Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1592/2021

ATAS/58/2022 du 18.01.2022 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1592/2021 ATAS/58/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 18 janvier 2022

1ère Chambre

 

En la cause

ÉCOLE DE DANSE A______, sise à GENÈVE

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


 

 

EN FAIT

A.      a. Madame A______ (ci-après : l’employeuse) emploie huit personnes dans le cadre de son école de danse à Genève.

b. Elle a transmis à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) un préavis de réduction de l’horaire de travail (ci-après : RHT) pour ses employés le 23 mars 2020 en raison de la « fermeture complète dès le 16 mars 2020 selon l’ordonnance fédérale ».

Par décision du 27 avril 2020, l’OCE a indiqué que, pour autant que toutes les autres conditions du droit soient remplies, la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse) pouvait octroyer l’indemnité pour la période du 17 mars au 16 septembre 2020.

B. a. Le 21 janvier 2021, l’employeuse a transmis à l’OCE un nouveau formulaire de préavis RHT pour six de ses employés à compter du 11 janvier 2021 en raison de « l’interdiction de donner / de faire du sport en intérieur pour les personnes de plus de 16 ans », à un taux de 21,7%.

b. Par décision du 29 janvier 2021, l’OCE a fait partiellement opposition à l’indemnité RHT et accepté la demande pour la période du 31 janvier au 29 avril 2021, précisant, d’une part, que l’employeuse n’ayant pas respecté le délai de préavis de 10 jours, la perte de travail n’était prise en considération qu’à partir de l’expiration de ce délai et, d’autre part, que la RHT ne pouvait être accordée que pour une période de 3 mois.

c. L’employeuse a formé opposition par courriel du 8 février 2021, au motif que le délai d’attente avait été supprimé du 1er septembre 2020 au 31 mars 2021 avec effet rétroactif selon les modifications inscrites dans la loi COVID-19 en décembre 2020 et mises en œuvre par le Conseil fédéral le 20 janvier 2021.

Invitée par l’OCE à lui faire parvenir une lettre d’opposition dûment signée, l’employeuse a, par courrier du 13 février 2021, confirmé son opposition partielle à la décision du 29 janvier 2021. Elle relève plus particulièrement que le canton de Genève a, depuis octobre 2020, pris des décisions plus restrictives concernant le sport que celles ordonnées par le Conseil fédéral.

Elle demande l’application des mesures rétroactives au 1er janvier 2021 selon la modification de l’ordonnance fédérale du 20 janvier 2021, ainsi que, de manière exceptionnelle et au vu des contraintes appliquées par le Conseil d’État depuis le 23 octobre 2020, le rétroactif au 1er novembre 2020 à titre compensatoire.

d. Par décision incidente du 5 mars 2021, l’OCE, constatant que l’opposition de l’employeuse du 8 février 2021 était concernée par les futures possibles modifications de la loi COVID-19 alors en cours de débats devant les chambres fédérales, a suspendu le traitement de celle-ci jusqu’au 20 mars 2021, date prévue pour le vote.

e. Par décision du 6 avril 2021, l'OCE a partiellement admis l’opposition et annulé sa décision du 29 janvier 2021, en ce sens que l’indemnité RHT était accordée pour six collaborateurs, à un taux de 22%, du 23 décembre 2020 au 22 juin 2021.

L’OCE a retenu que l’employeuse avait droit à l’indemnité en cas de RHT, dès lors qu’elle avait démontré de manière crédible qu’elle subissait bien une perte de travail et que cette dernière était attribuable à l’apparition de la pandémie et aux mesures prises par les autorités, soit dans le cas particulier, l'arrêté du Conseil d’État du 21 décembre 2020.

