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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1240/2020

ATAS/1323/2021 du 21.12.2021 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1240/2020 ATAS/1323/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 21 décembre 2021

15ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à CHENS-SUR-LÉMAN, France, représenté par B______ SA

 

 

recourant

 

contre

AXA ASSURANCES SA, sise General-Guisan-Strasse 40, WINTERTHUR, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Patrick MOSER

 

 

intimée

 


EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1959, a travaillé en tant que technicien d’entretien pour le compte de la Fondation C______ de Genève jusqu’à la fin du mois de juin 2019. À ce titre, il était assuré pour les accidents auprès d’AXA assurances SA (ci-après : AXA ou l’intimée).

b. Par l’intermédiaire de son employeur, l’assuré a annoncé à AXA que, le 9 décembre 2017, il avait chuté à son domicile en glissant sur de la neige, alors qu’il allait chercher du bois. L’assuré a consulté les urgences de la Clinique des Grangettes le 13 décembre 2017. Dans son rapport du 14 décembre 2017, le docteur D______, médecin généraliste auprès de la Clinique des Grangettes, a indiqué que l’assuré avait chuté sur son épaule droite et présentait une contusion de l’épaule post-traumatique. Le docteur E______, de la consultation des urgences de la Clinique des Grangettes, a également fait état d’une chute accidentelle sur l’épaule droite, dans un rapport adressé à AXA le 20 décembre 2017. AXA a pris en charge les suites de l’accident.

c. Dans un rapport daté du 8 janvier 2018, le docteur F______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, a rappelé que le 9 décembre 2017, le patient avait « gliss[é] sur de la neige avec réception de tout son poids sur le moignon de l’épaule droite ». Quatre semaines après l’événement, l’assuré présentait toujours des douleurs permanentes, et bien que la mobilité s’était légèrement améliorée, l’intéressé ne parvenait pas à lever le bras au-dessus de 90°. Une lésion des tendons sus-épineux et sous-scapulaire était suspectée.

d. À la demande du Dr F______, une arthrographie et imagerie par résonnance magnétique (ci-après : IRM) de l’épaule droite a été pratiquée le 9 janvier 2018, à l’issue de laquelle le docteur G______, radiologue, a conclu à une déchirure transfixiante étendue du sus-épineux (avec rétraction tendineuse), du sous-épineux et du sous-scapulaire, ainsi qu’à une amyotrophie avec involution graisseuse (de type Goutallier III).

e. Dans un bref rapport daté du 15 janvier 2018, le Dr F______ a relevé que, contrairement à ce qu’il avait initialement supposé, le patient n’était pas en incapacité de travail. En effet, il parvenait à s’adapter en utilisant son bras gauche (non dominant) pour les manœuvres « en charge ». Par ailleurs, l’arthro-IRM avait confirmé l’existence de lésions tendineuses transfixiantes, nécessitant une intervention chirurgicale.

f. Dans un rapport du 17 octobre 2018, adressé au docteur H______ et consécutif à un examen pratiqué le 16 octobre 2018, le Dr F______ a fait état d’une amélioration spontanée des symptômes douloureux, notamment d’une disparition des douleurs au repos et nocturnes. Il subsistait une légère douleur de courte durée pour les travaux plus physiques ou en hauteur. À l’examen clinique, l’articulation acromio-claviculaire restait indolore. La mobilité était mesurée à 160°/170° et l’abduction à 150°/170°. Cela étant, indépendamment de l’amélioration subjective et objective concernant la fonction et les douleurs de l’épaule droite, le Dr F______ jugeait que les lésions tendineuses transfixiantes, avec début de rétractation, nécessitaient une suture chirurgicale, vu leur étendue.

g. Le 22 novembre 2018, l’assuré a été opéré de l’épaule droite par le Dr F______ (suture des tendons sus-épineux et sous-épineux, ténodèse du long chef du biceps et décompression sous-acromiale).

h. AXA a diligenté une expertise auprès du docteur I______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur. Dans son rapport du 6 février 2019, l’expert a considéré que l’événement du 9 décembre 2017 – une chute avec réception sur le moignon de l’épaule droite – avait entraîné une contusion de l’hémiceinture scapulaire droite et révélé la présence d’une coiffe dégénérative majeure de l’épaule droite. Selon lui, un choc direct contre le moignon de l’épaule, ne constituait pas une action vulnérante appropriée pour léser plusieurs tendons de la coiffe des rotateurs. Comme ces tendons étaient antagonistes, ils ne pouvaient simultanément se déchirer de manière traumatique. Une chute de cette hauteur n’avait pas induit de lésion traumatique fraîche, dans la mesure où les lésions mises en évidence par l’IRM effectuée un mois après le traumatisme (rétraction tendineuse associée à une dégénérescence graisseuse des muscles de l’épaule et une déstabilisation du long chef du biceps, ainsi qu’une chondropathie gléno-humérale) nécessitaient un processus évolutif chronique d’au moins un à deux ans. L'expert est parvenu à la conclusion que l’événement avait décompensé transitoirement un état antérieur préexistant jusqu’au 16 octobre 2018 (c’est-à-dire jusqu’à la consultation de l’assuré chez le Dr F______), date à laquelle le statu quo sine avait été atteint. En effet, dans son courrier relatif à la consultation du 16 octobre 2018, le Dr F______ avait indiqué que les douleurs n’étaient plus que légères, lors de travaux plus physiques ou en hauteur. En outre, son status clinique témoignait d’une mobilité active dans la norme, eu égard à l’âge de l’assuré. L’expert I______ en concluait que l’intervention chirurgicale du 22 novembre 2018 n’était pas à charge de l’assureur-accidents.

