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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1421/2021

ATAS/1312/2021 du 15.12.2021 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1421/2021 ATAS/1312/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 15 décembre 2021

4ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à MEYRIN, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Pierre-Bernard PETITAT

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après l’assurée ou la recourante) est née le ______ 1964 en Éthiopie, de nationalité éthiopienne, divorcée de Monsieur B______ depuis ______ 1993, mère d’un enfant né le ______ 2002 et au bénéfice des prestations de l’Hospice général.

B. a. Le 3 septembre 2019, elle a transmis à l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après l'OAI ou l’intimé) un formulaire de détection précoce, précisant souffrir depuis le 2 septembre 2019 de dorsolombalgies chroniques. Elle travaillait alors comme assistance formatrice à 50% pour l’École de commerce et de culture générale Aimée-Stitelmann dans le cadre d’une mesure de l’Hospice général.

b. L’assurée a demandé des prestations de l’assurance-invalidité le 20 novembre 2019 indiquant être en incapacité de travail dès le 1er septembre 2019 à 100%, en raison de lombalgies chroniques.

c. Selon un rapport établi le 5 décembre 2019 par le docteur C______,médecine interne générale FMH, l’assurée était suivie par ce médecin dès le 8 avril 2019 avec un dernier contrôle le 28 novembre de la même année. L’assurée était totalement incapable de travailler. Ses dorsolombalgies avaient débuté au début de l’année 2019 et avaient progressé au fil des mois. Les douleurs étaient exacerbées en position statique assise ou debout. L’assurée avait également du mal à porter de lourdes charges et prenait du Tilur, notamment.

Les diagnostics étaient dorsolombalgies avec spondylarthrose L5-S1, L4-L5 et un syndrome de Baastrup. L’assurée avait quitté son poste à cause de problèmes de santé. En tant que formatrice, elle devait rester assise ou debout, ce qu’elle ne supportait plus. Une réinsertion professionnelle était possible. Elle était limitée dans le nettoyage et le port de charges. On pouvait attendre une heure de travail par jour de l’assurée dans l’activité exercée jusque-là. Le médecin ne s’est pas prononcé sur la capacité de travail dans une activité adaptée, au motif que cela dépendait de l’activité.

d. Dans un rapport établi le 18 octobre 2019, la doctoresse D______, spécialiste FMH en rhumatologie et en médecine interne, a indiqué avoir vu l’assurée le 11 octobre 2019. Des radiographies dorsolombaires avaient été effectuées le 8 avril 2019 et étaient normales. Un bilan biologique avait également été effectué et était normal selon la patiente. En conclusion, celle-ci présentait des rachialgies depuis le début de l’année 2019. Les douleurs semblaient plutôt mécaniques. Concernant la prise en charge, il était souhaitable qu’elle poursuive la physiothérapie avec des exercices de renforcement de postures et d’étirement des chaînes postérieures. Selon l’évolution, une IRM pourrait être utile.

e. Le 9 décembre 2019, la Dresse D______ a informé l’OAI qu’elle n’avait vu la patiente qu’à une seule reprise le 11 octobre 2019 et qu’elle ne pouvait répondre à des questions sur son état actuel.

f. Le 23 juin 2020, le Dr C______ a indiqué que depuis le 8 avril 2019, l’état de l’assurée était stationnaire et sans changement dans les diagnostics. Il l’avait vue le 5 mai et le 2 juin 2020. Elle ne pouvait pas porter des charges de plus de 3 kg, rester en position statique, assise, debout ou couchée, était limitée dans les distances de marche et avait des troubles du sommeil.

g. L’OAI a confié une expertise au docteur E______, médecine physique et réadaptation FMH, expert médical certifié SIM, du service médical régional de l’OAI (ci-après le SMR). Selon le rapport établi par ce dernier le 8 janvier 2021, l’atteinte à la santé était purement rhumatologique.

L’expert a procédé à un status et a résumé le dossier radiologique de l’assurée. Il a posé le diagnostic de dorsolombalgies chroniques non déficitaires dans le cadre de légères discopathies prédominant en L4-L5 et L5-S1 et possible syndrome de Baastrup, lequel était sans répercussion sur la capacité de travail de l’assurée.

