernait cette affaire, elle avait compris, sur la base du dossier, que l’employeur souhaitait déplacer provisoirement le recourant sur un autre site, afin que ce dernier ne soit plus en contact avec M. D______ et que dans l'intervalle, une solution plus pérenne puisse être trouvée. Le témoin confirmait que lors de cette transition, il était exact que le recourant était passé d'une activité plus large que celle d'un nettoyeur chez Société Générale, à une activité qui était réduite au nettoyage chez J______.

Sur question de la représentante de l'intimée, le témoin a confirmé qu’il était exact que c’était après le rapport d'incident du 3 mai 2019, établi par M. F______, que la décision de licencier le recourant avait été prise par l’employeur.

e. Suite à l’audience, le recourant n’a pas transmis les pièces médicales confirmant son suivi auprès du CAPPI K______.

f. Par courrier du 28 janvier 2022, l’intimée a informé la chambre de céans que, faute de recevoir un rapport médical permettant de rendre vraisemblable que le comportement du recourant, qui avait conduit au licenciement, avait pu être influencé par son état de santé, la sanction prononcée dans la décision querellée était maintenue.

g. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

h. Les autres faits seront repris - en tant que de besoin - dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 et ss LPGA).

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision sur opposition du 14 août 2020, prononçant une suspension du droit à l'indemnité de chômage du recourant d'une durée de 16 jours.

4.              

4.1 L'art. 8 LACI énumère les conditions d'octroi de l'indemnité de chômage. L'assuré doit, pour bénéficier de cette prestation prévue par l'art. 7 al. 2 let. a LACI, être sans emploi ou partiellement sans emploi, avoir subi une perte de travail à prendre en considération, être domicilié en Suisse, avoir achevé sa scolarité obligatoire et n'avoir pas encore atteint l'âge donnant droit à une rente AVS et ne pas toucher de rente de vieillesse de l'AVS, remplir les conditions relatives à la période de cotisation ou en être libéré, être apte au placement et satisfaire aux exigences de contrôle (art. 8 al. 1 LACI). Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 215 consid. 2). Elles sont précisées par plusieurs dispositions de la LACI et de l’ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (OACI - RS 837.02), ainsi que – dans les limites d’admissibilité de telles directives administratives (ATF 144 V 202 ; 144 V 195 ; ATAS/1191/2014 du 18 novembre 2014 consid. 4 p. 5 s. et doctrine et jurisprudence citées) – par les instructions édictées par le SECO en sa qualité d’autorité de surveillance de l’assurance-chômage chargée d’assurer une application uniforme du droit (art. 110 LACI), notamment par le biais du Bulletin relatif à l’indemnité de chômage (Bulletin LACI IC).

4.2 Selon l’art. 30 al. 1 let. a LACI, le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi que celui-ci est sans travail par sa propre faute.

L’art. 44 al. 1 let. a OACI précise qu’est réputé sans travail par sa propre faute notamment l’assuré qui par son comportement, en particulier par la violation de ses obligations contractuelles de travail, a donné à son employeur un motif de résiliation du contrat de travail.

La suspension du droit à l’indemnité de chômage prononcée en application de cet art. 44 al. 1 let. a OACI ne suppose pas une résiliation des rapports de travail pour de justes motifs au sens des art. 337 et 346 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220). Pour qu’une sanction se justifie, il suffit que le comportement général de l’assuré, au travail, mais aussi en dehors des heures de service, ait donné lieu au congédiement, même sans qu’il y ait de reproches d’ordre professionnel à faire à l’assuré, ou aussi lorsque l’employé licencié présente un caractère, dans un sens large, qui rendait les rapports de service intenables. Pour qu’une sanction soit justifiée, il faut cependant que l’assuré ait délibérément contribué à son renvoi et que son comportement (et non une autre circonstance) ait été la cause de son chômage ; il doit s’être rendu compte que son comportement pouvait déboucher sur un renvoi (Boris RUBIN, Assurance-chômage et service public de l’emploi, 2019, n. 490 ss ; Bulletin LACI IC ch. D 16 ss).

5.              