C.      a. L’employeuse a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) le 17 mai 2021 contre ladite décision. Elle conteste la date à compter de laquelle l’indemnité RHT lui a été accordée, ainsi que le taux et le nombre de collaborateurs retenus par l’OCE sur la base du mois de février 2021, au motif que ce « n’est pas révélateur de la situation des mois précédents et encore moins des suivants ». Elle rappelle que depuis octobre 2020, son établissement a subi de plein fouet les décisions prises par le Conseil fédéral et par celles plus restrictives encore du Conseil d’État.

b. Dans sa réponse du 8 juin 2021, l’OCE a déclaré qu’il persistait intégralement dans les termes de sa décision sur opposition du 6 avril 2021

c. La réponse de l’OCE a été transmise à l’employeuse. Celle-ci a été invitée à faire part de ses remarques. Elle ne s’est toutefois pas manifestée dans le délai imparti.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 à 60 LPGA).

3.        Le litige porte sur le point de savoir si c'est à bon droit que l'OCE a accordé à l’employeuse une indemnité RHT à compter du 23 décembre 2020 pour une période de six mois, pour 6 collaborateurs, à un taux de 22%. Il s'agit plus particulièrement d'examiner la question du point de départ de l'indemnité.

4.         

4.1 Afin de surmonter des difficultés économiques passagères, un employeur peut introduire, avec l’accord de ses employés, une RHT, voire une suspension temporaire de l’activité de son entreprise (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, ch. 1 relatif aux remarques préliminaires concernant les art. 31ss). En effet, selon l’art. 31 al. 1 let. b et d LACI, les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l’activité suspendue ont droit à l’indemnité en cas de RHT lorsque la perte de travail doit être prise en considération et est vraisemblablement temporaire, et si l’on peut admettre qu’elle permettra de maintenir les emplois en question. Une perte de chiffre d’affaires ne suffit pas à entraîner une indemnisation. Encore faut-il que cette perte se traduise par une diminution des heures travaillées (cf. RUBIN, op. cit., n. 4 ad art. 32 LACI). L’indemnité s’élève à 80% de la perte de gain prise en considération (art. 34 al. 1 LACI). L’indemnité en cas de RHT doit être avancée par l’employeur (art. 37 let. a LACI) et sera, par la suite, remboursée par la caisse de chômage à l’issue d’une procédure spécifique (art. 36 et 39 LACI), étant précisé qu’un délai d’attente de deux à trois jours doit être supporté par l’employeur (art. 32 al. 2 LACI et 50 al. 2 de l’ordonnance sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 31 août 1983 [ordonnance sur l’assurance chômage, OACI - RS 837.02], étant précisé que l’art. 50 al. 2 OACI a été supprimé temporairement en raison de la pandémie de coronavirus).

4.2 Le but de l’indemnité en cas de RHT consiste, d’une part, à garantir aux personnes assurées une compensation appropriée pour les pertes de salaire dues à des réductions de temps de travail et à éviter le chômage complet, à savoir des licenciements et résiliations de contrats de travail. D’autre part, l’indemnité en cas de RHT vise au maintien de places de travail dans l’intérêt tant des travailleurs que des employeurs, en offrant la possibilité de conserver un appareil de production intact au-delà de la période de réduction de l’horaire de travail (ATF 121 V 371 consid. 3a).

Une perte de travail est prise en considération lorsqu’elle est due, entre autres conditions, à des facteurs économiques et qu’elle est inévitable (art. 32 al. 1 let. a LACI). Ces conditions sont cumulatives (ATF 121 V 371 consid. 2a). Le recul de la demande des biens ou des services normalement proposés par l’entreprise concernée est caractéristique pour apprécier l’existence d’un facteur économique (DTA 1985 p. 109 c. 3a). L’art. 32 al. 3 phr. 1 prévoit en outre que pour les cas de rigueur, le Conseil fédéral règle la prise en considération de pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, à des pertes de clientèle dues aux conditions météorologiques ou à d’autres circonstances non imputables à l’employeur. L’art. 51 OACI concrétise l’art. 32 al. 3 LACI en énumérant, à son al. 2, de façon non exhaustive (cf. ATF 128 V 305 consid. 4), différentes situations (notamment des mesures d’autorités) permettant de prendre en considération une perte de travail (interdiction d’importer ou d’exporter des matières premières ou des marchandises (let. a) ; contingentement des matières premières ou des produits d’exploitation, y compris les combustibles (let. b) ; restrictions de transport ou fermeture des voies d’accès (let. c) ; interruptions de longue durée ou restrictions notables de l’approvisionnement en énergie (let. d) ; dégâts causés par les forces de la nature (let. e). L’art. 51 al. 4 OACI précise encore que la perte de travail causée par un dommage n’est pas prise en considération tant qu’elle est couverte par une assurance privée.