i. Invité par AXA à se déterminer sur diverses pièces transmises par un autre assureur et concernant un accident subi par l’assuré en décembre 2010, au niveau de l’épaule gauche, le Dr I______ a répondu, par courriel du 19 février 2019, que ces documents ne changeaient rien en ce qui concernait le problème de l’épaule droite. En 2010, l’assuré avait chuté avec le bras en flexion et s’était retenu avec la main gauche ; une impotence fonctionnelle était survenue immédiatement et ne s’était pas franchement améliorée. Contrairement au choc direct sur le moignon de l’épaule, dont l’assuré avait été victime en 2017, l’événement de 2010 était approprié pour léser un tendon dégénératif débutant. En outre, il n’avait pas été mis en évidence en 2010 de rétractation et d’atrophie graisseuse, de sorte que l’on était à l’époque en présence d’une probable aggravation déterminante. En revanche, suite à l’événement de 2017, les douleurs avaient régressé et l’assuré avait récupéré de ses limitations fonctionnelles. L’opération avait été effectuée pour prévenir une potentielle évolution défavorable au long cours et non pour un problème qui serait encore d’ordre traumatique.

B. a. Par décision du 11 avril 2019, AXA a mis un terme au versement des prestations avec effet au 16 octobre 2018, au motif que les lésions subies n’étaient, au-delà de cette date, plus en relation de causalité avec l’événement du 9 décembre 2017.

b. Par courrier du 15 mai 2019, l’assuré a formé opposition contre la décision précitée, arguant en substance qu’AXA avait échoué à rapporter la preuve qu’un statu quo sine avait été atteint, de sorte qu’elle devait poursuivre le versement des prestations légales au-delà du 16 octobre 2018.

c. L’assuré a sollicité le Dr F______ en lui demandant de remplir un questionnaire, ce que ce dernier a fait sous forme de rapport le 30 mai 2019. Le Dr F______ a contesté en substance l’expertise du Dr I______. Contrairement à ce qu’avait retenu ce dernier, on ne pouvait conclure « de manière certaine » à une coiffe dégénérative importante et antérieure au traumatisme, en l’absence de preuve scientifique démontrant que les lésions des tendons sus et sous-épineux étaient exclusivement dégénératives. Le mécanisme accidentel – une chute sur le bras étendu provoquant un choc axial avec effort tranchant – faisait partie des mécanismes susceptibles de léser les tendons de la coiffe des rotateurs, et à son sens, le traumatisme du 9 décembre 2017 était une cause probable de la lésion des tendons sus et sous-épineux. S’il était clair que la lésion du sous-scapulaire était chronique, la chronicité de la lésion des tendons sus- et sous-épineux était en revanche discutable. Par ailleurs, on ne pouvait déduire de son rapport d’octobre 2018 que l’assuré avait pu reprendre toutes ses activités sans limitations et qu’il était alors asymptomatique. Son rapport mentionnait que l’assuré avait pu reprendre la plupart de ses activités, mais pas la totalité. En outre, en octobre 2018, l’assuré n’était pas totalement asymptomatique : la fonction globale de l’épaule était bonne, mais pas à 100%, puisqu’il était nécessaire d’adapter les charges et de limiter considérablement les activités sportives. On ne pouvait affirmer que la mobilité de l’épaule était alors normale. Par ailleurs, le Dr F______ estimait que dans la mesure où le Dr I______ avait fait part de ses doutes sur l’indication chirurgicale, il s’était écarté de la mission d’expertise et avait enfreint le code de déontologie. S’agissant des suites post-opératoires, l’assuré avait recouvré une capacité de travail à 100 % après environ cinq mois et se disait satisfait de l’évolution, étant précisé que le potentiel d’amélioration existait encore pendant douze, voire vingt-quatre mois après l’opération. La force et les amplitudes articulaires s’étaient également améliorées depuis l’intervention.