Selon son appréciation du cas, l’assurée avait une faible stature physique et sa musculature était peu développée. Il y avait un relâchement de la sangle abdominale. La force était conservée aux quatre membres, mais l’assurée relâchait rapidement son effort. Sur le plan radiologique, les RX de la colonne dorsale du 8 avril 2019 montraient de légères discopathies dorsales prédominant dans la partie antérieure. Les RX de la colonne lombaire du 8 avril 2019 montraient également de légères discopathies qui prédominaient en L4-L5 et L5-S1. L’hypertrophie étagée des apophyses épineuses avec une minime sclérose de contact était compatible avec un syndrome de Baastrup (arthropathie inter-épineuse de contact). L’expert constatait une faible corrélation radio-clinique entre des douleurs qui prédominaient à la moitié inférieure de la colonne dorsale et aux deux tiers supérieurs de la colonne lombaire, et une atteinte dégénérative qui prédominait à la partie inférieure de la colonne lombaire. Lors d’un syndrome de Baastrup, on s’attendait à ce que les douleurs soient plus fortes lors des mouvements d’extension, mettant en contact les apophyses inter-épineuses alors que l’assurée signalait des douleurs plus fortes lors de la flexion. D’autre part, les douleurs permanentes, qui fluctuaient de 8 sur 10 à 10 sur 10, ne concordaient pas avec les mouvements spontanés de l’assurée. En effet, il n’y avait aucune mesure d’épargne de la colonne vertébrale. Les atteintes dégénératives constatées sur les RX du 8 avril 2019 étaient peu importantes et se rencontraient fréquemment avec l’âge. Dans son rapport du 18 octobre 2019, la Dresse D______ considérait que les RX étaient normales.

Dans ses rapports des 5 décembre 2019 et 23 juin 2020, le Dr C______ attestait d’une incapacité de travail de 100% depuis le 8 avril 2019. L’assurée indiquait toutefois avoir pu voyager jusqu’en Éthiopie durant l’été 2019 et avoir pu sortir régulièrement de son domicile et entretenir un réseau social. Elle s’occupait d’une partie de son ménage, tout en laissant à son fils le soin d’effectuer les tâches les plus lourdes. Au vu de ses différentes activités et d’un examen clinique rassurant, l’expert concluait que l’assurée avait une capacité de travail pour une activité légère. La mauvaise condition physique de celle-ci, avec une maigreur et une musculature peu développée, était à l’origine de limitations supplémentaires pour des activités physiques.

L’expert avait constaté des contradictions entre les rapports des médecins de l’assurée. Dans son rapport du 18 octobre 2019, la Dresse D______ indiquait que le périmètre de marche n’était pas limité et que l’assurée avait moins de douleurs couchée alors que dans ses rapports médicaux des 5 décembre 2019 et 23 juin 2020, le Dr C______ indiquait une limitation du périmètre de marche et une position couchée difficile. Ces contradictions et les incohérences relevées à l’examen clinique étaient vraisemblablement en lien avec un vécu douloureux de l’assurée. Des facteurs contextuels avaient vraisemblablement des effets défavorables : âge, long arrêt de travail, prise en charge par les services sociaux depuis de nombreuses années. Ils n’étaient toutefois pas pris en compte dans l’appréciation de la capacité de travail sur le plan médical.

L’assurée avait exercé principalement des activités légères en tant que secrétaire ou réceptionniste. Dans ces activités, les limitations fonctionnelles pouvaient être aisément respectées. La survenue de dorsolombalgies justifiait une incapacité de travail limitée dans le temps. Selon les rapports du Dr C______, l’incapacité de travail avait débuté le 8 avril 2019. Cette incapacité de travail n’avait toutefois pas perduré au-delà de l’été 2019 dans une activité de secrétaire ou de réceptionniste, vu la possibilité pour l’assurée de voyager jusqu’en Éthiopie. La capacité de travail exigible dans toute activité était de 100% depuis l’été 2019, à traduire en terme de métier par un spécialiste en réadaptation.

h. Par projet de décision du 25 janvier 2021, l’OAI a refusé l’octroi d’une rente d’invalidité et de mesures professionnelles à l’assurée. Il ressortait des documents professionnels et médicaux du dossier qu’elle était en incapacité totale de travailler depuis le 4 avril 2019, mais qu’à partir de l’été 2019, sa capacité de travail était entière dans toute activité. Dès lors, son incapacité de travail avait duré moins d’un an et les conditions d’octroi des prestations de l’assurance-invalidité n’étaient pas remplies.