4.3 Les pertes de travail au sens de l’art. 51 OACI ne peuvent toutefois être prises en considération que si l’employeur ne peut les éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables ou s’il ne peut faire répondre un tiers du dommage (cf. art. 51 al. 1 OACI ; RUBIN, op. cit, n. 15 et 18 ad art. 32 LACI et les références citées). Cette condition est l’expression de l’obligation de diminuer le dommage voulant que l’employeur prenne toutes les mesures raisonnables pour éviter la perte de travail. La caisse niera le droit à l’indemnité uniquement si des raisons concrètes et suffisantes démontrent que la perte de travail aurait pu être évitée et s’il existe des mesures que l’employeur a omis de prendre (ATF 111 V 379 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 218/02 du 22 novembre 2002 consid. 2 ; Bulletin LACI RHT du Secrétariat d’État à l’économie [SECO], état au 1er janvier 2021, C3 et C4).

La seule présence d’un motif de prise en considération de la perte de travail au sens des art. 31 et 32 LACI n’est pas suffisante pour conduire à une indemnisation. Lorsque la perte de travail est due à l’un des motifs de l’art. 33 LACI, l’indemnisation est exclue. Ainsi, lorsqu’en plus des mesures prises par les autorités ou des circonstances indépendantes de la volonté de l’employeur au sens de l’art. 51 al. 1 OACI, l’une des conditions de l’art. 33 LACI est réalisée, par exemple en présence d’un risque normal d’exploitation, l’indemnisation est exclue (RUBIN, op. cit., n. 18 ad art. 32 LACI et n. 4 ad art. 33 LACI et les références citées, notamment ATF 138 V 333 consid. 3.2 et ATF 128 V 305 consid. 4a).

Selon la jurisprudence, doivent être considérées comme des risques normaux d’exploitation au sens de l’art. 33 al. 1 let. a LACI les pertes de travail habituelles, c’est-à-dire celles qui, d’après l’expérience de la vie, surviennent périodiquement et qui, par conséquent, peuvent faire l’objet de calculs prévisionnels. Les pertes de travail susceptibles de toucher chaque employeur sont des circonstances inhérentes aux risques d’exploitation généralement assumés par une entreprise. Ce n’est que lorsqu’elles présentent un caractère exceptionnel ou extraordinaire qu’elles ouvrent droit à une indemnité en cas de RHT. La question du risque d’exploitation ne saurait par ailleurs être tranchée de manière identique pour tous les genres d’entreprises, ce risque devant au contraire être apprécié dans chaque cas particulier, compte tenu de toutes les circonstances liées à l’activité spécifique de l’exploitation en cause (ATF 119 V 498 consid. 1 ; cf. aussi RUBIN, op. cit., n. 10 ad art. 33 LACI et les références citées).

Les pertes de travail liées aux risques économiques ordinaires, tels que le risque commercial, le risque de baisse de compétitivité par rapport à la concurrence, ou le risque de ne pas se voir attribuer un marché public, ne sont pas indemnisables. Dans le domaine de la construction, des délais d’exécution reportés à la demande du maître de l’ouvrage et des annulations de travaux en raison de l’insolvabilité de ce dernier ou à cause d’une procédure d’opposition ne représentent pas des circonstances exceptionnelles. De telles circonstances constituent dès lors des risques normaux d’exploitation. Pour une entreprise qui traite essentiellement avec un seul client important, la perte de ce client ou la perspective certaine d’une réduction des mandats constitue également une circonstance inhérente aux risques normaux d’exploitation (cf. RUBIN, op. cit., n. 13 et 16 ad art. 33 LACI et les références citées, notamment DTA 1998 consid. 1 p. 292).