d. À la demande d’AXA, le Dr I______ s’est déterminé sur les critiques formulées par le Dr F______, dans un rapport daté du 17 décembre 2019. Contrairement à ce qu’affirmait ce médecin, il avait été invité par AXA à se prononcer sur le traitement, la mission d’expertise contenant une question en ce sens. S’agissant du lien de causalité entre l’événement du 9 décembre 2017 et les lésions de l’épaule droite, le Dr F______ évoquait un mécanisme susceptible de léser les tendons de la coiffe, à savoir une chute sur le bras étendu en extension, ayant provoqué un choc axial dans l’épaule avec un effort tranchant. Le Dr F______ contestait ainsi l’existence d’un choc direct contre le moignon de l’épaule. Or, ce mécanisme accidentel ressortait directement de son courrier du 8 janvier 2018, dans lequel il avait décrit une glissade du patient sur de la neige « avec réception de tout son poids sur le moignon de l’épaule droite ». Il apparaissait donc que le Dr F______ modifiait a posteriori l’hypothèse de départ pour contester les conclusions de l’expertise. En outre, dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral avait jugé qu’une simple contusion directe sur l’épaule, sans autre circonstance, ne suffisait pas pour provoquer une lésion de la coiffe des rotateurs. Le Dr F______ admettait l’existence d’un état préexistant à l’événement de décembre 2017, mais sans apporter de preuve d’une aggravation déterminante. En outre, les amplitudes articulaires mentionnées six mois après l’intervention tendaient à démontrer que celle-ci n’avait pas apporté de gain significatif (flexion active-passive à 150°/160° contre 160°/170° avant l’opération, abduction à 160°/165° contre 150°/170°, rotation externe à 70°/80° contre 60°/80°). Le Dr I______ maintenait les conclusions formulées dans son expertise.

e. Par décision sur opposition du 3 mars 2020, AXA a confirmé sa décision du 11 avril 2019. Selon l’expertise probante du Dr I______, la chute avec choc direct sur l’épaule qu’avait subie l’assuré n’était pas susceptible de léser plusieurs tendons antagonistes de la coiffe des rotateurs. Les imageries par résonnance magnétique avaient montré une atteinte du sus-épineux qui ne pouvait atteindre un tel stade qu’un ou deux ans après un traumatisme. L’expert était parvenu à la conclusion que la contusion de l’épaule avait seulement révélé la présence d’une « coiffe dégénérative majeure de l’épaule droite », sans lésion fraîche, et que le statu quo sine avait été atteint lors de la consultation d’octobre 2018. L’expert s’était distancié du point de vue du Dr F______ quant à l’existence de lésions récentes des sus et sous-épineux. Par ailleurs, il convenait de tenir compte du principe jurisprudentiel selon lequel le médecin traitant était enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance l’unissant à ce dernier.

C. a. Le 28 avril 2020, l’assuré a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la CJCAS) d’un recours contre la décision sur opposition précitée, concluant, sous suite de frais et dépens, principalement à son annulation et à ce qu’AXA lui verse des prestations pour les suites de l’accident au-delà du 16 octobre 2018, subsidiairement à ce qu’AXA soit « tenue de payer sans délais les frais de l’intervention chirurgicale du 22 novembre 2018 [ ] ». En préambule, le recourant a relevé que les circonstances de l’accident n’étaient pas exactement celles relatées par le Dr I______, car il avait « évidemment eu un geste de protection du bras avant de tomber sur son épaule droite ». Il n’avait pas dit non plus à l’expert que ses douleurs et limitations fonctionnelles du bras avaient disparu. Sur le fond, l’expert était parti du principe qu’il avait chuté directement sur le moignon de son épaule droite sans esquisser de geste, ce qui s’avérait « finalement erroné ». L’expert admettait du reste que si l’action vulnérante avait été différente, ses conséquences l’auraient été aussi. Son accident ne s’apparentait pas à l’événement décrit dans la jurisprudence citée par l’expert, à savoir une simple contusion de l’épaule. En outre, c’était à tort que l’expert avait retenu un statu quo ante vel sine : contrairement à ce qu’avait laissé entendre l’expert, en octobre 2018, ses limitations avaient diminué mais pas disparu, raison pour laquelle il avait subi une intervention chirurgicale. Pour son épaule droite, il n’avait jamais bénéficié d’un retour à l’état de santé tel qu’il se présentait avant sa chute, en décembre 2017. Enfin, le Dr F______ avait contesté de façon convaincante l’existence d’une dégénérescence importante de l’épaule antérieure à l’accident. Si le Dr F______ ne niait pas l’existence d’un état dégénératif antérieur, il avait démontré que, selon toute vraisemblance, tous les tendons de la coiffe des rotateurs n’étaient pas rompus avant l’accident. Le recourant en tirait la conclusion qu’aucun statu quo ante vel sine ne pouvait avoir été atteint.