5.1 La suspension du droit à l'indemnité est soumise exclusivement aux dispositions de la LACI et de ses dispositions d'exécution (Thomas NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 2ème éd. 2007, p. 2424 n. 825). L'art. 30 al. 1 let. d LACI dispose que le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi que celui-ci n’observe pas les prescriptions de contrôle du chômage ou les instructions de l’autorité compétente. Le défaut ou l’insuffisance de recherches d’emploi et la remise tardive de recherches d’emploi effectuées représentent des inobservations des prescriptions de contrôle du chômage ou des instructions de l’autorité compétente, visées par l’art. 30 al. 1 let. d LACI.

Selon la jurisprudence, la suspension du droit à l’indemnité est destinée à poser une limite à l’obligation de l’assurance-chômage d’allouer des prestations pour des dommages que l’assuré aurait pu éviter ou réduire. En tant que sanction administrative, elle a pour but de faire répondre l’assuré, d’une manière appropriée, du préjudice causé à l’assurance-chômage par son comportement fautif (ATF 133 V 89 consid. 6.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C 316/07 du 6 avril 2008 consid. 2.1.2).

Les motifs de suspension précités peuvent donner lieu à une sanction non seulement en cas de faute intentionnelle, mais aussi en cas de négligence légère. D’une manière générale, un comportement simplement évitable justifie une sanction (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, ad. art. 30 n. 15).

Conformément à l’art. 30 al. 2 LACI, l'autorité cantonale prononce la suspension au sens de l'al. 1, let. d. La durée de la suspension est proportionnelle à la gravité de la faute selon l'art. 30 al. 3, 3ème phr. LACI. L'OACI distingue trois catégories de faute - à savoir les fautes légères, moyennes et graves - et prévoit, pour chacune d'elles, une durée minimale et maximale de suspension, qui est de 1 à 15 jours en cas de faute légère, de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne, et de 31 à 60 jours en cas de faute grave (art. 45 al. 3 OACI). Si l'assuré est suspendu de façon répétée dans son droit à l'indemnité, la durée de la suspension est prolongée en conséquence. Les suspensions subies pendant les deux dernières années sont prises en compte dans le calcul de la prolongation (art. 45 al. 5 OACI).

Selon la jurisprudence rendue à propos de l'ancien art. 45 al. 2bis OACI (devenu l'art. 45 al. 5 OACI), il y a lieu de sanctionner plus sévèrement un assuré qui a déjà fait l'objet d'une sanction antérieure et ce sans égard à la nature des motifs de sanction retenus (arrêt du 4 mai 2010 [8C_518/2009] consid. 5). En cas de succession de fautes liées à des motifs de sanction différents, pour la dernière faute commise, il convient d'appliquer la fourchette correspondant au motif de la dernière faute, et ce pour un premier manquement, à quoi il faut ajouter quelques jours de suspension, selon l'appréciation de l'autorité compétente (barème SECO, D63a-D64). Plus le premier manquement est grave et récent, plus le nombre de jours à ajouter pour la dernière faute commise doit être élevé (Boris RUBIN, op. cit., n. 126 ad art. 30).

La durée de la suspension du droit à l'indemnité de chômage est fixée compte tenu de la faute, mais aussi du principe de proportionnalité (Thomas NUSSBAUMER, op. cit., p. 2435, n. 855).

5.2 En tant qu'autorité de surveillance, le SECO a adopté dans son bulletin LACI IC un barème indicatif à l'intention des organes d'exécution. Un tel barème constitue un instrument précieux pour les organes d'exécution lors de la fixation de la sanction et contribue à une application plus égalitaire des sanctions dans les différents cantons. Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d'apprécier le comportement de l'assuré compte tenu de toutes les circonstances - tant objectives que subjectives - du cas d'espèce, notamment des circonstances personnelles, en particulier celles qui ont trait au comportement de l'intéressé au regard de ses devoirs généraux d'assuré qui fait valoir son droit à des prestations (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_601/2012 du 26 février 2013 consid. 4.1, non publié in ATF 139 V 164 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_537/2013 du 16 avril 2014 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_425/2014 du 12 août 2014 consid. 5.1). De plus, les directives administratives ne sont pas contraignantes pour le tribunal. Toutefois, la juridiction en tient compte dans sa décision, pour autant qu'elles permettent une interprétation des dispositions légales applicables qui soit adaptée au cas d'espèce et lui rende justice. Le juge ne s'écarte donc pas des directives administratives sans motif pertinent si elles représentent une concrétisation convaincante des exigences légales. À cet égard, les efforts de l'administration pour assurer une application égale de la loi par le biais de directives internes sont pris en compte (arrêt du Tribunal fédéral 8C_214/2020 du 18 février 2021 consid. 3.2 ; ATF 141 V 365 consid. 2.4).