5.        S’agissant plus spécifiquement de la procédure, l’art. 36 al. 1 LACI prévoit que lorsqu’un employeur a l’intention de requérir une indemnité en faveur de ses travailleurs, il est tenu d’en aviser l’autorité cantonale par écrit dix jours au moins avant le début de la réduction de l’horaire de travail. Le Conseil fédéral peut prévoir des délais plus courts dans des cas exceptionnels. Le préavis est renouvelé lorsque la réduction de l’horaire de travail dure plus de trois mois. Selon l’al. 2 de cette disposition, l’employeur doit indiquer dans le préavis : le nombre des travailleurs occupés dans l’entreprise et celui des travailleurs touchés par la réduction de l’horaire de travail (let. a) ; l’ampleur de la réduction de l’horaire de travail ainsi que sa durée probable (let. b) ; la caisse auprès de laquelle il entend faire valoir le droit à l’indemnité (let. c). Dans le préavis, l’employeur doit justifier la réduction de l’horaire de travail envisagée et rendre plausible, à l’aide des documents prescrits par le Conseil fédéral, que les conditions dont dépend le droit à l’indemnité, en vertu des art. 31 al. 1 et 32 al. 1 let. a, sont réunies. L’autorité cantonale peut exiger d’autres documents nécessaires à l’examen du cas (al. 3). Lorsque l’autorité cantonale estime qu’une ou plusieurs conditions dont dépend le droit à l’indemnité ne sont pas remplies, elle s’oppose par décision au versement de l’indemnité. Dans chaque cas, elle en informe l’employeur et la caisse qu’il a désignée (al. 4).

En raison de la propagation de la COVID-19, le Conseil fédéral a, le 28 février 2020, qualifié la situation prévalant en Suisse de « situation particulière » au sens de l’art. 6 al. 2 let. b de la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l’homme (loi sur les épidémies ; LEP - RS 818.101). Sur cette base, le Conseil fédéral a édicté l’Ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 28 février 2020 (RO 2020 573) puis l’Ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 13 mars 2020 (Ordonnance 2 COVID-19 ; RO 2020 773).

5.1 S’agissant du domaine particulier de l’indemnité en cas de RHT, le Conseil fédéral a adopté, le 20 mars 2020, l’ordonnance sur les mesures dans le domaine de l’assurance-chômage en lien avec le coronavirus (Ordonnance COVID-19 assurance-chômage ; RS 837.033), avec une entrée en vigueur rétroactive au 1er mars 2020 (art. 9 al. 1), qui prévoyait, à son art. 8b al. 1 que la société n’était pas tenue de respecter un délai de préavis, lorsqu'il avait l'intention de requérir l'indemnité en cas de RHT en faveur de ses travailleurs. Cette disposition a été abrogée avec effet au 1er juin 2020 (RO 2020 3569). Quant à l’art. 8c de l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage, il prévoyait qu’en dérogation à l’art. 36 al. 1 LACI, le préavis devait être renouvelé lorsque la RHT durait plus de six mois. Cette disposition a été abrogée par modification du 12 août 2020, avec effet au 1er septembre 2020 (RO 3569).

Aucune modification n’a toutefois été apportée aux critères relatifs à la perte de travail à prendre en considération (art. 31 al. 1 let. b et 32 al. 1 et 3 LACI).