À l’appui de son recours, l’assuré a joint un bordereau contenant diverses pièces, dont une prise de position adressée au Tribunal fédéral en langue allemande le 1er octobre 2020 par la Société Suisse d’Orthopédie et de Traumatologie (Swiss Orthopaedics), ainsi qu’un rapport rédigé le 24 février 2020 par le Dr F______. Ce médecin y a indiqué qu’il persistait à contester les arguments développés par le Dr I______, qu’il jugeait incomplets et vagues.

b. Dans sa réponse du 29 octobre 2020, l’intimée a conclu au rejet du recours. L’allégation mentionnée dans le mémoire de recours, selon laquelle le recourant aurait effectué un geste réflexe d’évitement de la main pour se protéger ne trouvait aucun appui dans les pièces du dossier. En effet, dans les premières descriptions médicales postérieures à l’accident, il était mentionné une « contusion de l’épaule post-traumatique », ce qui correspondait à la teneur du rapport du Dr F______ de janvier 2018, lequel évoquait une glissade de l’assuré « avec réception de tout son poids sur le moignon de l’épaule droite ». Cette description de l’événement correspondait également aux éléments rapportés par l’assuré à l’expert. Conformément au principe des déclarations de la première heure, il convenait donc de retenir que l’assuré avait chuté directement sur le moignon de son épaule droite. Il ressortait de la littérature médicale qu’un choc direct contre l’épaule était impropre à entraîner une lésion de la coiffe des rotateurs. Par ailleurs, il était incontesté que le recourant souffrait de lésions scapulaires dégénératives au niveau des deux épaules antérieurement à l’accident, de sorte que l’obligation de prester de l’intimée prenait bel et bien fin au 16 octobre 2018, date du statu quo sine.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué les 24 novembre 2020 et 27 janvier 2021, persistant dans leurs conclusions respectives. Par écritures des 27 janvier et 17 février 2021, elles ont maintenu derechef leurs conclusions.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Par ailleurs, selon l’art. 58 al. 2 LPGA, si l’assuré ou une autre partie sont domiciliés à l’étranger, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de leur dernier domicile en Suisse ou celui du canton de domicile de leur dernier employeur suisse. En l’espèce, le recourant, domicilié en France, a travaillé en dernier lieu pour un employeur sis à Genève.

Partant, la chambre de céans est compétente à raison du lieu et de la matière pour connaître du recours.

2.             La LPGA, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, est applicable (art. 1 al. 1 LAA).

3.             Les décisions sur opposition et celles contre lesquelles la voie de l'opposition n'est pas ouverte sont sujettes à recours dans les trente jours suivant la notification de la décision sujette à recours (art. 56 et 60 LPGA).

Les délais commencent à courir le lendemain de leur communication ou de l'événement qui les déclenche (cf. art. 38 al. 1 LPGA et art. 17 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Les délais en jours ou en mois fixés par la loi ou par l'autorité ne courent pas du 7ème jour avant Pâques au 7ème jour après Pâques inclusivement (art. 38 al. 4 let. a LPGA et 89C LPA). En outre, selon l'art. 1 de l'ordonnance sur la suspension des délais dans les procédures civiles et administratives pour assurer le maintien de la justice en lien avec le Coronavirus [COVID-19] du 20 mars 2020 (ci-après : l'ordonnance sur la suspension), entrée en vigueur le 21 mars 2020 (à 00h00), lorsque, en vertu du droit fédéral ou cantonal de procédure applicable, les délais légaux ou les délais fixés par les autorités ou par les tribunaux ne courent pas pendant les jours qui précèdent et qui suivent Pâques, leur suspension commence dès l'entrée en vigueur de la présente ordonnance et dure jusqu'au 19 avril 2020 inclus (al. 1).

Interjeté le 28 avril 2019, dans la forme et le délai prévus par la loi – compte tenu de la suspension des délais du 22 mars au 19 avril 2020 –, le recours est recevable (art. 56 et 60 LPGA ; art. 89B LPA ; art. 1 et 2 de l'ordonnance sur la suspension des délais dans les procédures civiles et administratives pour assurer le maintien de la justice en lien avec le coronavirus du 20 mars 2020).

4.             La modification du 25 septembre 2015 de la LAA est entrée en vigueur le 1er janvier 2017. Dans la mesure où l'accident est survenu après cette date, le droit du recourant aux prestations d'assurance est soumis au nouveau droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2). Les dispositions légales seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017.

5.              

5.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.

5.2 La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

5.3 Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé : il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

5.4 En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident. Si un accident n'a fait que déclencher un processus qui serait de toute façon survenu sans cet événement, le lien de causalité naturelle entre les symptômes présentés par l'assuré et l'accident doit être nié lorsque l'état maladif antérieur est revenu au stade où il se trouvait avant l'accident (statu quo ante) ou s'il est parvenu au stade d'évolution qu'il aurait atteint sans l'accident (statu quo sine) (RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2017 du 6 juin 2018 consid. 3.2). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il a été causé ou aggravé par l'accident (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1003/2010 du 22 novembre 2011 consid. 1.2 et 8C_552/2007 du 19 février 2008 consid. 2).

5.5 Le droit à des prestations de l’assurance-accidents suppose en outre l’existence d’un lien de causalité adéquate entre l’accident et l’atteinte à la santé. En présence d’une atteinte à la santé physique, le problème de la causalité adéquate ne se pose toutefois guère, car l’assureur-accidents répond aussi des complications les plus singulières et les plus graves qui ne se produisent habituellement pas selon l’expérience médicale (ATF 118 V 286 consid. 3a et ATF 117 V 359 consid. 5d/bb ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 351/04 du 14 février 2006 consid. 3.2).