C. a. Le 22 février 2021, l’assurée a formé opposition au projet précité. Elle a fait valoir qu’elle avait été dans l’incapacité de travailler à partir du 4 avril 2019, mais que par conscience professionnelle, elle avait quand même continué son travail jusqu’à la fin de son mandat, le 9 juin 2019. Du 9 juin au 31 août 2019, elle n’avait pas travaillé, car c’était les vacances scolaires. C’était pour cela qu’elle n’avait pas demandé de certificat médical. Elle pouvait donner plusieurs références de personnes qui pouvaient attester de ses absences au travail.

b. Le 2 mars 2021, le Dr C______ a certifié que l’assurée avait été en incapacité de travailler à 100% dès avril 2019 de manière ininterrompue.

c. Par décision du 8 mars 2021, l’OAI a refusé d’octroyer à l’assurée une rente d’invalidité et des mesures professionnelles. Ses courriers des 22 février et 4 mars 2021 n’apportaient pas d’éléments nouveaux susceptibles de modifier ses conclusions.

D. a. L’assurée, représentée par un conseil, a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, faisant valoir que l’intimé n’avait pas pris en compte le certificat médical du Dr C______ du 2 mars 2021, qui attestait d’une incapacité de travail ininterrompue à 100% depuis le mois d’avril 2019, ni son véritable état de santé au moment de la décision litigieuse. Selon les pièces médicales figurant au dossier, ses troubles avaient une grande influence sur sa capacité de gain et sa capacité résiduelle de travail jusqu’à ce jour.

Le rapport d’expertise du 8 janvier 2021 du Dr E______ n’était pas probant, car celui-ci n’était pas un spécialiste en rhumatologie et ne disposait pas des compétences médicales requises pour se prononcer sur l’incapacité de gain et définir le véritable état de santé de la recourante. L’expert semblait s’être fondé exclusivement sur le fait qu’elle avait pu aller en Éthiopie pour mettre fin à son incapacité de travail à l’été 2019, sans se référer à une pièce médicale pour appuyer cette opinion, ce qui la rendait peu crédible. L’expert, qui n’était pas spécialisé en rhumatologie, n’avait pas pris en compte la présence du syndrome de Baastrup chez l’assurée, ni analysé son cas dans sa globalité, au vu des diagnostics prononcés. Il aurait fallu compléter le dossier par l’instruction d’un rapport médical rhumatologique. En outre, l’expert avait émis, de façon contradictoire, un pronostic favorable sur le plan ostéo-articulaire en l’absence de lésions significatives, tout en relevant que les facteurs contextuels étaient défavorables pour une reprise du travail.

On ne pouvait déduire du fait que la recourante avait été capable de se rendre en Éthiopie en avion durant l’été 2019, qu’elle était alors apte à travailler à 100%. En effet, les conditions de vol étaient telles qu’elle avait pu se lever en cas de douleurs dues à une position assise trop longue et s’allonger, ce qui soulageait ses douleurs. De plus, il suffisait qu’elle soit parvenue à s’endormir pour qu’elle n’ait plus ressenti de douleurs jusqu’à l’atterrissage.

Concernant ses sorties avec ses amies, elle avait bien expliqué que celles-ci duraient moins d’une heure et cela correspondait à ses déclarations selon lesquelles elle ne pouvait marcher plus de 30 minutes. Certes, elle faisait les commissions, mais elle achetait seulement des choses légères à la Migros, qui était située à côté de chez elle, ce qui ne lui demandait pas des déplacements de plus d’une demi-heure. Par ailleurs, le fait qu’elle faisait ses courses, mais sortait également avec ses amies, pour des tâches administratives ou autres, répondait à ses besoins de soulager ses douleurs dorsales par la marche, tant que cette dernière ne durait pas plus d’une demi-heure, de même que la pratique de son ménage. Par ailleurs, il était de notoriété publique que les facteurs de stress, souvent davantage présents au travail que dans la vie quotidienne, augmentaient les douleurs dorsales. On ne pouvait donc comparer la situation de l’assurée dans la vie quotidienne ou à sa place de travail.