L’ordonnance COVID-19 du 20 mars 2020 assurance-chômage a été modifiée le 20 janvier 2021. Elle prévoit dorénavant, à son art. 4, qu’« en dérogation à l’art. 33, al. 1, let. e, LACI, une perte de travail est prise en considération lorsqu’elle touche des personnes qui ont un emploi d’une durée déterminée ou qui sont en apprentissage ».

Le 19 mars 2021, l’Assemblée fédérale a adopté l’art. 17b de la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de COVID-19 (loi COVID-19 – RS 818.102). D’après son al. 1er, en dérogation à l’art. 36 al. 1 LACI, aucun délai de préavis ne doit être observé pour la RHT. Le préavis doit être renouvelé lorsque la RHT dure plus de six mois. À partir du 1er juillet 2021, une RHT pour une durée de plus de trois mois ne peut être autorisée que jusqu’au 31 décembre 2021 au plus tard. Toute modification rétroactive d’un préavis existant doit faire l’objet d’une demande auprès de l’autorité cantonale jusqu’au 30 avril 2021 au plus tard.

D’après le ch. III al. 7 de la modification du 19 mars 2021 à la loi COVID-19 (RO 2021 153), l’art. 17b al. 1 entre en vigueur rétroactivement le 1er septembre 2020 et a effet jusqu’au 31 décembre 2021.

Il ressort du message du Conseil fédéral relatif à une modification de la loi COVID-19 du 17 février 2021 que l’art. 17b crée une disposition directement applicable qui, après son entrée en vigueur, n’a pas besoin d’être mise en œuvre dans l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage. L’al. 1, 1ère phr. supprime totalement le délai de préavis pour toutes les entreprises. Le début de la RHT pourra être autorisé à partir de la date du préavis pour autant que toutes les autres conditions dont dépend le droit à l’indemnité soient remplies. Par ailleurs, selon l’art. 36 al. 1 LACI, le préavis doit être renouvelé et la RHT autorisée de nouveau si celle-ci dure plus de trois mois. L’al. 1, 2e phr. de l’art. 17b de la loi COVID-19 prévoit que l’autorisation de RHT émise par l’autorité cantonale sera désormais valable pendant six mois. Autrement dit, l’entreprise ne devra renouveler le préavis que si la RHT dure plus de six mois. Cette réglementation allégera la charge administrative des entreprises et des organes d’exécution (FF 2021 285, p. 29s.).

5.2 Selon la directive du SECO 2020/15 du 30 octobre 2020, sur l’actualisation « des règles spéciales dues à la pandémie », du fait de sa soudaineté, de son ampleur et de sa gravité, une pandémie n’est pas un risque normal d’exploitation à la charge de l’employeur, au sens de l’art. 33 al. 1 let. a LACI même si dans certaines circonstances elle est susceptible de toucher tout employeur. Les pertes de travail résultant d’un recul de la demande de biens et de services pour ce motif peuvent dès lors être pris en considération en application de l’art. 32 al. 1 let. a LACI. Toutefois, l’employeur doit démontrer de manière crédible que les interruptions de travail attendues dans son entreprise sont attribuables à l’apparition de la pandémie. Il ne suffit pas simplement de mentionner la pandémie comme justification (ch. 2.2).

Selon le ch. 2.3, dans le cadre des confinements progressifs, la plupart du temps, la justification en raison des mesures prises par les autorités devient caduque. L’activité doit reprendre normalement dès que cela est possible. Cette condition est l’expression de l’obligation de diminuer le dommage. Toutefois, le droit à l’indemnité en cas de RHT peut être maintenu, notamment lorsque l’entreprise doit rester fermée, parce que la perte consécutive à une réouverture serait plus importante que dans le cas d’une fermeture temporaire. Dans ce cas, l’employeur a droit l’indemnité en cas de RHT pour les travailleurs concernés, si les autres conditions du droit à l’indemnité sont réalisées. L’entreprise doit démontrer de manière admissible que la perte consécutive à une réouverture serait plus importante que dans le cas de fermeture temporaire. Si tel est le cas et que le risque de licenciement ou de fermeture définitive augmente, le droit à l’indemnité en cas de RHT s’applique de la même manière (3).