6.             Aux termes de l’art. 6 al. 2 LAA dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017, l’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles suivantes, pour autant qu'elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l'usure ou à une maladie : les fractures (let. a) ; les déboîtements d'articulations (let. b) ; les déchirures du ménisque (let. c) ; les déchirures de muscles (let. d) ; les élongations de muscles (let. e) ; les déchirures de tendons (let. f) ; les lésions de ligaments (let. g) ; et les lésions du tympan (let. h).

Dans un arrêt de principe du 24 septembre 2019 (ATF 146 V 51), le Tribunal fédéral a précisé que selon l’interprétation de l’art. 6 al. 2 LAA, l’application de cette disposition ne présuppose aucun facteur extérieur et donc aucun événement accidentel ou générant un risque de lésion accru au sens de la jurisprudence relative à l'art. 9 al. 2 aOLAA. Cependant, la possibilité pour l’assureur-accidents de rapporter la preuve prévue par l’art. 6 al. 2 LAA impose de distinguer la lésion corporelle assimilée, d’une lésion corporelle figurant dans la liste due à l'usure et à la maladie à charge de l’assurance-maladie. Dans ce contexte, la question d'un événement initial reconnaissable et identifiable est également pertinente après la révision de la LAA – notamment en raison de l'importance d'un lien temporel (couverture d'assurance ; compétence de l'assureur-accidents ; calcul du gain assuré ; questions juridiques intertemporelles). Par conséquent, dans le cadre de son devoir d’instruction (cf. art. 43 al. 1 LPGA), l'assureur-accidents doit clarifier les circonstances exactes du sinistre à l’annonce d’une lésion selon la liste. Si celle-ci est imputable à un événement accidentel au sens de l'art. 4 LPGA, l'assureur-accidents est tenu de verser des prestations jusqu'à ce que l'accident ne représente plus la cause naturelle et suffisante, c'est-à-dire que l’atteinte à la santé est fondée exclusivement sur des causes autres qu’accidentelles (voir consid. 5.1 et 8.5). Si, en revanche, tous les critères de la définition de l'accident au sens de l'art. 4 LPGA ne sont pas remplis, l'assureur-accidents est généralement responsable pour une lésion selon la liste selon l'art. 6 al. 2 LAA dans la version en vigueur depuis le 1er janvier 2017, à moins qu’il puisse prouver que la lésion est principalement due à une usure ou maladie (consid. 9.1).

Si aucun événement initial ne peut être établi, ou si seul un événement bénin ou anodin peut être établi, cela simplifie de toute évidence la preuve de la libération pour l'assureur-accidents. En effet, l'ensemble des causes des atteintes corporelles en question doit être pris en compte dans la question de la délimitation, qui doit être évaluée avant tout par des médecins spécialistes. Outre la condition précédente, les circonstances de la première apparition des troubles doivent également être examinées plus en détails (par exemple, un bilan traumatologique du genou est une aide utile pour l'évaluation médicale des blessures au genou, publié in BMS 2016 p. 1742 ss). Les différents indices qui parlent pour ou contre l'usure ou la maladie doivent être pondérés d'un point de vue médical. L'assureur-accidents doit prouver, sur la base d'évaluations médicales concluantes – au degré de la vraisemblance prépondérante – que la lésion en question est due de manière prépondérante à l'usure ou à la maladie, c'est-à-dire plus de 50 % de tous les facteurs en cause. Si la « palette des causes » se compose uniquement d'éléments indiquant une usure ou une maladie, il s'ensuit inévitablement que l'assureur-accidents a apporté la preuve de la « libération » et qu’il n’est pas nécessaire d’apporter des clarifications supplémentaires (consid. 8.6).

7.             Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

En principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S’il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l’objectivité ou l’impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l’éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l’existence d’éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C/973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

On ajoutera qu'en cas de divergence d'opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; SVR 2008 IV n. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_751/2010 du 20 juin 2011 consid. 2.2).

8.              

8.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

8.2 Par ailleurs, en présence de deux versions différentes sur les circonstances d'un accident, il convient en principe d'accorder la préférence à celle que l'assuré a donnée en premier, alors qu'il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être - consciemment ou non - le produit de réflexions ultérieures (ATF 121 V 45 consid. 2a p. 47 et les références ; voir aussi ATF 143 V 168 consid. 5.2.2).

8.3 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a ; 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 a Cst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; 122 V 157 consid. 1d).

9.             En l’espèce, dans sa décision du 11 avril 2019, confirmée sur opposition le 3 mars 2020, l'intimée a mis fin à ses prestations (frais de traitement) avec effet au 16 octobre 2018, au motif que les lésions subies n’étaient, au-delà de cette date, plus en relation de causalité avec l’événement du 9 décembre 2017. L'intimée a reconnu la survenance d'un accident au sens de l'art. 4 LPGA, mais a refusé la prise en charge des traitements dispensés ensuite de celui-ci postérieurement au 16 octobre 2018, notamment l'opération du 22 novembre 2018. L'intimée a fondé sa décision sur l’expertise du Dr I______, à l’issue de laquelle cet expert a considéré que l'accident avait seulement révélé la présence d’une lésion dégénérative majeure de la coiffe de l’épaule droite et causé une aggravation passagère d'un état antérieur jusqu’au 16 octobre 2018 au plus tard, date à laquelle le statu quo sine avait été atteint.