Selon le barème SECO, lorsque la personne assurée est suspendue durant la période d’observation de deux ans pour la même raison (le même état de fait), l’autorité cantonale respectivement les offices régionaux de placement prolongent la durée de suspension en suivant la grille de suspension (chiffre D63c) (arrêt du Tribunal fédéral 8C_214/2020 du 18 février 2021 consid. 3.2). Toujours selon le barème SECO (D79), le défaut de recherches d'emploi ou la remise tardive de celles-ci pendant la période de contrôle entraînent la première fois une suspension de 5 à 9 jours, la seconde fois une suspension de 10 à 19 jours et la troisième fois le renvoi pour décision à l'autorité cantonale.

5.3 La quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 8C 194/2013 du 26 septembre 2013 consid. 5.2). Le pouvoir d’examen de la chambre de céans n’est pas limité à la violation du droit mais s’étend également à l’opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l’opportunité de la décision en cause, l’examen du tribunal porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l’autorité, dans un cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d’appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n’aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Le juge des assurances sociales ne peut toutefois, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l’administration ; il doit s’appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C 758/2017 du 19 octobre 2018 consid. 4.3 ; Boris RUBIN, op. cit., n. 110 ad art. 30).

6.             En ce qui concerne la preuve, le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2). Il n'existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

7.             La procédure est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par le juge. Mais ce principe n’est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l’instruction de l’affaire (art. 61 let. c LPGA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 I 183 consid. 3.2). Le devoir du juge de constater les faits pertinents ne dispense donc pas les parties de collaborer à l’administration des preuves en donnant des indications sur les faits de la cause ou en désignant des moyens de preuve (ATF 130 I 184 consid. 3.2 ; ATF 128 III 411 consid. 3.2). Autrement dit, si la maxime inquisitoire dispense les parties de l’obligation de prouver, elle ne les libère pas du fardeau de la preuve. En cas d’absence de preuve, c’est à la partie qui voulait en déduire un droit d’en supporter les conséquences (ATF 117 V 264 consid. 3), sauf si l’impossibilité de prouver un fait peut être imputée à son adverse partie (ATF 124 V 375 consid. 3).

8.              

8.1 En l’espèce, les écarts de langage, le ton inapproprié et d’une façon générale, le comportement agressif du recourant envers son employeur sont démontrés par pièces, notamment les emails qu’il a envoyés à Mme E______ et l’email du 3 mai 2019 décrivant l’incident qui s’est déroulé sur le site de la société J______.

Le recourant ne conteste pas ces faits mais considère qu’il a été licencié pour un motif de représailles après qu’il se soit plaint du comportement de son supérieur hiérarchique, M. D______. Les versions diffèrent quant à la manière dont l’entretien a été mené par Mme E______ avec le recourant et M. D______. Quoi qu’il en soit, les pièces du dossier permettent d’établir que l’employeur a tenté de concilier le recourant et son supérieur hiérarchique, après quoi, faute de résultats, il a procédé à un déplacement du recourant sur un autre site, afin qu’il ne se trouve plus en contact avec M. D______.

L’interprétation que le recourant a fait de ce déplacement, soit, selon son ressenti, une tentative de mettre fin au contrat de durée indéterminée et de le remplacer par un contrat de durée déterminée de six mois, afin de se débarrasser de lui, ne peut être suivie.

En effet, les pièces du dossier montrent qu’à aucun moment, une proposition de remplacer le contrat de durée indéterminée par un contrat de durée déterminée de six mois n’a été faite au recourant. Le témoin de l’employeur a confirmé que le déplacement avait été décidé afin de mettre fin aux tensions entre le recourant et son supérieur hiérarchique mais qu’il n’y avait jamais eu de tentative de remplacer le contrat de durée indéterminée par un autre contrat de durée déterminée.