5.3 Sur le plan cantonal, le Conseil d’État a adopté plusieurs arrêtés, soit :

- le 23 octobre 2020, un arrêté modifiant celui du 14 août 2020 relatif aux mesures destinées à lutter contre l'épidémie de COVID-19 qui prévoit à son art. 10B al. 2, que « les cours et activités de danse, ainsi que les cours collectifs, notamment dans les fitness, sont interdits si les participants ne peuvent pas disposer d'un espace individuel minimum constant de 4 mètres carrés ».

- le 1er novembre 2020, l’arrêté d’application de l’ordonnance fédérale sur les mesures destinées à lutter contre l’épidémie de COVID-19 en situation particulière du 19 juin 2020 et sur les mesures de protection de la population qui prévoit, à son art. 10 al. 2, que « les activités présentielles dans les autres lieux qui dispensent de la formation de manière régulière ou occasionnelle sont autorisées si elles concernent des enfants âgés de moins de 12 ans, moyennant un plan de protection »,

et à son art. 15, que

« 1 Les activités sportives d'entraînement au sein d'un club, à l'exclusion des compétitions, sont autorisées en plein air ou au sein d'un centre sportif pour :

a. les enfants de moins de 12 ans en groupe d'au maximum 15 personnes ;

b. les personnes dès 12 ans, avec port du masque facial et respect de la distance requise, à titre individuel ou en groupes d’au maximum 5 personnes si les activités sportives n'impliquent pas de contact physique; elles peuvent renoncer au masque dans de grands locaux, pour autant que des règles supplémentaires en matière de distance et la limitation des capacités soient appliquées.

2 Les activités sportives suivantes, notamment les activités d’entraînement et les compétitions, sont autorisées en plein air ou dans un centre sportif pour :

a. les activités sportives de sportifs de haut niveau appartenant à l’un des cadres nationaux ou régionaux d'une fédération sportive nationale et s’entraînant à titre individuel, en groupes d’au maximum 15 personnes ou dans des équipes de compétition fixes ;

b. les activités d’entraînement et matches d’équipes appartenant à une ligue majoritairement professionnelle.

3 La limitation ne s'applique pas aux cours d'éducation physique dispensés dans le cadre scolaire.

4 L'activité de danse est soumise aux règles de l'alinéa 1, à l'exception des cours donnés dans le cadre scolaire ».

- le 21 décembre 2020, un arrêté modifiant celui du 1er novembre 2020 d’application de l’ordonnance fédérale sur les mesures destinées à lutter contre l’épidémie de COVID-19 en situation particulière du 19 juin 2020 et sur les mesures de protection de la population, qui prévoit,

à son art. 10A al. 3, que

« dans les domaines du sport, de la danse et de la culture, les articles 15 et 16 du présent arrêté sont réservés »,

et à son art. 15 al. 1 et 4, que

« 1 Dans le domaine du sport, les activités sportives (activités, cours, entraînements) suivantes sont autorisées :

a. les activités sportives d’enfants et d’adolescents de moins de 16 ans en groupe d'au maximum 15 personnes. Les compétitions sont interdites ;

b. les activités sportives qui n’impliquent pas de contact physique et qui sont exercées en plein air à titre individuel ou en groupes d’au maximum 5 personnes à partir de 16 ans, si les personnes concernées portent un masque facial ou respectent la distance requise. Les compétitions sont interdites.

( )

L'activité de danse est soumise aux règles de l'alinéa 1, à l'exception des cours donnés dans le cadre scolaire ».

6.        En l’espèce, l’employeuse exploite une école de danse. Elle a transmis le 21 janvier 2021 son formulaire de préavis, sollicitant l’indemnité RHT à compter du 11 janvier 2021. Appliquant le droit en vigueur au moment des faits, soit l’art. 36 al. 1 LACI, l’OCE ne s’est pas opposé au versement de ladite indemnité dès le 31 janvier 2021 pour une durée de trois mois, reportant ce faisant de dix jours le début du droit.