Le recourant requiert la prise en charge par l’intimée, au-delà du 16 octobre 2018, des suites de son accident, notamment les frais liés à l’intervention chirurgicale du 22 novembre 2018. Il soutient que les circonstances de l’accident ne correspondent pas exactement à ce qu’a relaté le Dr I______, car il aurait « évidemment eu un geste de protection du bras avant de tomber sur son épaule droite ». L’expert est parti du principe qu’il a chuté directement sur le moignon de son épaule droite sans esquisser de geste, ce qui, selon le recourant, s’avérerait « finalement erroné ». Par ailleurs, le recourant conteste le statu quo sine vel ante retenu par l’expert en octobre 2018. À cet égard, il fait notamment valoir qu’il n’a jamais bénéficié d’un retour à l’état de santé tel qu’il se présentait avant la chute, qu’en octobre 2018, ses limitations n’avaient pas disparu et que le Dr F______ a contesté de façon convaincante l’existence d’une dégénérescence importante de l’épaule antérieure à l’accident.

10.          

10.1 La chambre de céans constate, d’une part, que l’arthro-IRM du 9 janvier 2018 a mis en évidence une déchirure transfixiante du sus-épineux, du sous-épineux et du sous-scapulaire, ainsi qu’une amyotrophie avec involution graisseuse (de type Goutallier III). On se trouve donc en présence d’une déchirure tendineuse assimilée à un accident au sens de l'art. 6 al. 2 LAA (ATF 146 V 51 consid. 7.3). D’autre part, on doit admettre l’existence d’un évènement accidentel selon l'art. 4 LPGA en relation avec l'art. 6 al. 1 LAA, soit la chute du 9 décembre 2017, consécutive à une glissade sur de la neige. Dans l'ATF 146 V 51, le Tribunal fédéral a jugé que lorsque l'assureur-accidents avait admis l'existence d'un accident au sens de l'art. 4 LPGA et que l'assuré souffrait d'une lésion corporelle au sens de l'art. 6 al. 2 LAA, il devait prendre en charge les suites de la lésion en cause sur la base de l'art. 6 al. 1 LAA ; en revanche, en l'absence d'un accident au sens juridique, le cas devait être examiné sous l'angle de l'art. 6 al. 2 LAA (ATF 146 V 51 consid. 9.1, résumé dans la RSAS 1/2020 p. 33 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_169/2019 du 10 mars 2020 consid. 5.2). Dans la mesure où il est incontesté que l'événement du 9 décembre 2017 est constitutif d'un accident, la cause doit être examinée exclusivement sous l'angle de l'art. 6 al. 1 LAA.

Il convient donc d’examiner la question du lien de causalité entre les lésions révélées par l’imagerie et l’accident du 9 décembre 2017, à la lumière des principes exposés à l’ATF 146 V 51.

10.2 En l'occurrence, l’expert I______ s'est référé dans son rapport du 6 février 2019 au déroulement de l'accident, tel que décrit dans les rapports des Drs D______, E______ et F______ des 14 décembre 2017, 20 décembre 2017 et 9 janvier 2018, à savoir une chute avec réception sur le moignon de l’épaule droite. En substance, l’expert a estimé qu'un traumatisme avec choc direct contre le moignon de l'épaule n'était pas propre à provoquer une atteinte des tendons de la coiffe des rotateurs ou à aggraver de manière déterminante une lésion préexistante des tendons de la coiffe des rotateurs (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_446/2019 du 22 octobre 2019 consid. 5.2.2 et 5.2.3). À cet égard, l’expert a notamment exposé qu’un choc direct contre le moignon de l’épaule ne constituait pas une action vulnérante appropriée pour léser plusieurs tendons antagonistes de la coiffe des rotateurs, lesquels ne pouvaient simultanément se déchirer de manière traumatique. Les lésions mises en évidence par l’IRM effectuée un mois après le traumatisme nécessitaient un processus évolutif chronique d’au moins un à deux ans : en particulier, la rétractation presque complète du tendon du sous-scapulaire, associée à une atrophie dégénérative de type Goutallier III, relevait d’un processus dégénératif qui ne pouvait aboutir à un tel stade qu’après au moins trois ans, tandis que les lésions des sus- et sous-épineux (témoignant d’une rétractation à l’aplomb de la glène et, pour le sus-épineux, d’une dégénérescence graisseuse de stade I) nécessitaient un recul d’un à deux ans. L’expert a estimé que la chute n’avait entraîné qu’une contusion de l’hémiceinture scapulaire droite et révélé la présence d’une coiffe dégénérative majeure de l’épaule droite. Cette chute avait donc seulement décompensé transitoirement un état antérieur préexistant jusqu’au 16 octobre 2018 (c’est-à-dire jusqu’à la consultation de l’assuré chez le Dr F______, dont il était ressorti une mobilité scapulaire pratiquement normale et une régression sensible des douleurs), date à laquelle le statu quo sine avait été atteint.