Interpellé lors de l’audience de comparution personnelle par le Président, qui lui faisait remarquer que son interprétation ne correspondait pas au texte des pièces qu’il citait, le recourant a persisté dans ses allégations.

Compte tenu de ces éléments, la chambre de céans considère qu’il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que le motif de résiliation du contrat du recourant ne consiste pas en des représailles pour avoir dénoncé le harcèlement dont il estimait faire l’objet de la part de M. D______ mais bien plutôt pour s’être entêté dans une position de plus en plus agressive, utilisant un langage inapproprié dans un contexte professionnel, traitant l’employée des ressources humaines de son employeur de menteuse et se montrant menaçant avec d’autres employés, alors qu’il était en train de travailler sur le site de l’entreprise J______.

Invité à soumettre à la chambre de céans d’éventuels documents médicaux pouvant attester d’une situation psychique particulière au moment des faits, ce qui pouvait être pris en compte au niveau de la faute ou de la sanction, le recourant n’y a pas donné suite. En se fondant sur ses déclarations lors de l’audience de comparution personnelle, la chambre de céans considère qu’il n’existe pas d’élément permettant de justifier l’attitude du recourant par des troubles psychiques, ce d’autant moins que ce dernier a attendu six mois après son licenciement pour aller consulter la I______. Au vu de ce qui précède, la décision de l’intimée, qui considère le recourant responsable de son licenciement, ne prête pas le flanc à la critique. Le principe de la faute est donc admis.

8.2 S’agissant de la quotité de la sanction, l’art. 45 al. 3 OACI prévoit trois catégories de fautes, soit les fautes légères, les fautes moyennes et les fautes graves, à sanctionner en principe d’une suspension du droit à l’indemnité de chômage pour une durée respectivement de 1 à 15 jours, de 16 à 30 jours et de 31 à 60 jours.

Tout chômage fautif ne constitue pas ipso jure un cas de faute grave. L’art. 45 al. 4 OACI érige en effet en faute grave l’abandon d’un emploi réputé convenable sans assurance d’obtenir un nouvel emploi et le refus d’un emploi réputé convenable, dans les deux cas sans motif valable.

Parmi les cas de chômage imputables à une faute de la personne assurée que prévoient les échelles de suspensions édictées par le SECO (Bulletin LACI IC ch. D 75 ad n° 1), seul celui visé par le n° 1B entre ici en ligne de compte, à savoir le licenciement du travailleur dans le respect des délais de congé en raison de son comportement, en particulier de la violation de ses obligations contractuelles de travail. Ce cas est qualifié de faute légère à grave, avec la précision que les avertissements de l’employeur peuvent entraîner un durcissement de la sanction et que leur nombre, leur intervalle, leur motif et le fait que le dernier avertissement précède ou non de peu la résiliation, sont des facteurs à prendre en compte.

Compte tenu de l’avertissement écrit du 15 avril 2019, qui a précédé la fin des rapports de travail, des tentatives de l’employeur de résoudre les difficultés du recourant, des réactions agressives de ce dernier et de son comportement en date du 3 mai 2019, la faute du recourant doit être qualifiée de moyenne en tenant compte du fait qu’il s’était imaginé - à tort - que son employeur voulait remplacer son contrat de durée indéterminée par un contrat de durée déterminée de six mois.

Dès lors, dans l’exercice du pouvoir d’appréciation qui est le sien en la matière, incluant un contrôle de l’opportunité (ATF 137 V 71 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_758/2017 du 19 octobre 2018 consid. 4.3), la chambre de céans estime, en tenant compte de l’ensemble des circonstances, que la suspension de 16 jours du droit aux indemnités, prononcée par l’intimée, respecte le principe de proportionnalité.

Compte tenu de ce qui précède, la chambre de céans n’a d’autre choix que de rejeter le recours.

9.             Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA, dans sa version – applicable en l’occurrence – en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020 en lien avec l’art. 1 al. 1 LACI).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le