Par décision sur opposition du 6 avril 2021, l’OCE a reconnu le droit de l’employeuse à l’indemnité RHT à compter du 23 décembre 2020 pour une durée de six mois, sur la base de l’adoption, le 19 mars 2021, de l’art. 17b al. 1 de la loi COVID-19 et de l’arrêté du Conseil d’État du 21 décembre 2020.

Il n’est pas contesté que l’employeuse a subi une perte de travail due à la pandémie COVID-19 et plus particulièrement aux mesures prises par les autorités, qui peut être prise en considération (art. 32 al. 1 et 3 LACI). Il n’est pas contesté non plus qu’elle ne pouvait éviter cette perte de travail par des mesures appropriées et économiques supportables.

7.         

7.1 Dans son recours du 17 mai 2021, l’employeuse reproche à l'OCE de ne lui accorder l'indemnité RHT qu'à compter du 23 décembre 2020.

Elle relève que l’OCE ne mentionne pas dans sa décision du 6 avril 2021, l’art. 10B de l’arrêté du Conseil d’État du 23 octobre 2020, selon lequel les installations et les centres sportifs ont été fermés.

Elle ne comprend pas pour quelle raison l’OCE se fonde sur l’arrêté du Conseil d’État du 21 décembre 2020 pour fixer le début de son droit à l’indemnité RHT au 23 décembre 2020 et pas sur l’arrêté du 1er novembre 2020 ou sur l’ordonnance fédérale COVID-19 du 28 octobre 2020, laquelle a interdit les activités sportives aux plus de 16 ans selon son art. 6 e.

Elle considère que l’OCE se contredit lorsqu’il décide que la rétroactivité ne peut s'appliquer à l'arrêté du Conseil d'État du 1er novembre 2020, en invoquant le fait qu’une décision fédérale est indispensable pour ouvrir le droit à un rétroactif, mais lui accorde le droit à l’indemnité RHT à compter du 23 décembre 2020 sur la base de l'arrêté cantonal du 21 décembre 2020.

7.2 En l'occurrence, les arrêtés des 23 octobre 2020 et 1er novembre 2020, dont l'employeuse ne comprend pas pourquoi ils ne pourraient pas être pris en considération pour fixer le début de son droit à l'indemnité RHT, n'ont pas suivi les décisions fédérales. Ils ont été plus sévères. Le premier prévoit l’interdiction des cours et activités de danse, à moins que les participants puissent disposer d’un espace individuel minimum constant de 4 mètres carrés, et le second, la limitation des activités sportives à des groupes d'enfants de moins de 12 ans et à 15 participants au maximum, alors que le Conseil fédéral décidait une exception pour les moins de 16 ans.

Le Conseil d'État, dans son arrêté du 21 décembre 2020, s'est aligné en revanche sur les mesures fédérales, à son article 15 alinéa 1 lettre a, par renvoi de l’al. 4, autorisant l’activité de danse pour les enfants et adolescents de moins de 16 ans en groupe d’au maximum 15 personnes. Cet arrêté est entré en vigueur le 23 décembre 2020.

C’est sur cette base que l’OCE a accordé le droit de l’employeuse à l’indemnité RHT à compter du 23 décembre 2020.

7.3 Il y a toutefois lieu de rappeler que la loi COVID-19 a été modifiée suite aux votations du 19 mars 2021 des Chambres fédérales, votations en raison desquelles l'OCE a du reste suspendu le traitement de l'opposition formée par l'employeuse le 8 février 2021. Le délai de préavis de dix jours a été supprimé dès le 1er septembre 2020 (disposition transitoire de l’art. 17 b al. 1 de la loi COVID-19 modifiée), l'indemnité RHT accordée pour 3 mois a été prolongée à 6 mois et peut l'être rétroactivement dès la date de la fermeture s'il s'agit d'entreprises ayant dû fermer par décision fédérale de décembre 2020 ou de janvier 2021.