La chambre de céans constate que l’expertise du Dr I______ comporte une anamnèse complète ainsi qu'une description des plaintes de l'assuré. Elle a été établie en pleine connaissance du dossier, notamment des imageries et des différents rapports établis suite à la chute du 9 décembre 2017. Par ailleurs, elle repose sur un examen clinique complet et ses conclusions sont dûment motivées, de sorte qu’elle satisfait aux réquisits jurisprudentiels en matière de valeur probante (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb). En outre, l'expert a expliqué que les lésions mises en évidence par l’IRM passée un mois après le traumatisme (rétraction tendineuse associée à une dégénérescence graisseuse des muscles de l’épaule et une déstabilisation du long chef du biceps, ainsi qu’une chondropathie gléno-humérale) nécessitaient un processus évolutif chronique d’au moins un à deux ans. Ainsi, même si le déroulement exact de la chute n'était pas connu, l'analyse de l'expert permettrait de comprendre pourquoi les lésions observées ne pourraient pas résulter de l'accident de 2017 mais trouveraient leur origine dans un état dégénératif remontant à une période antérieure de plusieurs années à cet accident.

10.3 Le recourant se prévaut des rapports du Dr F______ pour contester les conclusions de l'expert I______. C'est le lieu de rappeler que lorsqu'une appréciation repose sur une évaluation médicale complète - comme l'est celle du Dr I______ -, elle ne saurait être remise en cause pour le seul motif qu'un ou plusieurs médecins ont une opinion divergente. Pour qu'il en aille différemment, il appartient à la partie recourante de mettre en évidence des éléments objectivement vérifiables - de nature notamment clinique ou diagnostique - qui auraient été ignorés et qui seraient suffisamment pertinents pour en remettre en cause le bien-fondé (cf. supra consid. 7).

En l'espèce, quand bien même le Dr F______ est spécialisé en chirurgie de l’épaule et qu’il a cité, dans son rapport du 30 mai 2019, divers articles tirés de la littérature médicale, il n’en demeure pas moins que ce médecin n’a pas mis en évidence d'élément objectivement vérifiable qui aurait été ignoré et serait suffisamment pertinent pour remettre en question les conclusions de l'expert I______. Dans son rapport du 30 mai 2019, produit dans le cadre de l’opposition et visant à contester l’expertise du Dr I______, le Dr F______ est parti de l’hypothèse que l’assuré aurait subi une « chute sur le bras étendu en extension, provoquant un choc axial dans l’épaule [ ] provoquant un effort tranchant » (p. 13 de son rapport), ce qui constituerait, selon la littérature citée par ce médecin, un mécanisme susceptible de léser les tendons de la coiffe des rotateurs. Or, force est de constater que le mécanisme accidentel décrit a posteriori par le Dr F______, selon lequel l'assuré aurait « chuté sur le bras étendu en extension [ ] » ne trouve aucune assise dans le dossier et s'avère même être en contradiction avec les explications données par ce même médecin dans son rapport initial du 8 janvier 2018, lequel stipule que le patient a « gliss[é] sur de la neige avec réception de tout son poids sur le moignon de l’épaule droite ». Du reste, cette description initiale du mécanisme accidentel, soit celle d’une chute avec impact direct (« de tout son poids ») sur le moignon de l’épaule droite correspond en tout point à celle donnée par les Drs D______ et E______ (sous le champ « indications de la personne accidentée ») dans leurs rapports des 14 et 20 décembre 2017, adressés à AXA quelques jours après l’accident. On doit partir du principe que cette description reflète les déclarations faites initialement par l'assuré à ses médecins. Dans ces conditions, on ne saurait reprocher à l’expert I______ d’avoir considéré, conformément aux indications ressortant des pièces du dossier, que le recourant avait subi un choc direct sur le moignon de l’épaule droite.