Selon le site du CHUV, la formation de médecins spécialistes en médecine physique et de réadaptation pouvait être suivie de celle d’un deuxième titre de spécialiste, notamment en rhumatologie ou orthopédie. Or rien n’indiquait en l’espèce que le Dr E______ disposait d’une telle spécialisation. On pouvait donc douter qu’il ait été compétent pour mener l’expertise de la recourante.

En conclusion, la recourante concluait à une instruction complémentaire, en particulier sur le plan rhumatologique, et à qu’il soit dit qu’elle avait droit à une rente de l’assurance-invalidité, avec suite de frais et dépens.

b. Le 15 juin 2021, l’OAI a répondu que le rapport d’examen clinique rhumatologique du 8 janvier 2021 répondait aux réquisits pour se voir reconnaître une pleine valeur probante.

c. La recourante a été entendue par la chambre de céans le 1er décembre 2021.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

3.             Le litige porte sur le droit de la recourante aux prestations de l’assurance-invalidité.

4.              

4.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

4.2 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4.6; arrêt du Tribunal fédéral 9C_301/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3).

4.3 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

4.4 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3).

Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

5.             En l’espèce, le rapport d’expertise du Dr E______, qui est employé de l’intimé, ne peut se voir reconnaître une pleine force probante, dans la mesure où ce médecin n’est, à teneur du dossier, pas spécialisé en rhumatologie, alors qu’il ressort de son rapport que l’atteinte de la recourante est purement rhumatologique. Par ailleurs, sa conclusion sur la capacité de travail de la recourante ne convainc pas, dans la mesure où il la motive essentiellement par le fait qu’elle a pu prendre l’avion pour se rendre en Éthiopie. La recourante a en effet expliqué lors de son audition par la chambre de céans qu’elle n’avait pas voyagé pour ses loisirs, mais pour se rendre au chevet de son père, qui avait eu une attaque cérébrale et qu’elle avait pu faire quelques pas pendant le voyage qui avait duré 8 heures, ce qui la soulageait beaucoup.

L’expert a retenu une contradiction entre le rapport établi le 18 octobre 2019 par la Dresse D______, qui indiquait que le périmètre de marche de la recourante n’était pas limité et qu’elle avait moins de douleurs couchée alors que dans les rapports médicaux du 5 décembre 2019 et du 23 juin 2020, le Dr C______ indiquait une limitation du périmètre de marche et une position couchée difficile. Plusieurs mois séparent les rapports de ces deux médecins, de sorte que les différences de contenu peuvent s’expliquer par l’aggravation de l’état de santé de la recourante, étant précisé qu’elle a indiqué à la chambre de céans qu’elle n’avait pas de problème pour marcher en octobre 2019 alors qu’elle en avait actuellement. Enfin, les conclusions sur la capacité de travail du Dr E______ ne correspondent pas à celles du Dr C______. Dans ces circonstances, les conclusions du Dr E______ sont suffisamment remises en cause, pour qu’il s’impose de faire procéder à une expertise complémentaire sur le plan rhumatologique par un médecin indépendant, selon la procédure de l'art. 44 LPGA.

6.             Le recours sera ainsi partiellement admis, la décision du 8 mars 2021 annulée et la cause renvoyée à l’intimé pour qu’il procède dans le sens précité.

La recourante obtenant ainsi partiellement gain de cause et étant assistée d’un conseil, elle a droit à des dépens, qui seront fixés à CHF 2'000.- (art. 61 let. g LPGA).

Un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge de l'intimé (art. 69 al. 1bis LAI).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision du 8 mars 2021.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire au sens des considérants.

5.        Alloue à la recourante une indemnité de CHF 2'000.- pour ses dépens, à la charge de l’intimé.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le