L'art. 17 b al. 2 de la loi COVID-19 modifiée prévoit en effet que pour les entreprises concernées par une réduction de l’horaire de travail en raison des mesures ordonnées par les autorités depuis le 18 décembre 2020, le début de la réduction de l’horaire de travail est autorisé à leur demande avec effet rétroactif à la date de l’entrée en vigueur de la mesure correspondante, ce en dérogation à l’art. 36 al. 1 LACI.

Conformément à l’art. 17b al. 1 de la loi COVID-19, entré en vigueur avec effet rétroactif au 1er septembre 2020, aucun délai de préavis ne doit être observé pour la RHT. Cette disposition institue ainsi une rétroactivité au sens propre, en ce sens que les faits juridiquement déterminants se sont produits avant l’adoption du nouveau droit.

7.4 L’art. 17 b al. 2 de la loi Covid-19 modifiée n’était pas encore en vigueur lorsque la décision initiale du 29 janvier 2021 a été rendue. Or, contrairement à l’art. 17 b al. 1, l’alinéa 2 ne prévoit pas de rétroactivité.

D'après les principes généraux, on applique, en cas de changement de règles de droit et sauf réglementation transitoire contraire, les dispositions en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 51/01 du 15 avril 2002 consid. 3). Le principe de la non-rétroactivité fait obstacle à l'application d'une norme à des faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur (ATF 122 V 405 consid. 3baa).

Selon la doctrine et la jurisprudence, en l’absence d’une disposition légale transitoire, la légalité d’un acte administratif doit en principe être examinée selon le droit en vigueur au moment où il a été édicté et un changement de loi intervenu au cours d'une procédure de recours devant un tribunal administratif n'a donc pas à être pris en considération. Un tel principe souffre une exception lorsqu'une application immédiate du nouveau droit s'impose pour des motifs impératifs, notamment lorsque les nouvelles dispositions ont été adoptées pour des raisons d'ordre public ou pour la sauvegarde d'intérêts publics prépondérants, en particulier dans le domaine de la protection de l'environnement. Pour une autorisation ayant un caractère durable ou pour l'examen d'un comportement ayant des conséquences dans le futur, les autorités de recours peuvent appliquer le nouveau droit si la révocation de l'autorisation octroyée est justifiée par le changement de loi (ATF 129 II 497 consid. 5.3.2).

Il n'y a pas lieu d'annuler une décision lorsqu'elle n'est pas conforme à l'ancien droit, mais qu'une décision identique devrait être prise sur la base du nouveau droit (ATF 129 II 497 consid. 5.3.2). Le Tribunal fédéral a encore relevé qu'il ne serait pas raisonnable d'annuler sur recours une autorisation ou une concession (ou de confirmer leur refus) pour violation de l'ancien droit, s'il appert qu'une nouvelle requête fondée sur le nouveau droit, par hypothèse plus favorable au requérant, devrait être admise (cf. Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème édition, p. 141).

7.5 En l’occurrence, l’employeuse a transmis son formulaire de préavis RHT le 21 janvier 2021, soit avant l’entrée en vigueur de l’art. 17 b al. 2 le 1er mars 2021. Elle peut ainsi bénéficier de l’art. 17 b al. 2 dès lors qu’il lui est plus favorable. Il va de soi que les mesures ordonnées par les autorités depuis le 18 décembre 2020 ont contraint l’employeuse à réduire ses activités. Peu importe qu’il s’agisse d’autorités cantonale ou fédérale.

Aussi le droit de l’employeuse à l’indemnité RHT doit-il être reconnu rétroactivement à compter du 18 décembre 2020.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement, en ce sens que l’employeuse a droit à l’indemnité RHT rétroactivement dès le 18 décembre 2020.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le