À l’inverse, on ne peut que douter de la fiabilité des conclusions que le Dr F______ tire d'une (nouvelle) description du mécanisme accidentel faite une année et demie après l’accident, laquelle ne correspond pas à celle qu’il avait initialement donnée, ni à ce qui ressort des autres rapports versés au dossier. Cette description subséquente relève de la conjecture et reflète très vraisemblablement des informations données ultérieurement par l’assuré, dont la force probante ne saurait être jugée équivalente aux indications ressortant des premiers rapports consécutifs à l’accident (ATF 143 V 168 consid. 5.2.2). L’hypothèse d’une chute avec le bras en extension ne saurait donc être tenue pour établie au degré de la vraisemblance prépondérante, ce d’autant qu’elle n’a été avancée qu’après réception de l’expertise du Dr I______ et que le recourant semble n’avoir aucun souvenir précis du mécanisme accidentel dont il tente désormais de se prévaloir (« la vitesse à laquelle s’est déroulé l’événement justifie [ ] qu’il n’est pas possible de fournir des informations plus précises » ; « il y a raisonnablement lieu de partir du principe [qu’il] a [ ] tout de même réussi à faire un geste réflexe d’évitement de la main pour se protéger »). En outre, on relèvera que si le Dr F______ a jugé « discutable » que le recourant ait pu souffrir, antérieurement à l’accident, d’une lésion chronique du sus-épineux, il n’a en revanche pas remis en question l’existence « incontestable » d’une lésion chronique du sous-scapulaire. L’avis du Dr F______ rejoint donc pour l’essentiel celui de l’expert en ce qui concerne l’existence d’une dégénérescence tendineuse antérieure à l’accident. Dans la mesure toutefois où le point de vue du Dr F______ s’écarte de celui du Dr I______ en partant de l’hypothèse d’une chute subie avec le bras en extension (pour en déduire que ce mécanisme est susceptible de léser les tendons de la coiffe des rotateurs), il repose sur une prémisse non corroborée par les pièces du dossier et ne saurait donc prévaloir sur celui de l’expert. Pour le reste, on rappellera qu’il incombe au juge de tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin ou spécialiste traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 135 V 465 consid. 4.5 ; 125 V 351 consid. 3b/cc).

10.4 Enfin, au regard des circonstances du cas d’espèce et quoi qu’en dise le recourant, on ne saurait valablement reprocher à l’intimée de s’être référée, pour justifier sa décision, à l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_446/2019 du 22 octobre 2019. Dans cet arrêt, les juges fédéraux avaient indiqué que, selon un ouvrage d’Alfred SCHÖNBERGER / Gerhard MERTENS / Helmut VALENTIN (Arbeitsunfall und berufskrankheit, Rechtliche und medizinische Grundlagen für Gutachter, Sozialverwaltung, Berater und Gerichte, 8ème éd., p. 412 et 9ème éd., p. 432), l'application directe d'une force sur l'épaule (chute, contusion, coup) était impropre à léser un tendon de la coiffe des rotateurs, quand bien même la question était controversée dans la littérature médicale récente (cf. également les arrêts du Tribunal fédéral 8C_740/2020 du 7 avril 2021 consid. 4.1-4.2 et 8C_520/2020 du 3 mai 2021 consid. 6). En ce qui concerne la prise de position adressée par Swiss Orthopaedics au Tribunal fédéral le 1er octobre 2020, que le recourant a versée à la procédure (pièce 32 de son bordereau) dans le but de mettre en doute la pertinence de l’arrêt 8C_446/2019 précité, on relèvera que ce document a déjà été examiné par notre Haute Cour, sans que cela ne conduise à un changement de jurisprudence : les juges fédéraux ont constaté que l’avis de Swiss Orthopaedics portant sur la question de savoir si une chute avec impact direct sur l'épaule était susceptible de provoquer une rupture de la coiffe des rotateurs était loin de faire l'unanimité, comme en témoignait une publication récente (Der Schultertrauma-Check, Ursachen von isolierten Schädigungen der Rotatorenmanschette und deren [versicherungs-] medizinische Beurteilung, in: Medinfo/Infoméd n°2021/1). En outre, toujours selon le Tribunal fédéral, Swiss Orthopaedics avait elle-même reconnu, dans sa prise de position du 1er octobre 2020, que son point de vue – selon lequel un traumatisme direct de l'épaule sans extension explicite du bras pourrait également provoquer une lésion de la coiffe des rotateurs – n'était pas scientifiquement prouvé et relevait d’une pure opinion (arrêt du Tribunal fédéral 8C_672/2020 du 15 avril 2021 consid. 4.5).

10.5 En conclusion, la chambre de céans se rallie aux conclusions de l’expert I______. Elle retiendra donc, au degré de la vraisemblance prépondérante, que les atteintes de la coiffe des rotateurs mises en évidence par l’imagerie du 9 janvier 2018 sont d'origine exclusivement dégénérative et que la chute du 9 décembre 2017 n'a entraîné qu'une contusion de l'épaule droite - cela correspond du reste au diagnostic retenu par le Dr D______ dans son rapport du 14 décembre 2017 -, dont le statu quo sine doit être fixé à la fin du mois d’octobre 2018 au plus tard. Partant, l’opération destinée à soigner la coiffe des rotateurs de l’épaule droite n’est pas en lien de causalité avec l’accident assuré et l’intimée était fondée à en refuser la prise en charge.

11.         La documentation versée au dossier permettant déjà à la chambre de céans de statuer en connaissance de cause sur le bien-fondé de la décision attaquée, il n’y a pas lieu d’ordonner de mesures d’instruction complémentaires, par appréciation anticipée des preuves.

12.         Mal fondé, le recours est rejeté.

13.         Le recourant, qui succombe, n'a pas droit à des dépens.

La procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA).

******

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le